Intervention de M. Nicolas SARKOZY, ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire qui a reçu, à l'Hôtel de Beauvau, les pilotes de la Base de Marignane de la Sécurité Civile accompagnés des familles des pilotes disparus
Mesdames, Messieurs,
Les occasions de nous rencontrer n'ont pas manquées cet été, hélas !
Je voudrais que celle-ci, ici à Beauvau, soit pour vous un apaisement.
En effet, vous venez de vivre des moments difficiles. Je les ai partagés avec vous : vous les familles, vous les pilotes. Et j'ai compris votre douleur car, je vous l’ai déjà dit sur le tarmac de Marignane, elle a été aussi la mienne, c'est la mienne en tant qu'homme, c'est la mienne en tant que ministre.
J’ai ressenti l’intensité de vos sentiments comme j’ai bien compris votre farouche détermination à poursuivre l’œuvre entreprise.
C’est votre vocation individuelle, certes, puisque, cela est formidable, vous avez choisi vous-même plus qu’une simple profession, vous vous êtes choisi une passion : celle de voler. Mais voler utile, d'abord pour la grande majorité d'entre vous dans l'intérêt de la Nation aux commandes d'avions de combats, ensuite pour protéger et secourir au sein de la sécurité civile
Aussi, la détermination de chacun d’entre vous s’inscrit-elle dans une vision plus large, celle d’une réussite collective, unique en France et enviée à l’étranger, d’une performance en équipe où par définition, la réflexion et l’action de l’un soutient, oriente et enrichit la réflexion et l’action de l’autre.
Le groupe restreint que vous formez est notre fierté.
Mais je ne veux pas qu’il devienne notre inquiétude.
Bien entendu, nous ne sommes pas au-dessus du sort.
Toutefois, je vous l’ai dit, la fatalité, la loi des séries, cela se combat et cela se réduit.
C’est la raison pour laquelle j’attache beaucoup d’importance, et je crois que nous sommes en phase, pour qu’une étape nouvelle soit désormais franchie.
S'impliquant sans tarder dans la mission que je lui ai confiée, Christian de LAVERNEE a demandé à Michel RAZAIRE d'engager la réflexion.
Des groupes de travail, auxquels vous participez, ont été constitués, et chacun d'entre vous doit pouvoir s'y exprimer en toute liberté.
La généralisation des débriefings à l'issue des missions, le développement des enregistrements de la voix et les conditions d'exploitation des données des enregistrements de vol, l'organisation de la chaîne de sécurité des vols au sein de la base aérienne de la sécurité civile et du groupement des moyens aériens sont, parmi d'autres, les questions qui devront être abordées dans cette réflexion.
Celle-ci devra déboucher sur l'élaboration d'un plan d'action pour la sécurité des vols, qui entrera en vigueur dès l'intersaison 2006, et qui devra mettre l'accent, notamment sur le développement de l'approche dite "facteur humain", essentiel dans le domaine de la sécurité aérienne.
Oh ! Je sais bien que vous n’avez pas attendu notre rencontre d’aujourd’hui pour penser à la sécurité.
Mais je veux être pour vous le facilitateur de cette œuvre collective en vous redisant que toutes les propositions qui émergeront de votre travail collectif, je les soutiendrai.
En effet, il ne serait pas normal qu’en tant qu’homme, m’ayant fait partager votre peine, je n’agisse pas maintenant en tant que ministre. Je ne réponde pas aux devoirs de ma charge, comme vous répondez si bien aux devoirs de la vôtre.
Oui, votre sécurité prime sur la réussite de votre mission, surtout lorsqu'il n'y a pas de vie à sauver, de sapeurs-pompiers au sol menacés.
Vos connaissances techniques, comme la pratique que vous développez font de vous des spécialistes reconnus de la lutte aérienne contre les feux de forêts.
Conserver un haut niveau de qualification professionnelle n'est pas facile : les remises en question ouvrent la voie du progrès : je sais que vous êtes en phase avec cette démarche parce que c’est celle de l’excellence et de l’efficacité : c’est votre programme de travail pour les prochains mois, c'est mon travail que de vous y aider.
Et ensuite les meilleurs doivent transmettre leur savoir, partager leur expérience, former : c’est aussi notre garantie et la leur que de voir de nouveaux pilotes bénéficier des compétences et des qualités de leurs prédécesseurs.
Je vous le dis avec détermination :
Je veux réduire les occasions qui plongent les familles dans le malheur.
Je veux que chacun puisse raconter sa mission au retour.
Je veux que chacun rentre le soir à la maison.
Et pour ceux qui ont subi hélas la perte d’un être cher, je veux leur manifester de la solidarité et du soutien :
Marc et Claude LATY
(parents de Jean-Pierre LATY, pilote de canadair décédé le 8 mars 2004)
Simone, Christelle, Raphaël BEAUVAIS
(épouse et enfants de Jean BEAUVAIS, pilote de canadair décédé le 8 mars 2004)
Marie-Paule, Olivier, François-Xavier PIASENTIN
(épouse et enfants de Ludovic PIASENTIN, pilote de canadair décédé le 1er août 2005)
Dominique, Pierre, François DE BENEDICT
(épouse et enfants de Jean-Louis DE BENEDICT, pilote de canadair décédé le 1er août 2005)
Lydie, Annabelle, Quentin HUILLIER
(épouse et enfants de Régis HUILLIER, pilote de tracker décédé le 20 août 2005)
Corinne Laura Lucas POUZOULET
(épouse et enfants de Albert POUZOULET, pilote de tracker décédé le 20 août 2005)
tous vous devez affronter la vie, tous vous êtes privés d’une présence qui comptait infiniment pour vous, une présence qui vous appuyait dans la difficulté, une présence avec laquelle vous partagiez les plaisirs de la vie.
Sachez au moins que vous restez entourés par une vraie communauté soudée, celle de la base aérienne de la sécurité civile, celle du ministère de l’Intérieur, et qu’il y aura toujours de l’écoute et des solutions à Marignane comme à Beauvau pour vous aider si vous en avez besoin.
En conclusion de mon court propos, qui est un message d’amitié plus qu’un discours officiel, ce qui implique la franchise et la simplicité dans les mots, je veux vous dire que je suis très heureux de notre rencontre ici aujourd’hui, car elle exprime pleinement le réconfort que l’on puise dans la chaleur humaine quand on a l’ambition de construire ensemble, et cela dans le souvenir de ceux qui nous ont quittés.
Aussi, c’est avec l’émotion du cœur et la lucidité de la raison que je dis à chacun d’entre vous :
« Merci pour tout ce que vous faites ; merci pour tout ce que vous ferez, car il y a encore à faire ».