11.12.2006 - Déplacement de Nicolas SARKOZY à la préfecture de Seine-Saint-Denis

11 décembre 2006

Intervention de M. Nicolas SARKOZY, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire, lors de sa rencontre avec les agents de la direction des étrangers et les représentants de l'Agence Nationale d'Accueil des Etrangers et des Migrations (ANAEM) à la préfecture de Seine-Saint-Denis


Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs,

 Ce n'est pas un hasard si j'ai choisi de venir au service des étrangers de la préfecture de  Seine-Saint-Denis aujourd'hui. Aucun département de France n'illustre mieux la réalité de l'immigration en France que le vôtre.

440 000 ressortissants étrangers y résident, soit un tiers de la population. 30% des jeunes Français de moins de vingt cinq ans y ont au moins un parent étranger. On retrouve dans ce département toute la richesse que peut représenter l'immigration pour notre pays, en termes de jeunesse, de vitalité et de dynamisme. Pourtant, on y vit au quotidien les difficultés qui résultent de grandes concentrations de populations d'origines multiples dans certains quartiers.

 Je souhaiterais, en premier lieu, dire un grand merci aux agents de la direction des étrangers de Seine-Saint-Denis, et au-delà, à l'ensemble des fonctionnaires de ce département qui interviennent pour mettre en oeuvre la politique de l'immigration, en particulier les agents de l'ANAEM (Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations).

 Chaque jour, en Seine-Saint-Denis, vous devez faire face, plus que d'autres, à l'augmentation de la pression migratoire. En avril 1996, le nombre moyen des usagers qui se présentait à Bobigny variait entre 700 et 1 000. Dix ans après, il s'établit à 1 600 en moyenne, avec des pointes à 2 000. La direction des étrangers de Bobigny et la sous-préfecture délivrent aujourd'hui  75 000 cartes de séjours, dont 12 000 aux nouveaux arrivants.

 Je constate que malgré cette charge de travail considérable, en augmentation fulgurante sur quelques années, vous avez su répondre à mes instructions.

Les objectifs de la préfecture en matière de reconduites à la frontière seront presque atteints à la fin de l'année : 772 fin novembre pour un objectif annuel de 867. Ces chiffres sont en nette augmentation par rapport à 2005.

A cela s'ajoute la gestion des demandes d'asile, très lourde en Seine-Saint-Denis, avec plus de 4 000 nouvelles demandes par an. Je me réjouis toutefois que la baisse enregistrée au plan national se répercute dans le département, avec une spectaculaire diminution de 35% cette année.

 Vous avez parfaitement réussi à concilier les exigences de la lutte contre l'immigration clandestine et celles qui s'attachent à la prise en compte des situations à caractère humanitaire.

Ainsi, je tiens à vous remercier plus particulièrement pour la façon dont vous avez su gérer, cet été, l'application de la circulaire que je vous ai adressée le 13 juin.

5 635 demandes ont été déposées en Seine-Saint-Denis. 1 004 cartes de séjour ont été délivrées dans ce cadre. Vous avez procédé à un examen minutieux, au cas par cas, de chaque situation individuelle.

La façon exemplaire dont cette opération a été conduite en Seine-Saint-Denis illustre l'approche à la fois ferme et juste de la politique de l'immigration que j'entends mettre en œuvre.

Ferme parce que la France n'a pas les moyens de recevoir dignement tous ceux qui voient en elle un eldorado. Ceux qui ne respectent pas les règles de droit international et la loi sur l'entrée et le séjour devront retourner dans leur pays.

Juste parce que nous avons affaire à des personnes, pas à des dossiers. La situation de chaque personne doit être prise en compte avant toute décision. C'est là l'immense richesse du travail que vous faites.

 Je suis bien conscient de ce que l'augmentation de volume des flux en Seine-Saint-Denis complique singulièrement votre tâche. Je n'ignore pas les files d'attente interminables qui commencent la nuit ou la veille. Une attente de 10 ou 12 heures pour se présenter à un guichet, c'est pénible. Mais comment faire quand les flux d'usagers ont quasiment doublé en six ans ! On est en permanence dans une course poursuite entre les flux et les moyens.

 Vient le moment où il faut prendre ses responsabilités et dire "stop". Oui, il est grand temps de marquer un coup d'arrêt et de stabiliser les flux. A cet égard, la Seine-Saint-Denis illustre la situation globale de notre pays face à l'immigration.

 Nous avons beaucoup fait pour améliorer les conditions d'accueil à la direction des étrangers de cette préfecture. Nous avons mis en œuvre des moyens considérables à cette fin. Ainsi, dès février 2006, j'ai décidé de déléguer un crédit exceptionnel de 300 000 euros au préfet de Seine-Saint-Denis pour réaménager les locaux d'accueil et améliorer la gestion des flux. C'est anecdotique, mais néanmoins significatif : nous avons installé 250 sièges dans le hall d'accueil. On est donc passé de 150 à 400 sièges pour permettre aux usagers d'attendre dans des conditions moins inconfortables.

 J'ai toujours considéré que sur ce sujet aussi complexe et difficile, on ne résoudrait rien avec les méthodes classiques. Les solutions passent  par l'imagination,  l'innovation,  le renouveau. A vous qui êtes sur le terrain d'ouvrir la voie, de montrer l'exemple ! Il faut sortir des sentiers battus ! La direction des étrangers de la préfecture de Seine Saint Denis donne l'exemple.

Ainsi, j'observe que vous obtenez de bons résultats en matière d'aide au retour : 163 fin novembre, ce qui est remarquable par rapport aux données nationales. Cette réussite s'explique par deux initiatives précises :
• le choix de porter une attention particulière à certaines nationalités, par exemple les Sri lankais ;
• l'idée qui consiste à adresser systématiquement à l'ANAEM, en charge de l'aide au retour, le dossier des demandeurs d'asile déboutés par l'OFPRA.

Parfois on se dit : « pourquoi ne  pas y avoir pensé plus tôt ? ». Je souhaite tout simplement que ces deux innovations soient étendues à l'ensemble des préfectures de France. Et je tiens à vous féliciter pour cet esprit pionner. Il est exemplaire non seulement pour les autres services en charge des étrangers, mais pour le service public en général.

 Je tiens enfin à vous faire part de ma solidarité, de ma confiance et de mon soutien résolu. Vous faites un métier très difficile. Vous avez à gérer des situations parfois extrêmement délicates, de personnes qui ont fuit la misère et se retrouvent dans notre pays sans parler le français, perdus face aux démarches administratives à accomplir. Je connais les trésors de patience et de générosité dont vous faites preuve tous les jours.

Vous le savez, j'ai la volonté de construire les bases d'une immigration organisée, régulée, maîtrisée en concertation avec les pays d'origine. C'est tout le sens de mon action en tant que ministre de l'intérieur depuis 2002. Je vous le dis comme je le pense : ce défi est pour moi l'un des plus difficiles et des plus complexes.

Vous êtes soumis au quotidien à des attaques, à des injures, à des reproches qui dépassent largement les limites de l'acceptable. Les accusations portées par certains dirigeants politiques et par quelques associations sont inadmissibles. Les propos que j'ai lus ou entendus ces derniers mois sont tout simplement intolérables. Les mots ont un sens bien précis : déportation, chasse aux enfants. Ceux qui les exploitent à des fins politiciennes trahissent la mémoire des victimes de l'époque la plus sombre de notre histoire.

Nos concitoyens, dans leur immense majorité, ne sont pas dupes de ces manipulations et  sont à vos côtés.

Je demande au préfet de la Seine-Saint-Denis de ne pas laisser passer sans réagir les propos diffamatoires ou injurieux.

Nous n'avons pas à nous excuser d'appliquer la loi de la République, votée par un Parlement démocratiquement élu, approuvée par le Conseil constitutionnel !

Je sais que pour faire ce métier difficile et passionnant, les fonctionnaires de la direction des étrangers de Seine-Saint-Denis ont un caractère bien trempé.

Personne n'a de leçon de morale à vous donner !

Je sais que je peux compter sur vous, et c'est pourquoi, je vous le dis une nouvelle fois : vous avez toute ma confiance.