11.07.2006 - Inauguration de la sous-préfecture de TORCY (77)

11 juillet 2006

Intervention de M. Nicolas SARKOZY, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire sur le thème de la modernisation des préfectures et sous-préfectures, lors de l'inauguration de la sous-préfecture de TORCY (Seine-et-Marne)


Mesdames et messieurs,

Autant le dire sans détours : en tant que Ministre de l'Intérieur, j'ai plus souvent visité des commissariats de police que des préfectures ou des sous-préfectures, j'ai rencontré plus de policiers que d'agents du cadre national des préfectures. Et d'ailleurs je viens de passer quelques instants avec les fonctionnaires du Commissariat de NOISIEL.

La raison en est très simple : parmi les maux dont souffre notre société, la délinquance est celui qui créé les injustices les plus flagrantes, les plus violentes ; parmi les attentes de nos concitoyens à l'égard de l'Etat, le besoin de sécurité est celui qui s'exprime de la manière la plus exigeante et la plus immédiate. En 2002, en prenant la tête du ministère de l'intérieur, je me suis engagé devant les Français à mener une lutte résolue contre la délinquance. La situation l'exigeait : en 2001, pour la première fois dans notre histoire, les crimes et délits constatés par les policiers et les gendarmes avaient franchi la barre des 4 millions de faits. J'y ai consacré toute mon énergie, en affichant dans la transparence des résultats dont chacun peut juger. J'ai voulu montrer aux fonctionnaires de la police nationale et aux militaires de la gendarmerie que j'étais à leurs côtés, et qu'ils pouvaient compter tous les jours, et sur mon soutien, et sur mon exigence.

Je veux dire aujourd'hui aux agents du cadre national des préfectures que si j'ai fait ce choix, pour autant je n'ai pas, à aucun moment, perdu de vue ni le rôle qu'ils jouent dans les préfectures et les sous-préfectures, ni
l'effort permanent qu'ils accomplissent pour s'adapter à de nouvelles organisations, à de nouvelles missions, à de nouvelles exigences. Et c'est pour moi un triple symbole de pouvoir le dire ce matin, dans cette toute nouvelle sous-préfecture, dans ce jeune arrondissement de TORCY, et aussi dans le département dont sont élus le ministre du budget et de la réforme de l'Etat et le ministre de la fonction publique : les agents du cadre national des préfectures sont sans conteste à l'avant-garde de la réforme de l'Etat et de la modernisation de la fonction publique.

Avec près de 450 implantations, les préfectures et les sous-préfectures assurent, chacun le sait, des missions essentielles, qu'il s'agisse de la permanence de nos institutions, de la sécurité des personnes et des biens, de la protection des libertés individuelles et collectives ou, plus largement, de la régulation de la vie sociale.

Sur tout le territoire de la République, elles constituent les "maisons de l'Etat", au moins à double titre.

Elles le sont d'abord en ce qu'elles reçoivent un public large et diversifié. Je pense naturellement aux 20 millions d'usagers qui fréquentent chaque année leurs guichets, aux 40 000 personnes déjà accueillies, depuis janvier, aux guichets de la sous-préfecture de TORCY. Mais je pense aussi aux élus, dirigeants d'entreprises, responsables associatifs et syndicaux qui viennent s'asseoir autour des tables de réunion. Les préfectures et les sous-préfectures sont le lieu où s'expriment les aspirations de la société, et aussi le lieu où est rappelée la règle de droit.

Elles le sont également parce que c'est vers le préfet et ses services que se tournent aussi bien les élus que les fonctionnaires, dès lors que l'application des politiques publiques suppose une mise en cohérence locale, soit que tous les arbitrages nationaux n'aient pas été rendus – cela arrive –, soit que la complexité des situations locales l'impose, soit que la coordination avec d'autres partenaires l'exige.

Ces missions, les préfectures et les sous-préfectures les exercent en s'adaptant sans cesse pour mieux tenir compte de ce qu'il est convenu d'appeler "la demande sociale".  Je veux prendre quatre exemples pour illustrer mon propos.

S'agissant des titres, d'abord. Nos concitoyens veulent disposer de titres assortis d'une garantie de fiabilité absolue, mais ils veulent aussi que leur délivrance soit plus simple, plus rapide, plus directe. Cela signifie que les préfectures vont évoluer. Les tâches liées à la réalisation et à la délivrance des titres réglementaires – qui mobilisent aujourd'hui prés de 30% des moyens des préfectures – vont être progressivement réduites par l'intervention accrue de partenaires extérieurs et par la dématérialisation de certaines procédures. Pour autant, les préfectures continueront de s'impliquer dans ces procédures, mais au niveau du contrôle de la qualité des procédures, de sorte à concilier les exigences de sécurité et de simplicité. Enfin elles sont appelées à conserver leur rôle d'accueil et à renforcer leur capacité d'expertise, en particulier dans les domaines qui touchent au droit des étrangers et de la nationalité.

Je veux d'ailleurs rendre ici hommage à la très forte mobilisation des fonctionnaires des préfectures dans la mise en œuvre de la politique de l'immigration qui constitue une de mes priorités, au même titre que la sécurité et la prévention de la délinquance. L'augmentation des flux migratoires est le reflet d'un monde en pleine transformation. L'immigration s'impose comme un enjeu politique fondamental dans toutes les grandes démocraties européennes. Je mesure les efforts nécessaires pour conserver la parfaite expertise qu'exige un droit complexe et évolutif. Je mesure les efforts nécessaires pour répondre au flux des demandes d'admission au séjour, en particulier celles qui concernent en ce moment les familles d'enfants nés et scolarisés en France. Les fonctionnaires des préfectures donnent, au travers leur mobilisation, la preuve qu'ils comprennent les enjeux de cette politique. Je veux les en remercier.

Deuxième exemple de la capacité d'adaptation des préfectures et des sous-préfectures : la relation avec les collectivités territoriales. L'Etat est à la fois un régulateur et un conseiller, en particulier auprès de celles des collectivités qui ne disposent pas de toutes les compétences nécessaires. Avec Brice HORTEFEUX, ministre délégué aux collectivités territoriales, nous avons voulu moderniser le traditionnel "contrôle de légalité", dans trois directions.

D'abord, un contrôle de légalité moderne, c'est un contrôle de légalité qui sait tirer le bénéfice des technologies modernes. Nous avons doublé la vitesse de déploiement de l'application qui permet d'adresser sous une forme dématérialisée les actes transmis au contrôle de légalité : toutes les préfectures pourront y être raccordées d'ici à la fin de l'année 2006. Un contrôle de légalité moderne, c'est également un contrôle de légalité qui sait se fixer des priorités, pour mettre fin à la fiction du contrôle exhaustif. J'ai fixé aux préfets trois champs de contrôle prioritaires : l'intercommunalité, la commande publique, l'urbanisme et l'environnement. Enfin, un contrôle de légalité moderne, c'est un contrôle de légalité qui sait mobiliser, dès le stade du conseil, un réseau d'expertise propre à assurer le niveau de sécurité juridique maximal que les élus sont en droit d'attendre pour agir en toute sécurité.

Le troisième exemple de l'évolution des missions est celui de la montée en puissance de l'inter-ministérialité. Plus que jamais, les préfectures et les sous-préfectures affirment aujourd'hui leur rôle et leur expertise, aussi bien dans la mise en œuvre de grandes politiques interministérielles, par exemple dans le domaine de l'environnement et du développement durable, que dans le développement de fonctions interministérielles, depuis la communication jusqu'au contrôle de gestion et à l'évaluation de la performance.

Quatrième et dernier exemple de cette capacité d'adaptation –j'aurais  d'ailleurs peut-être dû commencer par là – c'est celui que nous offre aujourd'hui l'inauguration de cette sous-préfecture de TORCY. On s'interroge toujours sur l'utilité du réseau des sous-préfectures, de ces quelque 240 sites où travaillent environ 20 % des agents du cadre national des préfectures. Je ne suis pas certain que les élus locaux se posent autant de questions. Nous ne devons évidemment pas nous interdire de réfléchir à la pertinence des limites d'arrondissement, à l'opportunité de créer ici ou de supprimer là, une sous-préfecture, mais nous devons d'abord être guidés par une démarche pragmatique.

C'est dans cet esprit que doivent être effectués les redécoupages d'arrondissements. La création d'un arrondissement comme celui de TORCY constitue évidemment une procédure particulière et exceptionnelle, mais il faut bien avoir à l'esprit qu'avec 370 000 habitants cet arrondissement est à lui seul plus peuplé que 38 des départements de métropole. Cela explique sans doute le temps qu'il a fallu, entre la création de l'arrondissement et la fixation de son chef-lieu à TORCY –  que j'ai contresignée en 1993 en tant que ministre du budget –, le lancement de l'appel d'offre de la construction en avril 2003 – j'étais ministre de l'Intérieur –, le démarrage des travaux et le déblocage des crédits en avril 2004 – j'étais ministre des finances – et l'inauguration de la sous-préfecture.

Dans l'intervalle nous avons prévu, dans la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, une procédure déconcentrée permettant aux préfets de région de modifier les limites des arrondissements ; une dizaine de modifications sont d'ores et déjà entrées en vigueur.

Ce qui importe aussi, c'est, dès lors qu'il y a un sous-préfet, de renforcer sa fonction de "tête de réseau" : cela suppose qu'il y a une tête – en l'occurrence je sais que Michel JEANJEAN dispose de toutes les qualités pour être la "tête" de l'arrondissement de TORCY –, mais aussi qu'il y ait un réseau. Les limites des arrondissements doivent donc être cohérentes avec celles des bassins de vie, et les circonscriptions administratives de l'Etat doivent elles-mêmes, en tenant compte des spécificités de leurs missions, être rendues cohérentes avec celles de l'arrondissement de sorte que le sous-préfet puisse réunir autour de lui un véritable "état-major". C'est par exemple le sens de la création du 3ème district de police en Seine-et-Marne, dont le territoire correspond à un bassin homogène de délinquance et épousera, à l'exception de la circonscription de Chessy, le territoire de l'arrondissement de TORCY.

L'ensemble du personnel des préfectures s'est adapté sans états d'âmes et même souvent avec enthousiasme, aux évolutions de ses missions. La raison de cet engagement est à la fois très simple et très forte. C'est l'attachement exemplaire de ces fonctionnaires à la qualité du service qu'ils rendent à la population, leur attachement aux principes fondateurs du service public : la continuité, l'égalité et l'adaptabilité aux besoins des usagers. C'est pour cela qu'ils acceptent le changement et même qu'ils y aspirent. C'est pour cela que, très souvent, les fonctionnaires du cadre national des préfectures ne se sont pas contentés d'attendre le changement, et encore moins de le subir : ils l'ont sollicité, ils l'ont accompagné.

Tournez-vous, Mesdames et messieurs, vers les agents de cette sous-préfecture de TORCY : sur les 60 agents qu'elle comptait à son ouverture, 30 viennent de la sous-préfecture de Meaux, 13 de la préfecture de Melun, 9 d'autres préfectures ou sous-préfectures. A la nécessité d'adapter la présence de l'Etat en Seine-et-Marne, les fonctionnaires ont à leur tour répondu "présent" et donné la preuve de leur mobilité géographique et professionnelle.

Les premières, les préfectures et sous-préfectures se sont efforcées d'adapter le service aux usagers plutôt que les usagers au service. Des chartes d'accueil ont été mises en place dans 80 % des préfectures. Ces initiatives ont en quelque sorte préfiguré le déploiement de la charte Marianne à compter du 1er janvier 2005.

Les premières, les préfectures et sous-préfectures se sont engagées dans une démarche de gestion budgétaire axée sur la performance et la responsabilité : à bien des égards, l'expérience de la "globalisation des crédits", lancée dès 2000, a préfiguré la LOLF, tant s'agissant de la fameuse "fongibilité asymétrique", que pour ce qui est de moderniser la gestion budgétaire en la plaçant moins exclusivement sous le regard de la seule régularité que sous celui de la performance. Les préfectures sont depuis longtemps familières des procédures de fixation d'objectifs couvrant l'ensemble de leurs secteurs d'activités. Avec la montée en puissance du contrôle de gestion, leur activité peut être aujourd'hui complètement évaluée.

Enfin, le cadre national des préfectures est aujourd'hui au cœur de la modernisation  de la fonction publique. Depuis 2004 un projet de fusion des corps des personnels administratifs du ministère de l'intérieur a été engagé. Cette démarche vise à fusionner l'ensemble des corps administratifs du ministère de l'intérieur : au total cette réforme, qui concerne prés de 40 000 agents, permettra le passage de 16 à seulement 3 corps. Dès le 1er janvier 2007, les 4 corps d'attachés, les 3 corps de catégorie B et les 6 corps de catégorie C seront fusionnés dans un corps unique pour chaque catégorie, commun aux administrations centrales du ministère de l'intérieur, de l'outre mer et des préfectures. La mobilité professionnelle des agents en sera facilitée d'autant.

Pour accompagner ce mouvement, un protocole d'accord a été signé la semaine dernière avec quatre organisations syndicales. Il permettra d'améliorer les perspectives de carrière de chacun des agents concernés. Des améliorations des grilles indiciaires interviendront en même temps que la fusion des corps, pour les trois catégories. Un plan global de repyramidage et de requalification des emplois permettra de doubler en 5 ans le nombre des personnels administratifs qui bénéficient d'une promotion. Ainsi, 8 000 personnels administratifs des préfectures bénéficieront sur cette période soit d'un avancement de grade, soit d'une promotion de corps. Enfin, l'offre de formation sera renforcée et adaptée à l'évolution des missions du ministère de l'intérieur, en confortant la formation initiale et en soutenant l'évolution des carrières par la formation professionnelle tout au long de la vie. Nous avons là un protocole "gagnant-gagnant".

Notre volonté est que chacun puisse gagner à l'amélioration du service : les usagers bien sûr, mais aussi les agents. Ma conviction est que cela est possible, et mon ambition est d'en apporter la preuve concrète, au travers de la modernisation du ministère de l'intérieur.

Mesdames et messieurs, l'inauguration d'une sous-préfecture est un évènement très important pour la vie locale. Cette cérémonie républicaine est un symbole à la hauteur des enjeux qu'elle représente.

Pour vous, mesdames et messieurs les élus, c'est le symbole de l'implication quotidienne de votre sous-préfet dans cet arrondissement, des relations toujours plus étroites, confiantes et exigeantes entre l'Etat et les collectivités territoriales.

Pour nous tous, qui sommes à un titre ou à un autre en charge de la vie de la Nation, c'est le symbole du travail effectué et de celui qui reste à faire sur des problèmes aussi sensibles que la sécurité, le logement, l'économie, dans un des arrondissements les plus importants de l'Ile-de-France, où coexistent un tissu économique traditionnel et le siège de grandes entreprises, où se côtoient les élèves de plusieurs grandes écoles et les jeunes de plusieurs quartiers sensibles.

C'est le symbole de l'adaptation de l'Etat à un monde qui change, à une France qui bouge.  C'est le symbole d'une ambition : celle d'un service public plus moderne, plus proche et plus juste. Au cœur de cette ambition, au cœur de ce service public, il y a des hommes et des femmes. Si je suis heureux, ce matin, d'inaugurer la sous-préfecture de TORCY, c'est parce que je sais qu'ils y donneront, tous les jours, la preuve de leur ambition au service de leurs concitoyens.

Je vous remercie.