11.07.2005 - 1ère conférence préfectorale et consulaire sur l'immigration

11 juillet 2005

Intervention de M. Nicolas SARKOZY, Ministre d'Etat, Ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire lors de la 1ère conférence préfectorale et consulaire sur l'immigration à Marseille


Monsieur le secrétaire général du ministère des affaires étrangères,
Messieurs les préfets et les directeurs,
Mesdames et Messieurs les consuls généraux et les consuls,
Mesdames et Messieurs les sous-préfets,
Mesdames et Messieurs,

Ministre chargé de coordonner l'ensemble de la politique d'immigration, il est de ma responsabilité de fixer le cap. C'est ce que j'ai voulu faire ce matin, en vous invitant à Marseille.

Dès mon retour place Beauvau, j'ai souhaité que se tienne régulièrement une Conférence préfectorale et consulaire sur l'immigration, en présence des directeurs d'administration centrale concernés, de l'OFPRA et de l'Agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM).

Je tiens à remercier Philippe Douste-Blazy, le ministre des affaires étrangères, d'en avoir accepté le principe.

- I - L'objectif est simple : nous serons collectivement plus efficaces si les agents de nos consulats, responsables de la délivrance des visas, et les agents de nos préfectures, en charge des titres de séjour et des mesures d'éloignement, apprennent à mieux travailler ensemble.

Ma conviction est qu'il ne doit pas y avoir de distinction entre, en amont, l'Etat qui délivre des visas et, en aval, l'Etat qui gère le séjour et l'éloignement des étrangers.

Vous avez formulé, lors des tables-rondes de ce matin, des propositions concrètes pour améliorer la coopération entre les préfectures et les consulats. Je vous demande de mettre en œuvre quatre mesures, dans les mois qui viennent.

(1) D'abord, il est urgent de mettre en place un réseau de transmission informatique protégé, facilitant la communication entre les consulats et les préfectures, aussi bien pour lutter contre l'immigration illégale que pour organiser l'immigration régulière. Ce réseau permettra aux consuls d'être informés par les préfectures de l'utilisation qui est faite des visas de court séjour par les bénéficiaires de ces visas, par exemple pour demander un titre de séjour. De même, les consulats auront la possibilité d'appeler l'attention des préfectures sur des cas de délivrance de visas risquant de donner lieu à des détournements de procédure. Je vous demande que ce réseau informatique soit opérationnel dès 2006.

(2) Nous devons, ensuite, mettre en commun  les moyens, les expériences et les renseignements concernant la lutte contre la fraude documentaire, avec le concours de la direction centrale de la police aux frontières et du service de coopération technique internationale de police (SCTIP). Je demande à la PAF de détacher dès cette année, dans les consulats les plus sensibles, les experts nécessaires.

(3) La coopération entre les consulats et les préfectures passe, en outre, par le développement d'une culture partagée de la maîtrise de l'immigration. A très court terme, des sessions de formation commune seront organisées pour que les agents des préfectures et les agents des consulats se rencontrent. Je crois nécessaire, aussi, que des échanges de personnels - et pas seulement au niveau des cadres supérieurs - puissent être effectués de manière courante.

(4) Je souhaite, enfin, que 10 consulats expérimentent un système de "guichet unique" qui leur permettrait de délivrer, en liaison étroite avec les préfectures, des documents valant à la fois visa de long séjour et carte de séjour.

A terme, notre objectif doit être de réaliser un réseau unique d'agents de l'Etat spécialistes de l'immigration, issus des réseaux préfectoraux et consulaires, mettant en œuvre une même politique.

Ce réseau unique des agents de l'Etat doit être la traduction opérationnelle, dans l'organisation des services, de la nécessaire unification de la politique de l'immigration, dans toutes ses composantes. Visas, contrôle des frontières, asile, regroupement familial, immigration de travail, accueil et intégration, nationalité, lutte contre l'immigration illégale, reconduites à la frontière, aides au retour : tous ces dossiers essentiels sont encore trop dispersés. Il faut donc les rassembler ! Le Gouvernement s'est d'ores et déjà doté d'un outil de coordination - le Comité interministériel de contrôle de l'immigration - que je présiderai le 27 juillet prochain. Je souhaite que nous allions plus loin dans cette démarche de rationalisation. J'appelle de mes vœux la création d'une direction d'administration centrale unique, en charge de l'immigration, de l'asile, de l'intégration et de la nationalité.

Cette politique unifiée doit être volontariste : les Français nous le demandent.  Ils savent que "l'immigration zéro" est un mythe. Mais ils ne veulent pas pour autant la suppression des frontières avec le reste du monde. C'est pourquoi nous devons profondément transformer notre politique d'immigration. Il s'agit de passer d'une immigration subie à une immigration choisie.

- II - Depuis 2002, nous avons engagé cette transformation, en mettant en oeuvre deux grandes réformes, celle de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration et celle du 10 décembre 2003 relative au droit d'asile.

Mon propos n'est certes pas de nous adresser un satisfecit collectif. Je voudrais quand même souligner trois résultats positifs que nous avons enregistrés, au service des Français, grâce aux réformes législatives et à votre mobilisation sur le terrain.

Premier résultat : nous avons remis de l'ordre dans le dispositif d'asile. Nous avons mis fin à la procédure de l'asile territorial, qui avait engorgé l'administration, créé des milliers de sans-papiers et fait imploser le dispositif d'hébergement au mépris de la dignité des personnes. Grâce à cette réforme, le nombre des demandes d'asile a diminué de 20%, passant de 82 000 en 2003 à 65 000 en 2004. Et nous nous efforçons de mieux distinguer entre les vraies demandes d'asile, qui méritent toute l'attention de la France, et celles qui sont dilatoires. C'est pourquoi je me réjouis que le conseil d'administration de l'OFPRA ait adopté, le 30 juin, la liste de 12 "pays sûrs"   dont les ressortissants, s'ils demandent l'asile, feront l'objet d'une "procédure prioritaire", simplifiée et plus rapide.

Deuxième résultat : la lutte contre l'immigration clandestine est redevenue une priorité de l'action publique. Les reconduites à la frontière ont augmenté de 72% en deux ans, grâce à l'allongement du délai de rétention et à l'implication des services. J'ajoute que les mariages blancs et forcés sont mieux réprimés, le regroupement familial un peu moins contourné, les attestations d'accueil enfin contrôlées.

Troisième résultat : nous avons commencé à redonner du sens à l'exigence d'intégration. Un contrat d'accueil et d'intégration est proposé aux nouveaux arrivants. L'octroi de la carte de résident permanent et de la nationalité française est désormais subordonné à des efforts de l'immigré pour apprendre notre langue et s'approprier les valeurs essentielles de notre République.

Ces évolutions sont positives. Mais elles ne sont pas suffisantes !

- III -  Nous devons faire plus, beaucoup plus, pour progresser vers une immigration choisie.

 Quatre orientations me paraissent prioritaires.

[1]  Première exigence : nous devons retrouver une maîtrise   quantitative des flux migratoires.

Il appartient au Gouvernement, sous le contrôle du Parlement, de fixer, en fonction des besoins de l'économie et de nos capacités d'accueil, le nombre des personnes admises à s'installer en France selon les différentes voies d'entrées légales.

Je présenterai à l'automne au Parlement un rapport sur la politique de l'immigration. Les députés en débattront.

Ce débat de société doit être éclairé par une meilleure connaissance des chiffres de l'immigration, en toute transparence : les chiffres que nous constatons aujourd'hui, ceux que nous voulons pour demain.

C'est pourquoi je veux que toutes les préfectures bénéficient rapidement de l'application AGDREF II, qui permettra aux services préfectoraux de disposer d'un outil performant pour la gestion des titres de séjour et nous fournira des statistiques fiables. Il me semble très important, de même, que le réseau consulaire dispose d'un tableau de bord permettant, en temps réel, de mesurer, pour chaque pays d'origine, le nombre des demandes de visa, celui des visas accordés et, à terme, celui des retours des personnes ayant bénéficié d'un visa.

Mais nous ne devons pas nous contenter d'enregistrer et de constater. Nous devons anticiper. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé qu'une mission interministérielle mènerait, dès septembre, une réflexion prospective pour évaluer, de manière chiffrée et opérationnelle, les capacités d'accueil de la France et ses besoins. La mission me rendra des conclusions opérationnelles en mars 2006.

[2]  Nous pourrons, dès lors, trouver un meilleur équilibre   entre les différentes composantes des flux migratoires.

C'est la deuxième exigence. Elle appelle une mobilisation toute particulière des consulats.

[Délivrance sélective des visas]

Je voudrais le souligner d'emblée, en énonçant une vérité évidente que nous avons perdue de vue : la délivrance d'un visa de long séjour doit redevenir la condition nécessaire et normale d'une installation en France.

Trop souvent, des étrangers viennent en France sans visa, ou munis d'un visa de court séjour, s'y installent et, après quelques années de clandestinité, demandent leur régularisation en sollicitant un titre " vie privée et familiale ". Pour lutter contre ce phénomène, il faut mieux contrôler la délivrance des visas de court séjour, qui ne doivent pas être accordés lorsqu'il existe un risque migratoire.

Je vous demande, dès cette année, dans les postes les plus sensibles, d'exiger des bénéficiaires de visas une déclaration de retour, à l'issue de leur visite en France. Chaque ambassadeur doit être invité à rendre compte de l'adéquation entre le nombre de visas accordés et les retours constatés vérifiés. Nous pourrons alors ajuster le nombre de visas de tourisme délivrés dans ces pays au respect de la formalité de déclaration de retour. En contrepartie, les consulats doivent avoir les moyens d'instruire dans des délais raisonnables les demandes de visas qui leur sont faites.

Cette évolution rend nécessaire un renforcement des effectifs des consulats. La Cour des comptes a raison lorsqu'elle évalue à 120 personnes les effectifs supplémentaires nécessaires dans les consulats. En appui des personnels consulaires, je donne instruction à la PAF de désigner dans les consulats les plus exposés des experts pourvus des équipements nécessaires pour lutter contre la fraude documentaire.

Le renforcement des moyens passe, de plus, par la généralisation des systèmes biométriques, dans les consulats comme dans les points d'entrée, ports et aéroports. L'enregistrement de la photographie du demandeur et de ses empreintes digitales est nécessaire pour mieux contrôler les flux. Le développement de la biométrie permettra de faciliter le contrôle et l'enregistrement non seulement des entrées mais aussi des sorties, moyen efficace pour lutter contre le maintien irrégulier de personnes entrées régulièrement. Nous avons progressé dans les derniers mois, puisque les postes de Bamako, Colombo, Minsk, Annaba, Kinshasa, Lumbumbashi,  San Francisco et Washington sont désormais dotés de systèmes de "visas biométriques" et que, à nos frontières, en sont équipés les aéoroports de Roissy et d'Orly ainsi que le port de Marseille, comme je l'ai constaté ce matin.

L'effort sera poursuivi vigoureusement. Je demande que 200 postes consulaires soient équipés de systèmes biométriques dans les deux ans qui viennent. C'est une priorité essentielle. Il faut consentir l'effort budgétaire national nécessaire. Et il faut, quand c'est possible, mutualiser nos moyens avec les pays européens, par une coopération qui préfigure le déploiement du VIS.

 J'ai obtenu à Evian l'accord de nos partenaires du G5 - l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et la Grande-Bretagne - sur ces orientations. Nous sommes d'accord pour accélérer la généralisation de la mise en œuvre de la biométrie dans l'instruction des demandes de visa et pour partager les équipements de nos consulats respectifs. La liste des postes prioritaires - au Maghreb,  en Afrique sub-saharienne, au Moyen Orient et en Asie - va être rapidement définie.

Mais ces moyens de contrôle de la délivrance des visas n'auront de véritable portée que s'ils s'accompagnent d'une vraie réflexion, qualitative et quantitative, sur les profils des personnes à qui nous souhaitons délivrer des visas.

Je demande que les postes consulaires reçoivent instruction, par circulaire, de gérer les "files d'attente" des demandes de visa par un système de points permettant d'accueillir ceux que nous souhaitons. Les points doivent être attribués en fonction, notamment, de critères d'âge, de diplômes, de connaissances linguistiques, d'expérience professionnelle. L'examen des demandes se fera dans les pays d'origine, permettant aux attachés de l'immigration situés dans nos consulats de repérer et d'attirer les meilleures compétences.

Ce système pourra, dans un premier temps, s'appliquer aux étudiants, en s'appuyant sur le réseau des Centres pour les études en France (CEF). Dans un second temps, en fonction des capacités d'accueil de la France, il pourrait être étendu aux actifs qualifiés.

Les étrangers ainsi choisis dans leur pays se verraient délivrer à leur arrivée en France, par les préfectures, au vu de leur visa de long séjour, une carte de séjour d'une durée de trois ou quatre ans, pour éviter de vider les pays d'origine de leurs meilleures compétences.

Dans la logique de simplification et d'efficacité qui doit être la nôtre, nous aurons tout intérêt à créer un titre unique, délivré dans les consulats, valant à la fois visa et titre de séjour, accordé à ces étrangers dûment choisis par la France.

Cette évolution vers une immigration choisie suppose que nous parvenions à mieux maîtriser l'immigration familiale.

[Maîtrise de l'immigration familiale]

Cela passe par des modifications normatives. Les mariages blancs et les mariages forcés sont une voie importante d'entrée en France. Il est urgent de définir des solutions qui assurent le respect du droit à la vie familiale tout en mettant fin à l'utilisation du mariage comme un moyen pour obtenir le droit au séjour. Il faut faire en sorte que le mariage d'un étranger en situation illégale avec un français n'implique pas l'octroi automatique d'une carte de séjour. Il faut, de même, être plus vigilant dans la manière dont sont transcrits, en France, les mariages célébrés à l'étranger.

J'ajoute que les règles du regroupement familial devront être revues lorsqu'elles conduisent à des situations inacceptables. Il me paraît essentiel de respecter le principe selon lequel l'immigration familiale ne se conçoit que si les conditions de logement et de ressources permettent l'unité de la famille dans des conditions dignes et favorables à l'intégration. Je souhaite tout particulièrement que l'étranger qui sollicite le regroupement familial s'engage à prendre en charge tous les besoins de sa famille pendant une durée à déterminer. Dans tous les cas, ceux qui auront respecté les procédures devront bénéficier de conditions de regroupement familial plus favorables et plus rapides que ceux qui ne les ont pas respectées.

Je vous appelle, à cet égard, à une particulière vigilance lorsque vous avez connaissance de comportements condamnables, comme la polygamie ou la maltraitance des femmes. Vous devez systématiquement vous opposer à la délivrance de visas et de titres de séjour en cas de suspicion de polygamie. Il n'est pas acceptable, en effet, que certains immigrés faisant venir leur famille en France interdisent à celle-ci de bénéficier des droits fondamentaux accordés à tout individu en France, en particulier aux femmes et aux jeunes filles.

[3]  J'en viens à la troisième exigence qui doit guider notre  action : celle de  l'effort d'éloignement des étrangers en  situation irrégulière. 

Depuis 2002, les chiffres de l'éloignement sont en constante augmentation. 10 000 éloignements en 2002, près de 12 000 en 2003, plus de 15 000 en 2004. Dans les cinq premiers mois de 2005, nous avons procédé à  7 885 éloignements, soit une progression de 22 % par rapport à la même période de 2004. La mise en place de pôles d'éloignement autour des préfets constitue à cet égard un réel succès, qui servira d'ailleurs de modèle pour d'autres actions de réforme de l'Etat.

Cette augmentation sans précédent, nous avons pu l'obtenir parce que les agents de l'Etat se sont mobilisés pour avoir des résultats. Je vous en remercie et vous demande de transmettre mes remerciements à vos collaborateurs. Je vous demande aussi de leur expliquer que l'effort doit être poursuivi.

J'ai fixé à chacun des préfets, dès mon retour place Beauvau, un objectif ambitieux : augmenter de 50 % le nombre d'éloignements effectifs d'étrangers en situation irrégulière par rapport à 2004, ce qui permettra de reconduire cette année 23 000 étrangers en situation irrégulière. Pour cela, j'attends de vous toute l'énergie nécessaire.

Je vous demande, quand c'est nécessaire, de monter des opérations de vols groupés avec nos partenaires du G5, qui en ont accepté le principe.

J'attends des services préfectoraux et des services de police qu'ils veillent, en particulier, à ce que la notification des arrêtés de reconduite à la frontière, quand elle est faite par voie postale, soit suivie d'un éloignement effectif. Dans le respect du droit, il est possible de trouver des solutions permettant de mieux exécuter les arrêtés pris par voie postale. Je vous demande d'y veiller.

 Et vous pouvez compter sur moi pour agir sur les deux principaux leviers qui vous permettront de tenir les objectifs fixés.

Je peux ainsi vous annoncer que le programme d'augmentation des capacités d'accueil des centres de rétention administrative sera appliqué : l'objectif de 1 600 places doit être atteint début 2006. Le ministère de l'intérieur mobilise 76 millions d'euros à cette fin. Le ministère de la défense doit lui aussi participer à l'effort. Il n'est pas permis de prendre du retard ! Je le dis aujourd'hui à Marseille : je me rendrai au Canet au printemps 2006 pour inaugurer ce centre de 120 places. J'ajoute que je trouve tout à fait excessives les critiques que certaines associations continuent à formuler à l'encontre des centres de rétention. Nous renforçons la capacité d'accueil des CRA et nous veillons à leur qualité. Nous venons de créer, à cette fin, une Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d'attente, présidée par un magistrat de la Cour de cassation et composée notamment de parlementaires et de responsables associatifs. La Commission effectuera tous les contrôles qu'elle souhaite, en toute transparence.

Le deuxième levier pour augmenter l'effectivité des reconduites à la frontière consiste, bien sûr,  à obtenir des pays d'origine une attitude plus coopérative dans la délivrance des laissez-passer. Des mesures de grande fermeté ont déjà été prises, grâce à la diligence du Quai d'Orsay. Il faut mettre fin rapidement à une situation inacceptable sur le plan du droit international où le principal obstacle à l'éloignement des étrangers en situation illégale provient du manque de coopération de quelques consulats étrangers. J'ai obtenu de mes homologues du G5 que cette question soit désormais traitée dans ce cadre, qui est dans mon esprit la première étape d'une généralisation à toute l'Europe. Nous allons définir, à cinq, une liste de pays dont la coopération sera tout particulièrement sollicitée. Nous devons, certes, tenir compte des liens historiques noués avec certains de ces pays. Mais cette fidélité ne dispense pas, bien au contraire, d'une coopération loyale ! Lorsqu'un pays refuse systématiquement de délivrer des laissez-passer consulaires, nous devons être très fermes dans la délivrance des visas.

Je serai tenu informé des résultats obtenus par les préfectures grâce à un tableau de bord me rendant compte précisément, non seulement des résultats en matière d'éloignement, mais aussi de l'obtention des laissez-passer auprès des consulats des pays d'origine. Ce tableau de bord présentera deux avantages. Celui de l'émulation, qui n'est jamais à négliger. Et l'avantage, aussi, d'alerter en temps réel de l'existence d'un blocage dans tel ou tel consulat, afin d'agir très vite, au plus haut niveau, pour obtenir une attitude plus coopérative.

 C'est en usant de mesures à la fois simples et déterminées que nous atteindrons nos objectifs d'éloignement.

Je souhaite redire, ici, que l'impératif d'éloignement implique, bien sûr, que les régularisations d'étrangers ne soient envisagées par les préfectures qu'au cas par cas, lorsque la situation humanitaire l'exige. Il ne s'agit pas d'appliquer le droit avec souplesse et donc de manière inégalitaire. Il s'agit d'appliquer le droit dans un esprit de justice et d'humanité. Une nouvelle circulaire sera adressée à cette fin aux préfets en septembre. Cette directive ne remettra aucunement en cause les objectifs d'éloignement fixés.

J'en viens à la quatrième et dernière orientation que je souhaite développer devant vous.

[4]  L'intégration des primo-arrivants doit faire l'objet d'une   nouvelle ambition républicaine.

L'immigration n'a aucun sens si elle ne débouche pas sur une vraie intégration. Les étrangers choisis pour séjourner sur notre territoire doivent pouvoir y trouver un emploi, un logement, des capacités d'accueil sur le plan éducatif, social, sanitaire. Trop longtemps cette dimension de l'action publique a été négligée. Au-delà des mots, une action volontariste est nécessaire pour que l'égalité des chances se concrétise.

Nous disposons aujourd'hui d'un premier outil : le contrat d'accueil et d'intégration. En 2004, 38 000 contrats ont été signés, dans 26 départements, tout particulièrement avec des ressortissants du Maghreb : 27 % de ressortissants algériens, 16% de Marocains, 7% de Tunisiens. Ce contrat se fonde sur une idée simple : l'étranger qui arrive en France s'engage à respecter les valeurs et les lois de la République ; en contrepartie l'Etat lui fournit les bases qui lui permettront de s'insérer au mieux dans le tissu social.

Je souhaite que cet engagement mutuel soit une réalité. Il ne s'agit pas de signer un papier et de l'oublier. Il s'agit de signer un contrat qui engage. Dont le respect doit être récompensé. Et dont la violation doit être sanctionnée.

C'est pourquoi je vais réformer le "contrat d'accueil et d'intégration" en retenant 6 orientations.

  1.  D'abord, il faut généraliser le contrat d'accueil et d'intégration dans l'ensemble des départements et le rendre obligatoire pour tout étranger souhaitant obtenir un droit au séjour, même temporaire. Aujourd'hui 90% des étrangers auquel ce contrat a été proposé ont accepté de le signer. Nous devons passer à 100% : le contrat d'intégration doit bénéficier aux 100 000 personnes auxquelles il s'adresse.
  2.  Il faut, ensuite, faire du respect du contrat la condition nécessaire de l'installation durable en France. Aux termes de la loi, la signature et le respect du contrat d'intégration constituent des conditions de la délivrance d'un titre de résident  de dix ans. Il faut appliquer la loi, dans toute sa rigueur.
  3.  Le contrat d'intégration doit, en outre, être plus substantiel. Il faut enrichir le contenu des formations qui s'y rattachent. Une journée d'éducation civique, à laquelle peut s'ajouter une journée consacrée à la connaissance des services publics, c'est évidemment insuffisant. L'apprentissage devrait être prévu sur plusieurs journées, quitte à l'étaler dans le temps, en privilégiant la transmission de nos valeurs fondamentales - tout particulièrement l'égalité entre les hommes et les femmes. Il faut également renforcer nos exigences sur le plan linguistique. L'obligation d'apprentissage de la langue française doit être concrétisée. Elle doit aussi porter sur la maîtrise de l'écrit. Je demande en outre que le suivi des formations prévues par le contrat d'intégration - instruction civique, pratique du Français - fasse l'objet d'un test et soit récompensé par la délivrance d'un diplôme qui pourrait constituer un premier passeport pour l'insertion dans la vie sociale et professionnelle.
  4.  Quatrièmement, le rôle de la plate forme d'accueil ne doit plus se limiter au premier accueil du migrant. Il est indispensable que la signature du contrat soit suivie d'un accompagnement personnalisé sur une longue durée par des travailleurs sociaux ou des éducateurs. Cet accompagnement permettra de soutenir et de conseiller le ressortissant étranger dans ses efforts pour s'intégrer et appliquer les clauses du contrat. Il permettra aussi d'évaluer le respect des termes de ce contrat.
  5.  J'ajoute qu'une attention toute particulière doit être portée à la question de l'intégration des femmes et au respect de leurs droits.  Les contrats d'accueil et d'intégration qui leur sont proposés doivent prévoir un parcours d'accueil très attentif, une écoute toute particulière. Nous devons leur garantir que, une fois arrivées en France, elles bénéficieront de l'ensemble des droits qui sont reconnus aux femmes dans notre pays.
  6.  Enfin, s'agissant de la procédure de regroupement familial, il y a lieu de proposer à l'étranger "regroupant", qui accueille sa famille, un contrat renforcé. Le contrat signé par le mari doit être distinct du contrat d'intégration signé par sa femme "primo-arrivante", pour que chacun s'engage en son nom propre et manifeste ainsi sa volonté de respecter les règles du jeu.

Je demande à la direction de la population et des migrations et l'ANAEM de rédiger les textes nécessaires pour que ces cinq orientations soient mises en oeuvre dès 2006 sur l'ensemble du territoire national.

Parce que nous devons être plus exigeants vis-à-vis des étrangers signataires de ces contrats, nous devons aussi être plus exigeants vis-à-vis de nous-mêmes. La crédibilité de cette démarche contractuelle repose sur la capacité de l'Etat à honorer ses propres engagements - et en particulier, son devoir de combattre efficacement les discriminations.

Voilà, Mesdames et Messieurs, les quelques messages que je souhaitais vous délivrer aujourd'hui, pour conclure cette première Conférence préfectorale et consulaire sur l'immigration.

Je vous remercie d'y avoir participé de manière très active, lors des deux tables-rondes de ce matin.

Je voudrais vous redire toute l'importance que j'attache à ces rendez-vous, dont l'organisation régulière me paraît nécessaire pour suivre, de façon opérationnelle et pragmatique, l'avancée des chantiers que nous conduisons ensemble au service des Français.