11.01.2007 - Conférence de presse

11 janvier 2007

Intervention de M. Nicolas SARKOZY, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire lors de la conférence de presse du 11 janvier 2007, à l'Hôtel de Beauvau


Mesdames et Messieurs,

 Merci d'avoir bien voulu répondre à mon invitation.

 J'ai souhaité vous faire part des résultats de la politique que j'ai conduite en 2006 dans trois domaines essentiels du ministère que je dirige : la sécurité, l'aménagement du territoire et l'immigration.

 Je ferai donc trois séries de remarques, avant de répondre à vos questions.

I - La sécurité

Depuis 2002, ma détermination a été totale : j'ai fait de la sécurité la priorité absolue de mon action ministérielle, en accordant les moyens nécessaires aux forces de sécurité, en les modernisant et, surtout, en les mobilisant.

J'ai rompu avec la résignation et le renoncement ! Les résultats sont là. Ils sont à porter à l'actif de la police et de la gendarmerie nationales. Je veux remercier ces serviteurs de l'Etat pour le travail qu'ils ont accompli, sans relâche.

Pour la quatrième année consécutive, la délinquance a reculé en France en 2006.

Après avoir baissé de 3,4% en 2003, de 3,8% en 2004 et de 1,3% en 2005, la délinquance régresse en 2006 de 1,3%.

Je veux que chacun mesure le chemin parcouru. Alors que la délinquance avait augmenté de 17,8% entre 1997 et 2002, elle a baissé de 9,4% depuis 2002. Cela veut dire que, depuis 2002, plus de  1 153 000 victimes ont été épargnées.

Toute la France bénéficie de cette amélioration de la sécurité. Alors qu'entre 1997 et 2002 la quasi-totalité des départements français étaient confrontés à une hausse de la délinquance, aujourd'hui c'est exactement l'inverse : dans 90 départements la délinquance baisse depuis 2002.

Ces résultats sont d'autant plus significatifs qu'ils s'accompagnent d'une forte progression de l'activité des services, visible à travers la délinquance dite révélée, c'est-à-dire celle qui ne donne pas systématiquement lieu à un dépôt de plainte, mais qui est le résultat direct d'une initiative policière. Elle a augmenté de plus de  31% en 5 ans. Autrement dit, la délinquance baisse alors même que, par leur initiative, les services de police et de gendarmerie révèlent plus de crimes et de délits que ceux qui sont spontanément portés à leur connaissance.

Les services de police et de gendarmerie sont plus efficaces. Le taux d'élucidation, c'est-à-dire le taux de réussite, est en progression constante. Il était de 24,9% en 2001, de 26,3% en 2002, de 28,8% en 2003, de 31,8% en 2004, de 33,2% en 2005. Il est de  34,3% en 2006, soit une hausse de 8 points en 5 ans. En d'autres termes, alors qu'on ne retrouvait qu'à peine un délinquant sur 4 en 2001, on en arrête désormais plus d'un sur 3.

Concrètement, cela signifie aussi que plus de personnes ont été mises en cause dans des procédures judiciaires. En cinq ans, leur nombre a progressé de  21,3%. Le nombre de personnes gardées à vue a, quant à lui, augmenté de près de 40% en 5 ans, dont  6,5% en 2006.

La mobilisation des services de police et de gendarmerie a tout particulièrement porté ses fruits contre la délinquance de voie publique, qui n'a cessé de chuter. Elle avait déjà diminué de 9% en 2003, de 8,5% en 2004, de 4,8% en 2005. Elle recule de  4,4% en 2006. En cinq ans, la baisse est de 24%. N'oublions pas que la délinquance dite "de voie publique" représente, avec les vols, les cambriolages, les agressions, l'ensemble des faits délictueux qui sont ressentis avec le plus de peine par nos compatriotes.

De même, la criminalité organisée et la délinquance spécialisée sont en baisse de 20% depuis 2002.

Les infractions économiques et financières ont, elles aussi, globalement diminué de 6% lors des cinq dernières années, même si 2006 a été marqué par une hausse de  4,8%, largement imputable aux faits d'escroquerie commis sur Internet. Les infractions se fondant sur les technologies de communication innovantes demandent toujours quelque temps avant que l'on ne trouve les parades.
Les atteintes aux biens diminuent également : - 17,2% de 2002 à 2006.

Je ne le cache pas : nous avons un sujet de préoccupation majeur, qui est celui des atteintes volontaires à l'intégrité physique.

Entre 1998 et 2002, elles avaient explosé, en progressant de plus de 40%. Depuis cinq ans, nous avons réussi à enrayer cette progression, en la contenant à 13,9%.

Cet agrégat, cependant, mérite lui-même d'être détaillé.

Les violences physiques crapuleuses comme les violences sexuelles sont en baisse sur 5 ans. De 2002 à 2006, elles ont diminué de 4,6%.

Ce qui augmente, ce sont les violences physiques non crapuleuses, les violences "gratuites", constituées elles-mêmes de deux sous-ensembles : les violences à dépositaires de l'autorité publique, qui traduisent une agressivité renouvelée à l'égard de tous ceux qui représentent l'ordre public en même temps que l'engagement supplémentaire des forces de l'ordre ; et les violences de la sphère privée, qui vont de l'altercation entre automobilistes aux mauvais traitements à enfants. Ce n'est pas parce que ces violences relèvent de la sphère privée qu'elles ne sont pas graves, qu'il ne faut pas que la police cherche à s'adapter pour les prévenir. Mais je voudrais souligner qu'il n'est pas aisé pour la police de faire de la prévention à domicile. J'ajoute, pour que les ordres de grandeur soient bien clairs, que le total des violences non crapuleuses représente 5,5% de l'ensemble de la délinquance.

Tous ces chiffres, je vous les dis en toute transparence.

 Vous le savez, dès mon arrivée au ministère de l'intérieur, j'ai souhaité que l'on publie mensuellement les chiffres de la délinquance.

J'ai voulu que l'on aille plus loin en confiant à l'Observatoire National de la Délinquance (OND) le soin d'analyser ces statistiques. Alain BAUER, son président, vous présentera tout à l'heure son analyse.

Nous savons qu'il existe un écart entre la criminalité vécue et les faits constatés, c'est-à-dire portés à la connaissance des services de police et de gendarmerie. J'ai donc demandé à l'OND de mener une véritable enquête de victimation, c'est-à-dire de recueillir l'opinion des citoyens sur leur sécurité.
Deux enquêtes ont été menées, l'une en 2005, l'autre en 2006. Elles confirment, d'abord, la baisse des cambriolages et des vols de véhicules. Elles montrent, ensuite, que près de 80% des usagers des services de police et de gendarmerie sont satisfaits de l'accueil et de l'écoute des agents. Elles démontrent, ensuite, qu'entre janvier 2005 et janvier 2006, le sentiment d'insécurité est en baisse tant au domicile que dans le quartier. La population a confiance dans l'action menée par la police et la gendarmerie.

Une police et une gendarmerie proches de la population, ce sont une police et une gendarmerie qui interpellent plus de délinquants, mais ce sont également des agents à l'écoute des victimes.

Vous savez que c'est l'une de mes priorités et c'est la raison pour laquelle j'ai crée en 2005 la délégation nationale aux victimes. En 2006, j'ai voulu que l'on multiplie par deux le nombre de travailleurs sociaux implantés dans les services. Nous avons aussi créé 26 postes de psychologues pour assister les policiers dans leurs interventions et favorisé l'implantation de plus de 150 permanences d'associations dans les services de police et de gendarmerie.

Je le dis sans ambages : je suis fier de ces résultats. Je suis fier que les Français se sentent davantage en sécurité, que la peur dans notre pays ait reculé.

Je suis fier du professionnalisme et de l'engagement des policiers et des gendarmes au service de tous les Français – et je ne voudrais pas que ceux-ci oublient que, l'an dernier encore, 8 policiers et 13 gendarmes ont perdu la vie en mission, et que 11 000 policiers et 2 313 gendarmes ont été blessés en service.

Pour obtenir ces résultats, j'ai mobilisé les services de police et de gendarmerie, en leur fixant des objectifs et en leur donnant des moyens.

Tous les engagements pris en 2002 ont été respectés. C'est la première fois qu'une loi d'orientation est scrupuleusement respectée et appliquée sur l'ensemble de sa durée. Fin 2007, les objectifs budgétaires de la LOPSI seront totalement atteints.

J'ai voulu les meilleurs équipements pour nos forces de sécurité : gilets pare-balles, uniformes, armement, parc automobile, communications sécurisées avec l'achèvement du déploiement du système ACROPOL. J'ai lancé, de même, les premières expériences de géo-localisation des véhicules. J'ai conduit des opérations immobilières,  à Marseille, Toulouse ou encore Bobigny, Bordeaux, Plaisir ou Palaiseau.
J'ai également voulu mieux organiser les services. Pourquoi ? Parce que la place des policiers et des gendarmes est sur le terrain, pas dans les bureaux !
Entre le 1er janvier 2002 et le 1er janvier 2008, les effectifs de la police nationale auront progressé, hors adjoints de sécurité, de 9 000 emplois.

De même, dans la gendarmerie nationale, 6 050 emplois auront été créés entre 2003 et 2007. L'application de la LOPSI se poursuivra en 2008 pour permettre d'atteindre l'objectif de 7 000 postes.

Ces recrutements, j'ai voulu qu'ils soient à l'image de la France. J'ai voulu le meilleur pour nos forces de sécurité, et j'ai voulu le respect de la diversité. Pour être efficaces dans la plénitude de leurs missions, la police et la gendarmerie doivent ouvrir leurs rangs, tous grades confondus, aux meilleurs. C'est pourquoi j'ai souhaité que l'on offre à tous ceux qui le méritent la possibilité de préparer les concours d'officiers et de commissaires dans de bonnes conditions grâce aux classes intégrées.

 Mobilisés, plus nombreux, les policiers et les gendarmes ont pu utiliser efficacement les nouveaux instruments qui leur ont été confiés.

En matière de lutte contre le terrorisme, le vote de la loi du 23 janvier 2006 a inscrit dans notre droit les évolutions nécessaires pour faire face à une menace que chacun sait d'un niveau élevé et permanent. En 2006, 317 personnes ont été interpellées dans des dossiers terroristes et 54 ont été écrouées. Depuis 2002, ce sont au total 1 422 individus qui auront été interpellés dans ce cadre.

Combattre la violence, c'est aussi s'attaquer résolument aux violences urbaines en ne négligeant aucune partie du territoire. Dès l'été 2005, j'ai décidé de mettre en œuvre un plan de renforcement de la lutte contre les violences urbaines, bénéficiant du renfort de 32 unités (25 CRS et 7 escadrons de gendarmerie mobile), déployées sur 22 départements. 

En 2006, ce dispositif a permis d'interpeller 4611 individus pour des faits de violence urbaine dont 48% de mineurs, ce qui se traduit par 4117 mesures de gardes à vue et 458 écrous.

Afin de mieux garantir la sécurité de tous les Français dans les transports en commun, j'ai décidé en janvier 2006 de créer un véritable service national de police ferroviaire. Il regroupe plus de 2 500 policiers et gendarmes et les résultats sont là :  il est pleinement opérationnel depuis juin, il a permis de sécuriser près de 200 000 trains, de faire reculer la délinquance de 3,4%.

J'ai également voulu que l'on soit plus efficace dans la lutte contre la violence dans les stades, car il n'est pas normal que quelques individus puissent transformer ce qui doit être un lieu de spectacle et de sport en terrain de déchaînement du racisme et de l'antisémitisme !

Grâce à la loi du 23 janvier 2006, les préfets peuvent prononcer des interdictions administratives de stades. Depuis le début de la saison 2006/2007, plus de 240 personnes ont ainsi été astreintes à une obligation de pointage les jours de matches. J'ajoute que nous pouvons désormais prononcer la dissolution de groupements ou d'associations de supporteurs racistes ou violents.

Je veux être très clair sur ce point. La lutte contre l'antisémitisme et le racisme est un devoir moral : c'est donc, aussi, une exigence opérationnelle. En 2006, 825 individus ont été interpellés dans ce cadre.

Je veux aussi parler de la lutte contre l'insécurité routière. Depuis  2002, la baisse du nombre de personnes décédées est de 43%. La politique menée au cours des cinq dernières années a ainsi permis d'épargner plus de 9 000 vies et d'éviter 100 000 blessés. L'année 2006 a été marquée par un nouveau recul de la violence routière. Le nombre de personnes tuées sur la route a été de 4 703, en baisse de 11,6% par rapport à 2005, le nombre de blessés a baissé de 5,4%, celui des accidents de 3,9%. Nous ne devons pas relâcher nos efforts, notamment en développant l'information et la prévention.

Tous ces résultats, obtenus depuis 2002, sont le socle de l'action qui permettra d'améliorer encore la sécurité des Français, en 2007 et dans les années qui viennent.

La mobilisation des services de police et de gendarmerie est totale.

Pour 2007, je leur demande de poursuivre leur action résolue pour faire baisser la délinquance générale de  2% et la délinquance de voie publique d'au moins 2%. Je pense, parce que je connais l'implication de chacun, que les policiers et les gendarmes pourront atteindre un taux d'élucidation de 35%.

Je pense aussi bien évidemment à la lutte contre le terrorisme. A cet égard, l'ouverture au printemps 2007 du pôle de renseignement regroupant sur un même site, les renseignements généraux, la direction de la surveillance du territoire et la division nationale anti-terroriste, doit améliorer notre efficacité.

Mais je pense également à la lutte contre les trafics de stupéfiants et l'économie souterraine. Nous devons poursuivre l'action engagée contre les filières afin de déstructurer l'économie parallèle. La mutualisation des moyens permise par les groupes d'intervention régionaux (GIR) doit être poursuivie, car elle fonctionne. En 2006, les GIR ont permis la saisie de 493 armes, de plus d'une tonne de cannabis, de 29 kilos d'héroïne et de près de 13 kilos de cocaïne. Depuis 2002, c'est l'équivalent plus de 68 millions d'euros qui ont été saisis en numéraire, en valeurs ou sur des comptes.

La lutte contre les violences aux personnes demeure un objectif prioritaire. Je veux dire, à ce sujet, quelques mots sur les violences conjugales. Le dernier recensement des décès au sein du couple effectué par la délégation aux victimes pour l'année 2006 fait état de la mort d'une femme tous les trois jours. Pour améliorer la prise en charge des victimes de cette violence inacceptable, j'ai signé une convention avec deux grandes fédérations spécialisées dans la prise en charge de ce public. J'ai aussi mis en œuvre une politique de prévention de la délinquance qui n'avait jamais été développée en tant que telle dans notre pays.

Dans tous les domaines, nous devons développer une culture de la performance, au service de nos compatriotes.

Le recours aux nouvelles technologies nous y aidera.

D'abord, parce ce qu'elles sont protectrices des libertés. En assumant pleinement le passage d'une culture de l'aveu à une culture de la preuve, nous nous donnons les moyens de mieux confondre les coupables et d'innocenter ceux qui sont injustement mis en cause. En étant plus efficaces, la police et la justice sont aussi plus justes.

Développer les fichiers d'identification des criminels, c'est placer la victime au centre du processus pénal, c'est affirmer que nous nous donnons tous les moyens d'empêcher le crime ou d'éviter la récidive.

Ainsi, le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) a permis, depuis sa mise en œuvre,  d'identifier 4 551 délinquants et de réaliser 1 190 rapprochements entre des traces laissées sur des scènes de crimes. En mai 2002, le FNAEG ne comptait que 4 000 génotypes et n'avait permis d'élucider que 3 affaires. Aujourd'hui, ce sont plus de 400 000 profils qui sont gérés et au total plus de 5 700 affaires résolues.

Dans un monde qui bouge, dans un monde où les frontières sont mouvantes, les outils de ciblage et de traçabilité sont devenus d'indispensables aides à la prévention et à la répression. Nous devons poursuivre nos efforts en matière de vidéosurveillance ou de biométrie.

Pour avancer, il faut une volonté claire inscrite dans une nouvelle loi d'orientation et de programmation pour la sécurité.

J'ajoute que 2007 et les années qui viennent seront marquées, aussi, par l'application de la loi sur la prévention de la délinquance, qui est examinée cette semaine au Sénat en seconde lecture et sera définitivement adoptée par le Parlement le mois prochain.

Je le dis comme je le pense : les efforts sans précédent de la police et de la gendarmerie ne peuvent, à eux seuls, faire durablement reculer la délinquance dans notre pays.

Je n'ai jamais prétendu le contraire. J'ai toujours estimé que la politique de sécurité devait avoir une autre dimension que l'action des forces de sécurité intérieure. La lutte contre la délinquance est une chaîne, dont tous les maillons doivent être solidaires. Nous devons disposer des moyens de dissuasion nécessaires contre la violence, mais aussi des moyens d'empêcher que des situations difficiles ne fassent naître la violence. Dans un pays où les violences aux personnes restent préoccupantes, c'est tout le sens de la loi sur la prévention de la délinquance.

Porter secours à un enfant à la dérive avant qu'il ne soit trop tard, le remettre sur le chemin de l'école, lui donner le sens de l'interdit social, responsabiliser les parents, faire respecter les maîtres à l'école, c'est indispensable pour donner à notre vie sociale plus d'harmonie. Ça l'est aussi pour apaiser les rapports entre les personnes.

Mais je n'oublie pas que la première des préventions, c'est la certitude de la sanction. Face aux actes de violences gratuits, face à la délinquance des mineurs, la réponse de l'autorité judiciaire doit être plus ferme. Si l'on excuse la violence, il faut hélas s'attendre à la barbarie.

C'est pourquoi j'ai souhaité une première réforme de l'ordonnance de 1945 sur les mineurs. C'est pour répondre à cette violence de plus en plus dure, qui peut conduire les plus jeunes jusqu'au crime, que j'ai demandé des sanctions adaptées aux mineurs d'aujourd'hui. La loi sur la prévention de la délinquance constitue, à cet égard, un premier pas. D'autres étapes sont devant nous !

J'en viens à la deuxième partie de mon intervention, consacrée à l'aménagement du territoire.

II – L'aménagement du territoire

Depuis juin 2005, la place Beauvau est aussi le ministère de l'aménagement du territoire. Quel est le bilan de 18 mois d'action ?

D'abord, la création de 67 pôles de compétitivité, dans la lignée d'une action que j'ai entreprise au ministère des Finances en 2004.

Ces pôles ont mobilisé la solidarité territoriale pour fédérer les entreprises, les laboratoires publics et l'enseignement supérieur comme jamais auparavant. Ils ont lancé en un an des projets de recherche et développement chiffrés à 1,5 milliards d'euros, financés à 70 % sur fonds privés et 30 % sur fonds publics. Une nouvelle structuration de la recherche et de l'innovation est apparue en France, dépassant les vieux clivages public/privé et amont/aval qui ont tant nui à la performance de nos ingénieurs et chercheurs.

Ensuite, une politique offensive pour le monde rural, dans un esprit de conquête et non de défense.

En deux appels à projets, 376 pôles d'excellence rurale ont été reconnus. Ils investiront 1 milliard d'euros dans des partenariats public/privé orientés vers les énergies renouvelables, la valorisation du patrimoine touristique et architectural et les solutions innovantes de services au public. Près de 40 000 créations d'emplois en zone rurale sont attendues dans les pôles d'excellence rurale. Leur philosophie est simple : à l'opposé d'une logique d'assistanat, il s'agit d'accompagner des projets et une stratégie, et d'investir l'argent public là où il aura un réel effet de levier sur l'activité et l'emploi en zone rurale.

De même, en matière de services au public en milieu rural, nous avons opéré une révolution dans la méthode, en instaurant une concertation décentralisée pour recueillir les besoins et organiser les services en conséquence. La mutualisation des moyens, la polyvalence, l'usage des nouvelles technologies, et une exigence permanente de concertation ont défini une nouvelle philosophie, résumée par deux avancées : la charte des services au public en milieu rural signée le 23 juin dernier et les "relais services publics", qui offrent en zone rurale toute la gamme des services administratifs sur de larges plages horaires.

La troisième grande action structurante a consisté à équiper le territoire en moyens de communication indispensables au développement des activités et d'une économie moderne. Sur 3 000 communes identifiées en 2003 dans des « zones blanches » de téléphonie mobile, 91 avaient été couvertes au 1er juin 2005. Au 31 décembre 2006, elles étaient 1 500, et le programme avance au rythme prévu vers l'objectif d'une couverture complète fin 2007. Parallèlement, un plan de couverture du territoire en Internet à haut débit a été lancé en juin 2006 : d'ici fin 2007, toute commune de France qui le souhaite pourra être raccordée, grâce au soutien de l'État.

Ces axes majeurs de l'action d'aménagement du territoire s'inscrivent dans un renouvellement profond de cette politique, partant d'un double constat.

Les inégalités territoriales ont changé : les fractures passent moins entre les régions, entre Paris et la province, qu'entre des bassins d'emploi d'une même région et des quartiers d'une même ville.

Les territoires sont plus que jamais essentiels pour la croissance et la compétitivité de notre pays ; quand ils s'organisent autour d'une stratégie, ils sont réactifs, ils créent des passerelles entre les institutions et stimulent l'innovation.

Toute la stratégie d'aménagement du territoire que j'ai menée depuis 18 mois avec Christian ESTROSI a consisté à permettre à tout territoire de la République, rural ou urbain, insulaire ou continental, montagneux ou littoral, de réaliser son potentiel et de tirer parti de ses atouts, à l'opposé d'une logique d'assistanat. Il est des territoires de France où le taux de chômage est très inférieur à la moyenne nationale. Ce sont les territoires où les acteurs ont fait en sorte que les initiatives et les énergies soient libérées.

Pour rappeler les chantiers menés dans cet esprit, il faut citer :

• les contrats de projet 2007-2013, avec les Régions, réorganisés autour du développement durable et de l'innovation ;

• l'ouverture d'une réflexion sur l'aménagement des territoires urbains et en particulier des quartiers difficiles, avec un appel aux projets de développement mené en octobre 2006 ;

• la mise en place du pôle d'accompagnement des territoires en mutation économique au sein de la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT), pour donner un nouvel élan aux bassins d'emploi frappés par des restructurations industrielles brutales ;

• vis-à-vis de l'outre-mer, une politique de continuité territoriale à la fois dans les transports et dans le numérique.

La politique d'aménagement du territoire a donc pris une inflexion durable, orientée vers les défis nouveaux que posent les nouvelles technologies et la mondialisation.

Elle devra conforter ces orientations dans les années qui viennent car l'aménagement du territoire demeure un outil irremplaçable pour la croissance et la cohésion de notre pays.

 J'en viens au dernier volet de mon intervention : l'immigration.

III – L'immigration

En 2006, j'ai poursuivi le travail de remise en ordre engagé depuis 2002, en combattant très fermement l'immigration illégale.

Je soulignerai deux résultats.

 Premier résultat : la procédure de demande d'asile n'est plus une "fabrique à clandestins". La politique de fermeté paie. La lutte contre les détournements a permis une chute spectaculaire du nombre des demandes d'asile adressées à la France. Il a diminué de 10% en 2005 (passant de 57 000 en 2004 à 52 000 en 2005) et de 35% en 2006 (pour atteindre 35 000).

 Avec l'accélération du traitement administratif des dossiers, la suppression de l'asile territorial et la création d'une "liste de pays d'origine sûrs", les filières d'immigration clandestine ont compris le message que nous leur avons adressé. La France se rapproche des grandes démocraties voisines, comme le Royaume-Uni et l'Allemagne. Nous  avons su, enfin, rompre avec des années d'incurie : le nombre des demandeurs d'asile est revenu à un niveau raisonnable dans notre pays.

Deuxième résultat : la lutte contre l'immigration illégale a atteint un niveau inégalé.

 Au quotidien, sous la direction des préfets, les forces de police et de gendarmerie ont su utiliser les outils qui leur ont été donnés par les lois de 2003.

 Le renforcement des contrôles aux frontières, à Roissy notamment, a permis de refouler 35 000 migrants illégaux avant leur entrée sur le territoire national.

 Parallèlement, nous avons raccompagné vers leurs pays, à partir de la métropole, 24 000 étrangers en situation illégale en 2006, ce qui représente une augmentation de 140% par rapport à 2002 et de 20% par rapport à 2005. Outre-mer, un effort considérable a également été accompli, puisque le nombre des éloignements a atteint 24 000 en 2006.
 
 Ces chiffres sont le résultat direct des objectifs chiffrés que j'ai fixés aux préfets, de l'augmentation de la capacité d'accueil dans les centres de rétention administrative (1 000 places en juin 2002,  2 400 places en juin 2007) et de l'organisation de vols groupés (40 en 2006 contre 17 en 2005).
 
 La lutte contre l'immigration illégale est aussi, bien sûr, un combat contre les filières exploitant la misère des clandestins. En 2006, des opérations "coups de poings" ont permis de démanteler plus de 100 réseaux, de mettre en cause 3 400 passeurs (contre 1 400 en 2003) et d'arrêter 2 000 employeurs de "sans-papiers" (contre 1 300 en 2003).

L'année 2006 a permis de préparer l'avenir, en donnant à la France les instruments d'une immigration choisie et d'une intégration réussie. 

Le nombre total des cartes de séjour délivrées en 2006 ne sera connu qu'à la fin du printemps ; les estimations dont je dispose laissent penser qu'il sera proche de celui de 2005.
 
 Nous avons posé les jalons d'une nouvelle politique, avec la loi du 24 juillet 2006.

 Vivre en France doit être un projet fondé sur le travail et sur la volonté d'intégration à la communauté nationale, pas sur le bénéfice des prestations sociales !

C'est pourquoi j'ai profondément réformé le regroupement familial. Désormais, pour faire venir sa famille en France, un étranger doit respecter les principes fondamentaux de notre République, comme la laïcité et l'égalité entre les femmes et les hommes. Il doit pouvoir faire vivre sa famille par les revenus de son travail. Il doit disposer d'un logement comparable à celui d'une famille française habitant dans la même région.

 Dans le même esprit, j'ai souhaité que chaque migrant soit tenu de signer un "contrat d'accueil et d'intégration" avec la France et de le respecter. Parler et écrire le français, respecter les principes républicains, c'est la condition d'une installation durable en France.

Parallèlement, nous avons commencé à assouplir le recrutement de travailleurs étrangers dans certains secteurs souffrant de pénuries de main d'œuvre. Cette ouverture a commencé avec les ressortissants des pays d'Europe centrale et orientale. Elle se poursuivra progressivement. Je n'accepte pas que l'immigration de travail représente encore, aujourd'hui, seulement 7% des flux. Ce qui domine, c'est l'immigration de personnes sans qualification, sans emploi, donc sans revenu de travail !  Nous devons être plus ouverts aux compétences et aux talents venus de l'étranger, car ils participent à la création de richesses dans notre pays et au développement des pays d'origine.

J'attends des services de l'Etat, en 2007, une mobilisation totale pour aller plus loin.

La priorité est simple : il faut mettre en œuvre, au quotidien, la réforme qui a été votée en 2006. Cinq décrets d'application importants ont déjà été publiés. Les autres sont soumis au Conseil d'Etat. Ils entreront en vigueur dans les prochaines semaines.

 Pour mettre en œuvre efficacement la réforme, je suis convaincu qu'une nouvelle organisation administrative est nécessaire, sous la direction d'un ministre de l'immigration et de l'intégration.

Il lui reviendra de porter, au plan européen, le Pacte sur l'immigration que j'ai proposé à mes collègues des cinq autres grands pays de l'Union européenne.

C'est le ministre de l'immigration, de même, qui devra généraliser, avec les pays d'origine, des accords de gestion concertée des flux migratoires et de co-développement, sur le modèle de celui que j'ai conclu cet automne avec le Sénégal.

 Il lui reviendra, surtout, d'animer au quotidien le réseau des agents de l'Etat spécialistes de l'immigration, aussi bien dans les préfectures que dans les consulats.

 Sans attendre, il faut redoubler d'efforts dans la lutte contre l'immigration clandestine, qui doit demeurer la première priorité opérationnelle.

 25 000 étrangers en situation irrégulière seront raccompagnés dans leur pays d'origine en 2007.

 Bien sûr, il convient de rester attentifs aux exigences humanitaires, en continuant à examiner, au cas par cas, la situation de chaque étranger demandant des papiers. La Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour, créée par la loi de 2006, sera installée à la fin du mois. Elle comprendra des parlementaires, des représentants de l'administration ainsi que des associations (la CIMADE et Forum Réfugiés). Elle donnera un avis sur les critères de régularisation, afin d'harmoniser les pratiques préfectorales.

 Attentifs aux situations individuelles, respectueux des personnes, nous devons, dans le même temps, mieux lutter contre les fraudes et les filières.

Pour cela, j'ai décidé de créer un "titre de séjour électronique", incluant la photographie numérisée et les empreintes digitales de l'étranger. Je présenterai à la CNIL ce projet avant la fin du mois. L'utilisation des technologies biométriques dans les documents officiels doit être généralisée. Nous l'avons fait pour les visas. Nous devons le faire pour les cartes de séjour.

 Dans le même esprit, pour lutter contre les fraudes, nous devons mettre un terme aux abus de l'aide sociale versée aux ressortissants étrangers. 

 J'ai demandé au Premier ministre d'inclure, dans le projet de loi sur la cohésion sociale qui sera présenté mercredi prochain au Conseil des ministres, la suppression du RMI versé à des chômeurs européens venus chercher un emploi en France. C'est une mesure de bon sens !

 J'ajoute que les ressortissants européens, contrairement aux idées reçues, n'ont pas le droit de séjourner durablement en France sans condition. Je l'ai rappelé dans une circulaire aux préfets, adressée à l'occasion de l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l'Union européenne. Ceux qui n'ont pas de ressources et qui constitueraient donc une charge pour notre système d'aide sociale n'ont pas le droit de séjourner en France. Il était donc tout à fait légitime de raccompagner dans leurs pays, en 2006, 6 000 Roumains et Bulgares. Et en 2007, nous continuerons de reconduire à la frontière ceux qui n'auraient pas de ressources minimales pour résider en France.

 Je le répète : on ne doit pas immigrer en France pour bénéficier d'aides sociales. Notre pays n'a pas vocation à être un guichet social universel !

C'est pourquoi nous ne devons pas différer indéfiniment la réforme de l'aide médicale d'Etat. Il faut la réserver aux ressortissants étrangers vraiment nécessiteux. Il me paraîtrait tout à fait normal que les autres participent financièrement aux soins qui leur sont dispensés.

Je souhaite, surtout, préciser un point important : dans mon esprit, le "droit opposable au logement" ne doit pas être reconnu à tous les étrangers présents en France. Il va de soi que les "sans papiers" ne doivent pas y avoir accès. Je ne souhaite pas, non plus, que tous les étrangers en situation régulière y aient droit. S'ils sont arrivés récemment en France, ils doivent encore faire la preuve de leur intégration. Pour moi, seuls les étrangers parfaitement intégrés, titulaires d'une carte de résident de 10 ans, auraient vocation à bénéficier du "droit au logement opposable" au même titre que les Français.

Je développerai d'autres propositions dans un autre cadre : plus que jamais, je suis déterminé à conduire une politique d'immigration responsable et réaliste.

Mesdames et Messieurs,

Pendant près de quatre ans, place Beauvau, j'ai été guidé par une exigence et une passion.

L'exigence de servir mes compatriotes, en rétablissant le droit à la sécurité, en développant les territoires, en transformant la politique d'immigration.

La passion de faire reculer, au quotidien, les frontières du possible. J'ai refusé d'écouter ceux qui me disaient que, surtout, il ne fallait pas bousculer les habitudes. J'ai regardé la réalité en face. J'ai essayé de rompre avec le renoncement qui avait caractérisé, place Beauvau, les années 1997 à 2002.

Permettez-moi, pour conclure, de vous présenter mes vœux pour 2007, une belle année d'action, une année de mobilisation au service des Françaises et des Français.