08.09.2006 - 53ème finale nationale du concours de labour à Vergezac

8 septembre 2006

Intervention de M. Nicolas SARKOZY, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire, lors de la 53ème finale nationale du concours de labour à Vergezac en Haute Loire.


Mesdames, Messieurs,

Je me réjouis d'être aujourd'hui en Haute-Loire, sur la terre volcanique de l'Auvergne, parmi les agriculteurs que je sais être les plus performants de France, puisqu'ils sont finalistes de cette 53ème finale de Labour. Je suis heureux de pouvoir y rencontrer le monde agricole dans toute sa diversité. Merci, cher Philippe Meurs, de m'en avoir donné l'occasion. Permettez-moi de saluer la remarquable implication des Jeunes Agriculteurs dans l'organisation efficace de cette manifestation. Ce rassemblement est à votre image. Il est porteur d'énergie, d'enthousiasme, de générosité et d'authenticité. J'y vois un acte de foi dans l'avenir de l'agriculture française et du monde rural, qui ont encore tant à apporter à notre pays, à l'Europe et plus largement aux grands équilibres de l'humanité.

Parce que l'insécurité est beaucoup plus urbaine que rurale, parce mes fonctions et l'actualité récente m'ont plus appelé ces derniers mois dans les quartiers difficiles que dans nos campagnes, je n'ai eu que trop rarement le temps de rencontrer les agriculteurs. C'est pourquoi, j'ai absolument tenu à être avec vous  aujourd'hui. Je suis venu vous adresser un message de confiance et vous dire que vous avez toutes les raisons de croire dans votre avenir. Car ma conviction, c'est qu'à rebours de certaines idées reçues, l'agriculture française, et au delà européenne, a bien l'avenir devant elle. Pour vous aussi, pour vos familles, pour vos métiers, pour les territoires dans lesquels vous vivez et vous travaillez, l'avenir peut cesser d'être une menace pour redevenir une promesse.

L'agriculture est à l'origine de la civilisation. Mais malgré son ancienneté immémoriale, le métier d'agriculteur incarne les valeurs modernes sur lesquelles nous devons fonder l'effort de redressement du pays : le travail, la prise de risque, le courage, l'innovation, la capacité d'adaptation et la solidarité.

Je n'oublie jamais qu'un agriculteur est avant tout un entrepreneur, qui ne compte pas ses heures, qui porte la responsabilité d'investissements importants, qui doit relever des défis humains, financiers, techniques, et administratifs souvent considérables. Un chef d'entreprise soumis à la nécessité de s'adapter en permanence aux technologies, aux réglementations, au climat, au marché. Pour se lancer dans l'agriculture, il faut de l'esprit d'entreprise. Pour s'y maintenir il faut de la ténacité. Et pour y réussir il faut du talent. Bref, il faut être passionné et travailleur, deux mots qui ne me font pas peur et qui sont au cœur de mon engagement politique. Des hommes et des femmes comme vous, c'est ce qui fait le sens des combats que je mène et du projet que je veux porter pour donner à nos compatriotes l'envie et les moyens de prendre leur destin en mains.

S'il y a bien un pays qui doit beaucoup à son agriculture, c'est la France. C'était vrai hier, quand ses paysans l'ont faite le plus riche pays d'Europe. Cela reste vrai aujourd'hui. Moderne, l'agriculture l'est par sa puissance et ses performances. On ne devient pas par hasard le premier pays agricole de l'Union européenne et le deuxième exportateur mondial derrière les Etats-Unis. La filière agricole et alimentaire, c'est plus que l'automobile, c'est un actif sur quinze, c'est un neuvième de nos exportations, c'est l'indépendance alimentaire. Et ce sera encore plus vrai demain. Avec la croissance sans précédent de la population mondiale. Avec l'explosion de la demande solvable de biens alimentaires permise par l'accès au développement de centaines de millions de personnes dans les pays émergents. Avec aussi le boom annoncé des débouchés non alimentaires comme les énergies renouvelables ou la chimie verte.

Ce sont les progrès technologiques de l'agriculture qui ont permis la révolution industrielle, ce sont eux qui ont libéré des bras pour construire la France des trente glorieuses, ce sont eux qui ont mis fin à la famine et à la malnutrition. C'est aussi pour une bonne part grâce à eux que les Français vivent en moyenne 35 ans plus vieux qu'il y a un siècle. L'économiste anglais Malthus pensait en 1800 que la population ne pouvait plus augmenter sans rencontrer famine et destruction. Depuis qu'il s'exprimait ainsi, elle a été multipliée par six et la faim est en recul constant. Il avait tort, comme avait tort un gouvernement malthusien qui pensait que le travail était limité et qu'il fallait que chacun en donne un peu à son voisin. Le partage de la pénurie n'a jamais fait disparaître la pénurie. C'est un pis aller qui a au contraire pour conséquence de l'installer dans la durée. La vérité c'est que c'est le travail qui crée le travail et la richesse.

Aujourd'hui, dans l'économie de la connaissance, l'agriculture est plus présente que jamais. Je l'ai constaté en lançant les pôles de compétitivité : les filières agricoles et alimentaires portent une dizaine de pôles performants et de nombreux projets de recherche et de développement de pointe. Le pôle mondial « Industrie Agro-ressources » développe par exemple les usages extraordinaires des produits agricoles dans les domaines non alimentaires. La recherche ouvre la voie à des matières nouvelles, moins polluantes, moins nocives pour la santé, produites à partir de ressources renouvelables. Après le siècle de la chimie, celui des communications, le XXIème siècle sera celui des sciences du vivant.

Je crois pour ma part que l'heure de la fin des progrès agricoles n'a pas sonné et que les agriculteurs peuvent encore tirer de la terre beaucoup plus qu'à présent. Quand je dis beaucoup plus, je ne parle pas nécessairement en quintaux ou en hectolitres ; je parle aussi en qualités nutritives, en goût, en valeur ajoutée, en économies d'eau ou d'énergie, en protection de l'environnement. La société a un besoin vital que l'agriculture continue à s'améliorer, dans tous les domaines. Vous, les jeunes agriculteurs, devrez porter cette ambition et continuer à faire partager ce projet à l'ensemble de la nation.

Je sais pourtant que l'avenir, pour chacun d'entre vous, n'est pas toujours aussi limpide. La viticulture, la volaille, le secteur sucrier, font face à des mutations difficiles. Dans la moitié des foyers, le revenu agricole est inférieur au SMIC ! Je n'admets pas que des gens qui travaillent aussi dur gagnent aussi peu. Que des gens qui ne prennent pas de vacances et se lèvent à l'aube gagnent la même chose que d'autres à ne rien faire.

Je ne souhaite pas pour autant faire des agriculteurs des assistés à leur tour. Je crois qu'il est possible que le monde agricole vive de la vente de ses produits. Je crois qu'il est possible que les prix agricoles rémunèrent dignement le travail, les risques, la compétence des exploitants. Pour cela, je pense qu'il faut agir dans trois directions : les nouveaux usages des produits agricoles ; l'organisation des filières ; et la solidarité nationale et européenne face aux risques.

Je pense que dans 20, 50 ou 100 ans, on verra le début du XXIème siècle comme un tournant dans l'économie agricole. La hausse des prix du pétrole et du gaz, la prise de conscience du réchauffement climatique et les progrès de la science se sont conjugués en quelques années pour transformer les usages des produits de la terre. Nous connaissons aujourd'hui l'essor des biocarburants : l'éthanol ou l'ester de colza émettent trois fois moins de gaz à effet de serre que l'essence ou le gazole. L'essor des biomatériaux : on fait du papier avec du chanvre, du plastique avec des pommes de terre, de l'isolant avec du lin, des solvants avec du tournesol. Je souhaite placer la chimie verte au cœur de l'ambition industrielle et scientifique de la France : ces technologies ne serviront nul autre pays mieux que la grande puissance agricole que nous sommes. Car ces nouveaux débouchés agricoles stimuleront la demande mondiale, et la demande mondiale stimulera les prix. Je vous donnerai un exemple : les prix mondiaux du sucre ont triplé en 2005. Pourquoi ? Parce que les prix du pétrole ont décollé et rendu rentable une production massive d'éthanol. Ce n'est pas un accident, c'est l'avenir.

Je vois une deuxième nécessité pour les agriculteurs : trouver une nouvelle position, plus rémunératrice, dans la chaîne de la valeur qui va du producteur au détaillant ou au produit fini. Vous devez construire un autre rapport de force. Quand sur un marché la demande se réduit à 6 énormes centrales d'achat, je ne comprends pas qu'on impose à une profession de rester atomisée. Je ne suis pas pour l'instauration de monopoles ou de cartels, mais seulement pour l'égalité des armes : quand la distribution s'organise, la production doit pouvoir le faire aussi. Ce que le droit de la concurrence autorise pour certains, il ne doit pas l'interdire à d'autres.

Conquérir de nouvelles marges, c'est aussi exploiter la différenciation et la qualité. Je sais que la Haute-Loire l'a compris : la nouvelle AOC bœuf du Mézenc en fournit la preuve. La France a fait partager à l'Europe sa politique d'indications d'origine, de signes de qualité. C'est un outil remarquable d'orientation du consommateur vers la qualité, vers les produits à haute valeur ajoutée, un atout pour la valorisation des savoir-faire les plus anciens comme des innovations les plus modernes. Il y a désormais au niveau mondial une bataille à mener pour faire reconnaître et partager cette politique : partout, producteurs et consommateurs y ont intérêt ; mais c'est bien la France, avec son image de marque exceptionnelle, qui en tirera le plus grand profit.

C'est en parlant directement au consommateur que vous gagnerez : en certifiant les produits bio, les terroirs, les méthodes de production ; en simplifiant aussi, vis-à-vis du consommateur étranger, la présentation des produits. Vous, les producteurs, êtes mieux placés que la distribution pour donner cette valeur ajoutée à vos produits. Vos coopératives qui ne doivent pas oublier qu'elles sont la propriété et l'outil des agriculteurs, vos groupements qui doivent pouvoir acquérir les compétences nécessaires. Le rôle de l'État doit être de vous y aider, et en aucun cas de vous décourager.

Enfin, je crois que la puissance publique conserve un rôle dans une activité aussi particulière que l'agriculture. La puissance publique, c'est à la fois l'Europe et l'État. La politique agricole commune, nous le savons tous, traverse d'importantes transformations, et elles ne sont pas terminées. Il est aujourd'hui temps de réfléchir sans préjugés à ce que doit faire l'Europe d'un côté, l'État de l'autre, pour le secteur agricole.

L'Europe doit s'assigner pour objectif de protéger son agriculture contre les aléas, qui la frappent plus que tout autre secteur économique. Aléas climatiques, aléas sanitaires, volatilité des marchés mondiaux : les risques sont nombreux et pas une année ne s'écoule sans qu'en souffre une filière ou une région. On mutualise mieux les risques entre 25 pays que tout seul : assurer ses agriculteurs contre les calamités est la première fonction de l'Europe. Je dis oui au principe de responsabilité, mais également oui à l'indemnisation des professionnels qui perdent leur production. Oui à une meilleure compétitivité sur le marché mondial, mais oui aussi au soutien conjoncturel quand les cours crèvent le plancher du raisonnable.

Vous l'aurez compris, je vois dans les nouveaux usages, la conquête de la chaîne de valeur et la protection contre les risques les trois piliers d'une politique agricole rénovée, adaptée aux enjeux de l'économie de la connaissance et de la mondialisation. Ceci dit, s'il nous faut renouveler notre politique agricole, il ne faut pas que nous sacrifions quelques principes qui me sont chers, comme à vous-mêmes.

Premier principe, la préférence communautaire qui est au fondement du projet européen et qui doit être réaffirmée comme sa raison d'être, dans d'autres domaines d'action d'ailleurs que la PAC. Comment voulez-vous réconcilier l'Europe et les citoyens si vous leur donnez l'impression que l'Union européenne a davantage vocation à être une sous-région de l'ONU qu'un espace de solidarité économique et politique privilégié?

Deuxième principe, l'indépendance alimentaire de l'Europe, dans sa double dimension quantitative et qualitative. Par delà l'intérêt évident de la mise en œuvre de ce principe pour la sécurité et la santé des consommateurs européens, aucun ensemble économique et politique à la dimension d'un continent ne peut prétendre peser sur les affaires du monde en renonçant dans le même temps à être une puissance agricole. L'agriculture, les produits agricoles, ce ne sont pas des activités et des biens comme les autres. Il s'agit de la satisfaction d'un besoin vital, celui de se nourrir en respectant son corps et en préservant sa santé. Il s'agit du travail du vivant et de la domestication de la nature. Cessons d'opposer les priorités de l'Europe en troquant dans les enceintes de l'Organisation Mondiale de Commerce l'agriculture contre les services et à Bruxelles l'agriculture contre la recherche. Ce n'est pas l'agriculture contre les services, l'agriculture contre la recherche, mais l'agriculture avec les services, l'agriculture avec la recherche. L'agriculture ne doit pas être la variable d'ajustement des négociations internationales. Et si cela n'est pas possible sans augmentation des moyens budgétaires consacrés à l'agriculture, ne refusons pas d'en examiner la possibilité. Sans attendre du reste, il faut que les pouvoirs publics et la profession agricole réfléchisse à ce que sera la PAC après 2013. Le chantier de la réflexion doit être ouvert sans tarder. Et sur ce chantier, nous trouverons la question de l'articulation entre les compétences communautaires et les compétences nationales. A l'intérieur des règles communes édictées pour éviter les distorsions de concurrence, il doit y avoir place pour des politiques et des interventions aux circuits de décision et de mise en œuvre qui soient plus courts. Il doit y avoir place pour des mécanismes nationaux plus adaptés aux préoccupations et aux spécificités de chacun des Etats-membres ou des régions agricoles. Pourquoi par exemple le développement rural devrait-il être géré au niveau communautaire, plutôt qu'au niveau national ?

Troisième principe, le soutien au développement rural, à la modernisation des exploitations et à l'installation. Je sais que les jeunes agriculteurs tiennent à juste titre à une politique ambitieuse d'installation. Le renouvellement des générations, le maintien d'une répartition équilibrée des exploitations sur l'ensemble du territoire, ce sont des objectifs indissociables de la préparation de l'avenir et de la préservation des équilibres de notre société. J'ai mis en place avec Dominique BUSSEREAU l'exonération des plus-values pour la cession d'entreprises, artisanales mais aussi désormais agricoles. Quelle meilleure manière d'encourager les cessions que de laisser un agriculteur conserver la plus-value bâtie sur le travail d'une vie ? Le crédit d'impôt transmission et la défiscalisation de la dotation jeune agriculteur peuvent aussi constituer de puissants leviers pour faciliter la reprise d'une exploitation. Nous ne devons pas hésiter à aller plus loin et nous donner s'il le faut les moyens d'une politique d'installation plus volontariste, même si cela doit signifier la mobilisation de crédits supplémentaires. Cela doit rester un axe prioritaire de notre politique agricole. Chaque année, un départ sur deux n'est pas remplacé : pour la première fois en plusieurs siècles, les superficies cultivées régressent alors même que les besoins sont en expansion. Nous ne devons pas seulement veiller à faire de la quantité, autrement dit à faire du chiffre. Nous devons aussi poursuivre un objectif de qualité pour offrir aux jeunes agriculteurs des conditions optimales de réussite dans leurs nouvelles responsabilités d'entrepreneur. Cela passe notamment par la formation et par des projets conçus dès le départ dans une optique de viabilité économique et financière rigoureusement évaluée. D'où l'importance de l'accompagnement et du conseil dans les dispositifs de soutien à l'installation. Cela suppose aussi un environnement économique et social dynamique, porteur et attractif, pour l'exploitant comme pour sa famille. S'investir dans une exploitation agricole, ce n'est pas seulement un projet professionnel, c'est un véritable projet de vie. Et les jeunes agriculteurs qui s'installent ont la préoccupation légitime d'avoir des conditions de vie qui soient les mêmes que celles de tous les jeunes Français de leur âge.

A cet égard, je voudrais vous dire quelques mots du développement rural. J'ai souhaité, en revenant au gouvernement l'année dernière, avoir la responsabilité de l'aménagement du territoire, parce qu'il est fondamental, dans un pays aussi divers que la France, d'aider chaque ville, chaque pays, à saisir sa chance et à trouver le modèle de développement qui lui convient le mieux.

C'est vrai pour les vallées industrielles, c'est vrai pour les banlieues difficiles, mais c'est surtout vrai pour le monde rural. Le monde rural je n'y suis pas né et je n'y ai pas fait ma carrière politique. Mais ce qui me porte à chaque instant dans la vie politique, c'est l'amour de la France et de son peuple. Et on ne peut pas aimer la France sans aimer ses campagnes, ses vallées, ses causses, ses puys, ses ballons et ses crêts. On ne peut pas aimer la France sans aimer les tuiles ou les ardoises de ses clochers, la brume du petit matin sur ses champs, et sans aimer ceux qui font vivre le plus grand territoire d'Europe. Aimer la France, c'est aimer la ruralité qui fait nos racines, pas l'aimer pour la conserver immobile dans la contemplation du passé, mais l'aimer pour l'accompagner dans la modernité et dans son dynamisme retrouvé.

J'ai pour la France rurale de l'optimisme et de l'ambition. J'ai de l'optimisme parce que l'exode rural appartient au siècle dernier. Parce que des technologies nouvelles abolissent les distances et le handicap de l'isolement. Parce chaque année une grande ville s'installe à la campagne : plus de 100 000 habitants choisissent tous les ans de quitter l'espace urbain.

Les nouvelles technologies de communication ont ouvert une chance formidable aux campagnes : chaque ferme peut abriter une start-up ; chaque village un créateur de jeux vidéo ; chaque bourg un centre d'appel. L'Internet a ouvert à chacun l'accès à une bibliothèque illimitée, à une discothèque illimitée, à une cinémathèque illimitée. C'est une chance formidable pour l'attractivité et le développement économique du monde rural.

Voilà pourquoi je crois que l'investissement le plus payant que puisse faire la collectivité nationale dans le monde rural, c'est de lui ouvrir un accès aussi large et économique que possible à ces technologies. J'ai donc accéléré le déploiement du plan de couverture en téléphonie mobile et en internet à haut débit : entre le 1er janvier 2005 et le 30 juin 2006, 800 communes sont sorties des zones blanches. Pour l'Internet à haut débit, 3 500 sites supplémentaires seront couverts fin 2008 : les licences ont été accordées aux opérateurs en juillet. Un programme gouvernemental permettra à toute commune qui le demande d'être aidée financièrement à hauteur de 50 %, ou même 80 %, pour raccorder la mairie et l'école au haut débit.

Le renouveau démographique et la révolution technologique offrent une chance formidable au monde rural. Ma responsabilité de ministre de l'aménagement du territoire, c'était de l'aider à transformer l'essai et à convertir ces nouvelles possibilités en activité et en emplois. C'est pour cela que j'ai lancé avec Christian ESTROSI l'appel à projets des pôles d'excellence ruraux. En juin, nous avons retenu les candidatures de 176 pôles, qui portaient 580 millions d'euros de projets, qui vont créer d'ici 2009 plus de 7000 emplois. Dans les biocarburants, la recherche-développement, la valorisation du patrimoine, ces projets sont créatifs, foisonnants, innovants. En Haute-Loire, trois pôles ont été labellisés, sur la valorisation des richesses forestières, les nouveaux services à la population, la promotion des richesses culturelles. Pour moi, l'aménagement du territoire, ce n'est pas l'autre nom de l'assistanat. C'est donner aux territoires qui ont des projets la possibilité de les réaliser.

Ma philosophie n'est pas de donner à chacun la même chose, mais à chacun les mêmes chances. Elle n'est pas de définir à Paris des grands plans précis au millimètre près, mais de donner des objectifs et de laisser les acteurs locaux libres des moyens de les atteindre. C'est l'approche que j'ai suivie pour un dossier qui m'est cher, les services en milieu rural.

J'ai demandé aux préfets, à l'automne dernier, d'organiser dans chaque département, dans chaque canton rural, une consultation de la population pour comprendre les besoins et recueillir les propositions. Je leur ai ensuite demandé de me faire des propositions d'action, sans imposer les solutions. J'ai seulement demandé à la DIACT, l'ancienne DATAR, de proposer de nouveaux outils, en utilisant la polyvalence, les nouvelles technologies, et de donner un soutien financier aux initiatives. Selon les territoires, ce sera un cabinet médical de groupe, un service de transport à la demande, ou un service administratif polyvalent nouveau tel que les relais services publics que j'inaugurerai prochainement.

Je souhaite que ce choix de l'écoute, de la concertation et du respect des initiatives locales se pérennise et devienne la méthode de référence : quand je parle de rupture, c'est cela que je vise. Rompre avec les décisions uniformes, égalitaristes et bureaucratiques pour réformer sans drame, avec le pragmatisme des acteurs de terrain.

J'ai confiance en la France rurale parce qu'elle a compris que la modernité était l'alliée et non l'ennemi de la tradition et des terroirs. Le monde agricole porte sur ses épaules les grands défis des années qui viennent. L'agriculture détient une grande part de la mémoire collective des Français et une grande part des clés de leur avenir. Elle est la première exposée au changement climatique – la sécheresse nous le rappelle – et la première à en détenir les solutions. Elle est au cœur du projet européen et au cœur de ses mutations.

J'aime le monde agricole parce que j'en partage les valeurs, parce que j'apprécie les hommes et les femmes qui font ce métier difficile et passionnant. J'ai encore beaucoup à apprendre de vous, mais je souhaite vous dire dès aujourd'hui que mon écoute et ma volonté d'agir vous sont acquis, que l'agriculture mérite une place stratégique dans la politique de la France parce qu'elle est tout simplement une composante stratégique de l'avenir du pays. Ce qui est en jeu va bien au delà des seuls intérêts des professions agricoles. Il ne peut donc y avoir de projet politique digne de ce nom qui fasse l'impasse sur un sujet aussi important. Et il ne peut plus s'agir dans mon esprit de se limiter à un catalogue de mesures ponctuelles destinées à coller à l'actualité du moment. Ce dont nous avons besoin par dessus tout aujourd'hui, c'est d'une politique d'ensemble, sous-tendue par une vision globale et cohérente de la place de l'agriculture dans nos sociétés et dans le monde de demain. J'aurai l'occasion dans les mois qui  viennent de faire des propositions en ce sens.

Je vous remercie de votre attention.