07.10.2006 - Nicolas SARKOZY au 113ème Congrès des sapeurs-pompiers

7 octobre 2006

Intervention de M. Nicolas SARKOZY, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire lors de la clôture du 113 ème congrès national des sapeurs pompiers, à Pau.


Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

Je me dois de vous transmettre les regrets du Président de la République de ne pas être des vôtres aujourd'hui. Vous connaissez tous son attachement à votre profession. Ses obligations internationales ne lui ont pas permis d'être à vos côtés. Il en est désolé.

Mes chers amis,

Votre congrès vient d'être endeuillé par un tragique accident. Je partage la peine de la famille de Jean-Claude RAVAUD et votre tristesse. Mais je tiens à vous dire que, malgré cette triste circonstance, je suis heureux d'être avec vous.
C'est la 4ème fois que je réponds à votre invitation et je vous retrouve avec la même émotion et la même fierté, cette émotion que j'ai ressentie au milieu de vos 100 drapeaux réunis sous l'Arc de Triomphe et en voyant défiler le drapeau de votre Ecole Nationale sur les Champs Elysées lors du dernier 14 juillet.

Après le congrès de Bourges, autorisez-moi à vous faire une confidence : en revenant parmi vous, ici à PAU, je me sens chez moi, en totale confiance. Entre vous et moi, il existe un pacte qui est fondé sur la franchise et l'exigence. Cette manifestation qui permet une fois par an de réunir toute votre profession derrière son Président Richard VIGNON que je veux féliciter très chaleureusement pour sa réélection, constitue un rendez-vous très fort.

Vous représentez les 250 000 sapeurs pompiers de France, 250 000 hommes et femmes qui ont fait de la protection de nos concitoyens un choix de vie, 250 000 hommes et femmes qui, quotidiennement, ont pris le parti de donner aux autres le meilleur d'eux-mêmes.

Depuis 2002, je vous vois au travail, je juge vos résultats et j'observe le chemin parcouru ensemble pour moderniser la sécurité civile.
Ensemble nous avons consolidé le volontariat !
Ensemble nous  avons conforté la situation des professionnels ! Ensemble nous avons géré des opérations au quotidien et nous nous sommes préparés aux missions de la sécurité civile du 21ème siècle.

Vous, les volontaires, qui avez choisi, par votre engagement, de transcender l'égoïsme et l'individualisme ambiants, vous méritiez que votre action soit encouragée et valorisée. C'est ce que nous avons fait.

Je viens de signer, il y a quelques minutes, le plan d'actions en faveur du développement du volontariat avec la présidente du MEDEF, les présidents de la CGPME, de l'Union professionnelle artisanale (UPA), des associations d'élus et des associations de sapeurs-pompiers.

Je tiens personnellement à remercier chacun d'entre eux. Ce plan engage l'Etat, les employeurs publics et privés ainsi que les sapeurs-pompiers. Il permet désormais de concilier la disponibilité du sapeur-pompier volontaire et l'activité de l'employeur.

Cette démarche gagnant-gagnant conforte notre volonté d'assurer un service de secours de proximité dans le cadre des missions de la sécurité civile. L'engagement citoyen du sapeur-pompier volontaire et l'engagement civique de l'employeur contribuent à assurer la sécurité de l'ensemble de nos concitoyens. J'ajoute qu'avoir un sapeur-pompier volontaire dans son entreprise, c'est avoir la chance de disposer d'un collaborateur différent, je veux dire par là un collaborateur dont l'expérience peut s'avérer décisive sur son lieu de travail.

Il fallait que partout en France, dans chaque secteur professionnel, le statut de volontaire soit considéré et respecté. C'est pourquoi j'ai créé le label "employeur partenaire" qui valorise et reconnaît cet engagement civique.

C'est pourquoi j'ai également voulu donner, au travers des dispositions sur le mécénat, un coup de pouce aux employeurs du secteur privé qui autorisent leurs salariés sapeurs-pompiers volontaires à intervenir pendant leurs heures de travail.

Vous-vous en souvenez, pour conforter le volontariat, j'avais demandé à une mission d'élus locaux en 2002 de me faire des propositions. Deux ans plus tard, elles ont donné naissance à la Prestation de Fidélisation et de Reconnaissance. Nous l'avons mise en œuvre dans la loi de  2004. Le 17 mai 2005, l'Association nationale de la P.F.R. composée d'élus de l'Association des départements de France et de membres de votre fédération a été créée. Le 29 juin dernier, le marché a été attribué à la CNP assurance.

Votre fédération et l'Association des départements de France m'ont sollicité pour qu'un report exceptionnel soit accordé par l'assureur afin de vous permettre de transmettre à ce dernier les éléments nécessaires au versement des premières rentes dès le mois de décembre. Je suis intervenu personnellement et c'est chose faite. Vous pourrez bénéficier d'un délai supplémentaire d'un mois.

Mais il fallait faire plus pour le volontariat.

Avec vous, j'ai voulu que des aménagements soient apportés pour que des volontaires puissent s'engager dès l'âge de 16 ans.

Avec vous, j'ai voulu que l'aptitude physique soit mieux prise en compte et que ceux qui ne rempliraient plus les conditions en matière de lutte contre l'incendie puissent être employés malgré tout à d'autres missions.

Avec vous, j'ai voulu que les formations acquises dans un département et notamment celles qui désormais correspondent le mieux aux missions courantes, puissent être validées dans un autre département afin de ne pas vous voir astreints à recommencer une nouvelle formation longue et surtout inutile.

Avec vous, j'ai voulu que la validation des acquis de l'expérience (VAE) pour les sapeurs-pompiers volontaires soit  amplifiée. Après la création au niveau CAP d'une mention complémentaire « Sécurité civile et d'entreprise », un  bac pro « sécurité prévention » a été créé en mai 2006 et expérimenté  dans 4 établissements depuis la rentrée. 12 autres établissements sont candidats pour 2007.

Je vous précise que ces deux diplômes sont accessibles aux sapeurs-pompiers volontaires par la V.A.E. et je compte sur le soutien des services départementaux d'incendie et de secours pour les aider à réussir cette démarche.

Mesdames et messieurs,

Je veux que tous nos concitoyens aient conscience que derrière l'uniforme qui vient les aider ou les sauver, derrière le sapeur-pompier volontaire qui est là quand il le faut, il y a un engagement très fort et très exigeant. Chaque Français peut apprécier les qualités humaines et techniques que vous déployez en intervention. Ils vous aiment, ils vous envient parfois, mais ils ignorent souvent le lot de sacrifices que vous avez dû effectuer pour être là où vous êtes. Ils ignorent toutes ces heures de formation qui furent les vôtres. Ils ignorent toutes ces heures d'entraînement physique, toutes ces heures d'astreinte sans lesquelles vous ne pourriez remplir votre mission.

Aujourd'hui, nous pouvons dire qu'à la suite des efforts déployés ces dernières années pour fidéliser le volontariat, les effectifs de sapeurs-pompiers volontaires se stabilisent et que la relève se prépare. La présence des jeunes sapeurs-pompiers dans cette salle en témoigne. Ils seront rejoints demain par les pompiers juniors qui adhèrent de plus en plus nombreux à l'esprit du volontariat.

A vous, les sapeurs-pompiers professionnels, je veux dire toute l'estime de la Nation. Vous la servez avec rigueur et passion, il est naturel qu'elle vous en récompense en retour car votre métier n'est comparable à aucun autre. Votre situation, je le dis, devait être confortée, au sein de la fonction publique territoriale, de la formation initiale jusqu'à la fin de carrière.

Il était essentiel de prendre en compte la spécificité de vos missions. La loi de modernisation de la sécurité civile de 2004 l'a fait ! Elle l'a fait en reconnaissant, par exemple, la dangerosité de votre métier, répondant ainsi à l'une de vos attentes les plus légitimes et les plus anciennes.

Quel chemin nous avons parcouru depuis 2002 !

Vous étiez nombreux à souhaiter que les conditions d'exercice de votre métier s'adaptent davantage à vos conditions personnelles. La collectivité a besoin de la diversité des expériences de chacun.
 
C'est le cas de l'adaptation du grade de major dont le projet de décret va être soumis tout prochainement au Conseil d'Etat après avis de la CNSIS et du CNFPT.

Ce texte améliore, de manière significative, le dispositif existant. Il crée, notamment, une voie nouvelle de promotion interne au choix, offerte aux adjudants pour devenir majors et aux majors pour devenir lieutenants. Vous en mesurerez très rapidement les bénéfices.
Grâce à ce décret, la place faite à la promotion interne chez les sapeurs-pompiers est supérieure à la celle de la fonction publique.

En ce qui concerne la revalorisation de la catégorie C, qui doit permettre aux sapeurs-pompiers de bénéficier du protocole signé en début d'année pour toute la fonction publique territoriale, la concertation est engagée conformément aux conclusions de la réunion que vous avez eue avec Brice HORTEFEUX le 18 septembre dernier.

Je considère l'ensemble de ces travaux comme essentiels pour l'avenir de la profession et je souhaite que la CNSIS et le CNFPT puissent se prononcer rapidement sur des propositions précises.
L'amélioration de la formation des officiers supérieurs était une priorité qui nous a conduits à doter l'Ecole Nationale Supérieure des Officiers de Sapeurs-Pompiers (ENSOSP) de moyens ambitieux en décidant son implantation à Aix-en-Provence.
Installée depuis septembre 2004 à Aix, elle fera l'objet d'un transfert total à l'été 2007. La réalisation des bâtiments pédagogiques sera terminée pour l'été 2008 de même que le plateau technique dont l'appel d'offres a été lancé la semaine dernière.

Autour de cette école continueront de se développer les formations spécialisées parmi lesquels le pôle de Cambrai, axé sur les formations NRBC qui ouvrira dès la fin de l'année.

Mesdames et messieurs,

Après avoir consolidé la situation et le rôle des volontaires, après avoir conforté les professionnels, il nous importait de faire face aux opérations du quotidien. Ce quotidien, ce sont d'abord les missions face au feu et le secours à personnes.

Certes, vous ne « décalez » plus qu'une fois sur 10 pour combattre un incendie mais cette mission première des SDIS représente encore le quart du temps passé en opération.

Le secours à personnes sur lequel vous êtes un intervenant majeur représente plus de 2 interventions sur 3, bien que cette mission ne soit pas exclusivement confiée par la loi aux SDIS.

Cette mission exige une parfaite coordination entre les services et tout particulièrement dans le domaine de la régulation médicale.

Vous avez, cher président Vignon, lors de votre dernier congrès annuel, souhaité qu'un débat s'engage sur les missions de secours à personnes. Cette initiative que vous avez voulu inscrire dans une démarche prospective, était réaliste mais également audacieuse puisque vous saviez qu'elle faisait débat jusque dans vos rangs.

Alors qu'émergent les premières orientations issues de cette réflexion, vous souhaitiez recueillir mon sentiment.

Il faut bien reconnaître que, pour des raisons de facilité, les SDIS sont sollicités parfois trop souvent pour effectuer des transports sanitaires qui ne relèvent pas de leurs missions d'urgence mais de la compétence des ambulanciers privés.
Je suis personnellement intervenu auprès du ministère de la santé pour que cette difficulté soit réglée. Ainsi la CNSIS vient d'approuver un arrêté cadre, attendu depuis 3 ans, qui en respectant le principe de libre conventionnement, apportera aux SDIS une revalorisation très substantielle (+14%) de la prise en charge de ces missions.

Ces premières avancées qui contribuent incontestablement à apaiser le climat, ne sauraient toutefois suffire à régler les cas que vous m'avez signalés et sur lesquels je demande aux préfets en liaison avec mes services de trouver des solutions.

Au-delà de votre proposition, j'adhère à l'idée d'intégrer le secours à personnes dans une perspective d'aménagement du territoire. Cette orientation rejoint une des réflexions qui j'ai confiées au Conseil national de sécurité civile.

Vous avez raison d'évoquer l'initiative isolée d'une ARH en matière de plateforme de régulation interdépartementale et je demande qu'on procède à son évaluation. Cela ne doit pas toutefois nous faire oublier que les sapeurs-pompiers ont créé dans 10 départements des plateformes 15/18 et que 20 autres projets sont en cours.

N'oublions pas non plus que sur le terrain le système ANTARES que j'avais appelé de mes vœux lors de votre congrès de Martigues en 2002 se met en place.

C'est aujourd'hui une réalité, et l'Etat y prend toute sa part en finançant l'infrastructure de ce grand projet. Plus de la moitié des départements ont, d'ores et déjà, souhaité s'inscrire dans la démarche de migration de leurs réseaux vers ce réseau national fédérateur de la sécurité civile.

Au travers de ces équipements et de ces organisations territoriales, chacun doit trouver la place qui lui revient pour répondre à l'attente de nos concitoyens. L'organisation des secours au travers des plans, des SDACR et des SROS mobilise des équipements coûteux, mais la cohérence de cet ensemble  doit se situer d'abord à l'échelon départemental. 

Enfin, vous avez soulevé le problème de la place des maires dans ce dispositif en souhaitant que le transfert des contributions financières communales et intercommunales ne compromette pas le rôle et la place qui doit être les leurs. Le report à 2010 des dispositions législatives actuelles doit nous permettre d'y réfléchir sereinement.

Pendant ces 4 années, j'ai mesuré l'évolution de l'engagement qui est le vôtre.

Au-delà de vos centres de secours, vous êtes désormais engagés dans des opérations de solidarité, à la demande de l'Etat, au profit d'autres départements ou d'opérations extérieures. Cet été, nous avons mesuré l'efficacité des renforts, et les bons résultats du bilan des feux de forêt attestent de votre mobilisation et de votre professionnalisme.

Pour vous soutenir dans cette mobilisation sur le terrain, j'ai obtenu l'achat d'un 12ème canadair qui vient compléter la flotte et l'achat récent des 2 DASH après la phase d'évaluation à laquelle je m'étais engagé.

Il en sera de même pour les EC 145 dont j'ai obtenu l'inscription de 3 appareils supplémentaires dans le budget 2007.

Vos experts sont sollicités à l'étranger et outre mer, en Nouvelle Calédonie, à La Réunion et à Mayotte.
De même, et plus récemment, dans un environnement difficile, dangereux, nécessitant des capacités d'adaptation et une aptitude à la coopération, vous avez magnifiquement réussi à ramener plus de 15.000 de nos compatriotes du LIBAN.

J'aurai, d'ailleurs, le plaisir de recevoir la semaine prochaine, le 11 octobre exactement, l'ensemble des acteurs de cette opération et de remettre des décorations à plusieurs d'entre eux.

Chaque année, le tribut payé par les soldats du feu est lourd : treize sapeurs-pompiers professionnels, volontaires et personnels navigants sont décédés depuis le début de l'année ; treize vies brisées, treize de trop !
Manuel BENEDI, 30 ans
Grégory PAILOT, 22 ans
Pascal PETIT, 31 ans
Jean-Luc CERIZIER, 37 ans
Mourad SID-ALI, 25 ans
Didier FAVRE ROCHEX, 41 ans
Jean-Luc DUCOUT, 46 ans
Christian LABAT, 51 ans
Patrick MAURIN, 43 ans
Emmanuelle MACOUIN, 18 ans
François GILLET, 47 ans
Jonathan VELLA, 21 ans
Alain ABAD, 42 ans

Je m'incline une fois encore devant leur sacrifice. J'ai une pensée pour toutes les familles endeuillées par ces disparitions. J'ai encore le souvenir des enfants que j'ai pris à mes côtés lors des obsèques de leur père. Dans ces moments de déchirement, je me suis efforcé de trouver les mots du réconfort, les mots de la gratitude, les mots de la fierté, les mots du courage. Tous ces mots qui, dans les bons comme dans les pires moments, accompagnent votre engagement.

Mais au-delà des mots, il y a la vie qui continue, la vie des familles qui sont brutalement frappées, désorientées. Est-il normal qu'à leur souffrance, s'ajoutent les obstacles du quotidien ? Non, ce n'est pas normal !  L'Etat a un devoir : il se doit de se montrer reconnaissant et attentif à leur sort.

La moindre des choses est que l'Etat, garant de la solidarité nationale, donne à toutes les veuves et conjoints de sapeurs-pompiers qui ont perdu la vie en service et qui ont été cités à l'ordre de la Nation, la possibilité de se voir proposés automatiquement un emploi dans la fonction publique leur permettant de faire vivre dignement leur famille.

Ce geste de soutien à l'égard d'une famille dans le deuil n'est que peu de choses par rapport à toutes les mains tendues par un pompier lors de sa vie.

Mes chers amis,

Je termine en saluant encore une fois votre président, Richard VIGNON avec lequel je me suis rendu aux Etats-Unis le 10 septembre dernier pour rendre un hommage particulier aux pompiers new-yorkais et leur témoigner ainsi notre solidarité dans les événements tragiques auxquels ils ont dû faire face. 

Depuis 4 ans nous avons relevé le défi de la modernisation de la sécurité civile. Et cela ne fut possible, au-delà des moyens matériels et financiers que nous avons engagés, que grâce aux qualités qui inspirent votre action.

Dévouement, désintéressement, esprit de sacrifice, exigence professionnelle : voilà vos vertus, voilà votre morale, voilà votre honneur. Voilà les valeurs éternelles de notre peuple. Et voilà pourquoi les Français se reconnaissent en vous.

Je vous remercie.