07.10.2005 - Cérémonie des 20 ans du RAID

7 octobre 2005

Intervention de M. Nicolas Sarkozy, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire lors de la cérémonie des 20 ans du RAID à Bièvres


Messieurs les directeurs,
Mesdames et messieurs

J'éprouve aujourd'hui un immense plaisir à prendre la parole devant vous, pour célébrer les 20 ans du Raid.

Vous connaissez les liens qui m'attachent à votre unité, depuis qu'en 1993, j'étais avec vous pour négocier avec le preneur d'otages dans l'école maternelle de Neuilly.

Le RAID vivait alors ses premières années. Vous retrouver aujourd'hui c'est comme croiser un ami d'enfance, qui a grandi, qui a traversé des épreuves et avec lequel on peut évoquer les choses que l'on a partagées, parce que depuis Neuilly, nous avons vécu d'autres événements intenses ensemble.

Mais célébrer les vingt ans du RAID, c'est aussi prendre acte du succès d'une filiation trentenaire entre les premières unités d'intervention et la consécration d'une unité d'élite.

Lorsqu'en octobre 1972, Raymond Marcellin créait presque simultanément 7 groupes d'intervention de la police nationale et la brigade anti-criminalité, qui allait rapidement devenir la brigade de recherche et d'intervention, il répondait à la nécessité de disposer d'unités spécialisées dans les interventions difficiles, mais aussi d'être capable de mener des surveillances et des filatures sur des objectifs issus du grand banditisme et réputés dangereux.

De 7, les G.I.P.N. sont passés à 9 et allaient permettre à la police nationale de gérer avec succès un grand nombre d'arrestation ou de neutralisation d'individus.

Si Pierre Joxe, alors ministre de l'intérieur, a pris la décision de créer le R.A.I.D. le 23 octobre 1985, c'est qu'il lui a paru nécessaire de constituer une unité qui fasse la synthèse de la doctrine d'intervention des G.I.P.N. avec celle des B.R.I.. Il manquait en effet un outil qui permette une continuité dans l'action, c'est-à-dire de conduire des filatures et des surveillances avant de procéder à l'intervention elle-même.

En retenant l'acronyme de Recherche, Assistance, Intervention, Dissuasion, pour désigner cette nouvelle unité, le ministre de l'intérieur souhaitait se doter d'un instrument auquel confier des missions de lutte antiterroriste et contre le banditisme, d'arrestations difficiles, de protections à haut risque et de résolution de crises graves.

Très rapidement, l'actualité allait donner raison aux initiateurs de cette démarche.

• Dès 1987, le R.A.I.D. procédait à l'arrestation à Vitry aux Loges, des membres d'Action directe.

• En mars 1994, à Spérone, le R.A.I.D. arrêtait un commando de nationalistes corses au moment où il s'attaquait à un luxueux ensemble immobilier.

• En mars 1996, à Roubaix, il neutralisait un groupe de dangereux malfaiteurs frayant avec le terrorisme islamiste.

• En 2001, il intervenait également lors d'une prise d'otages à la prison de Fresnes

Ceci pour ne retenir que les faits les plus spectaculaires.

Fruit d'une synthèse, le R.A.I.D. s'est aussi adapté, puisqu'en 1997, était créée en son sein, une section spécialisée "gestion de crise et négociation".

Les effectifs ont été augmentés, passant de 85 fonctionnaires à sa création à 107 en 2002 puis à 163 aujourd'hui.

Reconnu, renforcé, le R.A.I.D. est passé du stade de simple service d'intervention, à une unité aux compétences nouvelles d'assistance aux services de renseignement et judiciaires, de lutte anti-terroriste.

C'est ainsi que vous avez assuré pendant 3 ans la protection du général Haoun, après son départ du Liban, de même que celle de Salman Rushdie, auteur des "Versets sataniques", condamné à mort par les ayatollahs iraniens et enfin celle de l'équipe de France de football depuis la coupe du monde de 1998 jusqu'en 2004.

Il est aussi devenu une unité de gestion de crise, disposant d'une entité spécifique de lutte contre la menace N.R.B.C..

Ceci vaut au R.A.I.D. une réputation d'excellence de portée internationale et le voit sollicité par de nombreuses polices étrangères. J'en veux pour preuve votre présence dans le cadre des derniers jeux olympiques à Athènes ou votre participation à la création du groupe d'intervention de la police armée populaire de la République de Chine (cette armée compte 850 000 hommes).

Aujourd'hui, le R.A.I.D., placé sous l'autorité du directeur général de la police nationale, est appelé

• A intervenir à l'occasion d'événements graves nécessitant l'utilisation de techniques et de moyens spécifiques tendant à la neutralisation d'individus dangereux,

• A porter assistance pour :
o La protection des hautes personnalités particulièrement menacées
o La formation des personnels de police français et étrangers en matière de lutte anti-terroriste ou de prise d'otage
o Les recherches, études et essais de matériels et des techniques, en liaison avec la direction de l'administration de la police nationale
o La mise à disposition au profit des services de police de matériels sophistiqués mis en œuvre par le personnel de l'unité.

Voilà pour ce qui est du R.A.I.D. aujourd'hui.

Cet outil remarquable, fruit, comme je l'ai déjà dit, d'un héritage, mais aussi d'une longue maturation, est celui dont nous avions besoin en 2003 pour retrouver et arrêter Ivan Colonna, l'auteur présumé de l'assassinat du préfet Erignac.

Je ne peux pas m'empêcher de penser avec une profonde émotion à ces longs mois de travail dans l'ombre, de traque minutieuse, où nous formions, avec Claude Guéant, Michel Gaudin, quelques rares initiés et vous, une équipe déterminée, soudée, certaine d'aboutir, malgré les difficultés.

Cette réussite est emblématique de la doctrine d'intervention du R.A.I.D., mais aussi de sa philosophie d'action et il n'est pas anodin que j'ai pu vous remettre en 2004, votre drapeau, frappé de votre devise :"servir sans faillir".

"Servir sans faillir", vous le faites en étant les gardiens des libertés de notre République, plus que jamais vulnérable alors que des barbares inspirés par un islam dévoyé cherchent à semer la mort et la désolation.

Ce sont des hommes comme vous, formés à travailler dans la rigueur et la légalité qu’il faut aujourd'hui, parce que si nous ne prenons garde, si nous nous laissons dépasser par les enjeux, nos ennemis auront gagné, à nous voir faire fi de nos valeurs démocratiques pour les vaincre.

Aujourd'hui plus que jamais nous avons besoin de professionnels qui vont certes, parfois au péril de leur vie, au bout de leur engagement, mais ne sacrifient jamais les valeurs qu'ils défendent.

La lutte contre le terrorisme est dure, difficile, longue et ingrate, il vous appartient de prolonger le travail d'investigation des services spécialisés au plus près des objectifs.

Il vous appartient aussi de ne jamais baisser la garde et de mériter la confiance que les Français mettent en vous.

Je n'ai jamais regretté de vous avoir accordé la mienne.

Aujourd'hui est une journée de célébration, de l'âge de votre maturité, de vos succès, de remémoration de vos échecs aussi, des crises que vous avez rencontrées, qui chaque fois, parce que vous les avez surmontées, vous ont renforcé.

C'est aussi une journée au cours de laquelle nous devons nous souvenir de ceux qui sont restés au bord du chemin, parce qu'ils ont fait le sacrifice de leur vie pour la sécurité des Français, parce qu'ils nous ont permis de grandir, et parce qu'ils exigent de vous de rester fidèles à leur message :"servir sans faillir"
Je pense à Fernand SEITHER et Christian CARON  décédés le 31 août 1989, à René CANTO le 16 avril 1996

Je sais que leurs proches sont présents parmi nous aujourd'hui, et je leur adresse un profond message d'amitié et de soutien

Mais vingt ans c'est aussi l'âge de l'espérance et de toutes les ambitions. Forts des valeurs que vous ont transmises vos aînés, de professionnalisme, de courage, de dévouement, d'efficacité, le R.A.I.D. va s'engager dans une nouvelle page de son histoire. Elle ne sera sans doute pas facile, tant les périls qui nous guettent sont importants, elle sera aussi exigeante.

Mais je sais avoir en face de moi des hommes capables de relever ces défis, de répondre présent à l'appel de la Nation.

Je vous remercie et vous exprime ma profonde reconnaissance pour le travail accompli et à venir.