Intervention de M. Nicolas SARKOZY, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire à Marseille
Madame et Messieurs les secrétaires généraux,
Messieurs les directeurs généraux et directeurs,
Messieurs les préfets,
Mesdames et Messieurs les consuls généraux et les consuls,
Mesdames et Messieurs,
C'est à Marseille, le 4 juillet 2005, que s'était tenue la première rencontre préfectorale et consulaire sur l'immigration. J'avais souhaité fixer le cap, comme ministre chargé de coordonner l'ensemble de la politique d'immigration.
Une deuxième réunion a eu lieu au Quai d'Orsay, en septembre dernier, à l'invitation de Philippe Douste-Blazy. Et je me réjouis que, ce matin à Marseille, une troisième rencontre ait pu se tenir.
J'accorde, en effet, un grand prix à ces échanges réguliers et approfondis entre les préfets et les consuls, en présence des principaux directeurs d'administration centrale chargés de mettre en œuvre la politique d'immigration au quotidien, avec l'appui du secrétariat général du comité interministériel de lutte contre l'immigration.
Comme vous le savez, j'y vois la préfiguration d'un vaste ministère de l'immigration. Il me semble essentiel, en effet, qu'un ministre unique soit placé à la tête de toutes les administrations responsables des différents volets de la politique de l'entrée et du séjour des étrangers en France : la délivrance des visas et des cartes de séjour, la gestion de l'asile, l'accueil et le parcours d'intégration sur le territoire français, mais aussi l'éloignement des migrants en situation irrégulière, l'accès à la nationalité française et la politique de co-développement des pays d'origine.
J'y vois un puissant facteur de simplification du travail administratif, et un gage d'efficacité accrue.
Si je peux aujourd'hui envisager cette perspective de réforme administrative, c'est parce que nous pouvons nous appuyer sur des bases solides.
Je tiens à remercier, à travers vous, chacun de vos collaborateurs.
Dans les préfectures comme dans les consulats, les agents de l'Etat font un métier très difficile. Je connais les trésors de patience et de générosité dont ils font preuve tous les jours.
Je n'accepte pas qu'ils soient trop souvent soumis à des reproches, des injures, des attaques. Les propos que j'ai lus ou entendus ces derniers mois sont tout simplement intolérables. Les mots ont un sens bien précis : déportation, chasse aux enfants. Ceux qui les exploitent à des fins politiciennes salissent la mémoire des victimes de l'époque la plus sombre de notre histoire.
Nos concitoyens, dans leur immense majorité, ne sont pas dupes de ces manipulations. Ils sont aux côtés des fonctionnaires de l'Etat, qui appliquent les lois de la République et sont au service de nos compatriotes.
1. Je voudrais souligner les trois résultats que nous avons obtenus, ensemble, depuis cinq ans.
Ces résultats marquent une véritable rupture avec la manière dont l'immigration était gérée – ou, plus exactement, n'était plus gérée.
Première rupture : la procédure de demande d'asile n'est plus une "fabrique à clandestins".
La tradition d'accueil des réfugiés avait été totalement dévoyée. Il y a dix ans, en 1997, la France était le septième pays au monde pour le nombre des demandes d'asile. Cinq ans plus tard, en 2002, elle avait pris la première place en Europe. En 2004, sur cette lancée, notre pays était devenu le premier au monde !
Les filières d'immigration clandestine vendaient à leurs victimes, à un tarif d'ailleurs élevé, la possibilité de demander l'asile en France, d'y rester pendant les longs mois et parfois les années d'instruction de leur demande, avant de tomber dans la clandestinité et d'y demeurer dans l'espoir d'obtenir automatiquement une carte de séjour après 10 ans de séjour irrégulier.
Voilà le système absurde qui faisait office de politique migratoire dans notre pays.
Nous y avons mis fin.
La loi du 10 décembre 2003 a considérablement assaini la situation. Les délais d'examen des demandes d'asile sont passés de plus de deux ans à douze mois. La suppression de l'asile territorial a mis un terme à de nombreux abus. L'adoption d'une « liste de pays d'origine sûrs » permet de répondre selon une procédure accélérée aux demandeurs venus de pays où les droits de l'homme sont respectés.
Je le dis devant le directeur général de l'OFPRA : l'application volontariste de la loi de 2003 a porté ses fruits.
Nous avons enregistré une chute spectaculaire du nombre des demandes adressées à la France : il a diminué de 10% en 2005 (passant de 57 000 en 2004 à 52 000 en 2005) et de 35% en 2006 (pour atteindre 35 000). Cette tendance se poursuit cette année : en janvier 2007, les demandes sont inférieures de 34% à leur niveau de janvier 2006.
Les filières d'immigration clandestine et les passeurs ont compris le message que nous leur avons envoyé : la France refuse l'immigration clandestine, la France entend choisir ses flux migratoires. Notre pays se rapproche enfin des démocraties voisines, comme le Royaume-Uni et l'Allemagne.
J'ajoute que nous continuons à rester ouverts, comme c'est normal, à l'accueil des réfugiés politiques, persécutés dans leur pays. En 2006, nous en avons accueilli plus de 10 000, à qui nous avons délivré des cartes de résident. C'est l'honneur de la France que de maintenir une vraie tradition d'asile politique, tout en luttant très fermement contre l'immigration clandestine.
Deuxième rupture : nous avons raccompagné dans leurs pays d'origine plusieurs dizaines de milliers d'étrangers.
Un étranger en situation irrégulière n'a pas, en principe, vocation à séjourner en France. Il a vocation à retourner dans son pays. Nous nous sommes donnés les moyens de mieux faire respecter ces règles de bon sens.
Nous le faisons d'abord en protégeant nos frontières, comme ici à Marseille. Le renforcement des contrôles aux frontières, dans les aéroports et les ports, a permis de refouler 35 000 migrants illégaux avant leur entrée sur le territoire national en 2006.
Nous avons aussi raccompagné dans leurs pays d'origine, depuis 2002, à partir de la métropole, plus de 82 000 "sans papiers" installés sur notre sol. En 2006, ce sont 24 000 étrangers en situation irrégulière qui ont quitté la France, ce qui représente une augmentation de 140% par rapport à 2002 et de 20% par rapport à 2005.
Outre-mer, un effort considérable a également été accompli, puisque 24 000 étrangers en ont été éloignés en 2006.
Ces chiffres sont le résultat direct des objectifs quantitatifs que j'ai fixés aux préfets, de l'augmentation de la capacité d'accueil dans les centres de rétention administrative (1 000 places en juin 2002, 2 400 places en juin 2007) et des vols groupés (40 en 2006 contre 17 en 2005), souvent organisés en coopération avec nos partenaires européens.
J'observe d'ailleurs que le gouvernement social-démocrate allemand d'hier comme le gouvernement socialiste espagnol, le gouvernement travailliste britannique et le gouvernement d'union nationale allemand d'aujourd'hui n'ont aucune difficulté à organiser, avec nous, ces "charters" vers les pays d'origine.
Le taux de délivrance des laissez-passer consulaires a progressé en cinq ans : 27% en 2002, 35% en 2004 et, aujourd'hui, de l'ordre de 45%.
Mais cela reste perfectible ! Certains pays semblent encore méconnaître le principe de droit international, pourtant ancien, qui veut qu'un Etat ait l'obligation de réadmettre sur son territoire ses propres ressortissants. Nos efforts de conviction doivent redoubler, selon une règle simple et claire : ceux qui refusent de délivrer des laissez-passer consulaires s'exposent à ne plus recevoir autant de visas que par le passé.
J'ajoute que l'aide au retour volontaire connaît des résultats encourageants. J'ai veillé à ce qu'elle soit systématiquement proposée aux étrangers invités à quitter le territoire. Son niveau, qui était dérisoire, a été fortement accru : 3 500 euros pour un couple, auxquels s'ajoutent 1 000 euros par enfant. Cet effort a permis en un an, de doubler le nombre des bénéficiaires de l'aide au retour volontaire : 2 000 personnes en 2006. J'en remercie le directeur de l'ANAEM et j'invite chacun de nos consuls présents dans les pays d'origine à faciliter, sur le terrain, les projets de réinstallation des migrants.
La lutte contre l'immigration illégale est aussi, bien sûr, un combat contre les filières exploitant la misère des clandestins. En 2006, des opérations "coups de poings" ont permis de démanteler plus de 100 réseaux, de mettre en cause 3 400 passeurs (contre 1 400 en 2003) et d'arrêter 2 000 employeurs de "sans-papiers" (contre 1 300 en 2003).
Je veux saluer, à ce propos, l'importante opération de démantèlement d'une filière d'immigration chinoise, la semaine dernière, que la PAF a conduite avec la police espagnole et la police allemande. La filière était très organisée : les clandestins chinois, munis de passeports falsifiés japonais, coréens, hong-kongais ou singapouriens, prenaient l'avion à Hong-Kong, habillés en touristes, accompagnés de passeurs, à destination de Roissy, Francfort ou Stuttgart. Ils étaient pris en charge, à leur arrivée, par les relais locaux de la filière, qui les acheminaient par voie terrestre ou ferroviaire vers l'Espagne. 13 membres du réseau et 40 étrangers en situation irrégulière ont été interpellés, à Paris et en Espagne. Les ateliers de faussaire ont été démantelés.
Troisième rupture : nous avons commencé à choisir les flux d'immigration légale vers notre pays, en réorientant la politique de délivrance des visas et des cartes de séjour.
Le réseau consulaire, aux avant-postes de l'immigration, a délivré en 2005 plus de 2 millions de visas, dont 92% de visas de court séjour. Il est évident qu'une proportion importante des bénéficiaires s'installe dans la clandestinité en France après l'expiration du visa.
Pour lutter contre ces détournements, la solution ne consiste pas à réduire drastiquement le nombre des visas. Ce serait contre-productif pour notre pays, qui a vocation à continuer à accueillir un certain nombre de visiteurs – à la condition, bien sûr, que cet accueil ne soit pas subi, mais choisi par la France ! Nous nous sommes, enfin, orientés dans cette voie.
Mieux que par le passé, nous nous assurons que les détenteurs d'un visa de court séjour effectuent bien un court séjour en France, avant de regagner leur pays. C'est tout l'enjeu des visas biométriques. J'ai veillé à ce que les investissements nécessaires soient engagés. 5 postes consulaires ont été équipés à la fin de l'année 2005, 25 l'ont été en 2006, 65 le seront fin 2007. C'est une révolution technologique majeure, dont les effets commencent à se faire sentir. Nous la compléterons, demain, par une seconde étape : la mise en œuvre d'une carte de séjour électronique.
De même, nous nous donnons les moyens de mieux choisir les personnes à qui nous souhaitons délivrer des visas de long séjour, afin d'accueillir en France, pour plusieurs années, des étrangers qui viennent s'y former ou travailler, avant de retourner dans leur pays d'origine.
C'est pourquoi j'ai souhaité, avec le ministre des affaires étrangères, que les visas aux étudiants soient délivrés selon des critères précis, définis par circulaire. Nous avons, dans le même temps, étendu l'expérience des centres pour les études en France (CEF), qui sont désormais présents dans 21 pays. Ils aident les étudiants étrangers à mieux s'orienter, tout en s'assurant du sérieux de leurs démarches. Plus de 80 établissements d'enseignement supérieur sont d'ores et déjà associés à cette procédure novatrice et efficace.
Ce que nous faisons avec les étudiants est exemplaire : ce sont bien dans les consulats que doivent être choisis les candidats à l'immigration en France. La délivrance d'un visa de long séjour, par le consul, doit redevenir la condition préalable à l'immigration en France. C'est un principe fondamental qu'il faut réaffirmer : sans visa de long séjour délivré par un consul, il ne peut y avoir, sauf exception, de carte de séjour délivrée par un préfet.
2. Pour 2007, la mission que je vous donne est simple : il faut utiliser pleinement la loi du 24 juillet 2006.
Le grand chantier de 2007, pour le réseau préfectoral et consulaire, consiste à mettre en œuvre la loi de 2006, autour de deux priorités.
Première priorité : il faut encore réduire l'immigration familiale, pour privilégier l'immigration de travail et l'accueil des étudiants.
Que l'on me comprenne bien : je ne dis pas qu'un immigré ne doit pas avoir le droit de faire venir sa famille en France. Je suis trop attaché à notre tradition humaniste pour contester à un père le droit de vivre avec sa femme et ses enfants ! Mais il ne saurait y avoir, pour toutes les familles de par le monde, un droit absolu et inconditionnel à s'installer en France, sans projet d'intégration, sans travail, sans logement digne, sans perspectives.
Je ne me résous pas à ce que l'immigration de travail ne représente encore que 7% des flux migratoires vers la France.
Il faut sortir de ce système totalement paradoxal que nous avons subi depuis 30 ans. Au prétexte de protéger l'emploi national, on a verrouillé, par un système de contrôles a priori effectués par l'administration du travail, l'introduction en France d'étrangers pourvus d'un emploi. Et dans le même temps, contre toute logique, on a laissé entrer dans notre pays un flux croissant d'immigration familiale – qui déséquilibre fortement le marché du travail, en faisant venir dans notre pays des étrangers, la plupart du temps très peu qualifiés et peu intégrés ! Le résultat de cette politique de Gribouille est simple : les étrangers présents en France ont un taux de chômage qui avoisine 20%.
Vous devez donc, au premier chef, continuer à lutter contre les détournements de procédure qui ont fait exploser l'immigration familiale en France.
Je n'accepte pas que l'institution du mariage soit trop souvent détournée par des candidats à l'immigration. Vous devez, dès maintenant, mettre en œuvre les nouveaux mécanismes de contrôle des mariages célébrés à l'étranger et de lutte contre la fraude documentaire, qui nous permettront d'en finir avec les détournements de procédure.
De même, vous devez appliquer avec fermeté les nouvelles règles du regroupement familial.
Un étranger en France voulant faire venir sa famille doit désormais satisfaire à trois conditions :
• il doit, d'abord, respecter les principes fondamentaux de la République, comme la laïcité et l'égalité entre les hommes et les femmes ;
• il doit, ensuite, être en mesure de subvenir aux besoins de sa famille par les seules ressources de son travail (et non les prestations sociales ou les allocations familiales) ;
• il doit, enfin, disposer d'un logement adapté à la taille de sa famille, comparable à celui d'une famille française vivant dans la même région.
Cette réforme du regroupement familial est fondamentale. J'invite les consuls à en faire connaître la rigueur dans les pays d'origine.
Dans le même temps, je vous demande de mettre en œuvre les nouveaux dispositifs d'accueil des travailleurs et des talents qui souhaitent séjourner temporairement en France, dans l'intérêt de notre pays comme dans celui des pays d'origine.
Ce que nous avons commencé à faire pour les étudiants, nous devons l'engager pour les travailleurs et les talents que nous souhaitons accueillir en France.
Vous disposez désormais d'un nouvel outil, la carte "compétences et talents". Le décret sera approuvé la semaine prochaine par le Conseil d'Etat.
Je souhaite renouer avec la tradition d'accueil des élites des pays du Sud, fondée sur le dialogue et l'intérêt mutuel entre le pays d'origine et le pays d'accueil. Cette politique doit bien entendu tenir compte de la situation des pays d'origine. Accueillir en France quelques ingénieurs chinois ou informaticiens indiens ne va certainement pas ralentir la croissance phénoménale de ces deux pays, les plus peuplés de la planète. En revanche, je suis résolument hostile, par exemple, à toute forme d'immigration définitive des médecins et professionnels médicaux des pays d'Afrique, qui ont tant besoin d'eux.
Tel est mon objectif, avec la création de la carte "compétences et talents" : contribuer à former les élites des pays en développement, dans la perspective d'un retour.
L'avenir est aux migrations de mobilité, qui permettront aux migrants d'acquérir en France une formation, une expérience professionnelle, et de la mettre ensuite au service du développement de leur pays d'origine.
J'en viens à la seconde priorité que vous fixe pour 2007 : accentuer l'effort de co-développement, pour aider les pays d'origine à retenir, chez eux, les candidats à l'immigration illégale.
Il faut mobiliser le dynamisme, la compétence, l'épargne des migrants en France dans l'intérêt du développement de leur pays. Les transferts de fonds des migrants en France dans leurs pays d'origine représentent 8 milliards d'euros chaque année. Cette somme est aujourd'hui consacrée à 80% à la consommation courante. J'ai la conviction que son utilisation même partielle à des fins d'investissement productif pourrait devenir un levier essentiel du développement.
Je demande donc aux préfets, comme aux consuls, de faire connaître aux migrants le dispositif de "compte épargne co-développement" que vient de créer le décret du 19 février dernier. Il s'agit de mobiliser l'épargne des migrants présents en France vers des projets d'investissement économique dans les pays d'origine.
L'autre axe de cette politique consiste à généraliser l'aide aux micro-projets en faveur des migrants de retour dans leur pays, à l'image de l'expérience très positive engagée au Mali (300 projets ont abouti en 2003-2005).
Je vous demande de vous investir avec énergie en faveur de ces micro-projets.
De même, je vous rappelle que les bénéficiaires de la carte "compétences et talents", lorsqu'ils sont originaires d'un pays en voie de développement, ont l'obligation d'apporter leur concours, pendant leur séjour dans notre pays, à une action de coopération ou d'investissement économique définie par la France avec le pays d'origine.
Il faut multiplier les initiatives, sur le terrain, pour que ce dispositif monte en puissance dès l'année 2007.
3. Pour réussir la transformation de notre politique d'immigration, nous devons mieux utiliser les leviers européens.
L'effort que nous accomplissons au plan national n'a de sens que s'il est poursuivi à l'échelle de l'Europe, pour une raison évidente : dans un espace de libre circulation, toute décision prise par un Etat membre a des répercussions chez ses voisins.
C'est pourquoi j'ai proposé l'adoption d'un Pacte européen sur l'immigration.
Je l'ai soumis à mes collègues ministres de l'Intérieur des six grands pays de l'Union européenne, qui accueillent à eux seuls 80% des migrants dans l'espace européen.
Une première esquisse de ce pacte a donc été adoptée par le G6 (France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Italie, Pologne).
Il est essentiel de fonder la politique européenne de l'immigration sur une démarche volontaire des Etats et sur quelques grands principes communs : le refus des régularisations massives ; la mise en place d'une frontière extérieure efficace et fiable ; une règle commune d'asile et de regroupement familial ; le principe de l'éloignement systématique des migrants clandestins et de l'expulsion des étrangers délinquants sauf protections particulières.
Voilà la perspective ! Je m'emploie à faire partager à nos partenaires ces principes qui sont guidés par le bon sens et le souci de l'efficacité.
J'ajoute que notre législation nationale doit savoir s'inspirer des "bonnes pratiques" en vigueur chez certains de nos voisins européens.
Je veux revenir, à cet égard, sur la question du regroupement familial. La réforme que nous avons mise en œuvre en France ne constitue, dans mon esprit, qu'une première étape. Nous avons défini les conditions que doit respecter l'étranger résidant en France et souhaitant y faire venir sa famille. Nous devrons, demain, définir les conditions pesant sur les candidats au regroupement familial, qui résident à l'étranger et désirent rejoindre leur conjoint dans notre pays.
Je souhaite que nous prenions exemple sur les Pays Bas, qui ont mis en place un "test d'intégration" des candidats au regroupement familial, passé dans le pays d'origine. L'Allemagne et le Danemark envisagent d'adopter un test similaire, ce qui marque une réelle convergence européenne.
J'y suis favorable, car l'intégration, pour être réussie, doit être préparée en amont. Elle doit commencer avant l'arrivée sur le territoire national, dès le pays d'origine.
Je souhaite donc que les candidats au regroupement familial soient soumis, dans nos consulats, à un "test" démontrant leur connaissance sommaire de la langue française.
Avant de venir en France, ils doivent prouver leur volonté et leur capacité d'intégration, en apprenant notre langue et en parvenant à un niveau leur permettant de lire le français et de communiquer lors des actes de la vie courante.
Une fois admis en France, ils bénéficieront, comme les autres étrangers titulaires d'une carte de séjour, du "contrat d'accueil et d'intégration" que nous avons créé, pour parfaire leur apprentissage de la langue française et leur connaissance de nos institutions et de nos valeurs.
Dans le même temps, je souhaite que l'effort de co-développement soit accentué à l'échelle européenne.
L'un des grands chantiers des années à venir est la généralisation des accords de gestion concertée des flux migratoires avec les pays d'origine : l'immigration doit être régulée, maîtrisée, organisée dans le cadre du dialogue avec les pays sources, se développer dans le cadre d'un partenariat d'Etat à Etat.
J'ai signé le 23 septembre 2006 à Dakar un accord de gestion concertée des flux migratoires avec le Sénégal portant à la fois sur la coopération en matière d'immigration illégale et sur la lutte contre l'immigration clandestine.
Mon ambition est d'étendre ce type d'accord à l'ensemble des pays sources. C'est dans cet esprit que j'ai soumis à nos partenaires européens un projet d'accord-type, pouvant être signé entre un ou plusieurs Etats européens et un ou plusieurs Etats tiers.
L'Europe doit être, aussi, un outil opérationnel de protection de nos frontières extérieures.
Je veux parler, bien sûr, de l'agence FRONTEX.
J'ai indiqué vendredi au vice-président de la Commission européenne, Franco FRATTINI, et au président du conseil JAI, le ministre de l'intérieur allemand Wolfgang SCHAUBLE, que la France a décidé de mobiliser des moyens maritimes et aériens, civils et militaires, dans le cadre de FRONTEX.
A ma demande, le ministère de la défense, la gendarmerie nationale, la police nationale, la sécurité civile et les douanes apporteront leur contribution opérationnelle : des navires et des moyens aériens pourront être utilisés, en tant que de besoin, pour assurer des missions de surveillance en mer et d'interception d'embarcations.
J'ajoute qu'un exercice opérationnel en grandeur réelle, mobilisant les moyens interministériels sous le commandement du préfet maritime, sera organisé au large de Marseille, avant la fin du mois de mars.
Nous nous préparons, de la sorte, à faire face, dès le printemps, aux côtés de nos partenaires européens, à l'arrivée de migrants clandestins venus d'Afrique.
A plus long terme, il me semble nécessaire d'ouvrir deux grands chantiers internationaux : celui d'une Union Méditerranéenne et celui d'un traité sur les migrations internationales.
Je constate que la communauté internationale s'est organisée pour coopérer dans la gestion de grands enjeux planétaires : le commerce, la santé, la mer, la sécurité aérienne, l'espace, le droit du travail…
Les migrations internationales, elles, ne font l'objet d'aucune régulation, ni régionale, ni globale. Il faut en finir avec ce silence coupable.
J'appelle de mes vœux, d'abord, un vrai dialogue méditerranéen sur les migrations, dans le cadre de la construction d'une Union Méditerranéenne.
C'est à la France, européenne et méditerranéenne à la fois, qu'il revient de prendre l'initiative, avec le Portugal, l'Espagne, l'Italie, la Grèce et Chypre, d'une Union Méditerranéenne, avec les pays de l'autre rive. C'est dans la perspective de cette Union Méditerranéenne que nous devons, ensemble, parler sans tabou des enjeux migratoires, pour construire avec l'Afrique du Nord une immigration choisie, c'est-à-dire organisée et maîtrisée.
Ce que nous ferons en Méditerranée devra être un modèle pour poser enfin, à l'échelle mondiale, la question des migrations.
Je propose un traité sur les migrations internationales, qui comporterait des droits et des devoirs pour les Etats et pour les migrants. Une agence internationale des migrations serait chargée de veiller à l'application du traité.
Mesdames et Messieurs,
La question de l'immigration est centrale pour l'équilibre de la société française.
A cette question, plusieurs réponses sont possibles.
Celle que nous choisirons dessinera le visage de notre pays dans vingt ans.
La politique de l'immigration doit être au premier rang sur notre agenda national, sur notre agenda européen, sur notre agenda méditerranéen, sur notre agenda international.
Pour ma part, j'entends bien m'y employer.
Et je vous fais confiance pour mettre en œuvre, avec la détermination et le sens du service public qui vous honorent, les choix que feront bientôt les Français.