04.09.2006 - 16ème Colloque annuel du Service de Coopération Technique Internationale de Police

4 septembre 2006

Intervention de M. Nicolas SARKOZY, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire, lors de l'ouverture du 16ème colloque annuel du SCTIP, à l'Hôtel de Beauvau.


Mesdames, Messieurs,

C'est avec un réel plaisir que je vous retrouve aujourd'hui pour l'ouverture de ce 16ème colloque du Service de Coopération Technique Internationale de Police.

Dans un monde en profonde mutation, votre place et votre rôle sont plus que jamais indispensables à la sécurité intérieure de notre pays.

Confronté à une criminalité que les frontières ne retiennent plus, touché par une immigration irrégulière fragilisant notre système économique et social, notre pays doit aussi faire face à la menace de terroristes qui visent les fondements même de notre société.

Les risques d'actions violentes sur notre sol sont  réels et sérieux.
Les enjeux sont stratégiques. Ils nous imposent de rechercher constamment l'équilibre entre une dramatisation inutile et le courage de dire et d'agir pour protéger les Français, entre les libertés publiques et les exigences de la sécurité.

Nous devons être lucides parce que c'est notre devoir et notre responsabilité.

Etre lucide, c'est reconnaître que la fin du système de Yalta n'a pas marqué l'entrée dans une ère "d'universalisation de la démocratie libérale occidentale" comme certains ont pu le penser, mais au contraire nous a fait passer dans une phase de déstabilisation globale.

Nul endroit n'est épargné.

Placés auprès des ambassadeurs, présents dans plus de cent pays, vous êtes des professionnels parfaitement au fait de ces évolutions et de ces crises.

Vous savez que protéger notre espace intérieur impose désormais de redéfinir la distinction entre ce qui est intérieur et ce qui est extérieur.

Nous devons admettre que ce qui est hors de nos frontières est susceptible de représenter un enjeu national.
Nous devons intégrer, que ce qui est national, est parfois une répercussion de facteurs internationaux.

Nous avons l'obligation de savoir et de comprendre les phénomènes mondiaux. Nous avons l'obligation d'être toujours plus efficaces dans nos actions.

Dans vos affectations respectives, vous êtes aux avant-postes. Vous représentez les forces de sécurité de notre pays. Ce que nous faisons en France, vous devez le prolonger. C'est à mes yeux un point central sur lequel je veux m'attarder.

Votre mission est dense et complexe. Elle s'est enrichie et votre activité s'est accrue.

Je souhaite désormais que l'on poursuive et que l'on accentue la mise en place d'un véritable travail en commun, à finalité opérationnelle, entre vous et les autres directions actives.

Je pense bien évidemment  en tout premier lieu à la lutte contre le terrorisme.

L'évolution de la menace doit nous conduire à savoir anticiper pour mieux adapter notre réponse.

Les contacts et les relations permanentes que vous entretenez avec les autorités locales, quelle que soit la structure de leurs services de renseignement, doivent vous permettre d'assurer une information fiable et continue.

Vous devez faire preuve de réactivité et d'esprit d'initiative, non seulement pour obtenir rapidement des éléments en cas d'attentats dans votre pays d'affectation, mais aussi par exemple pour signaler le comportement de ressortissants français dont l'attitude laisse entendre qu'ils sont susceptibles de se livrer à des actes préparatoires.

Je pense ici aux renseignements transmis par la délégation du Pakistan, sur les Français inscrits dans les madrasas réputés intégristes pour y suivre des formations. Leur importance pour les services de renseignement est capitale.

Chacun d'entre vous doit intégrer cette obligation de recherche et la traduire en résultats concrets.

Chacun d'entre vous doit aussi comprendre l'importance de ce que les spécialistes, et vous en êtes, dénomment les signaux faibles. Nous sommes engagés dans une lutte où rien ne peut, rien ne doit, être négligé.

Dans cette optique, je ne peux que me féliciter de la mise en place d'une liaison cryptée entre l'Etat-major du SCTIP et l'Unité de Coordination de la Lutte Anti Terroriste (UCLAT). Nous disposons désormais d'un moyen de communication sécurisé et rapide facilitant le travail notamment en cas d'attentats commis à l'étranger.

Votre rôle est essentiel. Il est indispensable que vous entreteniez des liaisons constantes avec l'U.C.L.A.T, mais aussi la direction de la surveillance du territoire et la direction générale de la sécurité extérieure grâce à leurs représentants à l'étranger.

Cette logique dépasse d'ailleurs le terrorisme et concerne l'ensemble de l'action policière.

Lutter contre l'immigration irrégulière, c'est ainsi non seulement agir en France, mais c'est aussi intervenir plus en amont, dans les pays d'où proviennent les immigrants illégaux ou les pays de transit.

Je connais les actions entreprises par les attachés de sécurité intérieure et les officiers de liaison immigration.

Je sais aussi que nous devons poursuivre et accroître nos contacts et nos échanges avec nos homologues européens afin de mettre en place une mutualisation effective de nos moyens.
Je souhaite notamment que nous puissions développer les projets existants avec les Britanniques et les Espagnols sur le continent européen.

Nous devons là aussi constamment rechercher l'efficacité.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle des postes d'officiers de liaison et de conseillers en sûreté immigration ont été créés en Chine, en Libye, en Roumanie, aux Comores et au Nigeria.

Dans les pays d'Afrique, l'aide apportée aux autorités locales par la cellule régionale d'Assistance à la Sûreté de l'Aviation Civile, permet, par le renforcement des contrôles dans les aéroports, d'éviter les départs d'immigrants illégaux.

J'ai pu constater les bons résultats obtenus au Mali et je souhaite que l'on poursuive dans cette voie.

S'agissant de la lutte contre les stupéfiants, vous devez accroître votre action contre les nouvelles routes du trafic de cocaïne en provenance d'Amérique du Sud, qui remontent par l'Afrique de l'Ouest via le Bénin, le Togo et le Sénégal.

Il faut anticiper et mutualiser vos moyens avec les officiers de liaison présents dans ces pays pour constituer une véritable "task force".
La mise en place de la plate-forme commune en Martinique va dans ce sens.

Il faut développer cet outil de coopération prometteur dans d'autres parties du monde touchées par le trafic de stupéfiants et je pense en particulier à l'Europe Centrale.

La criminalité internationale, c'est aussi le trafic des êtres humains.

Vous devez agir, à l'instar des délégations de Bulgarie ou d'Albanie qui, grâce à des échanges permanents avec les autorités locales et à leur propre action sur le terrain, ont permis le démantèlement de filières qui opéraient sur notre territoire.
Pour moi, votre action à l'étranger est aussi déterminante que celle des services spécialisés sur notre territoire dans la lutte contre le crime.

La lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants doit également être une de vos priorités, plus particulièrement quand les auteurs sont des ressortissants français qui ne vont à l'étranger qu'à cette fin.

Il faut que vous remplissiez pleinement les fonctions d'acteur essentiel qui vous ont été imparties dans les pays particulièrement sensibles, comme le Maroc, le Sénégal, le Brésil et la Thaïlande.
Vous devez là aussi être en contact permanent avec les autorités locales et vos homologues européens pour mettre en commun les éléments que vous pourrez recueillir dans ce domaine.

Dans les pays les plus criminogènes qui touchent directement nos compatriotes expatriés, j'attends de vous que vous ayez un rôle actif auprès des services locaux de police et en coordination avec nos représentants consulaires.

L'attaché de sécurité intérieure en Haïti qui a, à plusieurs reprises, personnellement participé à la recherche de renseignements sur le terrain qui ont permis de libérer des compatriotes pris en otage ou d'élucider des affaires de meurtres, est particulièrement exemplaire à ce sujet.

Sur ce point, je vous demande de veiller au préalable à ce que ces pays disposent d'un régime suffisant de protection permettant l'échange de données nominatives et le cas échéant de leur fournir l'aide nécessaire à l'élaboration d'une législation adaptée.

Il faut également que nous adaptions en permanence nos actions en matière de coopération aux nouveaux besoins de la sécurité intérieure.

Je vous demande notamment de consulter les services opérationnels chargés de lutter contre l'insécurité et la criminalité en France avant de proposer la mise en place d'une action de coopération technique.

Pour être encore plus clair, toute coopération "d'abonnement", toute coopération de routine est à proscrire.

Votre rôle est de toujours veiller à ce que l'aspect opérationnel soit privilégié dans nos actions de coopération.

La mise en place de la LOLF a déjà permis de modifier vos méthodes de travail. Il faut continuer dans ce sens.

Je souhaite également que l'on réfléchisse avec nos partenaires européens à une mise en commun de la coopération technique.

Au-delà de la mise en œuvre de projets multilatéraux financés par la commission européenne, il faut développer cette démarche, comme cela a été fait en Afghanistan par la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni.

Pour vous aider et vous soutenir, j'ai demandé que l'on adapte votre réseau.

En présence de Michel GAUDIN, directeur général de la police nationale, et de Guy PARAIRE, directeur général de la gendarmerie nationale, je veux souligner l'importance que j'attache à la poursuite d'une coopération internationale incluant les policiers et les gendarmes.

Construit de façon empirique, le réseau unique Police/Gendarmerie est aujourd'hui une réalité qui fonctionne.

Un décret a été publié au journal officiel. Il parachève l'édifice.

Ce texte définit le rôle et les fonctions des attachés de sécurité intérieure. Il vous donne un statut juridique et affirme votre autorité sur l'ensemble des policiers et gendarmes en poste à l'étranger.

La réforme de corps et carrières a permis la nomination d'officiers à des postes à responsabilités et le nombre d'agents du corps d'encadrement et d'application a été multiplié.
Nous devons désormais privilégier les implantations représentant un intérêt pour la France en raison des risques constatés ou potentiels pour la sécurité intérieure.

Le Service de Coopération technique Internationale de Police est ainsi armé pour poursuivre et améliorer une coopération qui assure une cohérence et une synergie dans la définition des priorités thématiques et géographiques.

Nous devons continuer à rechercher des réponses adaptées avec nos partenaires européens, mais aussi étoffer la coopération mise en place avec les pays proches grâce à la création de groupes à haut niveau.

Enfin, le Maghreb, où les menaces en matière de terrorisme notamment sont constantes, l'Afrique occidentale, où transite la cocaïne en provenance d'Amérique du Sud, demeurent parmi nos priorités géographiques.

***

Je ne saurais terminer mon propos sans saluer les nombreux policiers et gendarmes qui servent sous l'égide de l'ONU, au Kosovo ou à Haïti, ou sous celle de l'union Européenne, en république démocratique du Congo, en Bosnie-Herzégovine, dans les territoires palestiniens.

Je pense à tous ceux qui sont sur des théâtres d'opérations extérieures particulièrement difficiles, toutes celles et tous ceux qui font au quotidien preuve d'un courage physique et moral qui fait honneur au ministère de l'intérieur et à la France.

Je pense au travail remarquable effectué au Liban.

Je veux que chacun sache que nous leur sommes reconnaissants et qu'ils peuvent être fiers de leur mission.

A l'issue de ce colloque, que je souhaite riche et dense, vous allez partir ou repartir dans vos affectations.

Je tenais à vous communiquer votre feuille de route et à partager avec vous ces quelques réflexions.