Intervention de M. Nicolas SARKOZY, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire - Evry.
Mesdames et Messieurs,
J'ai voulu venir parmi vous à Evry, parce qu'un drame s'est déroulé ici il y a cinq jours à peine, dans la nuit de dimanche à lundi.
Dans le quartier du Bois Sauvage, une violente bagarre a opposé une trentaine de jeunes de la cité des Pyramides à d'autres individus du quartier du Canal à Courcouronnes. Deux d'entre eux ont été blessés à coups de couteau et conduits à l'hôpital local. L'une des victimes, N'Djan TOURE, 16 ans, est décédée des suites de ses blessures quelques heures plus tard. Le second blessé est sorti de l'hôpital et a été placé en garde à vue. Dix-neuf individus âgés de 14 à 20 ans ont été interpellés sur place. Après plusieurs épisodes de violence collective, gérés avec beaucoup de sang froid par les forces de sécurité, ce sont au total 31 individus qui ont été interpellés, dont l'auteur présumé du meurtre, âgé lui aussi de 16 ans.
Ce même premier mai, à Villeneuve Saint Georges, à 18 heures c'est encore un jeune de 16 ans, que l'on a retrouvé blessé par balles, à l'épaule et au bras, là aussi après une bagarre entre bandes. Et ce genre de drames est hélas aujourd'hui loin d'être exceptionnel.
Je le redis d'emblée, car nous sommes hélas ici, au coeur du sujet : il faut réécrire l'ordonnance de 1945 sur les mineurs délinquants. Elle s'adressait aux mineurs de l'après guerre, et ceux d'aujourd'hui ne leur ressemblent pas beaucoup. On est en face d'agressions organisées, de meurtres, de représailles, entre des mineurs, de phénomènes d'une violence inouïe auxquels nous devons faire face, en tant qu'adultes responsables, au lieu de nous réfugier derrière des textes vieux de soixante ans pour ne rien faire.
Je présenterai dans les jours à venir un projet de loi de prévention de la délinquance dans lequel la situation des mineurs aura une place importante.
La réponse de la justice doit être ferme, mais elle doit aussi s'adapter au plus près des réalités de la jeunesse. La primauté des mesures éducatives devra être affirmée, sachant que la sanction est une forme d'éducation, et la loi devra le dire clairement. D'ores et déjà, des parents défaillants peuvent être poursuivis pour défaut de surveillance de leurs enfants. Et ils devraient l'être ! Mais la responsabilité des familles devra être réaffirmée dans la loi ainsi que celle de l'école. Lorsque des mineurs se battent au couteau la nuit dans la rue, que font leurs parents ? Lorsque ces jeunes ont cessé d'aller à l'école, que font ils ?Et que fait l'école ? Il est quand même invraisemblable que certains établissements ne signalent ni aux familles, ni à la justice, ni même au rectorat, la situation d'enfants qui ne viennent jamais ou quasiment jamais à l'école.
Une politique de prévention de la délinquance des mineurs doit rester fondée sur des mesures éducatives. Mais elle doit aussi faire une place beaucoup plus grande à la responsabilisation des intéressés et la volonté de les insérer au plus tôt dans la société. Ainsi, de nouvelles mesures éducatives sont imaginées : éloignement du mineur pour un temps limité de son lieu de résidence habituelle afin de l'extraire d'un milieu criminogène où n'est valorisé que le « caïdat » . Ici même, est ce qu'on n'aurait pas pu protéger des jeunes des agressions en recourant à ce type de mesure, plutôt que de les laisser à portée de leurs agresseurs ? Il faut aussi impliquer les parents en leur imposant de faire examiner par un psychiatre ou un psychologue leur enfant lorsque l'autorité judiciaire le requiert.
Et puis lorsque les autres voies sont épuisées ou inappropriées, une réponse plus ferme doit aussi pouvoir être appliquée. C'est pour cela que seront créés l'avertissement judiciaire, l'obligation de réparer le dommage causé. De plus, pour sensibiliser les mineurs aux règles sociales, ils pourront être astreints à une mesure « d'activité de jour », c'est à dire à une familiarisation avec le travail. Cette mesure est novatrice et différente des stages déjà existants en ce qu'elle exclut toute participation de l'intéressé à une activité professionnelle, conformément aux règles régissant le statut international du mineur et à nos propres lois sociales, mais l'immerge dans le monde du travail. Il doit pouvoir comprendre et intégrer les règles qui s'y appliquent.
Enfin, la délinquance des mineurs doit recevoir une réponse rapide, la rapidité important tout autant que le contenu de la réponse. Est –il normal qu'il n'y ait pas plus de 700 écrous pour 11 000 interpellations dans un département tel que celui ci, pour toute l'année 2005, violences urbaines de novembre comprises…. Pourquoi n'y a-t-il pas plus d'audiences de comparution immédiate, compte tenu de ces agressions entre bandes qui sont devenues courantes. Pourquoi est ce que l'on retrouve en liberté autant de mineurs connus des services de police, mais jamais présentés au juge des enfants par le parquet ? La justice doit pouvoir s'adapter à des faits qui sont hélas devenus parfaitement prévisibles !
Pour des comportements asociaux, particulièrement graves et reconnus comme tels par la loi pénale dont les auteurs sont des mineurs de plus de 16 ans, réitérants ou récidivistes, la procédure de jugement immédiat ou quasi-immédiat doit pouvoir être décidée avec l'accord du mineur lui-même ou de ses représentants légaux. C'est ce que proposera le texte que j'ai préparé avec le Garde des Sceaux.
Il faut aussi prendre à bras le corps la question de l'absentéisme scolaire, qui est parfois l'antichambre de la délinquance et en tout cas celle de l'échec. Nous manquons là encore de courage en laissant faire, comme si les familles étaient en mesure de rétablir la situation. C'est très souvent hors de question. Or l'obligation scolaire existe légalement, jusqu'à seize ans. Ce que nous proposons, c'est donc de mettre le maire en mesure de faire respecter cette obligation, en liaison avec les caisses d'allocations familiales et l'inspecteur d'académie, qui devront là encore apprendre à travailler ensemble. Cette fois encore, pas de caricature : l'objet n'est pas de punir les familles des enfants qui ne vont pas en classe. L'objet est que les familles soient capables d'assumer la scolarité de leurs enfants. Le maire pourra mettre en place avec les CAF un dispositif d'accompagnement à l'utilisation des prestations familiales. Ce dispositif doit permettre d'intégrer les allocations familiales dans un projet global autour de la famille.
Cette réponse à la délinquance des mineurs, elle est au coeur du projet de loi de prévention de la délinquance que je vais présenter au Parlement dans les semaines qui viennent. Car il nous faut une nouvelle politique de prévention, qui soit une politique à part entière, adaptée au plus près du terrain et des réalités.
La politique en faveur des banlieues est une priorité du discours politique depuis 25 ans. Que s'est-il passé dans les faits ?Toujours plus de moyens, toujours plus de quartiers éligibles, toujours plus de populations concernées. Et pourtant, des drames comme celui d'Evry continuent de se produire. Le plus grave serait de trouver ça normal. C'est profondément anormal qu'un jeune soit assassiné par un autre, à coup de couteau, en pleine nuit. Cela veut dire que dans certains quartiers de nos villes, il y a trop de choses qui ne vont pas.
Ayons la lucidité et le courage de le reconnaître et de le dire : la politique de la ville et ses multiples avatars sont en situation d'échec, partout ou presque. Ce n'est pas qu'une question de moyens. Ce n'est pas qu'une question de gauche ou de droite. Il faut accepter de regarder sans préjugé les causes de ce qui ne va pas.
C'est pourquoi ce projet de loi sur la prévention de la délinquance, c'est d'abord la proposition d'une méthode nouvelle. Il ne s'agit pas de rajouter de l'argent à des dispositifs nationaux, ou bien d'en créer d'autres. Il s'agit d'identifier des problèmes concrets et d'y apporter des réponses concrètes. Il s'agit de mettre les responsables locaux en état d'y répondre, au plus près de la réalité.
Cette donc une méthode nouvelle que nous proposons.
D'abord, la proximité : il nous faut nous rapprocher au plus près du terrain et ce n'est pas notre tradition. C'est pour cela que nous imaginons une organisation de la prévention de la délinquance autour des maires, car ce sont eux les premiers informés, eux les premiers sollicités, et c'est autour d'eux que toutes les compétences doivent s'articuler. Nous le constatons tous les jours, y compris dans les circonstances graves telles que celles de novembre 2005.
Le deuxième changement de mentalités, c'est le travail en réseau. On a en France une culture très forte des institutions, des corps, qui fait que l'on travaille rarement en équipe lorsque l'on a des statuts différents Et c'est pour cela que le texte prévoit de rendre obligatoire, dans les communes de plus de 10.000 habitants, la création d'un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. J'ai pu le constater sur le terrain, cette instance permet de faire du bon travail parce qu'elle rassemble des gens qui souvent s'ignoraient.
Enfin, le troisième changement de méthode qu'apporte ce texte, c'est celui d'une responsabilisation des personnes.
Il faut sortir des logiques d'assistance et de sanction qui sont actuellement les seules à l'œuvre. – Je prends un exemple, celui des parents d'enfants en difficulté. Pourront être institués des « conseils pour les devoirs et droits des familles » présidés par le maire ou son représentant. Ce conseil pourra effectuer auprès des familles des rappels à leurs droits et devoirs dans les cas de problèmes particuliers, tels que les troubles de voisinage. Les parents se verront ainsi rappeler leurs obligations légales et leur responsabilité à l'égard de leurs enfants. Un cadre juridique permettra au maire de proposer un stage de responsabilité parentale, indépendamment de toute procédure judiciaire directe.
Et puis, il nous faut aussi un supplément d'ambition. Il nous faut une nouvelle politique de la ville qui doit reposer sur 4 actions indissociables :
● une lutte sans merci contre l'insécurité ;
● la discrimination positive à la française ;
● une nouvelle gestion publique;
● de nouvelles passerelles entre les quartiers et leurs villes.
Lutter contre l'insécurité
Contrairement à ce que certains veulent faire croire, l'insécurité n'est pas seulement le symptôme d'un mal plus profond. C'est aussi la cause de bien des maux. Rétablir la sécurité et le respect de la loi dans les quartiers, ce n'est pas seulement une question d'ordre public. C'est la première et la plus élémentaire condition du renouveau. Comment conserver des commerces de proximité s'ils sont attaqués tous les mois ? Comment attirer des entreprises si leurs employés risquent l'agression tous les soirs ?
Et à ce titre, il faut naturellement poursuivre la politique de lutte contre les bandes et les trafics que j'ai initiée en 2002, et qui a donné des résultats clairs en termes de baisse de la délinquance. C'est la mission primordiale des forces de l'ordre, mais aussi de la justice. C'est la priorité des GIR dont j'attends qu'ils intensifient encore leurs actions. Il n'est plus temps de tergiverser dans le démantèlement des trafics qui gangrènent nos quartiers, empoisonnent la vie quotidienne de leurs habitants et corrompent notre jeunesse. Chacun doit prendre ses responsabilités. La justice aussi doit œuvrer en ce sens, en agissant promptement et avec fermeté pour mettre hors d'état de nuire les individus et les familles qui font prospérer ces trafics.
Sans le socle d'une lutte de tous les instants contre la délinquance, on ne bâtira pas d'avenir ni de retour à la normale dans les quartiers concernés. Et les meilleures volontés du monde comme les masses de crédits déversés n'y pourront rien.
Mais si nous devons être durs avec la délinquance, nous devons aussi être durs avec les causes qui font le lit de la violence endémique et des trafics.
La discrimination positive à la française
Le deuxième pilier d'une politique nouvelle pour les quartiers difficiles, c'est une politique globale et cohérente de discrimination positive, adaptée à notre cadre républicain. Aujourd'hui la discrimination négative existe : c'est le patronyme, l'adresse, l'apparence physique. Adopter durant quelques années ou dizaines d'années la discrimination positive, c'est selon moi un passage obligé entre la société cloisonnée d'aujourd'hui, où la diversité est l'exception, à une société ouverte, où la diversité sera une évidence.
La discrimination positive, c'est mettre tout le monde à égalité sur la ligne de départ dans la vie. C'est desserrer les freins de l'ascenseur social pour rendre toute sa valeur à l'effort et au mérite. Nous devons ainsi revoir la politique des ZEP et permettre aux élèves méritants d'en sortir, si besoin est en s'affranchissant du carcan de la sectorisation qui reproduit, plus qu'il ne corrige, les inégalités. Nous devons réserver aux meilleurs élèves de chaque lycée des places dans les meilleures classes préparatoires. Nous devons multiplier les internats de réussite scolaire.
Comme j'essaie de le faire à l'UMP et au ministère de l'intérieur, si toute la société se mobilise, les administrations de l'Etat, les formations politiques, les entreprises, j'ai la conviction que nous pourrons vraiment changer la donne. Pour cela, je crois par exemple à la création d'un label diversité, qui reconnaîtrait les efforts d'intégration d'une entreprise et ouvrirait droit à des avantages, par exemple dans l'obtention des marchés publics.
Nous pourrons alors convaincre les jeunes des quartiers sensibles que, s'ils s'en donnent la peine, ils ont une place et un avenir parmi nous. Nous serons d'autant plus légitimes en retour à nous montrer exigeants avec eux. Ils n'ont pas plus de droits que nous, mais ils n'en ont pas moins. Ils n'ont pas moins de devoirs non plus.
Une nouvelle gestion publique
Le troisième axe d'une nouvelle politique pour la ville et les quartiers, c'est une nouvelle gouvernance.
L'approche actuelle, dans sa conception et plus encore dans sa mise en œuvre, souffre de graves lacunes. Qu'il s'agisse de la rénovation urbaine, de la politique du logement, de l'action sociale, de l'enseignement, du développement économique, de l'emploi, de la lutte contre la délinquance, de la santé ou de l'organisation des services publics de proximité, les politiques et les interventions intéressant les quartiers sensibles restent marquées par un fort cloisonnement. Certaines de ces politiques, je pense en particulier à la protection judiciaire de la jeunesse, sont en outre en crise profonde depuis plusieurs années. Dans le même temps, les structures de pilotage, tant nationales que locales, se multiplient sans toujours apporter la preuve de leur plus-value décisionnelle et opérationnelle. Comment s'étonner ensuite que les acteurs de ces politiques, quelles que soient leurs compétences et leur bonne volonté, se sentent de ce fait souvent isolés ou désemparés ?
Il existe des préfets et des sous-préfets à l'égalité des chances, et en principe des délégués de l'État dans les quartiers en difficulté. Mais plus que des responsables venus d'en haut, il faut aujourd'hui une mobilisation de tous les acteurs locaux autour d'une stratégie partagée. C'est depuis 50 ans le sens de la politique d'aménagement du territoire, mais elle ne s'est jamais jusqu'à présent intéressée aux fractures entre territoires urbains. Le désert français, ce ne sont plus les provinces vidées de leur substance par Paris, ce sont ces quartiers où chômage et insécurité sont au plus haut, revenus et résultats scolaires au plus bas.
Je propose que l'on investisse désormais l'argent public là où il produira des résultats, c'est à dire là où les acteurs prennent leur destin en main. En tant que ministre de l'aménagement du territoire et en lien avec le ministère de la ville, je lancerai donc avant l'été un appel à projets national pour des projets stratégiques de quartiers. Ils devront être portés par l'ensemble des acteurs, les collectivités locales, les associations, les bailleurs sociaux, les opérateurs de services publics et pourquoi pas aussi des entreprises. Et ils devront être assortis par d'objectifs chiffrés et d'engagements précis. Je réserverai spécialement une partie significative des crédits des contrats État-région 2007-2013 à ceux des quartiers qui auront porté un projet cohérent et partagé. Je souhaite que les autres financeurs publics aient la même approche.
Je le dis par ailleurs sans détour : notre échec collectif vient aussi du fait que nous n'occupons pas assez le terrain. La présence humaine des pouvoirs publics dans les quartiers les plus sensibles ne peut être l'apanage des seuls policiers ou gendarmes. Lorsque la société ne donne plus à voir que sa dimension répressive, cela ne peut que conforter à la longue le sentiment de relégation des habitants et entretenir le climat de tensions. Et on ne s'en sortira pas en demandant aux policiers et aux gendarmes de suppléer aux carences des autres intervenants. Cela revient à compromettre gravement l'efficacité des forces de l'ordre. L'ensemble des acteurs doit réinvestir le terrain, au plus près des populations concernées. Ce n'est pas en restant assis derrière son bureau à éplucher ses dossiers qu'on fera progresser les choses.
Au niveau local, la politique de la ville doit donc cesser d'être la dernière roue du carrosse. Elle doit être prise à bras le corps par les préfets et les sous-préfets. Dans les départements concernés, ce doit être une priorité de leur action et l'un des premiers critères de leur évaluation.
Enfin, je crois que pour avoir une politique de la ville plus performante, il faut repenser la question du logement.
Certaines communes de banlieue atteignent aujourd'hui des niveaux de logement sociaux tout à fait déraisonnable, encourageant la concentration des populations en difficulté, non sans arrière-pensées politiques parfois. La quantité ne peut être un objectif suffisant. Il faut aussi des exigences qualitatives et de mixité. La mixité sociale ne se décrète pas, mais elle peut s'organiser à l'échelle d'une agglomération à travers des politiques de peuplement adaptées pilotées par un acteur unique.
Ouvrir des passerelles avec le tissu urbain
Quatrième et dernier pilier d'une nouvelle politique pour les quartiers : l'établissement de passerelles et de circulations entre les quartiers et leur centre ville pour casser la logique de ghetto. Il faut que les habitants des quartiers travaillent, étudient, se divertissent hors de leur quartier mais aussi que le reste de la ville vienne plus souvent à la rencontre de ces quartiers.
La première mesure à prendre consiste à mettre l'accent, dans la rénovation urbaine, sur la diversification des fonctions du quartier que l'on reconstruit. Là où l'on détruit une barre de logements sociaux, il faut non seulement diversifier les logements reconstruits entre habitant individuel et collectif, locatif et accession à la propriété, mais créer des points d'attraction dans le quartier pour le reste de la ville : des équipements culturels, commerciaux, des bureaux. Il ne suffit pas de remplacer les barres et les tours des années 50 ou 60 par des immeubles HLM neufs et de plus petite taille. La rénovation urbaine doit être l'occasion d'un profond renouvellement architectural s'intégrant dans un projet d'urbanisme plus global repensant les liens entre le quartier visé et l'ensemble de l'agglomération. Nous devons pour cela mobiliser les meilleurs architectes, les meilleurs urbanistes, et surtout, ne pas oublier de demander l'avis des populations concernées.
Il faut aussi tout simplement casser l'enclavement physique. Beaucoup de quartiers sont très mal desservis, sans tramway, ni métro, ni train, avec des bus qui ne circulent qu'à certaines heures et souvent pas celles où les gens travaillent, en raison des horaires décalés. C'est un handicap de tous les jours, pour chercher un emploi et attirer des activités.
Nous allons en 2006 programmer les contrats de projet entre État et régions et les fonds européens pour une période de 7 ans, jusqu'en 2013. C'est une échéance majeure pour la politique d'investissement dans notre pays et je souhaite, en tant que ministre de l'aménagement du territoire, que l'État soutienne énergiquement tous les projets de désenclavement des quartiers difficiles. J'en fais une priorité majeure.
L'autre passerelle avec le reste de la ville doit être l'école. La sectorisation scolaire actuelle ajoute de la ségrégation à la ségrégation. J'ai proposé de rompre avec la logique de la carte scolaire pour renouer avec la mixité à l'école et offrir à des jeunes issus de familles modestes et de parents étrangers la possibilité d'un environnement scolaire différent.
C'est sur ces quatre axes : sécurité, discrimination positive, nouvelle gestion publique, nouvelles passerelles, que je propose d'agir désormais. Si l'on garde le système actuel, les mêmes causes produiront les mêmes effets et de nouvelles nuits de violences urbaines sont devant nous. Je ne souhaite pas qu'en 2030 les enfants des émeutiers de 2006 reproduisent les mêmes schémas que leurs pères, et que les générations se succèdent sans jamais s'intégrer.
Mesdames, Messieurs, si je suis venu parmi vous aujourd'hui, c'est à la fois pour vous signifier la gravité de ce qui s'est passé ici ; un meurtre entre deux jeunes, ce ne doit jamais devenir banal. Mais aussi pour vous dire que cela ne suffit pas. Il nous faut réagir, et c'est ce que je propose de faire tous ensemble, avec des méthodes nouvelles, des objectifs nouveaux, une vraie ambition pour ceux, jeunes ou moins jeunes qui veulent s'en sortir, et ils sont si nombreux.C'est notre devoir, à tous de les y aider, et j'ai la conviction que nous allons, ensemble, y réussir.