04.01.2007 - Obsèques du gendarme LOURTIES

4 janvier 2007

Intervention de M. Nicolas SARKOZY, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire, lors de la cérémonie des obsèques du gendarme Jacques LOURTIES à Charleville-Mézières (Ardennes)


Mesdames, Messieurs,

Nous sommes réunis aujourd'hui au quartier Dubois-Crancé, siège du groupement de gendarmerie départementale des Ardennes, en présence des autorités administratives, judiciaires et militaires et des élus du département pour honorer la mémoire du gendarme Jacques LOURTIES, promu Major à titre posthume, et pour dire à sa compagne Angélique, à ses quatre enfants, à sa mère, à  ses proches et tous ses camarades combien nous partageons la peine immense qui est la leur.

Nous voulons aussi leur témoigner notre solidarité et notre sympathie dans la dure épreuve qu'ils traversent.

Ma présence et celle à mes côtés de la Ministre de la Défense, Michèle ALLIOT-MARIE, sont également l'expression de l'hommage que le gouvernement entend rendre solennellement au serviteur exemplaire de l'Etat qu'a été Jacques LOURTIES dont la  carrière déjà riche s'annonçait prometteuse.

La stupidité, la lâcheté, la sauvagerie d'un chauffard ont malheureusement brisé sa vie. Le chauffard et ses complices qui ont été interpellés auront à répondre de leurs actes et nous attendons,  Michèle ALLIOT-MARIE et moi,  que la Justice de notre pays s'exerce avec une sévérité exemplaire. Devant de tels comportements aussi odieux qu' irresponsables, devant un tel mépris de l'Autre et de la vie, il ne doit y avoir ni clémence ni pardon.

Avec la disparition tragique de Jacques LOURTIES, c'est une mère, c'est une compagne, ce sont des enfants qui sont dans la peine. Sachez Mesdames que notre écoute et notre soutien vous sont acquis. Il ne s'agit pas là de paroles de circonstances. Notre soutien, soyez en assurées, ira bien au-delà de notre présence à cette cérémonie. Nous vous le devons et c'est l'engagement que nous prenons aujourd'hui devant vous tous réunis .

Avec la disparition tragique de Jacques LOURTIES, c'est aussi toute la communauté gendarmerie qui se trouve à nouveau endeuillée, après les lourds, trop lourds sacrifices payés en 2006 puisque ce sont  treize militaires de la gendarmerie qui ont perdu la vie dans l'accomplissement du devoir, au service des Français.

 Ce décès affecte aussi, une fois encore, une fois de plus, la famille des motocyclistes, laquelle est en première ligne dans la lutte contre  l'insécurité routière. Depuis quatre ans plus de  9000 vies ont été sauvées sur nos routes et plus de 110 000 blessés évités.

Dans le département des Ardennes, le nombre des morts est passé de 36 en 2001 à 23 en 2005, celui des blessés de 357 à 193. Cette année encore, grâce aux efforts consentis des vies supplémentaires ont à nouveau été épargnées.

 Nous devons continuer dans cette voie et le drame survenu à La Neuville aux Joutes, cette nuit du 1er Janvier, montre que notre combat contre la violence routière n'est pas achevé. 

Cette cause est noble,  et les vies épargnées sur les routes exigent  un engagement de chacun de nous, parfois au prix de risques consentis. Chaque vie qui s'éteint constitue cependant une perte irremplaçable et chaque destin brisé  ne peut rester sans réponse.

 Les mots sont souvent impuissants à rendre compte de nos sentiments. Ils peuvent cependant, au travers de l'évocation de la mémoire du disparu, rendre publiquement acte de ce qu'il a été et de ce qu'il a fait pour le service de son pays. Je veux donc évoquer maintenant la mémoire de Jacques.

Jacques LOURTIES est né le 2 septembre 1965 à Gimont dans le Gers. Après avoir obtenu son diplôme  d'électromécanicien, il est appelé sous les drapeaux le 1er février 1986. Il choisit alors de servir dans l'armée de l'air et effectue son service national sur la base aérienne 702 d'Avord, dans le Cher.

 Au terme de ses obligations, il retrouve la vie civile mais il va conserver de ce premier contact  avec le monde de la Défense un souvenir fort, nourri à la fois par les liens de fraternité alors noués et aussi par le sentiment d'avoir œuvré au service de la collectivité nationale et de l'intérêt général. Cette expérience, sans nul doute, va grandement influer sur son choix ultérieur de faire carrière en gendarmerie.

Sept ans plus tard en effet, en avril 1994, alors qu'il est déjà pleinement installé dans la vie active, il fait le choix de la vie militaire et passe avec succès le concours de sélection pour devenir gendarme.

Ce choix est exigeant car il impose au jeune homme, alors père de deux enfants, de rejoindre pendant une année, sous le régime de l'internat,  l'école des sous-officiers de Montluçon dans l'Allier. Il va y suivre de manière assidue l'enseignement dispensé. Il fait preuve de détermination et d'une grande maturité. Sa faculté d'adaptation, sa capacité de travail, ses  qualités physiques et sa motivation sont tout particulièrement mis en exergue par l'encadrement. A l'issue de sa formation initiale, il se situe ainsi parmi les meilleurs de sa promotion.

Attiré par le service en unités motorisées, il a en outre, au cours de cette période de scolarité, passé avec succès les épreuves de présélection pour être motocycliste. Son classement lui ayant permis, conformément à ses vœux, de choisir directement la  gendarmerie départementale, il est affecté au peloton d'autoroute de Langres, le 3 avril 1995.

Là,  il s'intègre d'emblée à l'équipe,  produisant une excellente impression  par sa volonté de toujours progresser et s'instruire. Quelques mois plus tard, ses souhaits sont satisfaits puisqu'il est admis à suivre  le stage de formation des gendarmes motocyclistes à Fontainebleau. Il obtient avec brio cette qualification.

Pendant près de cinq années d'un rythme soutenu au peloton d'autoroute de Langres, il poursuit son apprentissage des savoir-faire professionnels et de la vie de gendarme. Titulaire du certificat d'aptitude technique en  1997, il est admis dans le corps des sous-officiers de carrière. Confronté à des situations diverses, à des expériences fortes, il confirme son aptitude pour le travail en unité motorisée, travail aux multiples facettes qui requiert esprit d'initiative et de décision, et qui se caractérise d'abord, à ses yeux, par des contacts étroits et permanents avec les usagers et la population. 

En 1999, dans la continuité de cette première affectation, il rejoint la brigade motorisée de Maubert-Fontaine, dans les Ardennes. Fort de ses solides acquis professionnels, il s'adapte rapidement à son nouvel emploi et prend toute sa part dans le travail de l'unité.

Ayant à cœur de diversifier son champ de compétences, il approfondit ses connaissances dans les domaines de la réglementation des transports, du droit du travail ou encore de la lutte contre les atteintes à l'environnement et s'illustre dans des enquêtes difficiles. Le commandant de groupement des Ardennes lui adresse à ce titre, en  décembre 2002, une lettre de félicitations dans laquelle il souligne son exceptionnel engagement. Le sens du service public, le souci de l'efficacité et la valeur du travail  n'étaient pas, pour Jacques, de vains mots.

Toujours animé du même désir de se perfectionner, il se lance dans la préparation au diplôme d'officier de police judiciaire. Il veut en effet disposer, le plus rapidement possible, de l'ensemble des prérogatives conférées par la Loi et ainsi confirmer ses excellentes dispositions dans la conduite des enquêtes. Ayant fourni un travail préparatoire de grande qualité, il réussit en 2003, dès sa première présentation, cet examen à la difficulté reconnue.

Eloigné temporairement des missions à moto par une blessure reçue en service en janvier  2004, il prend alors à sa charge une part importante des tâches administratives du commandement de son unité. Il assume ainsi, progressivement, des fonctions d'adjoint au commandant de  brigade.

C'est également en considération de son engagement personnel  et de son souci constant de partager ses connaissances qu'il est proposé par ses chefs pour suivre, en mai 2005, le stage de formateur-relais pour la lutte contre l'immigration irrégulière. Il s'agit là encore d'étendre les capacités d'investigations de l'unité. Dans cette zone  frontalière où les passages d'un pays à l'autre sont d'une grande facilité, un engagement soutenu de la gendarmerie pour faire respecter les règles d'entrée et de séjour sur le territoire national s'impose en effet comme une évidence.

Jacques LOURTIES, en raison de son excellente manière de servir et de ses aptitudes manifestes à exercer des responsabilités du grade supérieur, venait d'être distingué en cette fin d'année  2006 par une inscription au tableau d'avancement de l'année 2007. Il était à l'évidence au seuil d'une belle carrière de gradé.

Ce 1er janvier 2007, agissant sur réquisition du procureur de la République dans le cadre d'un dispositif départemental de sécurité  à l'occasion des fêtes de fin d'année, il participe en compagnie du gendarme Grégory AUPIED, à un service de contrôles routiers commandé entre 4 et 8 heures du matin. Les deux militaires établissent un poste de contrôle sur la place du village de La-Neuville-aux-Joûtes, non loin d'une discothèque. Ils bénéficient d'un éclairage public, portent leur chasuble et sont de la sorte aisément identifiables. Il ne peut y avoir aucun doute, aucune méprise ni sur leur qualité ni sur le sens de leur présence.

Vers 5 heures 30 , alors qu'ils s'apprêtent à contrôler un véhicule avec plusieurs personnes à bord, celui ci  accélère brutalement et fonce délibérément sur les gendarmes. Jacques LOURTIES est heurté de plein fouet par le véhicule qui prend la fuite.

Le gendarme Grégory AUPIED échappe de justesse au même sort. Il porte les premiers soins à son camarade, appelle les secours et transmet les premiers éléments qui permettront, au terme de l'enquête diligentée sans désemparer sous la direction du Procureur de la République d'identifier et d'interpeller le chauffard et ses complices.

Très grièvement blessé, et en dépit d'une intervention rapide des pompiers et du SAMU, Jacques s'éteint à l'hôpital de Reims le lendemain 2 janvier.

 A l'image de nombre de ses camarades, Jacques LOURTIES a perdu la vie en accomplissant son devoir. Il faisait ce soir là, à un  moment où les Français achevaient de fêter le passage à la Nouvelle Année, son travail avec rigueur et conscience,  pénétré par sa mission.

Son engagement total, au service de Français et de la Loi, a valeur d'exemple et restera gravé dans nos mémoires.

   A vous Madame Noizet, qui venez d'être brutalement séparée de votre compagnon, à vous ses enfants Cynthia, Sandra, Lucas et la petite Malia, à vous Madame qui venez de perdre un fils, à vous tous ses amis, je tiens à renouveler notre compassion et vous assurer de notre totale sympathie.

Major Jacques LOURTIES, nous nous inclinons respectueusement devant vous. Le Ministre de la Défense va maintenant vous remettre deux décorations :

- La médaille militaire qui rappelle votre appartenance à la communauté militaire ainsi que la valeur de vos mérites ;

- La médaille de la gendarmerie, avec citation, qui honore le choix que vous avez fait au service des autres.

Ces médailles et citation constituent l'ultime salut de vos chefs et de vos pairs qui vous expriment ainsi leur respect et leur reconnaissance.
 
Reposez en paix, Major Jacques LOURTIES, votre souvenir ne nous quittera pas.