25.07.2003 - Redéploiement des zones de compétence de la police et de la gendarmerie nationales

25 juillet 2003

Intervention de Monsieur Nicolas SARKOZY Ministre de l'Intérieur, de la Sécurité Intérieure et des Libertés locales


La répartition des compétences territoriales entre la police et la gendarmerie nationales a été régie pendant près de 60 ans par la loi du 23 avril 1941. La police nationale était, selon ce texte, chargée de la sécurité publique dans les villes de plus de 10.000 habitants et la gendarmerie dans toutes les autres communes.

Ce principe simple a reçu en fait des applications plus complexes:

 - certaines communes de moins de 10.000 habitants sont restées placées sous la responsabilité de la police nationale ;

 - malgré la compétence de la police nationale, la gendarmerie a conservé un dispositif important dans les grandes villes, notamment dans la petite couronne parisienne. Parfois, le transfert juridique ne s'est pas accompagné de la mise en place de moyens de la police nationale (notamment outre-mer), la gendarmerie conservant ses missions en application d'un protocole;

 - l'urbanisation, accélérée à partir des années soixante, et le développement des zones périurbaines ont imbriqué les territoires rendant ainsi les responsabilités plus confuses;

 - la croissance de villes de moins de 10.000 habitants, souvent à la périphérie des agglomérations, n'a pas toujours été suivie d'un transfert de compétences.

Il en est résulté une confusion, peu propice à la clarté des responsabilités, et donc handicapante en termes de sécurité. Dans certaines agglomérations, le découpage ressemblait parfois à une mosaïque: un automobiliste les traversant passait successivement et à plusieurs reprises d'une zone de police à une zone de gendarmerie.

Cette confusion avait un double inconvénient :

 - la population ne savait pas toujours à quel service elle devait s'adresser, le maintien des enseignes de la police et de la gendarmerie laissant planer le doute;

 - la lutte contre la criminalité et la délinquance était contrariée par les "effets de frontière", la compétence territoriale des policiers étant en principe limitée au ressort de leur circonscription. Pendant ce temps, les malfaiteurs exploitaient cette rupture pour mieux déjouer les actions menées à leur encontre.

Après l'échec de plusieurs tentatives visant à donner de la cohérence au dispositif des forces, le gouvernement a, dès sa formation en mai 2002, décidé de réouvrir le dossier du redéploiement des compétences territoriales de la police et de la gendarmerie, dans le cadre de la priorité donnée à la restauration de la sécurité.

Inscrit dès janvier 1995 dans la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité (LOPS), réaffirmé par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) du 29 août 2002, l'objectif de cette importante réforme de l'Etat est clair: faire reculer de manière significative l'insécurité en confiant aux forces de police et de gendarmerie de métropole et d'outre-mer des circonscriptions cohérentes au regard notamment des bassins de délinquance.

S'ajoutant à la création de 13.500 emplois prévus par la LOPSI entre 2003 et 2007, le redéploiement doit accroître de manière significative l'efficacité du dispositif territorial dans la protection des populations et la lutte contre les infractions qui troublent la vie quotidienne de nos concitoyens.

Pour ne pas connaître les déconvenues du passé, le redéploiement s'est appuyé sur une méthode radicalement différente:

 - les décisions prises à l'échelon national ont tenu compte de l'étude initiale effectuée de manière déconcentrée par les préfets. Ceux-ci ont reçu pour mission de proposer les modifications les plus utiles. Le pragmatisme l'a de ce fait emporté sur les solutions systématiques. Une concertation a été engagée avec les élus, les magistrats, les représentants des forces de police et de gendarmerie. Même si des oppositions se sont exprimées, 90% des conseils municipaux ont approuvé par délibération les projets de transferts qui leur étaient soumis. Ainsi peut-on aujourd'hui parler de consensus;

 - les transferts visent à améliorer l'offre de sécurité, qu'il s'agisse des conditions d'accueil de la population, des délais d'intervention, des capacités de renforts. Chaque modification veille à conforter le service public. Jamais les prestations apportées à la population ne sont en diminution. La décision communiquée à chaque élu concerné contient un engagement qualitatif qui sera vérifié un an après la réalisation du transfert ;

 - les créations d'emplois autorisées par la LOPSI favorisent une mise en place d'effectifs calculés en fonction des besoins avérés. Ainsi échappe-t-on à la contrainte du redéploiement "sous plafond". Les circonscriptions de police étendues recevront le renfort de 2 172 policiers pendant que     1 765 quitteront les zones transférées à la gendarmerie. Dans les zones où la responsabilité de la sécurité publique est confiée à la gendarmerie, 2 894 emplois de militaires seront créés, dont 1 782 provenant des zones transférées à la police nationale ; 

 - la situation des policiers et des militaires de la gendarmerie concernés par les redéploiements fait l'objet d'un examen individualisé. Si l'intérêt général commande, l'accompagnement social n'est pas négligé.

Au total, dans 65 départements dont 4 d'outre-mer, 79 circonscriptions de police seront étendues, 3 seront créées, 40 commissariats fermés et donc 40 villes seront confiées à la gendarmerie nationale. Les redéploiements portent sur 332 communes où vivent 1.752.000 habitants. Le redéploiement est déjà effectif depuis le 1er mai dans l'Aube, l'Eure-et-Loir et le Loiret, et depuis le 1er juillet la Dordogne.

- les grandes agglomérations seront placées dans leur totalité en zone de police, ce qui favorisera une unité de commandement. Les circonscriptions de police élargies correspondront le plus souvent au ressort d'un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) et à la zone d'application d'un contrat local de sécurité (CLS). Le dialogue avec les élus et l'ensemble des partenaires s'en trouvera amélioré. L'augmentation des effectifs qui accompagnera les redéploiements permettra dans de nombreux cas de créer de nouvelles unités comme des brigades anti-criminalité, d'installer dans certains quartiers des bureaux de police, d'augmenter les capacités de renfort;

- les zones rurales et périurbaines formeront avec les villes moyennes confiées à la gendarmerie des espaces correspondant à des bassins également homogènes du point de vue de la géographie, des activités humaines et de la délinquance.

Le maillage territorial de la gendarmerie sera densifié, favorisant ainsi la synergie entre les petites villes et leur périphérie. Les augmentations d'effectifs permettront aussi la création ou le renforcement d'unités, tels les pelotons de surveillance et d'intervention ou les brigades de recherche. Là encore, la cohérence des zones d'action de la gendarmerie renforcera son efficacité opérationnelle.

Ces redéploiements représentent une opération complexe car ils ont des incidences sur l'organisation des forces, les ressources humaines, le patrimoine immobilier, etc. Le parti a donc été pris de réaliser en trois ans les opérations jugées prioritaires et de tout mettre en œuvre pour que chaque transfert se solde par un progrès. C'est à cette condition que les projets de redéploiements ne susciteront plus d'inquiétude. Les transferts opérés serviront de références.

Cette phase de redéploiement porte sur la période 2003-2005. Une fois les premières mesures mises en œuvre, la répartition des compétences territoriales fera l'objet d'une évaluation annuelle. Il ne s'agira plus de concevoir un plan d'envergure mais d'apporter des corrections au dispositif par des mesures ponctuelles supplémentaires. Ainsi évitera-t-on que le dispositif soit figé pendant plusieurs décennies, comme cela a été le cas précédemment.

Les redéploiements constituent un volet significatif de la réforme de l'Etat. D'ici à la fin de la période couverte par la LOPSI, la police et la gendarmerie, renforcées en effectifs et en moyens, vont agir sur les territoires qui correspondent mieux à leur savoir-faire en évitant les chevauchements de compétence et les incohérences qui en résultent. La sécurité des citoyens sera ainsi nettement améliorée, ce qui est bien l'un des principaux objectifs du gouvernement.