20.11.2003 - Congrès des maires et des présidents de communautés

20 novembre 2003

Intervention de Monsieur Nicolas SARKOZY, Ministre de l'Intérieur, de la Sécurité Intérieure et des Libertés Locales


Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

 Permettez-moi avant de commencer de vous dire que c'est avec un très grand plaisir que j'ai accepté l'invitation de votre Président, Daniel HOEFFEL pour ce 86ème congrès des maires et des présidents de communautés de France. J'ai été plus longtemps maire que ministre, très exactement 19 ans. Je connais les exigences et les joies de vos fonctions.

 Je sais qu'en France, vous êtes les premiers interlocuteurs de nos concitoyens. Vous êtes sollicités sur tous les sujets, les crèches, les écoles, les ordures ménagères, les conflits de voisinage, la présence de trafiquants de drogue ou de prostituée sur le chemin de l'école et la liste pourrait s'allonger indéfiniment. Qui mieux que vous mesure ce que la responsabilité publique et l'intérêt général exigent d'engagement personnel et de dépassement de soi ? 

 Je sais aussi que vous êtes les premiers concernés par l'acte II de la décentralisation, ou plus exactement le projet de loi relatif aux responsabilités locales qui a été voté par le Sénat dimanche dernier.
Vous assumez d'ores et déjà plus de 60 % des dépenses des collectivités locales. Mais, il ne faut pas se tromper de débat s'agissant des communes et de leurs groupements. 

 Vous avez souhaité dans certains cas plus de compétences, c'est à dire la possibilité d'avoir plus de responsabilités sans que celles-ci vous soient imposées. Le Gouvernement a accepté. Je pense par exemple, au logement étudiant, au logement social ou encore à la possibilité de l'appel à compétence pour que vous puissiez exercer certaines responsabilités dévolues au département ou à la région.
 Vous avez souhaité que vos responsabilités soient mieux reconnues par un article de loi affirmant la compétence générale du maire sur sa commune. Je ne pouvais qu'être favorable car je connais bien votre fonction.

Pour autant, la question n'est pas aujourd'hui de vous transférer à tout prix plus de responsabilités à assurer. Choisir d'être maire ou président est une vocation. Cela ne doit pas devenir un pensum. D'ailleurs, lors des Assises des Libertés locales, votre principale demande était de disposer des moyens d'exercer vos compétences et d'avoir une vision claire des finances locales.
 Au-delà, la décentralisation doit clarifier l'écheveau des responsabilités entre les collectivités territoriales, et entre elles et l'Etat.  Je sais ce que c'est qu'affronter le désarroi ou la colère de ses concitoyens pour des responsabilités que l'on n'assume pas ou que l'on n'a pas les moyens d'assumer. Si demain nos concitoyens y voient plus clair dans le partage des compétences, si les régions et les départements assument pleinement leurs responsabilités, comme vous le faites déjà, c'est l'ensemble de nos concitoyens qui en bénéficieront. De fait, c'est l'ensemble des responsables publics, qu'ils soient élus communaux, départementaux, régionaux ou qu'ils soient préfets qui se trouveront mieux reconnus.

 Tel est l'enjeu du projet de loi relatif aux responsabilités locales qui a été voté par le Sénat dimanche dernier. L'enjeu, vous le comprenez, dépasse largement les clivages politiques et les gouvernements. Il s'agit bien de redonner du souffle à notre démocratie et de l'énergie à la formidable créativité des Français.

 Et je ne souhaite surtout pas que ce débat devienne celui d'un Gouvernement, d'une majorité contre l'opposition ou même d'un niveau de collectivité contre les autres. C'est la raison pour laquelle j'ai voulu que le Gouvernement soit ouvert aux propositions du Sénat. 1200 amendements ont été présentés. Nous en avons accepté près de 500.
 Dans ce débat, avec Patrick DEVEDJIAN, nous avons voulu que les amendements demandés par les maires et les présidents de communautés soient étudiés avec une particulière bienveillance. Vous avez souhaité que toutes les communautés de communes, sans condition de seuil, puissent être compétentes pour l'attribution des aides à la pierre. Nous l'avons accepté. Vous avez souhaité que l'exercice de pouvoirs de polices spéciales par les présidents d'EPCI se fasse par un arrêté conjoint avec le maire. Nous avons accepté. Vous avez souhaité que le transfert du logement étudiant aux communes se fasse uniquement sur leur demande. Nous avons accepté. Quelles preuves supplémentaires pourrions-nous vous donner de notre ouverture ?

 Aujourd'hui, certaines déclarations politiques voudraient gommer cette réalité : tous les partis politiques ont eu à cœur de participer au débat, d'améliorer ce texte et le Gouvernement s'est bien gardé de politiser le débat. Nous avons accepté une trentaine d'amendements du parti socialiste et 3 du parti communiste. La seule limite à notre ouverture n'était pas l'origine de l'amendement, mais seulement sa compatibilité avec notre volonté de clarifier les compétences des uns et des autres.
 Le débat va continuer, notamment à l'Assemblée nationale, au début du mois de janvier. Je puis vous assurer que ma ligne de conduite restera la même : l'ouverture et j'ajoute la confiance.

 La confiance est la condition première de la réussite de l'acte II de la décentralisation.
 C'est une exigence. Trop de Gouvernements, et ce quelles que soient les majorités, se sont débarrassés à bon compte de charges et de responsabilités coûteuses sur les collectivités locales.
Certains rendent responsable aujourd'hui la décentralisation de la hausse des impôts locaux. C'est faux. Ce n'est pas la décentralisation, ce sont les modalités de mise en œuvre de la décentralisation qui sont à l'origine de ces augmentations. Les élus locaux n'augmentent pas les impôts par plaisir. Ils n'ont rien à y gagner. Ils l'ont fait très souvent car les Gouvernements qui se sont succédés n'avaient pas tenu leurs engagements. Je pense par exemple à la réforme récente de la taxe professionnelle ou encore, il y a quelques années, aux charges de la CNRACL.

Le Gouvernement veut mettre un terme définitif à ces pratiques et vous donner toutes les garanties de sa loyauté. Ces garanties quelles sont elles ?
D'abord la Constitution qui pose l'exigence de compensation et de péréquation. C'est une garantie qui s'imposera à tous les Gouvernements.
Je n'y reviendrai pas mais vous avez constaté que d'ores et déjà le projet de loi de finances pour 2004 engage la remise en ordre des dotations de l'Etat aux collectivités puisque la DGF passe de 19 à 36,7 milliards d'euros. Dans ce total, les dotations de péréquation augmentent de 240 millions d'euros. Et les communes ne seront pas oubliées puisque les dotations de solidarité urbaine et rurale vont augmenter au moins comme l'inflation. C'est très insuffisant. J'en conviens. Mais, il faut le reconnaître, nous revenons de loin et ne nous cachons pas que le contexte budgétaire ne nous permet pas de faire beaucoup. 
Je m'engage à ouvrir ce chantier en 2004. La réforme de la fiscalité locale sera engagée et je veux que l'on définisse ensemble des critères clairs de péréquation et d'évaluation du potentiel fiscal.

 Ensuite, les termes du débat sur la loi relative aux responsabilités locales. Je l'ai dit au Sénat. Puisque toute proposition du Gouvernement concernant l'évaluation des charges ou le choix de la date des transferts est suspecte, nous reprendrons les propositions des parlementaires. Le Sénat a choisi une formule simple : la date d'évaluation des effectifs à transférer sera 2004, sauf si l'année 2002 est plus favorable ; l'évaluation des coûts de fonctionnement se fera sur les trois dernières années.

 C'est aussi la raison pour laquelle nous avons voulu régler un ancien contentieux, celui de l'éligibilité au FCTVA. Vous avez demandé que celle-ci soit élargie aux fonds de concours et aux investissements que vous effectuez sur le domaine routier de l'Etat et des autres collectivités locales. C'est chose faite dans le projet de loi.

 Vous avez été échaudés par l'annonce de grands principes jamais traduits dans la réalité. Je l'ai été également. Mais, cette fois-ci je veux vous donner des faits.
 Je me suis engagé, vous le savez, pour que vous n'ayez plus à payer des charges imposées aux SDIS par l'Etat sans jamais vous consulter. Toutes les décisions concernant les sapeurs-pompiers seront prises avec vous au sein d'une nouvelle conférence nationale des SDIS. L'Etat prendra en charge toutes les interventions liées à la solidarité. Le Conseil général sera la collectivité "chef de file". Mais, il n'est pas question de vous exclure des conseils d'administration des SDIS. Et j'ai bien entendu votre volonté de clarifier les financements jusqu'à la suppression du contingent communal. Nous devons d'ailleurs en reparler le 10 décembre avec vous et les représentants des sapeurs pompiers.

 Ce sont les mêmes engagements que je veux vous donner s'agissant du projet de loi relatif aux responsabilités locales. Les transferts de compétences obligatoires seront financés par le transfert de ressources fiscales dynamiques : une partie de la TIPP et de la taxe sur les conventions d'assurance.
Pour les communes et leurs groupements, les termes du débat sont différents puisque seules les compétences que vous aurez choisies vous seront transférées. Ceci exclut, naturellement, que ces responsabilités puissent être financées par le transfert de ressources fiscales. Elles le seront par dotation.
Et vous aurez toutes les cartes en main pour ne pas être lésés : puisque vous avez le choix d'exercer ou non ces compétences, si les conditions financières ne vous conviennent pas, vous aurez le dernier mot. Que dire de plus ?

Je crois qu'il est temps que les Gouvernements, quels qu'ils soient, fassent confiance à la parole des élus locaux et d'abord aux maires.
Combien de demandes ai-je reçu pour demander que les procédures administratives soient simplifiées, que l'Etat soit plus rapide et que les démarches de nos concitoyens soient plus simples ? Ces demandes, je les ai reçues d'élus de la majorité comme de l'opposition.

Vous avez souhaité que le contrôle de légalité soit moins lourd. Il le sera puisque le projet de loi prévoit que moins d'actes seront transmis et qu'ils pourront l'être par voie télématique.
Vous m'avez dit combien l'organisation administrative de certaines élections non professionnelles était une charge lourde et en quelque sorte "indue".
Vous n'aurez plus à organiser les élections aux chambres de commerce et d'industrie en 2004, ni à la mutualité sociale agricole en 2005. Et la réflexion est engagée s'agissant des élections prud'homales.
Vous m'avez demandé enfin que l'Etat soit un peut plus ouvert aux nouvelles technologies. J'ai arrêté le règlement technique des machines à voter électroniques. Et je peux vous annoncer que les communes qui seront volontaires pourront les utiliser dès les prochaines élections européennes en 2004.
Et dans le même esprit, je peux vous annoncer que la nouvelle carte nationale d'identité électronique sera une réalité avant le début de l'année 2007. Vous n'aurez plus à envoyer par courrier des formulaires en X exemplaires aux préfectures, mais simplement à les envoyer par voie télématique. Et nos concitoyens pourront grâce à cette carte effectuer une majorité de démarches administratives en ligne, y compris avec vous.

"Réussir la décentralisation avec les maires" n'est pas un souhait, c'est une exigence. La réalité est simple. Lors des Assises des Libertés locales nos concitoyens ont plébiscité les communes. 88 % d'entre eux vous identifient. Tout le monde connaît le maire de sa commune. Je n'en dirai pas autant du préfet, du président du conseil général ou du président du conseil régional. Personne ne peut contester cette réalité : vous incarnez l'autorité publique locale.

 Le Gouvernement n'entend pas affaiblir les maires, ni les présidents de groupements, bien au contraire. Je suis prêt à faire le bilan des pouvoirs nouveaux qui vous ont été confiés. Je ne parle pas de charges, mais bien de pouvoirs qui vous permettent d'exercer pleinement vos responsabilités. Deux exemples : la sécurité et l'immigration.

 Tout d'abord, la sécurité intérieure

 Vous ne m'avez jamais demandé de décentraliser la police de proximité. Par contre, combien de fois ai-je entendu, et de ma propre bouche, qu'il était inadmissible pour un maire d'apprendre par la presse que des nouveaux effectifs de police arrivaient sur sa commune ou que des violences avaient eu lieu dans un quartier.

La responsabilité du Gouvernement était de remobiliser les policiers et les gendarmes, de se fixer une stratégie et des moyens sur 5 ans, et d'adapter la loi à la réalité de la délinquance. C'est chose faite et les résultats sont là.
La délinquance recule de plus de 3,3 % depuis le début de l'année et de 4 % au mois d'octobre. En deux ans la délinquance dite de voie publique, celle qui touche la vie quotidienne (agressions, vols, cambriolages) a reculé de 15 %. Sur les routes, 1300 vies ont été épargnées depuis le début de l'année, soit une baisse de 21,5 %. Les contrôles de police et de gendarmerie ont augmenté de plus de 23 %. La relation me semble claire.
 
Par contre, j'ai voulu vous donner pleinement les pouvoirs d'exercer toutes vos responsabilités mais rien que vos responsabilités en matière de sécurité. 

Première action : vous êtes maintenant au cœur de la politique de sécurité intérieure.
Dès le mois de mai 2002, j'ai donné des instructions claires aux préfets et aux forces de l'ordre pour que vous soyez pleinement informés de ce qui se passe sur vos communes. Mieux, il y a aujourd'hui une obligation dans la loi.
Aujourd'hui, les grandes réformes locales sont proposées et décidées avec vous. Je pense au redéploiement entre les zones de compétence de la police et de la gendarmerie nationale. Je pense encore aux communautés de brigade. Elles ne se décideront pas sans vous car elles doivent être l'occasion de réétudier avec vous les horaires des patrouilles, leur nombre ou encore la répartition des effectifs sur le terrain. Je pense aussi aux radars automatiques, vous serez pleinement associés au choix des 1000 prochains sites.
Aucun Gouvernement n'était allé aussi loin dans la concertation sur les questions de sécurité intérieure.

Deuxième action : nous avons décidé d'agir contre la délinquance quotidienne que vos habitants et vous ne supportez plus.
Combien de Maires, de toutes tendances politiques m'ont dit leur exaspération face au développement de la prostitution, aux abus de certains parmi les gens du voyage, à l'impossibilité d'agir face à des bandes qui terrorisent les habitants dans les halls d'immeubles ou encore face au racket déguisé en mendicité. Il n'y a aucune raison de tolérer ces actes de délinquance. Ceux qui travaillent, ceux qui veulent vivre en paix méritent notre aide. Ceux qui refusent les lois de la République méritent simplement d'être punis !

La loi pour la sécurité intérieure de mars dernier nous permet enfin d'agir. Depuis le mois d'avril, ces nouvelles incriminations ont donné lieu à la constatation de 10.000 faits. La grande majorité est constituée des atteintes ou des menaces aux dépositaires de l'autorité. Vous devez d'ailleurs savoir que le simple fait de menacer un élu local, et notamment un maire, est maintenant passible de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Contrairement à la législation précédente, il n'est plus nécessaire que la menace soit réitérée ou matérialisée par un écrit. Il suffit qu'elle existe.
2 236 faits de racolage ont été réprimés, de même que 657 cas de demande de fonds sous la contrainte ou encore 406 installations de gens du voyage sans autorisation sur des terrains.
En un mot, la loi est appliquée. Certes, elle ne l'est jamais assez à mes yeux. Mais nous sommes sur la bonne voie. Surtout ce sont près de 10 000 faits, donc de 10 000 victimes pour lesquelles l'Etat auparavant ne faisait rien !

Troisième action : nous avons renforcé les pouvoirs des policiers municipaux.
Ils ont fait la preuve de leur efficacité. Il faut cesser de s'abriter derrières de grands principes très théoriques pour refuser de faire évoluer leurs pouvoirs.
Les policiers municipaux peuvent maintenant accéder aux informations permettant d'identifier le propriétaire d'un véhicule ou ont le pouvoir d'ordonner la mise en fourrière d'un véhicule. Dans le même esprit, ils peuvent maintenant intervenir pour rétablir le calme dans les halls d'immeubles, pour identifier les véhicules volés ou encore pour participer à la sécurisation des grands événements. S'il faut aller plus loin dans les domaines de l'environnement, de la voirie ou de la circulation, nous le ferons.
Je veux également que vous puissiez créer de véritables  postes d'encadrement dans la police municipale et même que vous puissiez recruter d'anciens cadres de la police nationale. Et je souhaite également que vous puissiez les doter d'armes non létales telles que les "flash-ball" car les délinquants ignorent les distinctions administratives lorsqu'ils ont décidé d'agresser un représentant de la loi.

Deuxième preuve, s'il en fallait, de notre volonté de vous donner de réels pouvoirs : l'immigration.

Là encore, combien d'entre vous se sont plaints de ne jamais pouvoir refuser un mariage blanc ou de ne jamais pouvoir se prononcer sur le bien fondé d'un regroupement familial. Vous êtes les mieux placés pour apprécier les situations individuelles. Mais personne ne vous demandait votre avis.
Vous ne serez plus tenu à l'écart de ces décisions qui sont souvent fondamentales pour la bonne intégration des personnes d'origine étrangères dans vos communes. La loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers et à la nationalité, loi qui a été définitivement adoptée le 28 octobre, renforce clairement vos pouvoirs.
Vous serez maintenant associés à la commission du titre de séjour chargée de vérifier la situation administrative des ressortissants étrangers présents sur notre territoire. De la même manière, vous aurez plus de pouvoirs pour prévenir les mariages blancs, pour délivrer les attestations d'accueil ou encore pour vérifier les conditions des procédures de regroupement familial.

Et vous le savez, nous ferons le nécessaire pour que les lois soient respectées. Si des réseaux illégaux se constituent, nous les démantèlerons. Et nous reconduirons dans leurs pays les personnes qui refusent de respecter nos lois. Il n'y a pas de honte à cela ! 10.000 étrangers en situation irrégulière ont fait l'objet d'une mesure d'éloignement depuis le mois de janvier, soit 13 % de plus que l'an passé.

J'ajoute, que vous seront remises aujourd'hui deux plaquettes : l'une précise l'évolution de vos compétences proposée par le projet de la loi relatif aux responsabilités locales et l'autre résume précisément les nouveaux pouvoirs qui vous ont été confiés par la loi pour la sécurité intérieure et celle relative à la maîtrise de l'immigration qui est actuellement soumise au Conseil constitutionnel.
Les faits sont là. Le Gouvernement vous a placé au cœur des politiques prioritaires pour nos concitoyens : la sécurité intérieure, la maîtrise de l'immigration, et demain la prévention de la délinquance.

En effet, je suis convaincu que la prévention de la délinquance est un défi majeur que nous ne pourrons relever qu'avec vous.

L'enjeu est considérable et vous le vivez au quotidien. Combien de familles viennent vous voir pour vous exprimer leur douleur face à leur enfant qui a choisi la mauvaise voie ?
La prévention n'est pas une politique secondaire. C'est une priorité nationale pour mettre un terme à la progression de la délinquance des mineurs. Les chiffres témoignent d'une réalité peu satisfaisante. Depuis 10 ans, cette délinquance a progressé de plus de 80 %. Nous avons réussi à mettre un terme à cette évolution. Mais, aujourd'hui, nous devons faire plus pour celui qui veut prendre le bon chemin et punir celui qui le refuse. Le message doit être clair.

Si le Gouvernement a préféré commencer par rétablir l'ordre avant de repenser la politique de prévention de la délinquance, ce n'est pas par négligence mais par conviction que les choses doivent se passer dans cet ordre. J'ai trop souvent entendu des éducateurs affirmer qu'il ne leur était plus possible de travailler tant qu'ils ne seraient pas respectés. Vous ne pouviez plus agir. La réalité est aussi simple.

Cette priorité nationale, je suis convaincu que vous devez en être les premiers acteurs. Et je voudrais vous dévoiler les premières orientations que le Gouvernement veut vous proposer, orientations qui ont d'ailleurs recueilli le soutien de l'Association des Maires de France.
La prévention de la délinquance deviendra une véritable politique quand ses objectifs, ses responsables et leurs moyens d'action seront clairement identifiés. Tel est l'enjeu du projet de loi préparé par le Gouvernement. Pour la première fois, en France, le Parlement va pouvoir débattre de cette question car il nous faut dans cette matière une définition partagée. La prévention de la délinquance ne se confond pas avec la politique sociale.

Nous voulons clarifier les choses.

Aussi, les deux principales idées de ce projet sont simples : le maire doit être le pilote de cette politique et la priorité doit être donnée à la prévention de la délinquance des jeunes.

Dans cette perspective, les principaux axes d'action seront :
- d'abord, le soutien aux familles. Les parents ne doivent plus être laissés seuls face à des jeunes qu'ils considèrent ne plus pouvoir maîtriser,
- ensuite, la prévention de la violence à l'école comme dans le sport car on ne peut admettre que les institutions qui doivent transmettre les règles de vie en commun et le respect deviennent des lieux de violence,
- le renouvellement de la politique judiciaire de prévention s'impose,
- enfin la rénovation du dispositif de lutte contre la toxicomanie est une exigence pour qu'enfin la France n'ait plus le triste record de la consommation de cannabis chez les jeunes de 16 ans.

Cinq axes auxquels s'ajouteront pour la prévention de la délinquance en générale les actions spécifiques à l'urbanisme et aux transports en commun.

J'ajoute qu'il faudrait aussi s'interroger sur l'efficacité de notre dispositif pénal à l'égard des multirécidivistes. Incite-t-il vraiment à sortir du mauvais chemin ?

Mais, je voudrais surtout insister sur la place qui sera la vôtre.
A la confusion des rôles, nous souhaitons substituer un pilote avec les moyens d'agir. Dés juillet 2002, j'ai voulu vous donner plus de place dans les politiques de sécurité et de prévention de la délinquance. C'était le sens des comités locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). Le projet de loi en cours d'élaboration vous consacrera comme pilote de la politique de prévention dans votre commune.
Nombre d'entre vous ont regretté que la loi ne vous donne pas les moyens d'agir alors même que vos concitoyens attendent tout de vous. Aussi, nous vous donnerons les moyens d'agir.
Premier principe : dès lors qu'une action partenariale a lieu sur votre commune, vous devez en être le pilote.
C'est à vous d'en définir les objectifs et le territoire de ces actions. Naturellement, le président du Conseil général restera le responsable de la prévention spécialisée.
Dans le même esprit, vous aurez la mission de désigner la personne référante, responsable du jeune en danger ou de la famille dont les difficultés nécessitent un suivi attentif. C'est un dispositif important car les faits divers de ces dernières semaines ont montré les failles de notre système. Lorsque trop d'intervenants sont concernés, chacun pense que l'autre prend en compte le problème, et de fait, rien ne se fait.

Deuxième principe : le droit à l'information.
Aujourd'hui, trop d'élus sont confrontés à des formes de silence sous couvert de pratiques professionnelles. Il faut le dire aux bonnes âmes, le silence qui entoure les mineurs pré délinquants ou délinquants, sous prétexte de les protéger, ne leur rend pas service. Dans ce domaine, comme dans d'autres il faut que le maire soit destinataire de l'information pour pouvoir orienter l'action des services concernés. Le projet de loi corrigera la notion de secret partagé dans ce but.
Vous aurez également les instruments pour que la veille éducative et le contrôle de l'absentéisme soient une réalité. Alors qu'aujourd'hui vous êtes comptable de la tenue des registres des enfants soumis à l'obligation scolaire, vous ne disposez pas de l'information vous permettant de vérifier la réalité de l'inscription, ni même l'assiduité scolaire.

Troisième principe : si vous le souhaitez, des pouvoirs d'intervention.
En matière de troubles du voisinage ou de défaillance en matière d'éducation, je souhaite que vous ayez la possibilité d'effectuer des rappels à l'ordre. Dans le cadre d'une admonestation, vous pourrez proposer aux familles un stage d'aide à la parentalité. Si les plus récalcitrants iront toujours devant le Procureur, je crois nécessaire de privilégier dans un premier temps l'incitation plutôt que la sanction toujours très longue à mettre en œuvre.
Dans ce domaine encore, il faut être réaliste. La situation varie d'une commune à l'autre et je ne veux pas vous confier des responsabilités qui vous ne pourriez assumer. Aussi, nous serons ouverts sur vos propositions.

Quatrième principe : des moyens identifiés.
Nous allons clarifier les modes de financement de la prévention de la délinquance. Il est proposé de créer un fonds pour la prévention de la délinquance afin de financer les actions décidées par les CLSPD. De même, les opérations "ville, vie, vacances" doivent être repensées pour ne plus être assimilées à la simple organisation de vacances, mais bien à des actions spécifiques de prévention à destination des publics les plus difficiles. Je crois d'ailleurs indispensable qu'une partie des sommes de ce dispositif soit réservée aux actions validées en CLSPD.

Enfin, j'ajouterai un cinquième principe : le devoir d'évaluation. Il faut absolument que nous puissions distinguer les actions efficaces des autres. 

Sécurité, immigration, prévention de la délinquance, logement, qui peut encore affirmer que les communes et leurs groupements sont oubliées par le Gouvernement ?
Oui Monsieur le Président, il faut "réhabiliter les maires" car ils font beaucoup, vraiment beaucoup, pour leurs concitoyens. Et "réhabiliter", c'est donner des conditions de travail décentes.
J'ai signé deux décrets, applicables dès les prochaines échéances électorales pour que les élus qui quittent leur fonction bénéficient d'une allocation de fin de mandat pendant six mois. Nous avons amélioré votre protection sociale par décret du 4 avril dernier. Avant la fin de l'année, je publierai le décret revalorisant le régime indemnitaire des présidents et vice-présidents d'EPCI, ce qui se traduira très concrètement par une augmentation de 18 % à 60 % selon les cas de vos indemnités. Enfin, nous venons de transmettre pour avis aux ministères concernés, un projet de décret étendant la prise en charge des frais de transport, de séjour et ceux engagé dans le cadre d'un mandat spécial.

Il était temps que ces mesures soient prises car c'est aussi cela la reconnaissance.
Pour terminer, je voudrais ajouter qu'il faut du courage et du réalisme pour exercer des responsabilités politiques, et ce à tous les niveaux. Pour un maire ou président de communauté, cette exigence de courage s'impose tous les jours au contact des habitants de vos communes. Et je tiens à vous rendre hommage car je sais que vous avez choisi cette voie non pas par ambition personnelle, mais parce que vous voulez être utiles à votre commune,  rendre service jour après jour à vos concitoyens.