15.06.2003 - Journée nationale des Sapeurs-pompiers

15 juin 2003

Intervention de Monsieur Nicolas SARKOZY Ministre de l'Intérieur, de la Sécurité Intérieure et des Libertés


Mesdames et Messieurs,

C'est un réel plaisir de vous recevoir pour conclure cette cérémonie exceptionnelle du 15 juin 2003. Chacun d'entre vous à pu ressentir la solennité et l'émotion de ce grand moment en l'honneur de tous les sapeurs pompiers de France.

Les gestes que j'ai accomplis sont les vôtres. A travers moi, à travers ce jeune sapeur pompier qui m'accompagnait, ce sont tous les sapeurs pompiers de France qui ont ravivé la flamme du soldat inconnu. Ce soldat inconnu est aussi le soldat du feu qui n'hésite jamais face au danger, qui ne considère pas sa propre vie mais celle des autres.
Ces mots sont une réalité douloureuse pour tant de familles et tant de collègues qui ont vu partir un des leurs.

Depuis la journée nationale du 22 juin 2002, 25 sapeurs pompiers ont laissé leur vie dans leur engagement. C'est un devoir d'honorer leur mémoire, d'honorer leurs familles pour ne jamais les laisser seules face à cette douleur inconsolable.

Permettez-moi de remercier l'engagement d'un homme pour vous accompagner, celui du Capitaine MAZURE, Président de l'œuvre des pupilles de sapeurs pompiers.

Sachez que je n'accepterai jamais de considérer la mort ou l'accident comme des « risques du métier ». La fatalité n'est pas une excuse à l'inaction. C'est pourquoi j'ai confié une mission toute particulière au colonel Christian POURNY, celle d'améliorer votre sécurité lors des interventions. Les premières propositions m'ont été présentées dans un rapport d'étape.

J'ai noté avec intérêt les initiatives qui seront lancées dans la Drôme pour la prévention des sur-accidents de la route, en particulier sur les autoroutes.
Après le drame de Neuilly, je crois également à l'importance de désigner un « officier de sécurité » pour veiller à votre protection lors des interventions.
Mesdames et Messieurs les sapeurs-pompiers, notre République vous doit beaucoup.
Elle vous doit la reconnaissance des valeurs qui vous animent au premier rang desquelles je place le dévouement et l'abnégation. Il est légitime qu'elle vous honore.

Permettez-moi de remercier tout particulièrement le général COMBETTE qui a organisé cette cérémonie dans le même esprit que toutes les autres cérémonies qui se déroulent à l'Arc de Triomphe, celui de la dignité et de la fraternité.

Cher Président ORY, cette cérémonie je vous l'avais promise il y a déjà quelques mois quand j'étais venu vous voir à la Maison des sapeurs-pompiers. Je sais que c'est votre dernière journée nationale en tant que président de la Fédération. Aussi, je suis heureux de vous avoir fait ce cadeau d'au revoir.

Un cadeau qui était promis; une promesse que je tenais à honorer !

 Je peux vous assurer que tous les acteurs de cette cérémonie se sont engagés dans sa préparation avec un enthousiasme sans réserve. Je pense à l'ensemble des SDIS de France, à la Brigade, à la Fédération, aux Unions départementales, et à tous les fonctionnaires du ministère qui appartiennent à cette grande famille.
Cet esprit de solidarité et de dévouement qui est au cœur de votre engagement, qui est dans votre cœur, je souhaite lui donner toute la lumière qu'il mérite. Vos valeurs sont des valeurs d'avenir que nous avons le devoir de promouvoir.

Tel est le sens de l'initiative que j'ai prise d'organiser dès cette année un « trophée de l'engagement civique » en partenariat avec votre Fédération. Je tiens à saluer ceux qui sont animés de cet esprit, qu'ils soient sapeurs-pompiers mais aussi simples citoyens, qu'il s'agisse d'entreprises, de services publics ou encore de collectivités.

Ce trophée sera aussi, je n'en doute pas, le moyen d'inciter de nouvelles vocations de sapeurs- pompiers, professionnels et volontaires, vocations dont nous avons tant besoin.

Puisque nous sommes aujourd'hui en famille, c'est aussi pour moi l'occasion de vous dire en quelques mots, quelle est la réflexion du gouvernement sur les évolutions nécessaires de votre métier.

Au début du mois de juillet, j'informerai le Conseil des ministres des orientations de la loi de modernisation de la sécurité civile. Vous comprendrez que je doive réserver à cette instance le détail de la préparation de ce projet. Naturellement, ce projet n'a pas été élaboré dans un bureau fermé et obscur. La concertation pour un projet d'une telle ambition était une condition de réussite. Elle l'est d'ailleurs pour toute réforme intelligente.

A ce stade, je vois trois grands enjeux pour cette future loi :

- premier enjeu : faire du citoyen le premier acteur de la sécurité civile.

Il s'agit bien de faire naître une véritable conscience de la sécurité civile parmi nos concitoyens. Ils doivent mieux mesurer ce qui est en cause. Ils doivent acquérir la culture de la prévention et des secours.

Cela passe par un enseignement obligatoire, dès l'école des gestes de premiers secours, une organisation plus efficace de la solidarité communale.

Cela se traduit aussi par la création d'une véritable réserve citoyenne et par une plus grande diffusion de la culture de l'alerte. Dans mon esprit, il faut cesser de considérer le citoyen comme un enfant immature, incapable de gérer sa propre sécurité. Le citoyen dans une République est d'abord un homme ou une femme responsable.

- le deuxième enjeu est de promouvoir le métier de sapeur pompier qu'il soit professionnel ou volontaire.

Dans ce domaine, nous avons beaucoup d'ambitions. Je pense naturellement à l'amélioration des recrutements et de la formation, notamment dans le cadre futur de l'Ecole Nationale Supérieure d'Officiers de Sapeurs-Pompiers d'Aix-les-Milles.

Nous avons également beaucoup d'idées pour les volontaires. L'engagement de ces hommes et de ces femmes est absolument essentiel pour la sécurité civile française. Il l'est pour des raisons aisément quantifiables. Il l'est aussi pour leur exemplarité que je souhaite faire partager à plus de Français.

Nous avons en préparation un arsenal de mesures, mesures inspirées du rapport de Jean-Paul FOURNIER, qui vont de l'avantage retraite aux exonérations fiscales pour les employeurs, sans oublier l'abaissement à 16 ans de l'âge de recrutement ou encore la valorisation de l'expérience acquise par des diplômes professionnels. Je souhaite qu'ainsi nous puissions mettre un terme au déclin observé depuis trop longtemps de l'engagement de nouveaux volontaires.

- le troisième enjeu de ce texte est de garantir l'avenir des services d'incendie et de secours.

Il faut pour cela trouver un équilibre entre les contraintes opérationnelles et le poids financier croissant des SDIS, poids qui pèse d'abord sur les collectivités locales. Je sais fort bien que la question financière a suscité quelques tensions locales, des tensions sporadiques que je souhaite voir se dissiper. Sans bouleverser les équilibres nés de la loi de 1996, nous allons retrouver la complicité confiante qui existe entre les élus locaux et les sapeurs-pompiers.

L'objectif de ce projet est bien de franchir une nouvelle étape dans notre organisation des secours. Naturellement, les enjeux sont trop importants pour que la rapidité souhaitée de la réforme cède le pas à la précipitation.

Je suis comme vous impatient de voir présenter ce texte, mais on n'écrit pas une loi de cette importance comme on part en intervention. Les élus locaux ont aussi leur mot à dire et j'aurai achevé les nécessaires concertations avec leurs représentants à la fin de ce mois.

Permettez-moi de saluer les présidents des conseils d'administration des SDIS qui nous font l'amitié d'être ici ce matin et qui donnent beaucoup de leur temps dans une fonction souvent difficile et absorbante, même si elle est toujours attachante.

Il est donc un peu tôt pour présenter le détail du texte. Donnons nous rendez-vous au congrès de Bourg-en-Bresse pour exposer, devant l'ensemble de votre profession, les détails de cette réforme.
Qu'il me soit permis, pour conclure ces propos, de vous rendre un hommage tout particulier, de vous féliciter pour ce que vous êtes, pour ce que vous avez choisi d'être : des hommes et des femmes au service des autres, et de tous les autres, car vos interventions ne se limitent pas au territoire national.

Je ne peux pas terminer mon propos sans évoquer le 21 mai dernier, une journée marquée par le deuil de l'Algérie. A 18 heures 44 précisément, l'Algérie est victime d'un violent tremblement de terre.
Moins de 20 heures après le séisme, les premiers détachements français de la sécurité civile atterrissaient à Alger. Ces hommes et ces femmes que j'ai rencontré sur le terrain avec mon collègue algérien M. ZERHOUNI, ont fait un travail remarquable sous la direction du colonel ATTAS.
Quelques heures plus tard, ils étaient rejoints par les sapeurs-pompiers du Gard, commandés par le colonel PRUNET, qui ont mis en place dans un temps record un hôpital de campagne à BOUMERDES, particulièrement performant.

La rapidité de votre intervention, votre efficacité, s'est traduite par une énorme satisfaction : celle d'avoir sauvé huit personnes dont trois enfants d'une mort certaine ; celle d'avoir soigné des milliers de personnes blessées. Le bilan de cette catastrophe était effroyable. Qu'aurait-il été sans vous ?
Pour ces personnes sauvées, pour leurs familles, pour nos amis algériens qui ont salué unanimement votre professionnalisme, au nom même des Français dont vous avez fait la fierté, je vous remercie.

Quel bel exemple de collaboration entre les formations nationales de la sécurité civile et les sapeurs pompiers départementaux !

A tous, un grand merci au nom de nos concitoyens.