10.10.2003 - Lettre adressée aux Sapeurs-pompiers

10 octobre 2003

Lettre adressée aux Sapeurs-pompiers


Madame, Monsieur,

Le monde des sapeurs-pompiers français vient de traverser une période particulièrement éprouvante.

Sur le plan humain, ces dernières semaines auront été marquées par plusieurs drames qui ont plongé les familles dans le deuil et le chagrin. A Aubervilliers, à la Garde Freynet, à Lambesc, mais aussi à Saint Romain-en-Jarez ou à Roubaix, et dans de trop nombreux autres théâtres d'intervention, les sapeurs pompiers ont éprouvé dans leur chair et parfois par leur vie, le prix de leur engagement au service de la sécurité de nos concitoyens.

Sur le plan opérationnel, après la pollution du Prestige, l'été 2003 restera marqué par les effets de la canicule et les feux de forêts exceptionnels du sud de la France qui ont mobilisé de très nombreux sapeurs-pompiers, professionnels ou volontaires, civils ou militaires.

J'ai donc souhaité m'adresser à vous tous, à l'occasion de cette journée nationale de la sécurité civile, pour exprimer l'estime du gouvernement et la reconnaissance de la Nation pour le travail que vous accomplissez, mais aussi pour tracer avec vous quelques pistes d'avenir. Parce que je considère que vous êtes les acteurs responsables d'une des missions les plus essentielles de notre société, j'ai choisi de faire part à chacune et à chacun d'entre vous des orientations que je mettrai en œuvre dans les semaines et les mois qui viennent.

Cette considération, la Nation vous la doit, et le gouvernement s'efforce de la traduire en actes.

Les sapeurs-pompiers professionnels assurent l'ossature des SDIS et la permanence de leur action. Leurs préoccupations sont aujourd'hui tournées vers la reconnaissance dans leur régime de retraite du caractère dangereux de la profession qu'ils exercent. Et comment rejeter la légitimité de cette demande lorsque nous avons vu douze de vos collègues décéder en service au cours des neuf premiers mois de l'année 2003 ?

Plutôt que d'autoriser le départ en retraite à 50 ans en imposant également à tous la fin d'activité à 55, j'ai préféré, en accord avec vos représentants, une perspective plus souple fondée sur la rénovation du congé pour difficulté opérationnelle.

A peine rentré de Bourg-en-Bresse, j'ai lancé de nouvelles consultations pour parvenir à une formule qui semble acceptée de tous.

Ainsi, vos collègues qui ont opté et obtenu un CDO avant le 31 décembre 2003, ne seront pas touchés par les effets de la réforme des retraites. C'était la moindre des choses puisqu'ils ne pouvaient pas savoir que les règles du jeu allaient changer. Actuellement, le CDO interdit tout cumul avec une nouvelle activité professionnelle. Dorénavant, cette règle sera assouplie afin que le sapeur-pompier puisse, s'il le souhaite, exercer une activité lucrative en dehors de la fonction publique. Cette disposition lui permet de compenser la diminution de ses revenus et de gommer ainsi les effets de la décote sur sa retraite. L'objectif, vous le comprenez bien, est d'offrir plus de souplesse. C'est une alternative qui s'ajoute au reclassement pour difficulté opérationnelle dans la fonction publique prévu par les textes actuels.

Les sapeurs-pompiers admis au nouveau CDO bénéficieront de la bonification du cinquième après 25 ans d'ancienneté, au lieu de 30 ans, sans autre condition. La logique est simple, ces sapeurs-pompiers, comme les policiers, se trouvent dans l'obligation de partir à 55 ans au plus tard. Il était normal qu'ils soient traités de la même façon. C'est une mesure d'équité.

J'ai, de plus, obtenu à titre tout à fait exceptionnel l'autorisation pour les sapeurs-pompiers de cotiser pendant le CDO pour bénéficier des annuités correspondantes. Ainsi, celui d'entre-vous qui ne peut plus continuer à exercer sa mission ne sera pas pénalisé, dès lors qu'il n'aurait ni proposition de reclassement, ni possibilité d'accès à une nouvelle activité.

Je présenterai cet ensemble de mesures aux élus en charge des SDIS lors d'une prochaine réunion programmée le 23 octobre prochain. Mais la réflexion ne doit pas s'arrêter là. Je crois indispensable d'étudier la possibilité pour les sapeurs pompiers d'opter, s'ils le souhaitent, pour une carrière courte, de 15 ans à 20 ans, afin de pouvoir choisir plus jeunes une nouvelle orientation.
 
J'ai proposé à vos représentants d'engager également cette réflexion car je suis convaincu que les sapeurs-pompiers pourraient dans ce domaine être à la pointe de nouvelles propositions.

Malgré tout l'intérêt de ces mesures de reconnaissance du caractère dangereux de votre métier, tout doit être fait avec obstination pour prévenir  les accidents. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de mettre en place une mission sur la sécurité de vos interventions.

Qu'il s'agisse de la création d'une fonction d'officier de sécurité, d'une pratique systématique du retour d'expérience ou encore de l'amélioration du balisage et des équipements de protection individuelle, j'attends des propositions concrètes pour la fin de cette année.

Au delà, c'est une véritable politique d'hygiène et de sécurité que je souhaite voir mise en place au sein des SDIS.

Pour répondre également à un besoin de meilleure couverture juridique en cas d'agressions et de menaces, la loi pour la sécurité intérieure renforce désormais votre protection mais également celle de vos proches. Il a été demandé aux Procureurs de la République que leurs réquisitions pour tout acte de violence commis à votre égard soient les plus sévères. A Brest, l'auteur d'une agression contre l'un de vos collègues, vient d'être condamné à 3 ans de prison ferme. Des instructions de même nature ont été données à l'égard des incendiaires criminels. C'est ainsi que 25 personnes ont été écrouées.

Par ailleurs, on ne soulignera jamais assez l'importance de l'assise humaine dont bénéficie la sécurité civile française. Vous le savez, j'ai souhaité dès mon arrivée au gouvernement, raffermir les bases du volontariat, qui aux cotés des effectifs professionnels, assure à nos services de secours, une présence sur l'ensemble du territoire national, jusque dans les territoires les plus éloignés de nos grands centres urbains. J'ai la conviction qu'il n'y a pas aujourd'hui d'alternative crédible à l'admirable engagement de nos 200 000 sapeurs-pompiers volontaires.

C'est pourquoi, l'effort que j'ai engagé à la suite du rapport confié sur ce sujet à Jean-Paul FOURNIER, maire de Nîmes, ne sera pas relâché.

Qu'il s'agisse de l'abaissement à 16 ans de l'âge d'engagement et de l'allongement jusqu'à 60 ans de l'exercice de cette vocation, qu'il s'agisse pour les volontaires de participer à l'encadrement des SDIS ou d'accéder aux mêmes grades que les professionnels, je souhaite que ces mesures permettent une plus forte adhésion des jeunes et une fidélisation des volontaires à un statut désormais mieux reconnu.

Avant la fin du mois, le conseil d'Etat aura rendu son avis sur la refonte du décret de 1999 sur l'exercice du volontariat et ces dispositions deviendront le nouveau cadre de votre engagement. Mais je considère que ces mesures ne suffiront pas si elles ne sont pas accompagnées de la création d'un véritable avantage retraite spécifique qui reconnaisse la fidélité de ceux qui se sont engagés pendant plus de 20 ans au service de la collectivité.

C'est pourquoi j'ai obtenu du gouvernement la création d'un nouveau régime de retraite complémentaire qui viendra remplacer progressivement l'allocation vétérance. Ce régime, qui pourra être abondé par les cotisations des sapeurs-pompiers volontaires qui le souhaiteraient, sera alimenté par les SDIS avec le soutien de l'Etat.

Il permettra de créer un complément de retraite pouvant atteindre 150 euros par mois.

Le cadre dans lequel vous vous êtes engagés est celui du service départemental d'incendie et de secours. Des débats ont eu lieu sur l'intérêt de le faire évoluer. Il m'a semblé qu'il avait permis de très grands progrès depuis la départementalisation décidée en 1996, et que l'ensemble des sapeurs-pompiers méritaient de voir reconnus leurs efforts de modernisation. C'est pourquoi je propose de stabiliser l'organisation actuelle, en définissant les ajustements nécessaires pour recueillir l'adhésion des élus locaux qui ont les responsabilités de gestion.

En effet, chacun doit admettre que toute décision exige un accord entre les sapeurs-pompiers, le ministre, mais aussi, bien évidemment les élus qui assument la responsabilité du financement de ce service.

Depuis plusieurs années l'effort financier demandé aux collectivités, à commencer par le département, pour moderniser les SDIS a été considérable. Pendant trop longtemps, le Gouvernement a décidé de mesures coûteuses dont il a transmis la facture sans compensation aux SDIS.

J'ai donc décidé la création d'une instance nationale, la conférence nationale des services d'incendie et de secours, qui pour la première fois organisera la concertation entre ces trois acteurs et permettra à chacun de prendre ses responsabilités en toute clarté.De plus, au travers de mesures telles que le fonds d'aide à l'investissement, le financement par l'Assurance maladie des transports réalisés par carence du secteur ambulancier, ou du paiement par les sociétés autoroutières des interventions réalisées sur leur emprise, l'Etat apportera de nouvelles ressources financières aux SDIS. Il transférera par ailleurs au département, qui deviendra la seule collectivité contributrice au budget des SDIS, une ressource fiscale évolutive pour leur permettre d'assumer les charges inhérentes à la décentralisation.

Un Conseil national de la sécurité civile sera créé, véritable lieu d'échange et d'actualisation des connaissances sur les risques qui incontestablement manquait. Il rassemblera les principaux ministères concernés, mais également les grands opérateurs de services publics, les organismes de recherche et d'expertise, les élus et les sapeurs-pompiers. Chercheurs et hommes de terrain travailleront sur des questions importantes telles que l'évaluation prospective des risques, l'alerte et la protection des populations, la refonte des plans de secours ou encore des scénarios d'exercice en vraie grandeur.

Toutes ces mesures dessinent pour vous tous les contours d'un exercice mieux reconnu et mieux valorisé de votre mission au sein d'établissements publics maîtrisant mieux leur propre développement. Elles s'inscrivent au cœur d'une politique cohérente de l'Etat qui vise, par des efforts importants en matière d'éducation, de capacité de diffusion de l'alerte ou de préparation aux crises, à faire du citoyen le premier acteur de sa propre sécurité.

Dans mon esprit il n'y a pas d'opposition, bien au contraire, entre la responsabilisation de tous nos concitoyens aux enjeux de sécurité civile et la place éminente reconnue à l'ensemble des sapeurs pompiers, quel que soit leur statut, professionnel ou volontaire, civil ou militaire.

Telles sont, dessinées à grand traits, les perspectives de l'action du gouvernement qui pour certaines d'entre elles seront l'enjeu du projet de loi de modernisation de la sécurité civile que je déposerai à la fin de l'automne au Parlement.

Par la meilleure reconnaissance de votre action, par la prise en compte des risques spécifiques du métier ou de la mission que vous assurez, par l'écoute attentive de vos préoccupations et la concertation avec tous ceux qui ont la tâche importante de vous représenter, je souhaite que vous soyez pleinement associés à l'ensemble de ces projets.

Comme je l'ai fait devant les familles des sapeurs-pompiers décédés, et comme je l'ai exprimé aux sapeurs-pompiers blessés en opération, comme je l'ai dit lors du récent congrès de la Fédération Nationale des Sapeurs-pompiers de France réunie à Bourg-en-Bresse, je veux vous redire toute la considération dont vous êtes l'objet de la part de la population française qui reconnaît la valeur de votre exemple au service des autres, dans une société parfois marquée par la prédominance de comportements égoïstes.

En vous renouvelant l'assurance de la reconnaissance du Gouvernement et l'estime des Français à votre égard, je vous prie de croire, Madame, Monsieur, à l'expression de mes sentiments les meilleurs.