08.03.2004 - Journée de la femme

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

Je suis très heureux de vous accueillir au ministère de l'intérieur pour ce déjeuner convivial. Je voudrais que vous vous sentiez ici à votre aise. On célèbre aujourd'hui de par le monde la journée internationale de la femme. En vous invitant, Cecilia et moi, nous avons voulu marquer à notre façon cet événement en soulignant combien l'apport des femmes peut être décisif pour la réussite de l'intégration dans la société française.

Vous êtes ici 27 jeunes femmes et jeunes filles d'origines sociales et géographiques diverses, mais toutes vous êtes Françaises. Vous êtes pour la plupart, comme on dit, issues de l'immigration, c'est à dire que vous êtes nées à l'étranger ou plus souvent, nées de parents d'origine étrangère. Parmi vous, certaines ont des racines au Maroc, en Algérie, en Tunisie, d'autres en Afrique noire, au Vietnam, au Cambodge, en Chine, ou tout simplement en Europe, de l'Est ou de l'Ouest. Mais vous êtes à 100% Françaises. Vous incarnez la France d'aujourd'hui, la France dans toute sa diversité et sa pluralité.

Ce qui vous réunit, par delà la diversité de vos origines, c'est que vous avez su trouver le chemin de l'intégration par l'école et par la réussite professionnelle. Vous êtes en formation dans des écoles de renom – les grandes Ecoles de l'administration, des affaires, du journalisme, la Faculté de médecine de Paris, mais aussi les Ecoles de la police, de la gendarmerie, de la sécurité civile – qui toutes correspondent à un choix professionnel bien précis et vous assure un débouché de carrière. A l'heure où tant de jeunes doutent d'eux-mêmes et désespèrent, vous avez trouvé votre voie et vous apportez la preuve qu'on peut réussir par le mérite et par le travail.

Votre présence ici, vous l'avez compris, revêt une signification symbolique, je devrais dire doublement symbolique.

Vous symbolisez d'abord la réussite sociale et professionnelle de la femme. Nous savons tous qu'il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour atteindre l'égalité homme-femme. C'est un sujet classique que je ne développerai pas parce qu'il sera brillamment traité dans tous les éditoriaux du jour. Je ne fais pas précisément partie de ceux qui s'intéressent à l'émancipation de la femme et à l'égalité des sexes seulement une fois par an.  Mais j'ai quelques convictions dont je voudrais vous faire part.

Je suis d'abord convaincu que l'égalité des droits pour les femmes est une conquête récente et encore fragile. Nous ne sommes pas à l'abri des tentatives de certains courants pseudo-philosophiques ou religieux, pour remettre la femme dans un rôle social et professionnel bien défini, évidemment subordonné à l'homme. Nous devons rester vigilants. Je pense notamment à la laïcité républicaine qui, comme l'a rappelé le président de la République, fait partie de ces principes essentiels et non négociables, précisément en ce qu'elle contribue à garantir la liberté de conscience et l'égalité entre les sexes.

Convaincu, je le suis aussi du fait que notre pays doit faire une plus large place aux femmes aux postes de responsabilités. Il a tout à y gagner. Les femmes ont des capacités d'imagination, de créativité, de réalisme, dont plus aucune société ne peut se passer. Elles réussissent brillamment dans les études – on compte déjà plus de bachelières que de bacheliers et d'étudiantes que d'étudiants. Pourquoi ne réussiraient-elles dans la vie? Prenons l'exemple de l'entreprise. Il y a des activités qui ne peuvent se développer que grâce aux talents des femmes. Combien d'entreprises n'ont réussi que parce qu'elles avaient à leur tête une femme? Et que dire de ces milliers de PME qui ne prospèrent que parce qu'elles sont dirigées en couples,  la femme apportant ces qualités essentielles que sont la rigueur de gestion, la prudence mais aussi la vision à long terme?

Je pense aussi à la politique. Les femmes ont des valeurs propres à défendre, une approche particulière des sujets de société, faite de tolérance, de générosité, de sens des réalités. Nul doute que le discours politique serait différent, plus concret, plus direct, si les femmes y avaient leur part. Peut-être aussi la vie politique serait-elle moins agressive, plus courtoise, vous me permettrez du moins d'en nourrir l'espoir.

Vous symbolisez l'émancipation de la femme mais vous symbolisez aussi, pour un grand nombre d'entre vous, la réussite d'une certaine forme d'intégration à la française. L'intégration des Français issus de l'immigration connaît des ratés. C'est même l'un de mes premiers sujets de préoccupation. Comment accélérer le processus. Pourquoi ce qui a bien fonctionné hier marche moins aujourd'hui. J'ai la conviction qu'il nous faut être plus volontariste je suis certain que si l'intégration réussit, ce sera par les femmes. Pourquoi? Parce qu'en tant que femmes, vous avez déjà eu des difficultés spécifiques à surmonter pour vous affirmer. Vous n'en êtes que plus fortes pour vaincre le handicap de l'origine ethnique ou culturelle.

Vous êtes la preuve vivante qu'on peut réussir en France par ses seuls mérites, quelle que soit son origine. Le nombre des jeunes qui sont dans votre cas est-il suffisant? Evidemment non! Mais plutôt que de se complaire dans de vaines controverses, je souhaiterais qu'on réfléchisse concrètement à la façon d'assurer enfin, par des actions ciblées et volontaires, l'égalité des chances dans notre société. Pour arriver à l'égalité des chances, il faut assumer le fait incontournable que ceux qui ont plus de handicaps que les autres doivent être aidés davantage. Sur quels critères ? Avec quelles obligations ? Le débat reste largement ouvert mais il faudra le conduire jusqu'au bout.

Mesdames et Mesdemoiselles, au-delà de vous, c'est à toutes celles qui, comme vous, cherchent à se frayer une voie dans la société française d'aujourd'hui que je voudrais m'adresser. Vous voulez prendre votre part des responsabilités, construire un avenir, vous vous sentez pleinement Françaises, sans renoncer à assumer la diversité de vos héritages culturels. Je sais qu'on vous en demande plus qu'aux autres. Je sais que vous devez, plus que d'autres, faire vos preuves. C'est normal parce que vous êtes source d'inspiration pour de larges catégories de la jeunesse de ce pays. Vous êtes porteuses d'un message d'espoir et de fraternité. Vous êtes l'avenir. Gardez votre assurance; vous réussirez. Ne vous laissez pas impressionner par les difficultés car vous devez réussir pour vous et pour tous ceux dont votre réussite sera un exemple et une référence, peut-être même un espoir.

Si nous vous avons réunies aujourd'hui, c'est pour vous adresser nos félicitations et nos encouragements, mais aussi pour partager avec vous ce moment de détente et d'échange dans l'amitié et la convivialité.