Intervention de Michèle ALLIOT-MARIE, Ministre de l'Intérieur, de l'Outre-Mer et des Collectivités Territoriales, au Congrès de la Fédération Nationale des Artisans Taxis - La Rochelle
Mesdames, Messieurs,
Les Français ont besoin des taxis.
Les taxis répondent à l'exigence de mobilité, devenue fondamentale dans nos sociétés contemporaines.
Ils offrent à nos concitoyens, aux professionnels, aux touristes, un mode de transport individuel, souple et efficace, souvent complémentaire avec d'autres moyens de circulation.
Ils assurent aussi, et de plus en plus, une fonction de lien social en permettant aux personnes sans permis ou sans voiture, aux personnes isolées, vulnérables ou affaiblies, de se déplacer selon leurs besoins.
C'est parce que la profession de taxis présente une véritable utilité sociale qu'elle crée des responsabilités.
Des responsabilités pour les professionnels, qui doivent préserver le lien de confiance avec leur clientèle et garantir une disponibilité au-delà de leur seul intérêt.
Des responsabilités pour les pouvoirs publics, qui doivent veiller à ce qu'une offre et une offre de qualité réponde à la demande des citoyens.
C'est le contrat public des professions réglementées : une profession qui présente une forte utilité sociale doit disposer de conditions économiques et réglementaires garanties pour remplir son rôle, à charge pour elle d'assumer, au-delà de son seul bien-être, les contraintes de cette mission.
Le protocole que nous avons signé ce matin, place Beauvau, au ministère et qui a reçu l'aval du Président de la République confirme et rénove ce contrat juridique et moral (1). Il maintient une régulation en contrepartie de nouveaux efforts de la part des professionnels (2).
L'accord est le résultat de 8 mois de concertation.
Les débats sur l'avenir des taxis ont suscité des inquiétudes dans la profession.
- Nous partageons l'analyse : réformer les règles de votre profession est une nécessité.
La réglementation actuelle présente des rigidités qui apparaissent comme un frein à la modernisation et à l'ouverture de la profession des taxis.
Elle restreint l'offre, alors même que la demande existe et s'exprime.
La réglementation en place des autorisations de stationner, dont souhaitez maintenir le principe, verrouille par ses mécanismes le dynamisme économique d'un secteur en croissance. Elle favorise indirectement la concurrence des voitures de petite remise, des shuttles, des taxis motos, qui profitent d'une meilleure adaptation aux évolutions de la demande.
Il était temps de définir de nouvelles orientations pour l'avenir de votre profession.
Il fallait pour cela réussir à surmonter les deux écueils: la dérégulation et le statu quo.
La dérégulation totale de la profession, envisagée par certains, avait trouvé un écho dans le rapport de Jacques ATTALI. Elle a toujours ses partisans.
Je sais que cette proposition soulève de véritables craintes. Vous m'en aviez fait part, Monsieur le Président, dès septembre 2007.
Elle conduirait à déstabiliser la profession en remettant tout simplement en cause le modèle économique sur lequel elle repose.
Mais je sais aussi, et je vous l'avais dit, Monsieur le Président, que le statu quo n'est pas plus acceptable que la dérégulation.
La demande est là, d'une ouverture et d'une offre accrue. Nous devions faire bouger la situation.
Je vous ai dit ma volonté de faire avec vous et avec tous les représentants de la profession le pari de la modernisation, à la condition que nous acceptions, ensemble, d'envisager des solutions nouvelles.
C'est dans cet esprit que j'ai conduit la concertation, à la demande du Président de la République.
Ma méthode a été celle de l'écoute et du dialogue
J'ai proposé au Premier Ministre de confier une mission de réflexion et de prospective au préfet Pierre CHASSIGNEUX. Vous avez, toute la profession, largement contribué à ces travaux.
Le rapport qu'il m'a remis a permis une réflexion approfondie sur tous les aspects de la question. Je vous ai réuni le 3 avril dernier pour vous en présenter les conclusions.
J'ai souhaité qu'un débat s'instaure entre nous sur la base de ce rapport.
9 réunions plénières se sont tenues au Ministère de l'Intérieur. D'autres se sont tenues en bilatéral. Votre fédération y a participé, aux côtés des autres représentants de la profession. Je veux souligner le climat de franchise et de responsabilité de ce dialogue.
- La signature du protocole est l'aboutissement de cette démarche.
Il contient des règles nouvelles pour la profession de taxis. Elles se présentent sous la forme de 25 préconisations. 13 sont de portée nationale, les 12 autres étant ciblées sur la situation parisienne.
Toutes reposent sur une même logique : le modèle économique fondé sur la réglementation sera maintenu si chacun assume ses responsabilités et si notre démarche porte ses fruits.
Je vous le dis en toute franchise : la modernisation de la profession exigera des efforts de la part des professionnels.
L'amélioration de l'offre des taxis, tout d'abord.
- L'amélioration sera d'abord quantitative.
Elle concernera surtout les taxis parisiens. Je souhaite que le nombre de 20 000 taxis soient atteint d'ici 2012, avec la mise en circulation de plus de 1 200 taxis dès la fin de 2008.
La création de licences devra correspondre à la réalité de la demande de taxis. Paris avait inauguré un système d'index économique pour réguler la création de licences. Ce système sera perfectionné.
Il sera étendu à l'ensemble des départements.
La question se pose évidemment de manière totalement différente dans la France rurale, dans les villes moyennes, dans les territoires marqués par une activité saisonnière. Il faut que les décideurs soient éclairés sur la réalité de la demande et que les créations soient proportionnées. C'est l'objectif des index.
Cette mesure s'accompagnera d'une rénovation des commissions départementales et communales, d'une meilleure représentation des acteurs économiques, et de plus de rigueur dans l'établissement des listes d'attente.
Les taxis seront plus nombreux. Ils devront être aussi plus disponibles.
L'organisation du travail sera améliorée sur Paris, avec un fractionnement des pauses et une gestion réglementée des réserves de Roissy. Est-il normal que des taxis stationnent des heures à Roissy quand on en attend à Paris ?
L'axe Roissy-Paris sera rendu plus fluide par l'expérimentation d'une voie réservée aux taxis, cars et covoiturage, dès 2009.
- L'amélioration de l'offre est aussi une amélioration de la qualité.
Les taxis doivent être plus visibles.
Un nouveau lumineux visible de loin, compréhensible, permet au client de savoir facilement si vous êtes libre ou occupé.
Dans les grandes villes, bicolores avec une couleur commune pour le toit et les montants, les taxis seront immédiatement identifiables. C'est le cas dans toutes les grandes capitales. C'est d'ailleurs une parade contre les concurrences déloyales. Et c'est la contrepartie de la réglementation.
Un nouveau taximètre, moderne permettra aux clients d'obtenir une facture détaillant le prix de la course calculée automatiquement, de manière transparente. C'est une modernisation. C'est aussi le minimum. Tout commerçant offre ce service.
Des efforts de professionnalisation.
Le métier de taxi, comme tous les métiers, exige une formation.
Le protocole prévoit une rénovation de la formation initiale pour tous les taxis. Un examen unique sanctionnera une formation plus adaptée à la connaissance du territoire concerné et mieux centrée sur la connaissance de la réglementation professionnelle.
Une formation continue permettra une mise à jour, tous les 5 ans, sur les évolutions du métier.
Les taxis devront assumer leurs missions d'intérêt général. L'Etat les y aidera.
Le protocole prévoit ainsi d'étudier l'accès au chèque emploi service universel pour les nouvelles formes de service à la personne.
Mesdames, Messieurs,
Le travail n'est pas fini. Toutes les difficultés ne sont pas résolues.
Il faudra réfléchir au cadre juridique des autres modes de transport individuels que sont les véhicules de petite et de grande remise et les transports en deux roues. Je compte très vite ouvrir ce dossier pour les deux roues.
Il faudra également poser la question des modes de régulation de la profession. Les taxis exercent une activité économique nécessaire à la vie de la société. Est-il encore de notre époque de gérer les licences avec les instruments juridiques de la police de la voirie ? Vous achetez des licences pour intervenir sur un espace économique mais un maire peut délivrer une autorisation gratuite pour exercer sur le même marché. Voilà une question qui mérite réflexion.
Je sais que vous cherchez des solutions. Je me réjouis que le protocole d'accord ait prévu la mise en place d'une instance nationale de concertation qui nous permettra de poursuivre le travail.
Vous l'avez compris, nous ne sommes qu'au début du chemin.
Votre mobilisation est indispensable pour mettre en œuvre les engagements que nous avons pris. L'enjeu est crucial : c'est dans la réussite de ce protocole que se trouveront les garanties que vous recherchez.
Je compte sur votre sens des responsabilités pour construire l'avenir de votre profession, dans votre intérêt et dans celui de tous les Français.
Je vous remercie.