Intervention de Mme Michèle Alliot-Marie lors du séminaire du SCTIP : "Terrorismes : renseignement, financement et enquête"
Monsieur le Coordinateur,
Monsieur le Directeur Général de la Police Nationale,
Mesdames, Messieurs,
Je remercie le Directeur Général de la police nationale ainsi que le préfet chef du Service de Coopération Technique Internationale de Police d'avoir initié et organisé ce séminaire.
J'ai souhaité en ouvrir les travaux pour souligner devant vous mon implication et mon soutien dans votre action.
Le terrorisme international est le premier défi auquel la communauté internationale doit faire face.
Les événements du 11 septembre 2001 ont révélé au monde le danger du terrorisme islamique international.
Ils ont mis à jour la vulnérabilité des démocraties face à ce phénomène et révélé combien cette forme de terrorisme était de nature à déstabiliser nos structures étatiques.
Les autres attentats survenus depuis à travers le monde, en Europe - comme ce fut le cas à Madrid ou à Londres -, mais aussi sur d'autres continents - comme récemment encore au Pakistan -, nous rappellent la prégnance de cette menace.
Le terrorisme se nourrit de la précarité des équilibres dans certaines zones de notre planète.
Les réseaux terroristes bénéficient de la mondialisation des échanges, des diasporas et des facilités sans limite de l'Internet.
Notre riposte ne peut reposer que sur une approche internationale et la coopération entre Etats.
Nous devons rester mobilisés et sur nos gardes.
L'organisation de ce séminaire et la présence de M. DE KERCHOVE sont des illustrations de cet engagement de la France.
La France a, en la matière, un savoir faire reconnu. Ayant été touchée en 1986 et en 1995 par des attentats terroristes internationaux, elle a développé un concept de lutte anti-terroriste qui fait aujourd'hui école.
L'approche française repose sur 7 idées fortes, qui sont autant d'axes de travail.
Premier axe : un travail en amont sur le recueil, la synthèse et l'exploitation du renseignement est le préalable indispensable à toute action.
Le deuxième axe fort, c'est une coopération internationale dense et opérationnelle. Elle a permis de contribuer à démanteler de nombreux réseaux terroristes tant en France qu'à l'étranger.
Cela concerne la coopération bilatérale et les structures multilatérales existantes, comme EUROPOL au niveau européen ou le Groupe de Travail sur le Terrorisme (PWGT).
Ma conception de la coopération internationale en matière de terrorisme privilégie une approche opérationnelle et pragmatique.
Il faut pouvoir faire preuve d'une grande réactivité, et être en mesure de coopérer en totale confiance.
J'ai eu l'occasion de le dire à M. DE KERCHOVE.
Troisième axe de travail : les technologies modernes.
La veille sur Internet constitue un enjeu majeur. La vidéoprotection a démontré tout son intérêt dans les enquêtes sur les récents attentats au Royaume Uni.
Je viens de lancer un plan très ambitieux de développement de la vidéoprotection pour combler le retard de la France dans ce domaine.
Le quatrième axe de l'approche française, ce sont des structures policières adaptées à ce type d'enquêtes.
Celles-ci nécessitent une centralisation et une spécialisation particulières.
L'organisation de nos services de renseignements fait actuellement l'objet d'une réforme importante.
Ces enquêtes imposent également une adaptation des services d'investigations à proprement parler, ce qui n'est pas toujours facile à mettre en œuvre dans des pays à l'organisation administrative moins centralisée que la France.
Le cinquième axe est la mise en place de structures judiciaires adaptées.
La complexité des dossiers terroristes, leur sensibilité, justifie de disposer de magistrats et de juridictions spécialisés dans la lutte contre ce phénomène et pouvant en avoir une appréhension globale.
Sixième axe fort, la mobilisation des structures et administrations autres que policières.
Le financement de l'entreprise terroriste suppose de travailler sur tous les aspects de l'organisation.
Cet aspect sera longuement évoqué au cours de ce séminaire, et je m'en réjouis.
Enfin, dernier axe, mais non de moindre importance, un arsenal législatif adapté, qui donne un cadre légal à ces enquêtes, qui permette de qualifier pénalement l'ensemble des activités concourant à l'entreprise terroriste, y compris avant le passage à l'acte – car notre objectif est bien d'éviter l'attentat -, tout en garantissant le respect des libertés individuelles.
Je conclurai sur ce point fondamental à mes yeux : il est impératif que dans cette lutte résolue contre le terrorisme, les démocraties ne perdent pas leur âme.
L'objectif poursuivi par les terroristes est de déstabiliser nos sociétés.
Faisons leur face avec une détermination farouche, mais dans le strict respect des libertés individuelles, des droits de l'homme et des principes fondateurs de nos démocraties.
La France aura l'occasion, durant la Présidence de l'Union Européenne qu'elle assurera au cours du deuxième semestre 2008, de réaffirmer la priorité qu'elle accorde à la lutte contre le terrorisme.
Ces questions seront largement débattues au cours du séminaire auquel vous allez participer et qui sera l'occasion aussi pour nous d'échanger avec vous et de bénéficier de votre expérience.
Je cède à présent volontiers la parole à M. de KERCHOVE, Coordinateur de la lutte contre le terrorisme de l'Union Européenne.