18.10.2007 - Congrès de l'Assemblée des départements de France (ADF)

18 octobre 2007

Intervention de Mme Michèle Alliot-Marie Ministre de l'Intérieur, de l'Outre-mer et des Collectivités territoriales - Marseille


Monsieur le Président Lebreton,
Monsieur le Président Rousset,
Mesdames et Messieurs les Présidents de conseils généraux,
Mesdames et Messieurs,
A l'heure où certains prétendent mettre en cause les départements, il est bon de rappeler l'attachement que les Français portent à leur département, de mettre en valeur le lien de proximité qu'ils garantissent, de souligner leur rôle dans la vie quotidienne de nos concitoyens.
Ce n'est en rien une attitude conservatrice ou réactionnaire. C'est au contraire le constat de la modernité du rapport qui lie le département aux Françaises et aux Français.
Vous l'avez compris, je suis attachée à nos départements et bien décidée à les défendre.
C'est pourquoi je me réjouis que vous ayez consacré votre 77ème congrès aux politiques de solidarité et à leur financement et que vous m'ayez invitée à clôturer vos travaux.
C'est pour moi l'occasion de rappeler la réussite de la décentralisation départementale et d'appeler à lui donner par nos actions communes sa pleine modernité.
1. La décentralisation départementale est une réussite.
1.1 La proximité est un enrichissement pour nos territoires.
Les lois de 1982 et 1983 ont institué une synthèse entre un Etat unitaire et les exigences de la proximité. Vingt-cinq années plus tard, ce principe fait désormais l'unanimité.
La loi du 13 août 2004 poursuit ce mouvement.
Le département est au cœur de la décentralisation car c'est la collectivité des solidarités.
Il suscite un attachement très particulier à un territoire et à ses habitants. Le mode de scrutin, l'ancrage territorial y poussent.
1.2 L'Etat et les départements ont su organiser les transferts permettant d'assurer cette proximité.
D'abord les transferts de personnels.
53 % des personnels TOS de l'Etat ont opté pour leur intégration dans vos services.
Le travail constructif de la Commission consultative sur l'évaluation des charges (CCEC) et de la Commission nationale de Conciliation a permis une compensation financière intégrale des transferts de la loi du 13 août 2004. En trois ans, les départements ont perçu 1,2 milliard d'euros à ce titre.
L'an prochain commencera le transfert des agents des directions départementales de l'équipement.
Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit 623 millions d'euros supplémentaires pour tenir compte des transferts à venir.
La décentralisation c'est ensuite le transfert des prestations.
Pour le RMI, l'Etat a versé l'intégralité du droit à compensation (4,9 milliards d'euros). Il est allé même au-delà. Le fonds départemental de mobilisation pour l'insertion est à nouveau doté de 500 millions d'euros pour 2008.
Je n'ignore pas votre préoccupation pour l'avenir.
Je connais aussi vos interrogations sur le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, face à une population qui vieillit de plus en plus.  Ses bénéficiaires atteignent déjà un million.
Tout ceci conduit à poser la question des moyens financiers.
 
Au-delà de la compensation des transferts, les départements ont besoin de visibilité financière. C'est pourquoi la réforme de la fiscalité locale est une nécessité. J'y reviendrai.
En attendant, j'ai soutenu trois dispositions importantes pour les finances des départements dans le PLF 2008.
Le maintien de l'indexation de la DGF. Il permettra aux départements de bénéficier d'une augmentation de 245 millions d'euros l'an prochain.
Les autres dotations progresseront dans leur ensemble comme l'inflation.
J'ai entendu  votre insatisfaction sur ce point.
 
J'ai eu l'occasion de le dire devant le Comité des finances locales en septembre dernier : cette mesure s'inscrit dans un contexte budgétaire tendu.
La France doit tenir ses engagements communautaires. L'inflation, c'est la norme que s'impose l'Etat pour ses dépenses. Dans ce cadre, il n'est pas illégitime que les collectivités locales contribuent à cet effort.
Il y a aussi dans le PLF 2008 une mesure favorable pour la compensation du RMI.  La taxe intérieure sur les produits pétroliers a été assise sur une assiette plus dynamique.
Enfin, sur ma proposition, le PLF 2008 prévoit d'attribuer aux départements 30 millions d'euros au titre du produit des amendes issues des radars automatiques. Je souhaite que cette somme contribue à renforcer la sécurité routière sur chacun de vos territoires.
1.3 La décentralisation départementale est une réussite. Nos concitoyens sont les premiers bénéficiaires de la proximité des départements.
En 2007, les dépenses prévisionnelles des départements en faveur des politiques sociales représentent plus de 30 milliards d'euros, soit la moitié de leurs budgets. Avec votre mobilisation, ces politiques essentielles connaissent de réelles réussites.
Première preuve de succès : la politique d'insertion.
Après deux années de hausse en 2004 et 2005, le nombre de bénéficiaires du RMI s'est stabilisé en 2006. Depuis un an, il diminue. Vous avez directement contribué à ces résultats.
Entre juin 2006 et juin 2007, le nombre d'allocataires bénéficiant d'un contrat aidé a doublé. Grâce à vous, des milliers de femmes et d'hommes ont retrouvé le chemin de la vie professionnelle.
Vous avez aussi su être au rendez-vous l'aide aux personnes handicapées. Depuis 2006, un lieu unique est dédié aux personnes handicapées : les maisons départementales.
Je sais vos préoccupations sur l'évolution des besoins des bénéficiaires de ce service au regard de l'expression de leurs projets de vie.
Vous devez être fiers des progrès accomplis. S'il fait mieux vivre aujourd'hui dans notre pays, c'est en grande partie à votre action quotidienne que nous le devons. Je tiens à le dire et à le saluer.
Ainsi, la décentralisation est une réussite pour notre équilibre institutionnel, une réussite pour nos concitoyens, une réussite dans sa mise en œuvre. Nous pouvons regarder avec fierté ce que nous avons accompli.
2. Il nous reste évidemment des défis à relever.
2.1. Le premier défi est celui de la clarification et de la simplification.
Le citoyen a besoin de mieux comprendre qui est responsable de quoi.
Notre organisation territoriale et institutionnelle n'est pas suffisamment lisible.
La mission confiée au sénateur Lambert, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, sera utile à notre réflexion. Ses conclusions seront présentées à la prochaine Conférence nationale des exécutifs. Si nécessaire, une loi organique clarifiera alors les compétences et les centres de décision.
La clarification exige aussi une pause dans les transferts de compétences.
Vous êtes les premiers à la demander. Ma conviction est que les Français eux aussi ont besoin d'un temps de pause pour y voir clair.
Enfin, la clarification des responsabilités est nécessaire à l'efficacité. C'est particulièrement vrai en matière de secours aux personnes.
Le 29 septembre dernier, le Président de la République l'a rappelé avec force. Les responsabilités de chaque service d'urgence et de vos services d'incendie et de secours doivent être clairement définies.
Ensemble nous assurerons la couverture maîtrisée du secours aux personnes et de l'urgence sur nos territoires.
2.1. Le second défi est notre capacité de modernisation. La modernité, c'est la visibilité.
A cet égard, la réforme de la fiscalité locale est une priorité. Le 4 octobre dernier, lors de la Conférence nationale des exécutifs, le Gouvernement et les associations ont solennellement pris l'engagement la préparer et de la mettre en œuvre.
C'est un chantier ambitieux et complexe. Votre Assemblée, avec l'AMF et l'ARF, a déjà bien engagé sa réflexion en s'appuyant sur le Conseil économique et social.
Une concertation approfondie et sincère, une attitude de vérité de l'ensemble des protagonistes, y compris l'Etat, permettra une fiscalité locale plus transparente et plus responsabilisante.
Moderniser nos outils, c'est également réformer notre façon de réglementer. La surabondance des réglementations bride les initiatives, leur instabilité fragilise les politiques durables.
Sur ma proposition, une Commission consultative sur l'évaluation des normes (CCEN) sera mise en place au sein du Comité des finances locales. Elle veillera à ce que cessent les réglementations contraires à la libre administration et la décentralisation.
Vous le savez,  je partage pleinement votre souci qu'aucune prescription nouvelle concernant les départements ne soit prise sans que vous y soyez associés.
Faisons le pari de l'audace, laissons s'épanouir la créativité de ceux qui ont l'expérience de la gestion au plus près. La Constitution nous donne la possibilité d'expérimenter.
Martin Hirsch a proposé le revenu de solidarité active : 44 départements ont répondu à l'appel. 27 d'entre eux pourront mettre en œuvre des solutions innovantes. Vous serez les précurseurs de nouveaux moyens pour lutter contre l'exclusion et contre la pauvreté au travail.
Cet exemple témoigne de la volonté du Gouvernement de laisser place à votre initiative. Je veux vous donner les moyens d'être des forces d'anticipation, de proposition, d'innovation, et d'action.
Mesdames et messieurs les Présidents,
La décentralisation a placé le département au cœur des solidarités. C'est une reconnaissance méritée de votre engagement.
Ma conviction est que le département et la commune auront toujours une place singulière dans nos institutions. Celle du cœur. Cet attachement est indissoluble et ne peut être remis en cause.
Le département est un acteur incontournable : la place du département est plus que jamais essentielle dans notre équilibre institutionnel.
Il nous reste encore beaucoup à accomplir. Je sais qu'ensemble que nous y parviendrons. Ce chantier est passionnant. C'est celui du quotidien de nos concitoyens, aujourd'hui et demain.
C'est celui de la France qui avance, avec passion et générosité.
Je vous remercie.