13.09.2007 - Conférence des maires

13 septembre 2007

Intervention de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'Outre-mer et des collectivités territoriales lors de la VIIème Conférence des villes


Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Maires et Présidents,
Mesdames et Messieurs,

Je suis heureuse de m'exprimer aujourd'hui devant vous comme ministre en charge des collectivités territoriales.

Vous débattez, cet après-midi même, d'un sujet essentiel : « Penser un gouvernement des villes », c'est se pencher sur la réalité de la démocratie.

Ne l'oublions jamais, la démocratie pour le citoyen se joue certes à l'échelle nationale,  mais encore plus au quotidien à l'échelle de nos régions, de nos départements, de nos villes.

Les Français dans tous les domaines veulent savoir où ils vont. Ils attendent des perspectives clairement tracées. La mise en œuvre des phases successives de la décentralisation leur a laissé un sentiment d'inachèvement.

Dans ce flou pour le citoyen, la ville est un point de repère. Vous êtes donc pour eux des créateurs de sens, des éclaireurs de leur avenir.

A vous il appartient de prendre en charge le destin de vos villes, de penser de manière radicalement nouvelle leur « gouvernement ».  J'utilise à dessein ce mot plus précis, plus lourd de signification et d'engagement que celui de « gouvernance ».

L'Etat se doit de soutenir activement cette démarche dans le cadre d'une relation nouvelle avec les collectivités territoriales.

A l'heure de la mondialisation et des mégalopoles, nos grandes villes dessinent l'avenir de la France à partir d'une vision dynamique, volontaire, courageuse de leur devenir.

Nous en avons tous conscience. L'ambition qui anime l'Etat et les collectivités territoriales ne peut être que commune.

L'Etat et les collectivités territoriales ne sont ni des adversaires, ni des rivaux. L'objectif nous est commun : le bien-être de nos concitoyens, leur capacité à vivre ensemble, le développement d'une démocratie apaisée,  la préparation de l'avenir.

Le développement durable, sa place dans la vie quotidienne de nos villes sont une priorité pour le Président de la République et le Gouvernement, comme pour vous. Le processus engagé du « Grenelle de l'environnement » en témoigne.

Le développement durable n'est pas une idée nébuleuse. C'est une exigence qui appelle constance et volontarisme.

La sécurité est également une priorité de premier plan. Elle est, pour l'Etat comme pour la Cité, la première condition du fonctionnement de notre démocratie. En tant que maires, vous le savez.

La violence urbaine et la délinquance fragilisent notre pacte républicain fondamental, fondé sur la liberté et l'égalité des chances.

Face à la violence, l'État doit réaffirmer le principe de responsabilité de chacun. Il doit mobiliser les moyens nécessaires.

Mais la sécurité ne relève pas que de l'Etat. Je l'ai souvent dit : la sécurité dépend de la cohérence d'un chaîne où chacun tient sa place en parfaite coordination avec les autres.

Les maires ont à cet égard une place particulière, à la fois en amont, et aussi à travers les polices municipales. Je souhaite que nous travaillions ensemble pour améliorer nos dispositifs au bénéfice de nos concitoyens.

Le développement économique de notre territoire est un autre objectif partagé.

L'Etat doit veiller à ce que l'ensemble de nos territoires puissent bénéficier de manière équitable des moyens et des effets de la croissance.

L'action est toujours plus efficace quand elle est conçue au plus près des réalités les plus concrètes. C'est particulièrement vrai dans le domaine de l'emploi. Les collectivités territoriales connaissent mieux les personnes et les besoins.

Une nouvelle relation de confiance doit s'instaurer entre les collectivités territoriales et l'Etat.

La première condition, c'est travailler en confiance, c'est savoir écouter l'autre. C'est être capable de se dire la vérité.

Nos finances publiques, notre endettement posent problème à l'égard de nos partenaires européens, mais aussi et surtout à l'égard de nos enfants.

Le Gouvernement entend assumer ses responsabilités et donner l'exemple en engageant la révision générale des politiques publiques.

Mais l'effort de maîtrise budgétaire, ainsi que l'objectif de meilleure gestion concernent l'ensemble de la collectivité nationale.

La décentralisation, c'est plus de liberté et de responsabilité. Elle n'a de chance de réussir que si elle s'inscrit aussi dans un effort partagé.

La Conférence nationale des finances publiques, mise en place en 2006, a été une première étape pour instituer cette relation de confiance.

Avec un effort financier en faveur des collectivités territoriales qui atteindra 72 milliards d'euros en 2008, l'Etat ne pouvait pas durablement faire progresser les dotations plus vite que son budget.

L'impératif de mieux maîtriser nos finances publiques rend donc nécessaire un nouveau contrat. Les dotations des collectivités territoriales évolueront au même rythme que s'impose l'Etat pour ses propres dépenses.

Le Gouvernement a toutefois le souci de permettre aux collectivités territoriales d'adapter leurs budgets locaux à ce nouveau contexte financier. Dans cet objectif, comme je le souhaitais, le PLF 2008 reconduira l'indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l'inflation et 50% de la croissance du PIB en 2008.

La Conférence nationale des exécutifs va dans le sens d'une coopération plus étroite autour de ces objectifs communs. Le Premier ministre présidera dans les prochains jours la première séance de cette Conférence, qui réunira les représentants des communes, des départements et des régions.

La Conférence nationale des exécutifs permettra que les collectivités territoriales soient directement associées à l'évaluation concrète des conséquences qu'entraînent les décisions de l'Etat sur les budgets locaux.  Elle sera ainsi le lieu d'un dialogue franc et novateur.

Je comprends votre attente en ce domaine. Je veillerai à ce que cesse la multiplication de normes exigeantes, coûteuses, pointilleuses. Ce n'est pas le sens de la décentralisation, ce n'est pas ce que je veux pour les collectivités territoriales.

La deuxième condition pour atteindre ensemble nos objectifs communs, c'est de faire toute sa place à l'esprit d'innovation.

En ouvrant un large espace d'expérimentation, nous saurons mieux répondre aux attentes légitimes des Français. La France doit pouvoir compter sur des collectivités plus libres, plus responsables, mieux reconnues.

J'entends donner aux collectivités ces moyens d'agir et d'innover.

Les collectivités territoriales doivent pouvoir disposer des marges de manœuvre correspondant à leurs responsabilités. La réforme de la fiscalité locale est, à ce titre, un chantier indispensable et prioritaire. Elle devra concilier performance économique et justice sociale.

La Conférence nationale des exécutifs veillera à l'avancée concrète de cette réforme de fond.

En libérant les énergies qui sont à l'œuvre dans toutes nos villes et nos collectivités, nous bâtirons une nouvelle relation, plus mûre, plus sereine, plus fructueuse.

La troisième condition pour fonder une nouvelle relation entre collectivités publiques est d'en valoriser davantage les résultats

Pour cela, il faut que ces résultats soient visibles et compréhensibles par le citoyen.

Les Français attendent légitimement que l'action publique soit plus lisible et plus transparente.

Il est essentiel que le citoyen puisse identifier les sources de décision et de responsabilité dans la mise en œuvre des politiques publiques. C'est une nécessité pour que la décentralisation entre réellement et durablement dans les esprits.

Comme le souhaite le Président de la République, cet objectif suppose de faire une pause dans le transfert de compétences nouvelles. Les clarifications nécessaires seront apportées et les redondances supprimées.

Les collectivités territoriales verront ainsi leur action mieux reconnue. Les responsabilités propres de l'Etat seront mieux dessinées.

Si nous voulons envisager l'avenir de nos grandes villes de manière dynamique et volontaire, il faut aller plus loin, et réfléchir plus avant aux cadres de vie du futur et aux contraintes qu'il nous faudra maîtriser.

Nous devons d'ores et déjà préparer l'avenir

Les effets de la mondialisation, liés à l'explosion des technologies, des transports, des outils de communication, ne vont pas cesser de prendre de l'ampleur.

Nos sociétés vont connaître une nouvelle appréhension du temps et de l'espace. Vous connaissez cette belle phrase de Julien Gracq, écrite il y a vingt ans : « La forme d'une ville change plus vite que le cœur d'un humain »… Aujourd'hui, les décideurs locaux doivent désormais inscrire leur action dans un espace radicalement renouvelé.

Il est souvent question de « territoires éclatés ».

 Notre manière de concevoir l'urbanisme et l'aménagement du territoire doit s'adapter à une ville plus mouvante.

Temps partiel, heures supplémentaires ou encore développement du télétravail conduisent à une véritable désynchronisation des temps et des lieux de vie.

Comment se créera un nouveau lien social au sein de ce « nouveau nomadisme » qui signifie une nouvelle façon d'habiter, d'occuper le territoire ? Le citoyen trouvera-t-il dans ces nouveaux lieux de vie plus de liberté, ou au contraire plus de contraintes en termes de sécurité, de confort de vie ?

Mais surtout, quels seront les espaces démocratiques des trente prochaines années ?

La prospective a ses limites, et l'évolution de nos sociétés peut révéler encore quelques surprises.

Cependant, nous avons deux certitudes.

La première est que nos grandes villes seront profondément transformées par la mondialisation. C'est une tendance historique lourde. Elle sera source de bien-être et de liberté. Elle peut aussi générer des tensions entre les populations.

La seconde est que les acteurs publics devront réviser profondément leur mode de décision.

Les nouveaux lieux de débats publics sur les réseaux échappent souvent aux institutions.

Cette évolution libère la parole. Elle peut aussi engendrer des désordres d'un genre nouveau, multiplier des tyrannies nouvelles, des aliénations imprévues.

L'Etat, les collectivités pourront toujours intervenir sur les infrastructures et sur l'urbanisme. Ce champ d'action est et demeurera essentiel.

Les projets d'aménagement urbain gagneront à s'inscrire dans une perspective plus maîtrisée que ces projets « démiurgiques » qui, dans les années soixante, ont produit de véritables catastrophes sociales.  Les collectivités territoriales ont là un rôle fondamental à jouer.

Le développement durable ne sera assuré qu'au travers de règles claires et respectées. Sur les objectifs, tout le monde est d'accord. Mais il est des points qu'il faudra trancher. Qui, de l'Etat ou des collectivités, aura la responsabilité de leur application concrète ? C'est un des sujets majeurs de demain.

Et nous ne serons efficaces qu'en travaillant ensemble, Etat et collectivités.
 
Un autre problème se dessine : comment gérer une métropole de taille mondiale,  ensemble immensément peuplé, marqué par de très grandes différences de revenus, de patrimoine, de cadre de vie…?

De plus, la compétition entre ces grandes métropoles implique parfois des choix contraires au développement durable : concentration urbaine, transports, en particulier par la voie des airs…

Arbitrer entre l'exigence de développement durable et l'impératif de compétitivité, c'est un des enjeux essentiels auquel doit se préparer le gouvernement des villes.

Il n'y parviendra pas seul. Ces défis sont tels qu'ils ne pourront être relevés que par une union étroite entre l'Etat et les collectivités, dans le cadre d'une coopération européenne renforcée.

C'est pourquoi je pense sincèrement et profondément que les relations futures entre l'Etat et les grandes villes devront aller bien au-delà d'un simple partenariat.

Il nous faudra sans doute définir ensemble de véritables stratégies.

C'est le sens de ces questions que je voulais poser très librement devant vous aujourd'hui.

Je vous souhaite un plein succès dans vos travaux.

Je vous remercie.