Intervention de Michèle ALLIOT-MARIE, Ministre de l'Intérieur, de l'Outre-Mer et des Collectivités Territoriales
Mesdames, Messieurs,
L'actualité l'a souligné récemment : dans un univers globalisé, les risques ont une dimension mondiale.
Une épidémie de grippe née au Mexique peut avoir des répercussions concrètes et rapides en France.
L'éclatement d'une bulle financière sur le marché immobilier américain peut remettre en cause les fondements du capitalisme international.
Une éruption volcanique peut favoriser l'apparition du courant marin El Niño, et produire des bouleversements climatiques dévastateurs à l'échelle mondiale.
Qu'ils soient sanitaires, financiers ou environnementaux,
les risques du XXIème siècle obligent l'Etat à anticiper,
évaluer pour mieux agir.
Prévenir les risques exige d'anticiper, en détectant au-delà d'une situation nos vulnérabilités sur le long terme.
Evaluer les besoins de nos concitoyens implique de comprendre qu'ils sont désormais plus informés, plus sensibles au risque, plus demandeurs de protection.
Agir efficacement suppose d'adapter nos moyens et nos objectifs à la réalité du risque et élargir la coopération à l'ensemble des acteurs de la prévention.
Pour adapter notre action à la diversité des risques, je veux faire du ministère de l'Intérieur un grand ministère moderne de la protection des Français.
Ma responsabilité de ministre de l'Intérieur est de répondre aux besoins de protection de nos concitoyens.
C'est aussi, en temps de crise, face aux calamités ou aux catastrophes naturelles, de mettre en place concrètement la solidarité nationale.
La réponse de l'Etat aux événements qui perturbent le fonctionnement normal de la société exige anticipation, préparation et planification. Cela suppose des structures adaptées et des moyens renouvelés.
Des structures adaptées.
L'action du ministère de l'Intérieur peut s'appuyer sur l'organisation territoriale de l'Etat, placée sous l'autorité des préfets. C'est pourquoi j'assure, au niveau interministériel, la conduite opérationnelle de la réponse contre le virus de la grippe A.
Au-delà des structures, j'ai décidé de renforcer nos capacités d'anticipation et de gestion de crise dans l'esprit du Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité.
- La délégation à la prospective et à la stratégie, que j'ai créée en 2008, a notamment pour mission d'anticiper les nouveaux risques et les menaces émergentes, et de nous doter des moyens d'y faire face.
- La direction de la planification de sécurité nationale, créée aussi l'année dernière, est chargée de l'élaboration, de l'actualisation et du suivi des plans qui relèvent de la responsabilité directe du ministre de l'intérieur.
- Le Conseil économique de sécurité, que j'ai créé il y a un mois, réunit experts et responsables économiques pour réfléchir ensemble aux enjeux globaux de sécurité.
- Une salle interministérielle de crise viendra bientôt renforcer nos capacités. Elle pourra accueillir à Beauvau en permanence toutes les composantes interministérielles concernées et, naturellement, les plus hautes autorités de l'Etat. Elle sera opérationnelle cet été.
Moderniser notre réponse, c'est moderniser les moyens de notre action.
Il faut prendre en compte tous les nouveaux risques.
- Le risque nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC).
J'ai décidé de tripler les capacités de décontamination jusqu'à 200 chaînes. Un parc de 16 véhicules de détection, de prélèvement et d'identification biologique et chimique sera constitué.
- L'interopérabilité des services, garantie de l'efficacité commune, sera renforcée. Le réseau ANTARES est déjà utilisé par 25% des sapeurs-pompiers. Son infrastructure, financée par l'Etat, remplace progressivement les réseaux des départements.
- L'alerte est un élément essentiel de la gestion de crise. Elle sera modernisée sur 5 ans : sirènes, mais aussi téléphones portables, ordinateurs de poche (PDA), panneaux urbains électroniques d'information, pour des messages rapides d'alerte et de consignes en aux populations.
Mesdames, Messieurs, les risques sont globaux. Notre réponse doit être elle-même globale.
Etat, collectivités, entreprises, associations, citoyens: prévention et gestion des risques sont l'affaire de tous.
Chacun a son rôle à jouer. Chacun doit prendre part à la résilience de notre pays.
Je pense aux élus locaux. Ils ont acquis un savoir-faire précieux dans la gestion de crises locales, parfois lourdes de conséquences sur les territoires et les populations.
Je pense aux entreprises. Elles doivent faire face au risque d'ingérence et d'espionnage industriels. Pour protéger notre patrimoine économique et industriel, la vigilance doit être permanente, notre partenariat doit être vivant et dynamique.
C'est pourquoi j'ai demandé à chaque préfet de région d'élaborer un plan triennal d'intelligence économique dans leur région. Ces plans seront mis en œuvre avec tous les services concernés de l'Etat et, au premier chef, les services de la DCRI.
Un partenariat élargi, c'est aussi un partenariat élargi à l'international.
Face aux menaces, nous avons plus que jamais besoin d'une solidarité des pays amis.
Et d'abord l'Europe.
Une Europe prête à porter assistance à tous les Etats victimes d'une catastrophe naturelle ou industrielle.
- La France a porté le projet d'une assistance mutuelle européenne. J'ai proposé la mise à disposition de capacités des Etats membres, sous la forme de modules, adaptés aux besoins de la gestion d'une catastrophe, à l'intérieur de l'Union ou dans un pays tiers.
- Pour renforcer la formation à l'échelle européenne, j'ai obtenu l'accord pour créer un réseau européen de formation pour rapprocher les méthodes et les pratiques des professionnels de la sécurité civile.
- Contre la menace NRBC, une base européenne de données sera mise en place auprès d'Europol pour centraliser des informations sur les produits à risque et sur les événements liés au terrorisme NRBC.
Une Europe protectrice doit préserver individus et entreprises du risque de la cybercriminalité.
J'ai fait adopter par le conseil des ministres de l'Union la création d'une plateforme européenne de signalement des infractions relevées sur Internet.
Financée par la Commission européenne, hébergée par Europol, elle sera mise en place cette année et fonctionnera à partir de dispositifs de signalement nationaux.
Mesdames et Messieurs,
Ces deuxièmes rencontres "Risque et Secteur Public" contribueront au développement d'une véritable culture du risque dans la décision publique.
Une culture fondée sur la précaution, bien sûr, même si le principe de précaution ne doit pas conduire à la paralysie de l'action. La conscience du risque n'exclut pas une prise de risque, calculée, évaluant le bénéfice escompté au regard du risque encouru.
Une culture fondée sur la responsabilité de chacun. Une meilleure connaissance des risques nous donne des responsabilités pour le présent et pour l'avenir.
Je suis convaincue, en voyant la diversité des intervenants présents aujourd'hui, que nous saurons nous montrer, ensemble, à la hauteur des défis.
Je vous souhaite d'excellents travaux.