Intervention de Mme Michèle ALLIOT-MARIE, Ministre de l'Intérieur, de l'Outre-mer et des Collectivités territoriales - Assemblée Nationale
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Depuis l'adoption en 1976 du statut de collectivité territoriale à statut particulier, les réformes se sont succédées. Pourtant, 30 années de réformes n'ont pas suffi à répondre à la volonté, exprimée à Mayotte, d'un rapprochement avec la métropole.
Lors de sa campagne électorale pour les élections présidentielles de 2007, le Président de la République s'était engagé à consulter les Mahorais pour trancher, une fois pour toutes, la question institutionnelle.
Le Conseil général de Mayotte s'est prononcé à l'unanimité le 18 avril 2008 en faveur de la départementalisation.
Une feuille de route, le "pacte pour la départementalisation", a été proposée par le Gouvernement et présentée par le Président de la République le 16 décembre. Des améliorations y ont été apportées grâce aux échanges avec les élus de Mayotte.
La procédure de changement de statut décidée par le Gouvernement a été lancée le 14 janvier 2009. Le décret du 20 janvier 2009 met en œuvre la décision d'organiser la consultation des électeurs de Mayotte le 29 mars 2009.
Le 29 mars prochain, une consultation référendaire permettra aux Mahorais de se prononcer démocratiquement sur leur avenir.
La question posée aux électeurs sera ainsi libellée : « Approuvez-vous la transformation de Mayotte en une collectivité unique appelée « Département », régie par l'article 73 de la Constitution, exerçant les compétences dévolues aux départements et aux régions d'outre-mer ? »
L'organisation du scrutin répond à une exigence de transparence et d'information de l'électeur, à toutes les étapes de la consultation.
Lors de la phase préparatoire au scrutin, le pacte pour la départementalisation a été adressé à l'ensemble des foyers mahorais. Il s'accompagne d'un résumé traduit dans les deux langues communément parlées à Mayotte en plus du français.
Après le scrutin, dans l'hypothèse où les Mahorais accepteraient l'évolution institutionnelle proposée, un projet de loi organique sera présentée dès cet été à la représentation nationale pour tirer les conséquences du scrutin. Une loi ordinaire viendra la compléter.
Mesdames, Messieurs,
Le scrutin du 29 mars prochain engage l'avenir de Mayotte.
La feuille de route, définie par le gouvernement en concertation avec les élus de Mayotte, accompagne cette évolution
- en précisant les principes qui guideront la mise en place des nouvelles institutions
- et en fixant de nouveaux objectifs à la politique de développement économique, social et culturel de Mayotte.
L'évolution des institutions de Mayotte permettra de réaffirmer les principes et les valeurs de la République.
Des institutions en phase avec les aspirations des élus mahorais : c'est le premier objectif du Gouvernement.
Le Département de Mayotte sera créé en 2011.
Il s'agira d'une collectivité à statut particulier de l'article 73, regroupant les compétences du département et de la région. S'agissant du mode de scrutin et du nombre de conseillers élus, j'ai engagé une discussion avec les élus mahorais.
Les responsabilités de chacun seront clarifiées.
Entre la collectivité unique et les communes, une nouvelle répartition des compétences sera mise en œuvre.
La mise en place de la taxe foncière donnera de nouveaux moyens aux maires pour exercer leur responsabilité. La tutelle de fait du Conseil Général sur les communes disparaîtra.
La création du Département de Mayotte s'accompagnera d'une adaptation des ressources et de la fiscalité de la collectivité.
Pour garantir la stabilité des ressources du futur département de Mayotte, la fiscalité sera progressivement alignée sur le droit commun.
Des adaptations seront toutefois nécessaires pour la fiscalité professionnelle comme pour la fiscalité des particuliers. Un travail en profondeur devra être poursuivi pour la valorisation du plan cadastral.
L'évolution institutionnelle entraînera une modification du statut de Mayotte au regard du traité de l'Union Européenne.
Mayotte est actuellement classé comme "pays et territoire d'outre-mer" et souhaite l'évolution de son statut vers celui de région ultra-périphérique.
Le Gouvernement portera cette demande. Elle sera conditionnée par la validation des acquis communautaire. L'accès aux fonds structurels européens ne sera possible qu'à l'échéance de l'actuel programme, en 2013.
La création d'une nouvelle collectivité n'est pas une simple question technique. Elle doit permettre de conforter Mayotte dans la République.
La mise en place d'un état-civil stable est la garantie du respect des droits de chacun.
Un travail important a été réalisé par le Commission de Révision de l'Etat-Civil (la CREC), mais beaucoup reste à faire.
Les travaux de la CREC doivent gagner en rapidité et en efficacité. Son fonctionnement sera donc aménagé et amélioré. J'y travaille avec le Garde des Sceaux.
Conforter Mayotte dans la République, c'est aussi réaffirmer les principes qui fondent notre pacte républicain.
- L'égalité entre les hommes et les femmes devra être pleinement respectée.
Les règles actuellement en vigueur à Mayotte concernant le mariage disparaîtront. Elles seront alignées sur celles qui prévalent ailleurs en France.
La polygamie sera interdite pour l'avenir.
L'âge légal minimum des femmes pour se marier sera relevé de 15 à 18 ans. Toute référence au tuteur matrimonial sera supprimée, afin de garantir le libre consentement des époux.
Le mariage religieux devra avoir été célébré préalablement en mairie par un officier d'état-civil.
- La justice est la même pour tous les citoyens français, à Mayotte comme sur tous les territoires de la République.
Tous les citoyens doivent bénéficier des mêmes droits et garanties devant la justice. La justice cadiale sera donc supprimée. Les cadis pourront continuer à exercer une mission d'expertise et de médiation auprès des magistrats de droit commun.
- Le français est la langue de la République.
Tout doit être fait pour donner de meilleures chances aux Mahorais. Cela passe aussi par une meilleure maîtrise du français.
Le Gouvernement s'engage à mobiliser l'ensemble des services publics concernés : éducation nationale, culture, audiovisuel. Il travaillera en partenariat avec l'ensemble du monde associatif local.
Mesdames, Messieurs,
La départementalisation de Mayotte entraîne d'importants changements institutionnels.
Elle doit aussi s'accompagner d'un nouvel élan pour le développement économique, social et culturel de Mayotte.
C'est la deuxième ambition de la Feuille de route.
Cela implique des instruments adaptés.
Un fonds de développement économique, social et culturel, contribuera à donner à Mayotte les équipements nécessaires au développement de l'île.
Pour des raisons d'efficacité et de rapidité, le fonds sera créé à partir de l'actuel fonds mahorais de développement. Le montant de ses ressources sera réévalué. Les acteurs socio-économiques seront mieux associés à sa gouvernance.
Le développement économique doit s'accompagner d'un développement social équilibré. L'égal accès aux prestations sociales en est la condition.
Les spécificités de Mayotte doivent être pleinement prises en compte.
Il n'est ni possible ni souhaitable de verser immédiatement les prestations sociales au même taux que dans les départements de métropole et d'outre-mer. Le risque serait de déstabiliser l'économie de l'île et de créer un nouvel appel d'air, aggravant l'immigration irrégulière.
De nouvelles politiques de solidarité seront mises en place grâce au nouveau fonds, qui financera des structures d'accueil pour les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées.
L'alignement des prestations sociales sera progressif.
Nous sommes prêts dès 2010 à revaloriser les allocations familiales et à poursuivre cet effort en 2011.
Nous sommes prêts à revaloriser l'allocation spéciale pour les personnes âgées et l'allocation pour les adultes handicapés dès 2010. J'ai demandé une expertise sur cette question afin de tendre vers le montant versé en métropole et dans les DOM.
Une mission interministérielle d'audit sur le logement social sera menée dans les prochains mois. Dès ses résultats connus, la création de l'allocation de logement social pourra être envisagée à Mayotte, en 2010 ou 2011.
Revenu de solidarité active et autres allocations de solidarité seront mises en place en 2012, à un niveau du quart du niveau national. Elles progresseront ensuite pendant une période d'environ 20 à 25 ans avant de rejoindre la norme nationale.
Préserver l'équilibre social, c'est aussi agir avec fermeté mais humanité à l'égard de l'immigration irrégulière.
Cela nécessite des outils juridiques adaptés à la situation mahoraise. Les règles de droit spécifiques à Mayotte pour l'entrée, l'éloignement et le séjour des étrangers sur le territoire national seront donc maintenues.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Vous le voyez, le Gouvernement forme de hautes ambitions pour Mayotte.
Nous faisons le choix de la responsabilité, en confiant l'avenir de Mayotte à la décision souveraine des Mahorais.
Nous faisons le choix de l'efficacité, en inscrivant l'évolution institutionnelle de Mayotte dans un calendrier resserré.
Nous faisons le choix des valeurs, en réaffirmant les valeurs qui font aujourd'hui comme hier l'unité de notre République et la pérennité de notre démocratie.
Je vous remercie.