Intervention de Michèle ALLIOT-MARIE, Ministre de l'Intérieur, de l'Outre-Mer et des Collectivités Territoriales - Bordeaux
Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Secrétaire d'Etat,
Mesdames, Messieurs,
La cérémonie du 10 mai rend hommage à la mémoire des victimes de l'esclavage et de la traite négrière.
Cette cérémonie, c'est l'expression d'un triple refus.
Le refus de l'exploitation de l'homme au mépris de sa volonté et de sa dignité.
Le refus d'un système fondé sur une injustice millénaire.
Le refus de la survivance de l'esclavage au XXIème siècle.
Mesdames, Messieurs,
En refusant l'esclavage, en rappelant à chacun le douloureux combat contre la servitude et pour la liberté, la République réaffirme ses valeurs fondamentales.
Liberté, égalité, fraternité.
Trois mots qui ont inspiré la Révolution Française.
Trois mots qui ont fait le tour du monde.
Trois mots qui ont guidé la volonté et le combat de Victor Schoelcher pour l'abolition immédiate de l'esclavage en 1848.
Trois mots, synonymes d'espoir et de libération pour des millions d'hommes et de femmes.
Trois mots qui résonnent dans la conscience universelle comme la victoire de l'humanisme.
A ceux qui tolèreraient ou justifieraient quelque forme que ce soit d'esclavagisme, la République rappelle aujourd'hui les valeurs qui la fondent et l'idéal qui la guide.
Un idéal d'humanisme, qui place l'homme au-delà de toute valeur marchande et de toute exploitation mercantile.
Un idéal de liberté individuelle et collective, fondé sur les valeurs de tolérance, d'épanouissement, de reconnaissance de l'individu.
Un idéal d'égalité entre les individus et de fraternité entre les peuples.
Mesdames, Messieurs,
L'idéal porte une énergie, un sens pour notre action.
Il porte aussi des exigences. Celle de regarder la réalité, toute la réalité. Celle de ne jamais baisser la garde. Celle de ne pas s'endormir devant l'illusion des acquis éternels.
Le souvenir des victimes de l'esclavage nous appelle à tirer les leçons de notre histoire.
La mémoire des injustices passées ne se réduit pas à la reconnaissance des fautes, ou aux regrets tardifs.
La mémoire n'est rien si elle n'est pas conscience, si elle n'est pas vigilance.
La mémoire est porteuse d'enseignements pour les générations à venir.
On se grandit à regarder son passé en face, en assumant ses parts d'ombre et ses aspérités, en rejetant la tentation de l'oubli.
L'Histoire a placé la capitale de l'Aquitaine, comme d'autres ports de la façade atlantique, au cœur du commerce triangulaire.
Aujourd'hui, Bordeaux est symbole de l'espoir et de la réconciliation.
Je veux saluer le courage, la lucidité, la générosité de Bordeaux et de ses élus.
Les nouvelles salles du musée d'Aquitaine apporteront une contribution remarquable à l'histoire de l'esclavage et de la traite négrière.
Elles participeront ainsi à la construction d'une mémoire lucide et apaisée, gage d'espoir et guide éclairé pour le futur.
La mémoire est porteuse de réconciliation. Elle est aussi l'aiguillon de l'action.
Le combat de l'homme contre la barbarie n'est jamais achevé. Ne l'oublions jamais.
Pour les enfants du XXe siècle que nous sommes, la barbarie s'est incarnée dans des régimes inhumains, dans des crimes sans nom, dans des peuples meurtris.
Esclavagisme et totalitarisme naissent du même terreau, celui du mépris et de la haine. Ils se nourrissent du même feu de la violence, de l'ignorance et de l'intolérance. Ils meurent tous deux vaincus par l'humanisme et le courage des justes.
L'esclavagisme n'a pas totalement disparu de notre monde. Aujourd'hui encore, plus de 200 millions d'adultes de part le monde sont contraints à mener une vie d'esclave, auxquels s'ajoutent 250 à 300 millions d'enfants de 3 à 14 ans.
Ne transigeons pas sur le respect de la dignité humaine. Ne tolérons jamais l'exploitation des plus faibles.
Mesdames, Messieurs,
Les grandes batailles se gagnent dans les combats quotidiens.
Ceux de l'égalité des chances, sans distinction de couleur, d'origine ou de religion.
Ceux du combat sans relâche contre les discriminations.
Ceux de l'égalité de tous devant la loi.
En célébrant aujourd'hui le souvenir des victimes de l'esclavage, rappelons que la France n'est jamais si grande, si forte que lorsqu'elle est unie.
Rappelons qu'une société heureuse est une société diverse, mais où chacun peut trouver sa place, au-delà des différences et des divergences.
Rappelons-nous que la France n'est jamais tant elle-même que lorsqu'elle sait porter les valeurs universelles des droits de l'homme et de respect de l'individu.
Souvenons-nous, pour ne jamais retomber dans les crimes du passé, qu'il nous appartient de veiller constamment au respect de ces valeurs.
Les valeurs républicaines. Les valeurs de la France.