10.03.2009 - Loi sur le développement économique de l'outre-mer

10 mars 2009

Intervention de Mme Michèle Alliot-Marie, Ministre de l'Intérieur, de l'Outre-mer et des Collectivités territoriales, à l'occasion de la discussion du projet de loi sur le développement économique de l'outre-mer, au Sénat


Monsieur le Président,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
L'outre-mer est une part essentielle de notre identité. Nos départements, nos territoires portent les valeurs de la République sur tous les océans, sur tous les continents. Des valeurs de liberté, de dignité, d'égalité.
L'outre-mer est un atout.
A notre pays, il apporte sa diversité, son dynamisme, ses talents, son ouverture sur un univers mondialisé.
Pour chacun de ses habitants, il porte des ambitions pour l'avenir, des ambitions légitimes qui doivent se traduire en réalités concrètes.
Donner un nouvel élan à l'outre-mer, valoriser les atouts spécifiques de chaque territoire, leur permettre de mieux affronter les grands défis de notre époque : c'était hier un des engagements de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy.
C'est aujourd'hui l'ambition et l'enjeu du projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer.
Le projet de loi aborde les questions de fond liées à l'avenir de l'outre-mer. Mais notre débat ne saurait faire abstraction de l'actualité.
Une actualité difficile, vous le savez.
La Guadeloupe et la Martinique traversent une période de crise, révélatrice de déséquilibres anciens et jamais vraiment résolus, accentuée par l'impact de la crise financière et économique mondiale.
Ma première préoccupation a été d'encourager le dialogue mais aussi de faire respecter les libertés individuelles et la paix publique : protéger les personnes et les biens, garantir la liberté d'aller et venir, permettre aux élèves d'accéder aux écoles.
Le droit à la sécurité et la protection des libertés publiques s'imposent sur chaque parcelle du territoire.
Permettez-moi de rendre hommage à l'attitude remarquable des Préfets, représentants de l'Etat dans les départements concernés. Une attitude de fermeté, dès lors que la paix publique était menacée. Une attitude d'écoute et de dialogue avec l'ensemble des acteurs.
Je veux aussi saluer le comportement exemplaire des policiers et gendarmes en Guadeloupe et en Martinique.
Au-delà des événements, la préoccupation du Gouvernement a été de répondre au mieux aux effets amplificateurs de la crise économique et financière mondiale sur les économies ultramarines inscrites dans des zones géographiques fragilisées.
A mes yeux, toute crise est révélatrice des difficultés de fond et elle doit permettre des réorientations de fond.
La Guyane a connu fin 2008 une crise sociale liée à l'augmentation des prix des carburants. Avec Yves JEGO et Christine LAGARDE, j'ai lancé une mission d'inspection afin de mettre à plat le système de formation des prix des carburants dans les DOM. Elle me rendra ses conclusions dans les tous prochains jours.
Au début du mois de février, j'ai également lancé une mission sur le suivi des prix en Guadeloupe. Un rapport vient de m'être remis. Certaines de ses préconisations sont d'ores et déjà intégrés dans le document que vient de signer le préfet de Guadeloupe.
Plus encore, le plan de relance, décidé par le Président de la République et mis en œuvre par le Gouvernement, contribuera à dynamiser les économies ultramarines. 130 millions d'euros sont engagés pour les départements et collectivités d'outre-mer à ce titre.
Le 19 février dernier, le Président de la République a annoncé un nouvel effort financier pour l'outre-mer inclus dans le projet de loi que nous étudions aujourd'hui.
Certains prétendent que le Gouvernement se désengage de l'outre-mer. La vérité, c'est que jamais l'Etat n'a autant agi aux côtés de nos compatriotes ultramarins, pour permettre à l'outre-mer de dépasser ses difficultés structurelles, afin de bénéficier des opportunités de la mondialisation.
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Mesdames, Messieurs
Une crise, c'est un défi, c'est un risque, mais c'est aussi une opportunité.
C'est un défi, qui nous oblige à répondre à des questions négligées pendant des années, voire des décennies.
C'est un risque. Celui que la compétitivité des départements d'outre-mer soit handicapée dans un contexte international de plus en plus exigeant.
Mais c'est aussi une opportunité, une formidable occasion d'agir ensemble si on en a la volonté.
Cette volonté, c'est celle du Président de la République. C'est celle du Gouvernement de François Fillon.
Une volonté de changer de méthode d'abord.
Soyons lucides : des efforts ont été faits depuis des années. Les résultats obtenus ne peuvent pas nous satisfaire.
Les contraintes spécifiques des économies ultramarines sont réelles : insularité, éloignement de la métropole, étroitesse du marché.
Trop longtemps, les réponses apportées se sont limitées à compenser ou rattraper ces handicaps. Une telle démarche est nécessaire. Elle n'est pas suffisante.
Ces politiques ont donné de premiers résultats incontestables : réduction de l'habitat insalubre, émergence de secteurs économiques favorisant la création d'emploi, accès croissant des habitants des départements d'outre-mer à une formation adaptée.
Pourtant, le taux de chômage demeure plus élevé qu'ailleurs. Le logement social est notoirement insuffisant, quantitativement et qualitativement. Les prix à la consommation sont trop élevés.
Une nouvelle approche de l'Outre-mer peut être construite en commun.
Une approche fondée sur la concertation.
Le projet de loi a été élaboré avec les élus et les acteurs professionnels des départements d'outre-mer. Ce sont eux, et non le gouvernement, qui ont déterminé les secteurs stratégiques prioritaires.
Des améliorations ont été apportées au projet déposé en juillet 2008, grâce aux élus et aux acteurs professionnels. Elles ont permis d'adapter le projet au contexte de la crise mondiale et locale.
C'est le cas par exemple des nouvelles mesures sur les exonérations fiscales et le logement. Elles ont conduit à augmenter les crédits dédiés à ces questions. Ce sont 150 millions d'euros supplémentaires qui seront ainsi investis dans les économies ultramarines.
Votre commission des finances a participé activement à ce travail. Je veux l'en remercier.
Un nombre important d'amendements a été déposé par les rapporteurs et l'ensemble des élus ultramarins. Le Gouvernement y sera particulièrement attentif.
Une nouvelle approche, c'est une approche fondée sur une stratégie ambitieuse.
L'objectif, c'est un nouveau projet économique et social pour l'outre-mer.
Il faut partir d'un diagnostic commun et partagé pour construire l'avenir.
Dynamisme démographique, richesses culturelles, ouverture sur des régions dynamiques : nous connaissons les atouts de l'outre-mer. Ils sont la clé de son avenir économique.
Nous voulons nous appuyer sur ces atouts, sur la compétitivité des entreprises d'outre-mer, sur le talent des hommes et des femmes de l'outre-mer pour mettre en œuvre un modèle de développement économique endogène, basé sur les potentiels de chaque territoire, permettant à chacun de mettre en avant ses propres richesses.
Le projet de loi que nous discutons aujourd'hui en est une première étape. Les Etats Généraux, annoncés par le Président, poursuivront la réflexion sur la fixation des prix, la transparence des circuits économiques et l'ensemble des questions qui concernent l'outre-mer.
Mesdames, Messieurs,
La LODEOM nous donne des moyens concrets  au service de nos ambitions pour l'Outre-Mer.
Elle repose sur trois priorités.
L'efficacité, par la correction des dispositifs existants.
Les exonérations de charges seront réformées.
Le texte prévoit un recentrage des exonérations de charge sur les bas salaires.
Au-delà des salaires, les exonérations de charges doivent aussi favoriser l'emploi. En ouvrant ces exonérations aux petites et moyennes entreprises, et à elles seules, pour l'embauche des cadres intermédiaires, recrutés sur le marché local, nous stimulons leur dynamisme. Cela représente un effort de 75 millions d'euros.
Certains dispositifs de défiscalisation sont devenus obsolètes, inefficaces voire contre-productifs. Ils seront réorientés vers de nouveaux investissements aujourd'hui plus productifs, tels que ceux en recherche et développement.
Deuxième priorité, le soutien à l'investissement.
Les zones franches globales d'activité permettront de soutenir la compétitivité des entreprises par des dispositifs fiscaux adaptés.
Le coût du dispositif s'élève 224 millions d'euros. Il bénéficiera aux secteurs stratégiques, dont la liste a été décidée par les élus et les acteurs locaux. Parmi ces secteurs, je citerai la recherche et le développement, les nouvelles technologies, le tourisme, les énergies renouvelables, l'agro-nutrition.
Le Gouvernement proposera une harmonisation de ces secteurs dans l'ensemble des départements et collectivités d'outre-mer.
La suppression de la taxe professionnelle pour toutes les entreprises, décidée par le président de la République, ne sera pas pénalisante pour celles relevant des zones franches globales d'activités. Le Gouvernement proposera une adaptation du dispositif pour maintenir leur avantage comparatif.
Un fonds exceptionnel d'investissement est prévu pour permettre à l'Etat de soutenir les opérations d'équipements publics collectifs, qui participent au développement économique et social.
Il est doté de 179 millions d'euros, dont 50 avaient été inscrits dès la loi de finances pour 2009. Nous en avions débattu dans votre hémicycle.
Pour soutenir le petit commerce, un fonds spécifique, dédié à l'outre-mer, sera créé et doté de 8 millions d'euros. D'autres mesures d'appui aux investissements dans ce secteur économique pourront venir le compléter.
La relance du logement social est une troisième priorité.
Nous partageons le constat : la situation du logement demeure préoccupante outre-mer. Certaines situations sont encore indignes des exigences et des valeurs qui sont les nôtres au XXIème siècle.
Les mécanismes d'aide au logement ont clairement montré leurs limites. Le texte prévoit donc de réorienter les mécanismes de défiscalisation vers le logement social et vers le logement intermédiaire. C'est une mesure simple, de bon sens, et de justice sociale.
Deux avancées viendront la compléter :
- l'ouverture de la défiscalisation pour la réhabilitation immobilière pour les logements d'au moins 20 ans d'âge. Cette mesure représente 2 millions d'euros.
C'est particulièrement important, quand on regarde l'état du patrimoine et que l'on sait que la réhabilitation représente la moitié du chiffre d'affaires du BTP.
- Le projet gouvernemental prévoit aussi le report d'un an de la fin des exonérations actuelles concernant le logement intermédiaire. La transition sera ainsi facilitée.
Mesdames, Messieurs,
L'Outre-Mer a des atouts. L'Outre-Mer a des forces. L'Outre-Mer a des talents.
Le projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer vise à donner aux départements et collectivités d'outre-mer les moyens d'assumer leurs ambitions pour le XXIe siècle.
Il marque une première étape dans la nouvelle approche de l'outre-mer que le Gouvernement entend développer.
Face aux enjeux, notre réponse ne peut pas être seulement économique.
Des Etats Généraux se tiendront dans chaque collectivité d'outre-mer. Le Président de la République les ouvrira en Guadeloupe, le Premier ministre en Martinique, Yves Jégo en Guyane et moi-même à La Réunion.
Les acteurs économiques, sociaux et culturels de l'outre-mer auront ainsi l'occasion de participer à un vaste débat, sans tabou, sur l'ensemble des enjeux de l'outre-mer.
Ces Etats Généraux représentent une opportunité unique pour aborder en profondeur les questions fondamentales qui agitent l'Outre-Mer. Seront aussi évoqués les thèmes de la gouvernance, du dialogue social, de la coopération régionale, de la culture, de la mémoire et de l'identité, de l'égalité des chances, de la formation et de l'accès à l'emploi.
Le préfet Richard SAMUEL, d'origine antillaise, assurera la coordination de la plus grande consultation jamais menée outre-mer, qui aboutira, sous la présidence du Chef de l'Etat, à la réunion du Conseil de l'Outre-Mer.
Mesdames, Messieurs,
Une nouvelle page s'écrit dans l'histoire des relations entre l'outre-mer et la métropole.
Une page d'espoir et de responsabilité. Une page de solidarité et d'ambition partagée.
Cette page, nous l'écrirons ensemble, dans la fidélité aux valeurs de la République, et dans la confiance dans les hommes et les femmes d'outre-mer.
Je vous remercie.