07.11.2007 - Observatoire de la décentralisation

7 novembre 2007

Intervention de Mme Michèle Alliot-Marie au Sénat le mercredi 07 novembre lors de l'Observatoire de la décentralisation.


Monsieur le Président Puech,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Mesdames et Messieurs,

Lorsque le Sénat a créé l'Observatoire de la décentralisation en janvier 2005, il vous a confié trois missions essentielles : le suivi de la décentralisation, la suggestion d'amélioration, l'évaluation des politiques publiques. 

Ces trois missions sont plus que jamais d'actualité.

1. La mise en œuvre de la décentralisation, et plus particulièrement de son acte II.

Ma conviction est que la décentralisation mise en œuvre depuis 2004 est une réussite, pour les régions comme pour les départements.

1.1. Nos concitoyens sont les premiers bénéficiaires de la proximité des collectivités territoriales.

• Le département s'est affirmé comme la collectivité de la solidarité.

La politique d'insertion en est l'illustration. Après deux années de hausse en 2004 et 2005, le nombre de bénéficiaires du RMI s'est stabilisé en 2006. Depuis un an, il diminue.

Les départements ont été également au rendez-vous de l'aide aux personnes handicapées. Depuis 2006, un lieu unique est dédié aux personnes handicapées : les maisons départementales.

• La région, elle, s'est affirmée comme le moteur du développement territorial.

L'avenir économique de la France dans l'Europe dépend en grande partie de la vitalité de nos régions. La région est l'échelon de la cohérence et de la stratégie.

Elle rapproche l'enseignement et la formation professionnelle des entreprises innovantes et des pôles de compétitivité.

Le transport ferroviaire régional avec le réseau des trains express régionaux (TER) illustre la réponse concrète qu'apportent les régions aux besoins d'une population plus mobile, en termes de bassins d'emplois et de bassins de vie.

1.2. Les transferts permettant une gestion de proximité efficace ont été assurés par l'Etat et les collectivités territoriales.

• La décentralisation n'est plus un sujet d'inquiétude pour les personnels concernés. Ils choisissent pour plus de la moitié de rejoindre la fonction publique territoriale.

• L'Etat a tenu ses engagements. La décentralisation a donné lieu à une compensation intégrale et concomitante, comme le prévoit la Constitution.

Pour les transferts des routes, de l'enseignement et des techniciens et ouvriers spécialisés prévus par loi "libertés et responsabilités locales" du 13 août 2004, l'Etat a versé 2,3 Mds euros aux régions et 1,2 Md d'euros aux départements.

La compensation financière s'accroît naturellement au fur et à mesure de la mise en œuvre concrète des transferts. Le PLF 2008 prévoit ainsi un transfert supplémentaire de fiscalité de plus d'un milliard d'euros.

Pour le RMI, l'Etat a versé l'intégralité du droit à compensation (4,9 milliards d'euros). Il est même allé au-delà. Le fonds départemental de mobilisation pour l'insertion est à nouveau doté de 500 millions d'euros pour 2008. Bien sûr, je n'ignore pas la préoccupation des départements pour l'avenir, notamment concernant la pérennité de ce dispositif d'accompagnement.

• Au-delà du droit à compensation, j'entends les interrogations des collectivités  sur leurs moyens financiers.
 
Le nouveau contrat de stabilité suscite des inquiétudes. Il prévoit que les dotations progresseront dans leur ensemble comme l'inflation.

L'inflation correspond à la norme que s'impose l'Etat pour son budget. Il est nécessaire de tous nous mobiliser pour le redressement de nos finances publiques.

Il  semble juste que les collectivités locales qui représentent 20 % des dépenses publiques s'inscrivent dans une logique identique.

Oui, les collectivités ont besoin de visibilité financière.

C'est pourquoi, j'ai tenu au maintien de l'indexation actuelle de la DGF. Ainsi, 817 millions d'euros supplémentaires seront versés aux collectivités territoriales l'an prochain dans la DGF.

C'est pourquoi la réforme de la fiscalité locale est une nécessité.
Une concertation approfondie et sincère, une attitude de vérité de l'ensemble des acteurs, y compris l'Etat, permettra de la mettre en œuvre.
 
Ma conviction est que la décentralisation a bénéficié aux Français. Elle permet aux collectivités de mieux répondre aux attentes de nos concitoyens.

2. Faut-il poursuivre le mouvement de  décentralisation ?

2.1. Ma conviction est que les collectivités territoriales comme les Français attendent aujourd'hui une pause dans les transferts.

Votre Observatoire a mené une enquête auprès d'un échantillon représentatif de 500 exécutifs locaux.
Elle confirme le souhait d'une stabilité et d'une meilleure lisibilité dans le partage des compétences.

Cette attente est légitime. Les élus locaux comme les citoyens ont besoin de mieux identifier qui est responsable de quoi.

2.2. Stabilité ne signifie toutefois pas  immobilisme.

• D'abord, ce temps de pause doit être mis à profit pour réunir  un consensus sur le diagnostic et sur les solutions à trouver.

L'organisation territoriale de la France mérite d'être clarifiée.

Des redondances existent dans l'exercice des responsabilités.
 Des attributions de compétences doivent être revus au regard de leur utilité au service de l'intérêt général.

Plusieurs rapports proposent des pistes de réflexion :

- la commission présidée par Jacques ATTALI propose ainsi de rationaliser nos institutions autour des régions et de l'intercommunalité ;

- dans le cadre de la revue générale des politiques publiques, le sénateur Alain LAMBERT a cherché les marges de manœuvre permettant à l'Etat et aux collectivités locales d'engager un effort de rationalisation. Ses conclusions seront présentées à la prochaine Conférence nationale des exécutifs.

Pour ma part, j'ai le sentiment que les Français sont attachés à leur département et à leur commune. C'est un lien affectif fort, qui ne peut être remis en cause. Il doit conserver tout son sens dans la modernisation de nos institutions.

• Une meilleure lisibilité du champ d'intervention de chaque collectivité territoriale peut être obtenue.

Les collectivités territoriales et leurs groupements gagneraient à inscrire leur action dans un champ de compétences clairement défini et reconnu.

Sans procéder à de nouveaux transferts massifs, une loi organique pourra s'avérer nécessaire pour identifier les responsabilités de chaque niveau de décision.

Ma conviction est que la coordination et la souplesse ont également un rôle à jouer.

L'intercommunalité est un exemple de solutions adaptées au territoire qui permettent d'éviter les blocages. Je suis favorable à une approche pragmatique. Elle est indispensable dans le cas de compétences transversales.
 
Il faut pouvoir expérimenter les réformes, dans des collectivités volontaires, avant de les généraliser à l'ensemble du territoire. Il faut aussi permettre aux collectivités d'adapter l'organisation de l'action publique aux réalités locales.

Des outils juridiques existent, telles la notion de "chef de file", insuffisamment mise en œuvre, ou l'expérimentation, utilisée pour le revenu de solidarité active.

Je soutiendrai les initiatives qui s'appuient sur ces outils pour proposer des solutions innovantes, pour un meilleur service des Français.

• M. Puech, vous préconisez des pistes très innovantes : fusionner des régions, rapprocher des départements, répartir les compétences selon le profil urbain ou rural du territoire.

Nous ne devons rien nous interdire, a priori, dans la réflexion.
L'objectif doit être à la fois de respecter  l'identité de chacun de nos territoires et de leur donner les moyens de répondre aux défis à venir de la mondialisation.

La décentralisation demeure au cœur de la réflexion sur les institutions.

3. L'évaluation de l'action publique est votre troisième mission.

• Evaluer, c'est accepter de se remettre en question. Pour les pouvoirs publics, c'est une exigence.

La mission d'évaluation de l'Observatoire vous donne à cet égard une obligation particulière.

• La première évaluation concerne notre façon de réglementer.

La surabondance des réglementations bride les initiatives, leur instabilité fragilise les politiques durables. C'est en amont qu'il faut évaluer son utilité et son insertion dans les règles existantes.

Moderniser notre façon de réglementer exige aussi que le pouvoir central donne aux collectivités territoriales la liberté d'exercer pleinement leurs compétences.

C'est pourquoi le Gouvernement a pris l'engagement de ne plus intervenir dans la mise en œuvre des politiques publiques relevant des décideurs locaux.

La Conférence nationale des exécutifs permettra d'associer en amont les collectivités territoriales pour évaluer les conséquences qu'auront pour elles les évolutions législatives et réglementaires.

Sur ma proposition, une Commission consultative sur l'évaluation des normes (CCEN) sera mise en place au sein du Comité des finances locales.

• Evaluer l'action publique, c'est aussi prendre le temps de juger ses propres résultats.

L'Etat a systématisé cette démarche d'évaluation à travers la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). La revue générale des politiques publiques procède de la même ambition, de la même exigence de qualité.

Nombreuses sont les collectivités territoriales qui se sont engagées dans des démarches comparables. Certaines ont recours à des cabinets d'experts, d'autres adaptent la LOLF à leurs budgets.

Dans un temps où le changement, l'adaptation, l'innovation sont nécessaires au développement de notre pays, les collectivités territoriales constituent pour nos concitoyens un appui et un repère.

Elles sont  aussi une force pour l'Etat, dans le cadre d'un partenariat réel et sincère. Cet équilibre entre l'Etat et les collectivités territoriales est un des fondements de notre pacte républicain.

Nous devons moderniser cet équilibre et libérer les initiatives des collectivités.

Notre démocratie des territoires, démocratie de proximité, d'engagement et d'action, en sortira renforcée.

Je vous remercie.