Intervention de Mme Michèle ALLIOT-MARIE, Ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales
Monsieur le Président de la Commission des Lois,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les membres de la Commission,
Permettez-moi tout d'abord de vous féliciter pour le travail effectué par votre commission. Je salue en particulier la qualité des interventions des rapporteurs que nous venons d'entendre.
Je suis convaincue que cet exercice de suivi des lois est profondément nécessaire à la vie démocratique de notre pays. C'est toujours avec plaisir que j'y participe.
La loi dont vous examinez l'application a aujourd'hui, come vous l'avez rappelé Monsieur DIARD, un peu plus de deux ans.
Elle se veut un moyen supplémentaire contre le terrorisme. L'incrimination majeure d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste permet d'intervenir en amont du passage à l'acte.
Elle comporte un nombre important d'avancées.
Certaines sont pérennes.
D'autres ont été prévues, vous l'avez souligné Monsieur DIARD, pour une durée limitée à 3 ans: des contrôles d'identité dans les trains internationaux, la communication des données de connexion ou d'identification électroniques, et l'accès à des fichiers.
Vous me demandiez quel est l'avenir que je souhaite pour ces dispositions temporaires.
Un article de la future LOPPSI qui vous sera soumise avant l'été, prévoit la prorogation pour 4 ans, jusqu'au 31 décembre 2012 de ces articles 3, 6 et 9 du texte de 2006.
Je ne m'étendrai pas sur l'ensemble des dispositions de la loi de 2006, telles celles qui concernent les interceptions de véhicules, les aggravations de peines, l'habilitation des personnels intervenant en amont des zones réservées des aéroports, ou l'anonymat des procéduriers de police ou de gendarmerie.
Je souligne sur ce dernier point, puisque la question m'a été posée, que le projet de circulaire a été finalisé par la direction générale de la police nationale, et la direction des affaires criminelles et des grâces. Il est actuellement en cours de signature, à mon cabinet et à celui de la garde des sceaux.
Des dispositions essentielles, très concrètes, de la loi de 2006 méritent que l'on s'y arrête particulièrement.
Vous les avez d'ailleurs largement évoquées.
Il s'agit de la vidéosurveillance, des communications électroniques ou téléphoniques, du traitement des données nominatives des passagers aériens, et de la lecture automatisée des plaques d'immatriculation.
Ces mesures dotent la France de nouveaux instruments efficaces d'ores et déjà en application. Je tiens à les rendre toujours plus performants.
Je voudrais d'abord souligner que, deux ans après l'adoption de la loi, l'essentiel des textes d'application est en vigueur.
Les articles 1 et 2 de la loi autorisent le recours à la vidéosurveillance comme outil de prévention des actes de terrorisme. C'est dire si cette technologie doit plutôt être désignée sous le vocable de vidéo protection…
Des arrêtés du 26 septembre 2006 et 3 septembre 2007 imposent désormais des normes techniques qui permettent l'exploitation de l'image lors des enquêtes judiciaires.
Vous savez que j'ai fait de cette technique de prévention et d'élucidation un point fort de ma stratégie de sécurité.
Pour répondre à votre question Monsieur DIARD, je veux multiplier par trois le nombre de caméras sur la voie publique, pour passer de 20 000 à 60 000.
Parallèlement, j'ai entrepris de systématiser, partout où c'est techniquement possible, le raccordement des centres de supervision des municipalités, aux services de police ou de gendarmerie.
Dès octobre 2007, le fonds interministériel de prévention de la délinquance a été sollicité à cette fin. Avant la fin du présent trimestre, 69 communes auront ainsi bénéficié de raccordements qui n'existaient pas avant. Il y en aura 115 autres avant la fin de l'année.
Au plan du soutien financier de l'Etat, ce ne sont pas moins de 30 millions d'euros qui viendront appuyer cette stratégie chaque année.
Les transporteurs, RATP et SNCF principalement, vont accroître leur parc de caméras dans les gares et stations mais également dans les voitures.
Il en sera de même dans les ports et aéroports.
Tous les acteurs, transporteurs ou collectivités locales, se retrouvent dans les instances collectives comme la commission nationale de la vidéo surveillance, ou le comité de pilotage stratégique dont j'ai décidé la création. Au plan local, les préfets animent eux-mêmes ce dispositif renouvelé.
J'espère beaucoup de cet esprit partenarial. Aussi, au vu des résultats des premiers échanges, je ne pense pas, Monsieur DIARD, que l'application coercitive prévue par l'article 2 de la loi de 2006 soit nécessaire.
Je suis en outre très attentive au problème de la cybercriminalité. C'est un enjeu fondamental dans la lutte contre le terrorisme. L'actualité récente, avec des menaces exprimées à l'encontre de notre pays sur des sites bien connus, l'a encore illustré.
Les terroristes ont depuis longtemps pris l'habitude de communiquer par Internet à partir de bornes ou de cybercafés.
Les articles 5 et 6 fixent les obligations de ces établissements, des opérateurs de communication électronique, et des hébergeurs de sites Internet, au bénéfice des services chargés de la lutte anti terroriste.
L'expérience montre que les cybercafés et les points d'accès Wi-Fi ne conservent pas les données de trafic pendant la durée imposée par la loi.
Il faudra mieux encadrer tous les acteurs d'Internet pour qu'ils conservent les traces des connexions et prévoir des sanctions en cas de manquement à la règle.
Il faut également évoluer vers la géo-localisation des utilisateurs.
Le décret prévu à l'article 6 II bis a été présenté à la CNIL en début d'automne. L'avis rendu par cette instance le 20 décembre contenait plusieurs observations.
C'est pourquoi une séance de relecture, associant la Chancellerie, le ministère de l'intérieur, de la Défense et le MINEFI, se tiendra dans les tous prochains jours, afin de déterminer si le texte doit être modifié. Le Conseil d'Etat sera saisi dans la foulée.
Les deux autres textes que vous avez cités, du niveau de l'arrêté, sont en phase de finalisation de rédaction.
Ils concernent le tarif des réquisitions administratives et les modalités techniques de transmission des données.
Ce dernier a reçu des demandes de précisions du secrétariat général de la défense nationale. Elles sont en cours d'intégration.
Mais sur le plan opérationnel, l'ensemble du texte est maintenant en application.
L'article 6 prévoit une structure permettant aux services de renseignement d'accéder aux données de trafic téléphonique et électronique, auprès des opérateurs et des hébergeurs de site Internet.
La plateforme UCLAT (Unité de Coordination de la Lutte Anti- Terroriste) a été créée à cette fin. Opérationnelle depuis le 2 mai dernier, elle permet de traiter les demandes de transmission aux services de renseignements d'informations sur les échanges électroniques et téléphoniques.
Elle est devenue rapidement un instrument incontournable pour les services de renseignements.
Elle permet aujourd'hui à 551 fonctionnaires spécifiquement habilités, issus de 7 directions, d'obtenir des données techniques d'identification et de connexion de la part d'opérateurs ou d'hébergeurs de sites Internet, dans un délai de 24 à 48 heures.
J'insiste sur le fait que la procédure suivie par la plateforme UCLAT est à la fois efficace et respectueuse des libertés individuelles.
Toute demande de la part des services est validée par la "personne qualifiée", nommée par la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. Cette dernière reçoit chaque semaine le bilan des demandes, et peut formuler des observations qui sont aussitôt prises en compte.
L'article 7 de la loi permet le traitement automatique de données nominatives de passagers extérieurs à l'Union européenne. Dans l'esprit de ce texte, le Fichier des Passagers Aériens (FPA), interconnecté avec le Fichier des Personnes Recherchées (FPR), a été créé.
Il recueille les données APIS (Advanced Passengers Information System) envoyées électroniquement par les compagnies aériennes.
Le fichier des passagers aériens (FPA) est actuellement en cours d'expérimentation pour deux ans sur les aéroports de Roissy CDG, Orly et Marseille. Il permet de détecter en amont les passagers recherchés, et de garder une trace des voyageurs en provenance ou à destination de cinq pays sensibles (Afghanistan, Pakistan, Iran, Yémen, Syrie).
Le fichier des passagers aériens sera perfectionné. Il concernera bientôt un plus grand nombre de pays sensibles. Même si c'est techniquement difficile, il faudra prendre en compte les vols indirects.
Je profiterai de la présidence française de l'Union Européenne pour accélérer l'adoption d'une décision cadre permettant à nos services d'effectuer des croisements avec les fichiers PNR (Passenger Name Record).
Leur champ d'application est plus large que celui des fichiers APIS (Advanced Passengers Information System).
L'article 8 prévoit le dispositif de Lecture Automatisée des Plaques d'Immatriculation, dit LAPI. L'immatriculation est comparée immédiatement au fichier des véhicules volés ou signalés.
Le programme de Lecture Automatisée des Plaques d'Immatriculations (LAPI) est en cours d'expérimentation.
Depuis le début de cette expérimentation, plus d'1,2 million de plaques ont été lues et comparées au Fichier des Véhicules Volés. 65 véhicules mis sous surveillance ont été détectés. 76 interpellations ont été effectuées.
J'ai voulu que le programme LAPI, concernant la lecture automatisée des plaques d'immatriculation, soit généralisé sur l'ensemble du territoire.
Un programme commun LAPI Police-Gendarmeries-Douanes a été lancé le 6 décembre 2007
Il faut maintenant aller plus loin. Je veux mettre en œuvre un large plan de protection et d'action contre le terrorisme. Il sera global, efficace et coordonné.
Premièrement, la globalité. Je veux protéger contre le terrorisme tous les intérêts fondamentaux de la Nation, y compris le patrimoine économique et scientifique.
Deuxièmement, l'efficacité. La réorganisation de nos services de renseignement, que j'ai lancée, est nécessaire à la pleine efficacité de ces instruments.
Troisièmement, le développement de la coopération internationale dense et opérationnelle. Ce sera l'un des thèmes de la présidence française de l'Union Européenne.