04.12.2008 - Conseil d'administration d'Europol

4 décembre 2008

Intervention de Michèle Alliot-Marie, ministre de l'Intérieur, de l'Outre-Mer et des Collectivités Territoriales, lors du Conseil d'administration d'Europol


Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs,
L'Europe est aujourd'hui confrontée à de multiples menaces, protéiformes, évolutives, transétatiques.
Le terrorisme international d'abord.
Depuis les attentats du 11 septembre 2001, nous vivons à l'ère du terrorisme de masse.
Madrid en mars 2004, Londres juillet 2005 nous l'ont tragiquement rappelé.
La menace n'a pas fléchi. Les projets d'attentats déjoués dernièrement en Allemagne, au Danemark et en Italie l'ont démontré.
Le crime organisé ensuite.
Les trafics de drogue et d'armes et les réseaux de proxénétisme ont pour l'essentiel une composante internationale.
Le trafic de stupéfiants est une préoccupation majeure. Les importantes saisies de cocaïne en provenance d'Afrique de l'Ouest ont démontré l'existence de nouvelles voies d'acheminement pour la drogue des trafiquants sud-américains.
Le trafic d'armes sous-tend des activités criminelles diverses.
Le travail clandestin, la traite des êtres humains et leur exploitation sexuelle, prospèrent sur l'immigration illégale.
Troisième menace, la cybercriminalité.
Internet, espace de liberté, est aussi le support d'une criminalité amplifiée et démultipliée : escroquerie, pédopornographie, appels racistes et antisémites, atteintes à la vie privée, diffusion de modes de fabrication et d'emploi d'explosifs ou d'armes chimiques et biologiques.
Piratage et attaque de systèmes de traitement automatisé de données menacent les intérêts économiques de nos Etats.
Face à la globalisation, nous ne pouvons plus agir comme il y a cinquante ans, ou même vingt ans.
Penser en termes nationaux était le premier réflexe : comment protéger nos ressortissants ? comment agir sur notre territoire ?
La réalité nous conduit à changer d'échelle.
Le temps est venu de penser européen pour agir efficacement.
Une Europe protectrice, une Europe concrète, une Europe proche du citoyen : c'est ce que veulent nos concitoyens.
La sécurité des Européens implique une vision lucide, des projets clairs et des outils concrets.
Cette logique est celle de la présidence française de l'Union Européenne.
C'est vrai dans la lutte contre le terrorisme comme dans l'action contre la cybercriminalité.
La lutte contre le terrorisme exige des réponses nouvelles.
Chacun de nos Etats cherche tous – et c'est légitime – à moderniser ses moyens humains, techniques ou opérationnels.
Elargir nos moyens d'action, c'est penser européen, intégrer les possibilités que nous offre Europol.
C'est pourquoi j'ai souhaité la création d'une base de données relative à la menace NRBC, hébergée par Europol. Elle centralisera des informations sur les produits à risque et sur les événements liés au terrorisme NRBC.
Contre la radicalisation islamique sur Internet, le programme Check the web a permis dans sa première phase d'établir le recensement des sites islamistes.
La présidence française a engagé la deuxième phase du programme, qui permettra l'insertion des données nominatives relatives aux islamistes.
Ce qui est vrai de la lutte contre le terrorisme l'est aussi de la lutte contre la cybercriminalité.
La France comme plusieurs Etats européens, dispose d'une plateforme de signalement des sites illicites. Elle a prouvé son efficacité.
Renforcer nos moyens d'action, c'est créer une plateforme européenne de signalement des infractions relevées sur Internet.
Elle reposera sur la mise en place, dans les Etats qui n'en sont pas dotés, de plateformes nationales.
Elle permettra d'éviter les redondances de traitement pour des signalements concernant plusieurs pays en Europe.
C'est bien à Europol qu'il revenait d'héberger cette future plateforme.
Le séminaire organisé à Reims en juin dernier l'a préconisé. Le Conseil Justice et Affaires et Intérieures du 24 octobre l'a entériné.
Je remercie le directeur d'Europol pour cet engagement à nos côtés. Je salue également le soutien de la Commission européenne, qui participera à son financement.
Partenaire privilégié de la présidence française, Europol est un acteur central de l'Europe de la sécurité.
Le mandat d'Europol est désormais étendu à toutes les formes graves de criminalité.
Le nouveau statut juridique permettra d'assurer un meilleur fonctionnement de l'organisation.
En facilitant l'évolution des missions, sans passer par la ratification d'un protocole additionnel par chaque Etat membre,  il apportera plus de souplesse pour répondre plus rapidement aux évolutions de la délinquance.
La responsabilité des Etats membres est désormais de donner à Europol les moyens d'accomplir sa mission.
Cela passe par une alimentation plus rigoureuse des fichiers d'analyse. Cela passe aussi par son association aux initiatives régionales.
Certains Etats hésitent encore. Je veux les encourager à s'engager dans cette voie.
Au sein de l'Union, Europol améliore notre action commune au service de la protection des Européens.
Plus fort à l'intérieur, Europol doit devenir plus fort à l'extérieur.
Il faut aller encore plus loin dans la coopération et intégrer une architecture mondiale de la sécurité.
Mieux coopérer avec Interpol.
Interpol et Europol ont les mêmes objectifs. Elles ont les mêmes thèmes d'action.
L'efficacité exige de supprimer les redondances, inefficaces voire contre-productives.
Des formes de coopération existent déjà entre Europol et Interpol. C'est notamment le cas pour la lutte contre le trafic de biens culturels volés.
Des réunions organisées par la présidence française entre EUROPOL et l'Organisation internationale de police criminelle (OIPC - INTERPOL) ont permis de rapprocher les deux organisations. L'objectif est  de les rendre davantage interopérables, notamment dans la lutte contre la cybercriminalité. Il faudra poursuivre dans cette voie.
Mieux coopérer avec les pays tiers est une deuxième perspective pour Europol.
Avec les pays d'Europe du Sud-Est, Europol est appelé à jouer un rôle central dans l'analyse et les échanges d'information. C'est la conséquence des progrès réalisés dans le cadre du SECI.
En Méditerranée, la création du centre de coordination pour la lutte anti-drogue (CECLAD) renforcera, sur le modèle du MAOC à Lisbonne, notre action de lutte contre les trafics de stupéfiants empruntant les voies maritimes. Il est essentiel que les renseignements recueillis dans ce cadre puissent être exploités par Europol.
En Afrique de l'Ouest, pour lutter contre le trafic de drogue, j'ai souhaité mettre en place une plateforme régionale des officiers de liaison de l'Union européenne, à Dakar, en partenariat avec les autorités locales.
La CEDEAO (Communauté Economique des Etats d'Afrique de l'Ouest) est engagée dans ce projet. La coopération avec EUROPOL permettra de faciliter l'échange de données opérationnelles.
C'est ainsi que  traiterons en profondeur les formes de criminalité qui fragilisent la sécurité européenne et menacent la stabilité des Etats dans lesquels elles s'enracinent.
Mesdames, Messieurs,
Vous êtes les pionniers d'une police à dimension européenne.
Votre engagement pour la protection de nos concitoyens contribue à la mise en œuvre d'un grand espace européen de liberté, de justice et de sécurité.
Nous avons besoin de vous pour combattre la criminalité et assurer la sécurité des Européens.
Nous avons besoin de vous pour construire, ensemble, une Europe plus protectrice à l'égard de ses habitants et plus ouverte à ses partenaires internationaux.
Je vous remercie.