04.10.2007 - 18ème Convention de l'intercommunalité

4 octobre 2007

Intervention de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités locales à l'occasion de la 18ème convention de l'intercommunalité à la Maison de la Chimie


Monsieur le Président (cher Marc Censi),
Mesdames et Messieurs les présidents,
Mesdames, Messieurs,

Notre pays est confronté à de nombreux défis : le développement durable, la maîtrise de nos finances publiques de l'Etat comme des collectivités territoriales, la participation du citoyen.

L'intercommunalité est au premier rang pour proposer des solutions. Elle peut contribuer à une réponse constructive et, pour reprendre votre mot, audacieuse.

En tant qu'élue locale, j'ai soutenu la mise en place d'une communauté de communes.

En premier lieu, parce que ma conviction est que l'intercommunalité est un atout pour l'action communale elle-même.

En second lieu, parce que l'intercommunalité permet de renforcer la cohérence des politiques publiques.

I.  La commune et l'intercommunalité sont complémentaires.

L'essor de l'intercommunalité a pu être ressenti par certains élus locaux comme une atteinte. Ce malentendu n'a pas de raison d'être.

D'abord, la commune demeure l'échelon premier de la démocratie et le premier recours des citoyens. C'est un lien affectif fort, qui ne peut être dissous.

Ensuite, l'intercommunalité ne se substitue pas à la commune. Elle en émane. Elle est un espace de coordination, de projets spécifiques, de mission à accomplir pour répondre aux défis de notre environnement.

On reproche aisément à l'intercommunalité d'être dans certains cas à l'origine de doublons, de surcroît de dépenses et de coûts fiscaux additionnés.

J'ai au contraire l'impression qu'elle peut fournir un service public de qualité, en lien étroit avec les politiques communales, à trois conditions :

- que le découpage territorial soit pertinent,
- le partage des rôles clair entre la commune et les intercommunalités,
- l'architecture des pouvoirs plus transparente.

• Première condition : Améliorer la pertinence de la carte intercommunale. Cet objectif rend nécessaire un certain nombre de rapprochements entre des structures existantes.

Les commissions départementales de coopération intercommunale ont un rôle à jouer dans ce dispositif d'amélioration.

L'Etat aussi doit prendre toute sa place dans cette démarche. Les Préfets ont un rôle à jouer, une fonction de conviction, d'animation et d'arbitrage.

-Rapprocher les groupements existants suppose d'alléger les procédures. Vous êtes les premiers à en exprimer le besoin.

Faciliter concrètement les fusions invite  par exemple à instaurer une période d'harmonisation des champs des compétences optionnelles.

Rapprocher les structures suppose de prendre en compte leur diversité. Les procédures existantes sont souvent trop rigides. Il faut admettre des formules plus souples, plus diversifiées. C'est essentiel pour répondre aux attentes des citoyens.

• Deuxième condition pour un essor harmonieux de l'intercommunalité : mieux reconnaitre la complémentarité de l'action intercommunale et de l'action communale.

Il faut clarifier l'articulation entre la commune et l'intercommunalité.

C'est tout le sens de la politique de mutualisation des services : elle est un vecteur pour la solidarité territoriale et, en même temps, une source d'économie.

Devant la Commission européenne qui interrogeait la France sur la mise à disposition des services au regard du droit de la concurrence, j'ai défendu cet été notre organisation territoriale.

Dans un autre domaine, ma conviction est que la suppression  des syndicats intercommunaux devenus sans objet relève du bon sens.
 
Je souhaite également étudier la possibilité que certaines compétences optionnelles deviennent obligatoires. Certains équipements culturels, par exemple, recouvrent des missions qui ont du sens au-delà du territoire communal. Là encore, la souplesse doit jouer. Les solutions doivent être pragmatiques.

• Troisième condition pour réconcilier commune et intercommunalité : la transparence.

L'intercommunalité gagnera à être plus lisible. C'est cette aspiration que traduit votre proposition de rebaptiser les "EPCI à fiscalité propre" en "communautés territoriales".

Je ne vois que des avantages à accroître l'association des conseillers municipaux à la vie communautaire. Il faut mieux informer les conseils municipaux sur l'action communautaire.

La question de la légitimité démocratique est également posée.  Deux pistes existent, vous les connaissez.

La première consiste à élire les délégués communautaires sur la même liste que les conseillers municipaux, selon le modèle "Paris-Lyon-Marseille" (PLM). La seconde  propose d'élire au suffrage universel direct le seul président de l'intercommunalité.

A ce stade, je n'ai pas d'idée arrêtée sur ce débat. J'ai simplement le sentiment qu'il est nécessaire de ne pas imposer un cadre unique à des situations diverses.

L'intercommunalité ne peut jouer contre la commune. La commune ne peut jouer contre l'intercommunalité. La complémentarité de leur action est une chance pour nos territoires.

II. Au-delà de ses liens avec la commune, l'intercommunalité est en elle-même un atout pour le développement local.

La période est opportune pour mener ensemble une réflexion approfondie. Je vous propose une double démarche.

• D'abord, une démarche d'évaluation et d'amélioration des dispositifs existants.

Il faut d'abord mieux cerner les obstacles.

Le défaut de taille critique de nombreuses structures intercommunales explique, pour partie, le caractère inabouti de la carte intercommunale.

Je suis pour ma part favorable à étudier l'instauration d'un seuil minimal pour constituer une communauté de communes. Les particularités des territoires, par exemple en montagne, seront toutefois prises en compte. Soyons pragmatiques, à l'écoute de ce qui se passe dans nos territoires.

Autre évaluation nécessaire : les ressources. C'est un aspect essentiel pour la cohésion d'un territoire. C'est notamment le problème du choix entre la taxe professionnelle unique (TPU) et les fiscalités additionnelles.

La réforme de la taxe professionnelle adoptée en 2006 a conduit de nombreux EPCI à taxe professionnelle unique à adopter une fiscalité mixte. Ces intercommunalités l'ont fait souvent par contrainte. Ce n'est pas le sens de la TPU.

Le Président de la République a décidé de réformer la taxe professionnelle. Dans les travaux à venir, je rappellerai la situation particulière de l'intercommunalité. Je souhaite que la solidarité financière puisse y trouver toute sa place.

Seconde évaluation : les exemples réussis.

Nombreux sont les exemples d'intercommunalité réussie, tant urbaine que rurale. C'est particulièrement vrai là où l'intérêt communautaire a été clairement défini et où la souplesse a trouvé également sa place. En effet, ce sont bien souvent les rigidités qui créent des tensions.

Je suis favorable à une approche pragmatique. C'est indispensable dans le cas de compétences transversales. Ainsi, lorsque la situation locale l'exige, l'EPCI ou la commune doit pouvoir exercer la compétence sans qu'un carcan de règles ne l'en empêche. Le concept de "chef de file" mérite d'être expérimenté.

Autre élément déterminant de réussite : les commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI). Elles ont joué un rôle majeur dans la concertation de 2006 sur les schémas départementaux. Cela prouve, si nécessaire, le besoin de renforcer les CDCI. C'est pourquoi je proposerai d'y accroître la proportion des élus intercommunaux.

• Ce bilan permettra une démarche plus prospective sur l'intercommunalité.

Cher Marc CENSI, vous avez souhaité une remise à plat des ressources financières et fiscales des collectivités territoriales.

Ma conviction est qu'une réforme  de la fiscalité est essentielle. Ce chantier est inscrit à l'agenda du Gouvernement, même s'il faudra prendre le temps nécessaire pour mettre en œuvre les réflexions qui s'engagent.

D'autres pistes méritent d'être examinées :

- comment les méthodes budgétaires peuvent-elles s'inspirer de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) pour améliorer la transparence et l'efficacité des gestions budgétaires ?

- comment la répartition de la DGF peut-elle mieux prendre en compte l'essor de l'intercommunalité ?

S'agissant de la carte intercommunale, vous suggérez de dépasser les limites administratives des départements, voire des régions. C'est ambitieux, mais je suis convaincue que l'intercommunalité peut apporter de la cohésion à nos territoires.

Nous sommes aujourd'hui au milieu du gué. J'ai bien entendu vos attentes et votre volonté de poursuivre le chantier ouvert par le précédent Gouvernement.

Je pense qu'il faut donner la chance à l'intercommunalité d'agir et de se développer.

La présence du président de l'Association des maires de France ce matin - que je salue – en témoigne. Les communes peuvent  voir dans les structures intercommunales des alliées, et non des rivales.

C'est aussi une exigence pour l'Etat, qui a besoin de s'appuyer sur une organisation territoriale efficace, qui demeure proche du citoyen.

Je vous remercie.