01.09.2008 - Colloque SCTIP

1 septembre 2009

ntervention de Michèle ALLIOT-MARIE Ministre de l'Intérieur, de l'Outre-Mer et des Collectivités Territoriales - Ouverture du colloque du Service de Coopération Technique de Police (SCTIP)


Mesdames, Messieurs,

La coopération internationale doit aujourd'hui faire face à trois défis.

- Le terrorisme international d'abord.

La France, comme ses partenaires, est une cible permanente du terrorisme même si, grâce à la vigilance de nos services, nous n'avons pas connu d'attentat sur notre sol depuis 1995.

Des Français sont régulièrement victimes d'attentats aveugles. Ceux de Casablanca, de Londres ou de Madrid sont encore dans toutes les mémoires, tout comme l'assassinat en décembre dernier de quatre de nos compatriotes à Aleg en Mauritanie.

- La lutte contre le crime organisé est un deuxième défi.

Les trafics de drogue et d'armes et les réseaux de proxénétisme ont pour l'essentiel une composante internationale.

Le trafic de stupéfiants est une préoccupation majeure. Les importantes saisies de cocaïne en provenance d'Afrique de l'Ouest ont démontré l'existence de nouvelles voies d'acheminement pour la drogue des trafiquants sud-américains.

- L'expansion de l'immigration illégale enfin.

La crise économique mondiale, tristement illustrée par les récentes émeutes de la faim, contribue à maintenir une forte pression migratoire.

Le travail clandestin, la traite des êtres humains et leur exploitation sexuelle, prospèrent sur l'immigration illégale.

Face à ces défis, le Service de Coopération Internationale de police est un atout pour le ministère de l'Intérieur.

Son réseau couvre 154 pays à partir de 96 bases d'implantation. Ce maillage est l'un des plus denses du monde. Il est le pivot de notre coopération policière internationale.
Il est aussi l'illustration de la qualité du travail associant policiers et gendarmes.

Mon ambition est de faire du réseau des attachés de sécurité intérieure le premier réseau mondial de coopération technique et opérationnelle.

Notre action doit être structurée autour de priorités adaptées (I). Elle doit pouvoir s'appuyer sur un Service de Coopération Internationale de police moderne et encore plus efficace (II).

Les défis du XXIème siècle sont autant de priorités pour notre action européenne et bilatérale.

Notre action européenne d'abord.

La Présidence Française de l'Union Européenne place la coopération européenne au cœur de nos priorités.

Je tiens à saluer à l'action de la mission PFUE au sein du ministère de l'Intérieur. Elle nous permet de coordonner notre action et mettre en œuvre notre programme.

Pour faire avancer l'Europe de la sécurité, trois principes guident mon action : réconcilier les Européens avec l'Europe, privilégier le pragmatisme au moyen de mesures concrètes, adopter une approche de long terme.

Ces principes se déclinent dans chaque priorité de notre programme de plan coopération interne à l'Union comme sur celui de la coopération externe.

La coopération au sein de l'Union.

- Dans le domaine de la lutte contre le terrorisme.

L'élaboration d'un manuel de bonnes pratiques destiné aux personnels pénitentiaires vise à mieux lutter contre le recrutement et la radicalisation.

Le risque nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC) est bien réel et doit être pris au sérieux. L'utilisation par des terroristes d'une bombe chimique dans un métro aurait un impact considérable sur les populations.

J'ai proposé la création d'une base de données dédiée à ce type de menaces.

Contre la pénétration de terroriste sur notre territoire, la mise en place du fichier PNR (Passenger Name Record), permettant l'échange de données sur les voyageurs des transports aériens, sera poursuivie. J'ai obtenu un consensus des 27 sur ce point en juillet dernier.

- Dans le domaine de la lutte contre la cybercriminalité, j'ai proposé la création d'une plateforme européenne de signalement des contenus illicites, avec le concours d'Europol.

Elle permettra de centraliser l'information relative aux infractions constatées sur Internet, en provenance des Etats membres. Elle facilitera les échanges opérationnels et la constitution d'équipes communes.

- Dans le domaine du trafic de drogues, je propose la création à Toulon d'un Centre de coordination de lutte anti-drogue en Méditerranée occidentale.

Le CECLAD appliquera en Méditerranée occidentale des méthodes qui ont fait leurs preuves en Atlantique avec le MAOC-N à Lisbonne.

- Dans le domaine de la sécurité au quotidien, la création de commissariats européens avec des fonctionnaires de police d'autres Etats membres concrétise pour leurs ressortissants la protection et l'aide que l'Europe représente pour chaque citoyen.

Ils ont été expérimentés avec succès cet été en France et en Italie. Je souhaite étendre ce dispositif. J'invite les Attachés de Sécurité Intérieur d'Europe à promouvoir ce concept auprès de leurs autorités locales.

La coopération externe est essentielle à l'efficacité.

Une part importante des menaces intérieures vient de l'extérieur de nos frontières européennes. Se protéger à l'intérieur, c'est agir à l'extérieur.

C'est vrai dans le cadre européen.

- Pour développer une relation stratégique avec ses partenaires, l'Union Européenne doit renforcer ses liens avec les Etats du Maghreb et de la zone subsaharienne, avec les pays des Balkans occidentaux, avec les pays non européens de la Méditerranée.

- Il faut mutualiser davantage les moyens que nous projetons à l'extérieur des frontières européennes.
Il est nécessaire de poursuivre la coopération entre officiers de liaison des Etats-membres, de mieux coordonner nos actions au profit de nos partenaires, notamment en matière de formation et de fourniture d'équipement.

La Présidence Française fait sur ce point des propositions pour promouvoir cette nouvelle forme de coopération qu'est la mutualisation des officiers de liaison.

La création d'une plateforme régionale de coopération à Dakar facilitera les échanges entre officiers de liaison des Etats membres pour mieux se prémunir des menaces en provenance de cette zone.

Au-delà même de cette action européenne, la coopération bilatérale doit être approfondie.

- Au Proche et au Moyen-Orient, les turbulences politiques remettent sans cesse en cause la stabilité en engendrant de nouvelles menaces contre nos démocraties.

La sensibilité de cette région au terrorisme est une préoccupation majeure. J'attache une grande importance à la coopération que vous développerez. Je vous encourage à redoubler vos efforts pour créer avec les administrations locales des relations de confiance.

- Dans la zone sahélo-saharienne. Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) tente de fédérer tous les groupuscules terroristes contre intérêts occidentaux. La France est particulièrement menacée.

Nous l'avons vu en Mauritanie, en décembre dernier. Je dois à cet égard saluer le travail remarquable de notre Attaché de Sécurité Intérieure, qui nous a fourni presque en temps réel des informations sur l'enquête menée par les autorités locales. Je salue également le travail de son collègue au Sénégal, qui a participé à l'arrestation des auteurs de ces crimes odieux.

- Partout dans le monde, nous avons des atouts à faire valoir. Notre organisation administrative, notre technicité policière, notre expérience dans la gestion des grands événements ou des troubles urbains sont appréciées. Elles doivent être mises en avant.

Vos actions de coopération doivent permettre de valoriser l'expertise du ministère de l'Intérieur, dans la sécurité intérieure comme dans la sécurité civile et la gestion territoriale.

Les pays du Golfe sont demandeurs de notre expertise. L'Afrique du Sud a choisi de confier à la France la création, la formation et l'équipement de ses unités de maintien de l'ordre public pour la Coupe du Monde de Football en 2010.

Nos compétences sont connues. Elles doivent devenir des références internationalement reconnues.

Pour ce faire, nous avons besoin de toujours renforcer l'efficacité de nos instruments.

Je veux faire du service de coopération technique internationale de police un instrument toujours plus moderne, adapté aux nouveaux enjeux de la sécurité.

Il faut d'abord moderniser la structure du réseau.

Les moyens déployés à l'étranger tiennent parfois davantage à l'histoire qu'aux intérêts et aux besoins de ces pays et du nôtre. Il faut repenser le réseau dans sa globalité et le réactualiser en permanence pour l'adapter à l'évolution effective des menaces criminelles transnationales.

Ce redéploiement s'inscrit de façon cohérente dans l'effort de rationalisation entrepris par le Ministère des Affaires Etrangères et Européennes.
Vous le savez, des ambassades à vocation régionale seront chargées de fonctions de soutien logistique, d'animation et de coordination. Le réseau du SCTIP sera, lui aussi, redimensionné afin de développer des stratégies policières régionales et de donner plus de cohérence à l'action conduite avec les Etats d'une même région.

Cette réflexion devra, bien sûr, être conduite avec le Ministère des Affaires Etrangères et Européenne que je remercie du soutien qu'il apporte chaque année à la consolidation de notre coopération policière.

Moderniser la coopération, c'est aussi moderniser les pratiques pour mieux détecter les menaces.

Des moyens plus modernes nous permettront de mieux anticiper les menaces. Un dispositif de veille opérationnelle sera mis en place au sein du SCTIP, en concertation étroite avec le centre de crises du Ministère des Affaires Etrangères et Européennes.

La réalisation hebdomadaire d'une synthèse sur la menace terroriste en provenance du Maghreb et de la zone sahélienne s'inscrit dans la même perspective.

La modernisation passe enfin par la formation. Je veux pouvoir compter sur des policiers et gendarmes mieux formés à l'international.

Cela suppose de rénover l'offre de formation.

Dans les écoles, j'ai fait de l'international l'une des priorités de la formation dispensée à tous les policiers et gendarmes.
L'enseignement et la maîtrise des langues étrangères continueront d'être développés. Les auditeurs étrangers seront encore plus nombreux à venir suivre leur formation dans nos écoles.

Les réseaux communs de formation avec nos partenaires étrangers seront renforcés.

Le Collège européen de Police en est aujourd'hui l'une des pièces maîtresses. La France en est le premier contributeur et le premier bénéficiaire.

J'ai voulu créer un nouveau réseau francophone de coopération dans le domaine de la formation policière. FRANCOPOL – c'est son nom – sera officiellement lancé la semaine prochaine au Canada. Je veux en faire un pôle d'excellence, nourri des meilleures pratiques à l'œuvre dans l'ensemble des pays de la francophonie.

Moderniser la formation à l'international suppose également de valoriser l'expérience à l'étranger dans la carrière des policiers et gendarmes.

L'engagement dans un poste à l'étranger ou dans les organisations internationales est un plus dans votre carrière. La police et la gendarmerie nationales doivent savoir en tirer profit.

Les affectations à l'étranger doivent être mieux valorisées. Chacun doit avoir la garantie, au retour en France, d'un poste qui prenne pleinement en compte les responsabilités exercées à l'étranger. J'y veillerai personnellement.

Mesdames, Messieurs,

Mon ambition est de faire de ce ministère un grand ministère moderne de la sécurité, au service de la protection des Français. L'action internationale en est un volet essentiel.

J'ai décidé de créer en son sein une Délégation aux Affaires Internationales et Européennes, directement rattachée à mon cabinet. Elle aura pour mission de coordonner l'ensemble des actions internationales, bilatérales et multilatérales, engagées par le ministère de l'Intérieur.

Sa mise en place est cohérente avec celle de la Délégation à la Prospective et la Stratégie, avec la création de la Direction Centrale du Renseignement Intérieur, avec le rapprochement de la police et de la gendarmerie.

Protéger nos concitoyens au XXIème siècle impose d'adapter sans cesse nos capacités d'anticipation, de prévention, notre efficacité opérationnelle. C'est vrai sur le territoire national. C'est vrai sur tous les territoires où nous sommes engagés, partout où notre sécurité est concernée.

Votre engagement quotidien, sur le terrain, est la garantie de notre succès. Je sais pouvoir compter sur votre professionnalisme, votre dévouement et votre sens du service public.

Je vous remercie.