24.06.2004 -Ecole nationale supérieure de police de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or

24 juin 2004

Allocution de M. Dominique de VILLEPIN à l'ecole nationale supérieure de police de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or


Monsieur le préfet,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les magistrats,
Mesdames et Messieurs les commissaires,
Mesdames, Messieurs,

Je suis heureux de pouvoir partager ce moment avec vous. Au terme de cette belle cérémonie républicaine, munis des insignes de vos fonctions, vous allez rejoindre votre affectation, pour exercer enfin le noble métier que vous avez choisi.
C'est un métier de responsabilité, fait d'abnégation au service de la loi et de nos concitoyens.
C'est un métier d'exigence, qui nécessite de solides connaissances techniques et juridiques, du savoir-faire.
C'est aussi un métier profondément humain puisque demain ce sont des hommes et des femmes que vous allez guider, appuyer et écouter.

Dans cette belle école de Saint-Cyr au Mont d'Or vous avez acquis les outils d'un métier, mais surtout vous avez compris le sens d'une mission.
Cette mission c'est d'abord de porter haut les valeurs de la police nationale.
C'est ensuite de servir sans relâche la sécurité de nos concitoyens :  avec d'autres institutions, justice et gendarmerie, dont je salue les représentants, il vous faudra faire respecter l'autorité de l'État, défendre des libertés publiques et les institutions démocratiques, assurer la tranquillité des personnes et protéger les plus faibles.

En choisissant pour votre promotion le nom de Claude ERIGNAC, vous avez marqué votre attachement aux principes Républicains qui ont guidé son action et qui doivent guident la vôtre.
Le Préfet Claude ERIGNAC était un grand serviteur de l'Etat. Courageux, exigeant envers lui-même, attaché à son métier de préfet, il était un modèle respecté de tous.
Homme de bien et de cœur, il incarnait la paix publique. Le crime, lâche et odieux, qui l'a brutalement frappé et enlevé à l'affection des siens a blessé le cœur même de notre République.
La Justice est passée une première fois pour juger et condamner sévèrement certains co-auteurs de cet assassinat. Je me félicite de la solidarité républicaine qui s'est manifestée tout au long de l'action publique et je salue la présence dans la tribune du Procureur général de Paris, qui a personnellement requis au procès. Mais, nous le savons, la justice n'a pas encore achevé sa mission puisqu'il lui reste à juger le principal responsable présumé de l'assassinat.
Madame (ERIGNAC), nous sommes à la fois particulièrement honorés et profondément émus de votre présence. Permettez-moi de vous dire la reconnaissance de chacun pour avoir accepté de participer à cette cérémonie.

Mesdames et Messieurs les commissaires,
 
Je vous demande d'exercer votre métier avec fierté, tout au long de votre carrière :
Fierté d'appartenir aux rangs de ceux qui s'engagent au service de la collectivité et qui sont prêt à donner beaucoup d'eux-mêmes, refusant la voie de la facilité.
Fierté d'affronter avec courage des situations difficiles, de ne pas reculer devant le danger, de soulager la détresse.
Fierté de travailler au service d'un même objectif : garantir la sécurité, la première des libertés publiques pour tous nos concitoyens, partout sur le territoire.
 
Votre ambition doit être d'autant plus forte que nous sommes dans un temps de mobilisation :
Depuis deux ans maintenant, l'insécurité diminue dans notre pays :
Les crimes et délits constatés par les services de police et de gendarmerie reculent : -4,3% sur les cinq premiers mois de 2004 par rapport à l'an dernier et -10,0 % par rapport à 2002. Cette évolution se confirme puisque le mois de mai a connu avec –10,2%, la baisse mensuelle la plus forte depuis huit ans.
Ces résultats sont d'autant plus encourageants qu'ils sont davantage marqués encore sur la voie publique :
– 9,2 % par rapport à l'an dernier et – 20,5 % en deux ans.
Par ailleurs l'activité judiciaire des forces de sécurité intérieure progresse : tous les indicateurs d'activité le prouvent. Plus d'affaires élucidées, plus de gardes à vues, plus de crimes et délits révélés, plus de mise en causes effectuées : nous le voyons bien, l'impunité recule dans notre pays.
 
Ces résultats, nous les devons à une mobilisation sans précédent des forces de l'ordre :
Avec la motivation retrouvée des policiers et des gendarmes,
Avec le surcroît d'efficacité qu'ont permis la réorganisation progressive et pragmatique des dispositifs opérationnels et de la carte territoriale,
Avec le renforcement des moyens matériels et les recrutements autorisés par la LOPSI,
Avec la modernisation des outils de police technique et scientifique.
A vous de saisir cette occasion et de poursuivre les efforts de vos aînés.
En allant plus loin dans la mobilisation.
En faisant preuve de courage, d'audace et d'efficacité.
En travaillant étroitement avec toutes les directions, avec la gendarmerie, dans le respect des prérogatives des préfets comme des magistrats et des élus locaux, dans un climat de confiance réciproque.
 
Car beaucoup reste à faire pour faire reculer définitivement la violence dans notre pays :
Les violences urbaines d'abord, qui minent la qualité de la vie de nos concitoyens les plus défavorisés et qui déstabilisent l'économie de quartiers entiers.
Les violences contre les personnes ensuite:
Elles constituent une atteinte intolérable au contrat social.
Elles traumatisent, elles mutilent et elles tuent.
C'est pourquoi je vous demande d'avoir pour les victimes une attention particulière. Accueillez-les dignement dans vos commissariats, soyez à leur écoute avec patience et respect, tenez-les informées du suivi de leur dossier, avec l'accord des magistrats. C'est une condition indispensable pour permettre aux victimes de surmonter les épreuves, mais aussi pour recueillir le plus d'éléments d'enquêtes possibles afin de déférer les coupables devant la justice.
La lutte contre le trafic de drogue doit également être poursuivie sans relâche et à tous les niveaux.
En vous appuyant sur les groupes d'intervention régionaux qui constituent un véritable atout.
En ciblant particulièrement les mécanismes d'enrichissement rapide et illicite qui choquent profondément nos concitoyens.
La lutte contre la cybercriminalité devient également une priorité.
Prenons la mesure de notre époque : il y a aujourd'hui en France près de 21,8 millions d'internautes.
Prenons conscience aussi des risques que cela entraîne : ces nouvelles technologies ont rendu notre société plus vulnérable parce qu'elles dessinent un nouvel espace de criminalité, et parce qu'elles favorisent certains crimes et délits en les rendant plus difficiles à cerner.
 Face à cela, il nous faut rendre plus efficace l'approche opérationnelle en particulier contre les formes de criminalité les plus graves : pédo-pornographie, trafic de produits illicites, prosélytisme raciste et xénophobe ou encore escroqueries.
La lutte contre le terrorisme constitue un impératif majeur. Face à cette menace  je vous demande à tous, quels que soient vos services d'affectation, d'être constamment mobilisés :
 Avec une vigilance de tous les instants,
Avec une véritable culture du renseignement opérationnel,
Avec une complémentarité d'action exemplaire entre services.

En tant que commissaires vous aurez un rôle essentiel à jouer dans chacun de ces domaines :
Il vous revient d'analyser en permanence l'évolution de la délinquance :
En prenant davantage en compte les modes opératoires nouveaux, les heures de commission des délits et les secteurs géographiques.
En faisant preuve d'initiative pour adapter les dispositifs de surveillance et d'interpellation. Votre métier ne sera jamais de routine !
Je vous demande également de prendre en compte tous les fronts de la lutte contre la délinquance :
Bien sûr il faut interpeller pour sanctionner lorsque le délit a été commis ;
Mais nous devons traiter les problèmes à la racine si nous voulons éviter de nouveaux passages à l'acte : en agissant sur les situations qui peuvent conduire les plus jeunes à basculer dans la délinquance et en écartant tous ceux qui pourraient constituer de mauvais exemples.
C'est tout le sens du programme expérimental mené actuellement dans 24 quartiers de notre pays, et de la préparation du projet de loi sur la prévention que je veux inscrire dans une véritable démarche interministérielle.
 
Vous avez une exigence d'exemplarité car la défense de la Loi et de l'autorité de l'Etat sont au cœur de votre mission et de celle de la Police Nationale.
Le respect de la déontologie sera la première condition de votre réussite, du soutien de la population et de la confiance que je vous accorde. En effet, le moindre manquement dans un de vos services pourrait remettre en cause la dignité et la crédibilité de toute l'institution.
C'est pourquoi je ne tolèrerai pas le moindre écart.
C'est pourquoi je soutiendrai sans faille les policiers injustement accusés mais je sanctionnerai ceux qui portent atteinte à l'honneur de la police nationale.
 
La deuxième condition  sera votre capacité à exercer l'autorité : vous devrez assumer pleinement la direction des hommes et des femmes placés sous votre autorité. On ne commande plus aujourd'hui comme autrefois :
Diriger c'est d'abord expliquer, faire preuve de pédagogie, associer ceux qui doivent l'être à la préparation puis à la mise en œuvre de vos décisions. L'ouverture au dialogue ne signifie en aucune façon une incapacité à décider, mais légitime au contraire l'autorité.
Diriger, c'est ensuite participer à la formation de ses collaborateurs, veiller à ce qu'ils soient sans cesse au meilleur niveau opérationnel. La police nationale dispose d'outils de formation initiale et continue de grande qualité. Cette école a naturellement un devoir d'exemplarité. Les innovations pédagogiques récemment introduites, je pense à l'utilisation de nouvelles technologies, montrent qu'elle est résolument engagée dans la modernisation et la professionnalisation des enseignements. La formation permanente devra également faire partie de vos préoccupations.
Diriger, c'est aussi contrôler les étapes qui conduisent au succès, même si cela s'accompagne d'une remise en cause permanente. Pour réussir, toute organisation doit se fixer des objectifs, déterminer les moyens de les atteindre, analyser les causes des échecs pour mieux les surmonter, se doter d'indicateurs qui permettent l'évaluation. Ce sont les principes même de la culture du résultat :  j'attends que vous en soyez les fers de lance et que vous la transmettiez au sein vos équipes.
Diriger, c'est enfin gérer vos personnels, les moyens mis à votre disposition, le matériel et les immeubles: le bien-être et la confiance de vos collaborateurs, leur engagement à vos côtés et leur efficacité en dépendant. La mise en oeuvre de la LOLF fournira à cette gestion un cadre de cohérence.

Nous avons un même objectif : préparer la police de demain.
C'est pourquoi j'ai voulu mener à terme la réforme des corps et carrières de la police nationale engagée par mon prédécesseur.
J'ai  conclu un protocole d'accord avec la très grande majorité des organisations syndicales la semaine dernière.
Nous allons repositionner les corps de policiers entre eux afin d'offrir à chaque agent de la police nationale un métier attractif, des responsabilités évolutives correspondant à son grade et la capacité de progresser que permet la juste reconnaissance des résultats.
Grâce à cette réforme chaque commissaire pourra exercer la mission qui est véritablement la sienne : concevoir et diriger la Police Nationale, sans renoncer à votre vocation de policier, d'hommes et de femmes de terrain, des fonctionnaires actifs.
Au terme de la réforme, que j'ai voulue réaliste et progressive, la nomenclature effective des postes aura été révisée.
 Vous serez astreints à une obligation de mobilité qui a pour finalité de vous permettre de progresser par la richesse de vos expériences professionnelles.
Naturellement, ce repositionnement, que seule une déflation raisonnable des effectifs de 2030 à 1600 autorisait, trouvera ses contreparties positives dans votre déroulement de carrière par la fusion des deux premiers grades et le repyramidage envisagé du grade de commissaire divisionnaire.

L'Ecole nationale supérieure de la police de Saint-Cyr-au-Mont d'Or, que vous quittez aujourd'hui, vous a formés à toutes les dimensions du métier de commissaire.
- Mais elle vous a aussi préparés à la dimension européenne et internationale qui doit être de plus en plus présente dans l'action de la Police Nationale, car diriger exige de conserver un regard ouvert sur l'extérieur.
Cette ouverture est fondamentale pour identifier de meilleures techniques et pour agir dans des domaines tels que le crime organisé et le terrorisme.
Je salue les vingt et un auditeurs étrangers. Je les remercie de leur confiance et de leur contribution à la vie de l'Ecole.

Mesdames et Messieurs les commissaires,

Je vous ai remis l'écharpe tricolore distinctive de vos fonctions, symbole de votre autorité et de votre devoir. Sachez faire le meilleur usage des pouvoirs qu'elle vous confère ! Je sais que vous saurez vous montrer dignes de la confiance que les Français vous et le ministre que je suis vous accordons !

Je vous remercie.