23.06.2004 - Cérémonie de ravivage de la flamme du soldat inconnu à l'Arc-de-Triomphe

23 juin 2004

Allocution de M. Dominique de VILLEPIN, A l'occasion de la cérémonie de ravivage de la flamme du soldat inconnu à l'Arc-de-Triomphe


Mesdames et Messieurs,

Je suis particulièrement heureux de vous recevoir ici, à l'hôtel de Beauvau, après cette très belle cérémonie que nous venons de vivre ensemble sous l'Arc-de-Triomphe.

Permettez-moi tout d'abord de remercier chaleureusement le Général COMBETTE, président de l'Association "La flamme sous l'Arc" , qui chaque jour ravive cette flamme, haut lieu de notre mémoire collective.

Je veux également saluer avec beaucoup d'amitié nos amis étrangers qui nous ont accompagnés ce matin. Qu'ils soient remerciés de leur présence aujourd'hui, et surtout de nous avoir prêté leur concours généreux dans les heures si difficiles que nous avons connues l'année dernière.

Merci à nos amis italiens, espagnols, grecs et algériens qui nous ont aidés à surmonter la terrible épreuve des incendies de forêt de l'été 2003 et qui ont lutté pied à pied contre les flammes, aux cotés des sapeurs-pompiers français ou aux commandes des avions bombardiers d'eau.

Merci aussi à nos amis allemands, tchèques et belges qui en décembre dernier ont apporté tout leur savoir-faire, leur énergie et leur courage pour faire face aux inondations du Sud-est de la France.

A tous je veux dire une fois encore la reconnaissance et l'estime de chaque Français. C'est bien dans un esprit d'entraide et de solidarité que nous construirons les liens les plus solides entre nos pays. A l'heure où notre continent franchit une nouvelle étape de son histoire, c'est pour moi le plus bel exemple de ce que doit être l'Europe des peuples.

Cette cérémonie est particulièrement importante, alors que nous nous apprêtons à vivre un été difficile.

C'est pourquoi je veux saluer tous ceux qui font vivre cette famille si généreuse des Sapeurs-pompiers :
- tout d'abord le colonel Richard VIGNON, et la Fédération nationale des Sapeurs-pompiers de France qu'il préside : cette cérémonie, organisée pour la première fois l'année dernière, doit beaucoup à leur implication.
-  mais aussi l'ensemble des présidents des conseils d'administration des services d'incendie et de secours présents ici ce matin, ainsi que tous ceux qui mettent leur énergie et leur compétence au service de la gestion de ces établissements publics. Nos services de secours ne pourraient pas fonctionner sans leur engagement et leur rôle central à la tête des conseils d'administration.

En ce jour de célébration, je veux évoquer la mémoire des treize sapeurs-pompiers tombés dans l'exercice de leur mission au cours de cette année : une femme et douze hommes ont laissé derrière eux des familles dans la douleur, des proches dans la peine. Dix parmi eux étaient volontaires, deux étaient professionnels, l'un était militaire.
 La flamme que nous avons ravivée ensemble ce matin est aussi celle de leur souvenir. Elle doit nous rappeler chaque jour la noblesse de leur engagement et de leur courage.

Au-delà de la mémoire douloureuse qui marque cette journée, notre cérémonie prend cette année un caractère particulier. Elle intervient au terme d'une semaine importante pour l'avenir de la sécurité civile et la protection des Français, pour les services d'incendie et de secours et surtout pour les sapeurs-pompiers.

Le Sénat vient d'adopter en première lecture le projet de loi de modernisation de la sécurité civile que j'ai défendu avec Jean-François COPÉ au nom du gouvernement. Cette loi qui, je l'espère, sera définitivement adoptée dans quelques semaines, permettra trois avancées majeures.

D'abord elle permettra de renforcer l'engagement et la prise de conscience de chacun face à la montée des risques et des menaces. Dans une société toujours plus vulnérable, où les liens de solidarité sont fragiles, c'est une garantie indispensable.

Pour améliorer la sécurité des Français il faut des outils juridiques, il faut des moyens opérationnels, mais il faut aussi une plus grande responsabilisation de chacun d'entre nous. La sécurité est l'affaire de tous. En affirmant ce principe, et en déclinant ses conséquences, la loi créé un nouvel espace de citoyenneté.

Nous devons sensibiliser les plus jeunes, leur faciliter l'accès à l'apprentissage de la sécurité civile dès l'école. Nous devons faire une place plus importante aux associations et à leurs bénévoles. Par la création de réserves communales, la loi fait de chaque citoyen l'acteur de sa propre sécurité et de celles des autres. En ce sens, la loi de modernisation de la sécurité civile est d'abord une loi de solidarité.

Ensuite cette loi permettra de restaurer la confiance entre les élus, l'Etat et les sapeurs-pompiers. Les Services d'Incendie et de Secours demeurent au cœur de l'organisation de la sécurité civile : ils constituent le point d'équilibre entre l'impératif de proximité incarné par les maires et la mise en œuvre des moyens indispensables à des secours de qualité que seule une gestion départementalisée peut procurer.

Vous le savez, les maires, surtout dans les territoires ruraux, sont les meilleurs garants du volontariat des sapeurs-pompiers. Ils ont donc un rôle essentiel à jouer dans la sauvegarde de cette forme d'engagement civique unique dans notre pays.

En même temps les Services d'Incendie et de Secours font face à une demande de plus en plus forte : leurs dépenses augmentent et continueront de le faire. C'est pourquoi il nous fallait affirmer plus clairement la primauté du Conseil général dans la gestion des SDIS. Cette solution claire et compréhensible de tous a reçu un accueil favorable des sénateurs. Elle évite toute tentation d'une réforme trop radicale, telle que l'étatisation ou l'absorption des SDIS au sein des services des conseils généraux.

Enfin, cette loi marque pour les sapeurs-pompiers une juste reconnaissance de la Nation : reconnaissance du caractère dangereux de leur métier mais aussi, pour les volontaires, de la fidélité de leur engagement.

Tout au long de leur carrière les sapeurs-pompiers sont exposés au danger, souvent au péril de leur vie. Cette reconnaissance sera désormais inscrite dans la loi, exprimant ainsi la gratitude de la Nation pour les risques assumés pour notre sécurité.

Nous avons voulu donner un contenu concret à cette reconnaissance. Au terme d'une concertation avec toutes vos organisations représentatives, nous avons élaboré un projet permettant de répondre aux problèmes rencontrés par les sapeurs-pompiers en fin de carrière. Il s'agit d'une mesure indispensable, dans un métier où toute défaillance physique ou nerveuse peut mettre en danger le sauveteur, ses équipiers ou la personne secourue. Par ailleurs les différentes possibilités de reclassement dans les fonctions publiques ou dans des activités privées ont été enrichies et améliorées.

Au-delà de ces mesures, il faut que la prise en compte du danger fasse l'objet d'un véritable suivi, tout au long de la carrière. Les sapeurs-pompiers âgés de plus de 50 ans sont sans doute les plus vulnérables, ils ne sont pas nécessairement les plus exposés. Il s'agit donc pour nous, en étroite relation avec les conseils d'administration des Services d'Incendie et de Secours et leurs présidents, d'impulser une politique globale d'hygiène et de sécurité.

J'en viens maintenant à la situation des volontaires. Il y a 24 heures à peine, j'étais à Loriol pour honorer la mémoire de cinq jeunes hommes frappés dans l'exercice de leur mission. J'ai partagé la douleur encore présente des familles et des proches, mais aussi l'émotion de toute une ville, qui sait ce qu'elle doit à ses volontaires.

Bien davantage qu'un service public anonyme, la caserne est au cœur de la vie sociale, elle tisse des liens et renforce les solidarités. Nous ne devons pas dilapider cet immense capital humain, cette vocation sans égale. C'est pourquoi le projet de loi prévoit la création, pour nos sapeurs-pompiers volontaires, d'une prestation de fidélisation et de reconnaissance dont le Sénat a approuvé le principe. Cette mesure d'équité est indispensable, tant les conséquences d'un effritement du volontariat seraient lourdes pour le pays. En encourageant la durée de l'engagement, elle constitue un outil de cohésion pour notre société où prime trop souvent l'individualisme.

Mesdames, messieurs,

Depuis ma prise de fonction ici même, à l'hôtel de Beauvau, il y a quelques semaines, j'ai pu mesurer la chance qui est la mienne d'être présent à vos côtés, de partager votre engagement, de travailler avec vous au service d'un idéal

Je sais que nous connaîtrons, dans les mois à venir, des épreuves et des défis importants. Je sais également que la France peut compter sur votre courage, sur votre générosité et sur votre dévouement.

Je vous remercie.