22.09.2004 - Responsables territoriaux de la gendarmerie.

22 septembre 2004

Allocution de Dominique de VILLEPIN aux responsables territoriaux de la gendarmerie.


M. le Directeur général,
MM. Les officiers généraux,
MM. les officiers,

- Je me réjouis de me trouver aujourd'hui parmi vous, d'autant plus que c'est la première fois que je réunis les responsables territoriaux de la Gendarmerie Nationale ici même, place Beauvau.
· J'ai souhaité que cette rencontre se tienne après l'été, afin que chacun d'entre vous, en particulier ceux qui ont changé d'affectation, soit pleinement en charge de ses missions.
· Depuis quelques semaines certains découvrent de nouvelles attributions et de nouveaux territoires.
· Où que vous soyez, j'attends de chacun d'entre vous une même exigence d'engagement et d'efficacité pour assurer la sécurité de nos concitoyens.

- Je remercie Pierre Mütz pour ce bilan de l'action de la Gendarmerie qui montre bien que la croissance de la délinquance, observée en zone de gendarmerie, de 1999 à 2002, n'était pas une fatalité.
· Avec l'ensemble des militaires de la gendarmerie départementale et de la gendarmerie mobile, vous avez fait reculer la délinquance et l'insécurité routière.
· Ces excellents résultats nous les devons à chaque gendarme, mais aussi à vous tous qui les guidez au quotidien.
· C'est pourquoi, je vous demande d'associer tous vos collaborateurs à mes remerciements pour le travail accompli.

I. Avec vous je souhaite ancrer ces résultats dans la durée et franchir une nouvelle étape.

- D'abord en poursuivant la mobilisation exceptionnelle de tous les personnels de la gendarmerie : depuis deux ans ils travaillent davantage, mais surtout ils travaillent mieux :
· Les enquêtes menées d'initiative, les gardes à vue et le taux d'élucidation ont augmenté, témoignant de cette implication indispensable de chaque gendarme dans sa mission.
· A cette activité soutenue, la Justice a répondu par une politique pénale plus ferme grâce à la loi d'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
· Il ne s'agit pas de se réjouir de l'augmentation des incarcérations, mais bien de faire reculer le sentiment d'impunité qui nuit trop souvent à l'autorité de l'Etat.

- Ensuite nous devons poursuivre la politique de zonalisation des forces mobiles : elle a permis aux groupements de bénéficier du renfort des escadrons en sécurisation.
· Je sais combien  les engagements outre-mer et les missions permanentes, notamment en région parisienne, réduisent le nombre d'unités disponibles
· Mais je souhaite déployer au profit des zones une vingtaine d'escadrons en moyenne journalière.
· L'emploi des forces mobiles contribue par ailleurs à la responsabilisation des cadres territoriaux, qui doivent disposer de moyens pour obtenir les résultats que l'on attend d'eux.

- Enfin, nous devons continuer de nous appuyer sur les réservistes de la gendarmerie :
· Avec près de 15.000 titulaires d'un contrat, la gendarmerie a une longueur d'avance sur d'autres corps comme  la police nationale, pour laquelle nous venons de créer une réserve civile.
· Leur renfort s'est avéré précieux pendant la période estivale, lors des cérémonies du 60e anniversaire de la Libération, de la visite du pape à Lourdes ou de grands rassemblements, tels « Vie et Lumière » ou les Teknivals.
· Les réservistes diversifient et enrichissent l'action de la gendarmerie :
- Je pense en particulier à ceux que j'ai rencontrés à Vitry-le-François et qui participent au travail de médiation de la brigade de prévention de la délinquance juvénile.
- Ils auront un rôle essentiel dans la politique de prévention que le gouvernement arrêtera à la fin de l'année sur ma proposition.

- Il n'y a pas, il ne peut pas y avoir de pause dans le combat que nous menons pour la sécurité de nos concitoyens.
· La délinquance fragilise la cohésion sociale et la confiance des Français dans leurs institutions. Au-delà des chiffres, il y a les victimes qui vivent dans la souffrance les conséquences d'atteintes physiques ou matérielles.
·  Nous devons atteindre l'objectif d'une baisse de 5% de la délinquance en 2004 et, à court terme, descendre en dessous de la barre du million de faits constatés par la gendarmerie.
· Pour reprendre une image militaire :
- Nous avons fait reculer l'adversaire, en faisant passer les faits constatés sous la barre des 4 millions.
- Nous avons déstabilisé ses avant-gardes, en augmentant le nombre des interpellations.
· Aujourd'hui il faut démanteler ses bataillons : je souhaite passer avec vous à une échelle supérieure de notre combat contre la criminalité et la violence, pour nous attaquer au « noyau dur » de la criminalité et de la délinquance.

- Pour aller plus loin nous avons besoin d'une stratégie fondée sur trois piliers.
Premier pilier : la coordination de tous les acteurs, pour faire face à une criminalité opportuniste et changeante.
· Nul ne possède seul la réponse à la violence et à la délinquance.
· Pour démultiplier notre action nous devons mettre en place des initiatives cohérentes et convergentes.

- C'est ce que nous faisons, tout d'abord à travers le programme-pilote des 24 quartiers.
· Vous le savez, beaucoup a été fait pour ces quartiers mais souvent sans ordre, sans concertation.
· C'est pourquoi nous avons choisi de coordonner dans une démarche pragmatique:
- L'action de la police ou de la gendarmerie, car le rétablissement de la sécurité est le préalable au retour à la normale dans ces quartiers ;
- L'action des pouvoirs publics dépendant du Ministère de la Justice, de la Cohésion Sociale, de l'Education nationale ou encore de la Ville ;
- L'action des collectivités locales et des élus, notamment du maire, qui se trouve au cœur du dispositif.
· Les expérimentations menées dans chacun de ces quartiers seront évaluées, validées pour être étendues par la suite à d'autres endroits du territoire national.
· C'est une méthode exemplaire qui illustre ce que doit être la réforme de l'Etat. 

- Les GIR ensuite démontrent chaque jour l'efficacité de l'action conjointe de  plusieurs ministères dans la lutte contre l'économie souterraine : comme je l'ai dit devant les préfets, les procureurs généraux et les responsables des GIR le 9 septembre dernier, nous devons décloisonner les administrations, unir nos efforts et mettre en commun le savoir-faire et l'expérience de chacun. La présence à mes côtés de Dominique PERBEN, de Dominique BUSSEREAU et de Gérard LARCHER témoignait de cette volonté commune.
· En décidant la création des GIR, il y a plus de deux ans, nous avons vu juste. Leur bilan est éloquent: 8000 personnes placées en garde à vue, 2300 mandats de dépôt, 700 enquêtes douanières, 1000 signalements ou vérifications  fiscales.
· Le GIR n'est pas un service nouveau qui entre en concurrence avec ceux qui existent. Il permet au contraire une meilleure articulation entre la police administrative et la police judiciaire, entre la procédure pénale et les procédures fiscales ou douanières.
· Je souhaite que les GIR soient mieux associés à la définition d'une stratégie de lutte contre l'économie souterraine.
- La gendarmerie a la direction de 10 GIR. Les commandants de légion ont à mes yeux une responsabilité directe dans leur succès.
- La relation entre vos unités territoriales et les GIR doit permettre d'alimenter ces derniers en renseignement : ce que nous avons réussi à faire dans le domaine du terrorisme, nous devons le faire aussi dans la lutte contre l'économie souterraine.
- En retour, les unités de recherche de gendarmerie, doivent pouvoir s'appuyer sur leurs capacités dans le domaine financier ou du droit du travail. Tout fait, tout signe extérieur d'une richesse non justifiée doit être exploité, d'autan plus que la loi PERBEN II ouvre des perspectives particulièrement intéressantes en matière de saisie de patrimoines.

- Enfin, la coopération entre la police et la gendarmerie a permis des avancées considérables : le succès des redéploiements témoigne de la qualité de la concertation et de la volonté de progresser ensemble, tout en permettant à chacun de conserver sa spécificité.
· Cette coopération doit s'appuyer sur des principes intangibles que je veux réaffirmer devant vous :
- La dualité de statut est une caractéristique de notre pays que le Président de la République et le gouvernement n'entendent pas remettre en cause.
- Au sein de leur ministère d'emploi la police et la gendarmerie sont traitées de la même manière.
- Pour chacun d'entre vous, comme pour chaque policier, l'intérêt supérieur de l'Etat doit l'emporter sur toute autre considération.
· Le rapprochement doit permettre de mieux valoriser les compétences et le savoir-faire respectifs.
- En confiant à la gendarmerie l'expertise de la veille des contenus à caractère pédopornographique sur Internet, j'ai pu constater l'expérience déjà acquise par vos services : près de 7000 sites ont fait l'objet d'un signalement en 2003.
- De même les renseignements généraux ou de la DST travaillent depuis longtemps sur les sites à caractère raciste, antisémite ou liés au terrorisme. Le choix que j'ai opéré est pragmatique, opérationnel. Il n'évince personne, car la veille des contenus illicites doit être maillée.
- Dans cet esprit, la direction de trois offices centraux a été confiée à la gendarmerie : l'office central de lutte contre la délinquance itinérante qui doit amplifier le bilan éloquent de la Cellule Interministérielle de Lutte contre la Délinquance Itinérante, celui chargé de la lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique, dont j'attends les premières actions, et celui qui réprime les atteintes aux biens culturels. 
· Il nous reste encore du chemin à parcourir, notamment dans le domaine de la coopération internationale qui doit progresser sur le plan opérationnel.
- Comme je l'ai rappelé lors du colloque annuel du SCTIP nous devons partir d'un constat : les sources de la criminalité se situent bien souvent à l'extérieur de nos frontières. C'est pourquoi l'action du SCTIP doit davantage contribuer à la sécurité intérieure.
-  La gendarmerie, hier cantonnée dans une coopération de défense, héritière dans une large mesure de la décolonisation, doit prendre toute sa part dans notre dispositif international.
Ne nous contentons pas de l'objectif quantitatif : actuellement 18 attachés de sécurité intérieure (ASI) et 6 attachés de sécurité intérieure adjoints (ASIA) sont des militaires de la gendarmerie. Je vous rappelle que ces hommes et ces femmes représentent le ministère de la sécurité intérieure dans toutes ses composantes.
Je souhaite que nous ayons une démarche pragmatique, en assurant votre présence notamment dans les pays qui disposent d'une force semblable à la vôtre.

Deuxième pilier de cette stratégie : une politique de prévention plus ambitieuse.
· Le Président de la République l'avait affirmé à Garges-les-Gonnesses : la sécurité est le produit d'une chaîne. La prévention en est le premier maillon, car elle empêche les jeunes de tomber dans la délinquance.
· C'est pourquoi je prépare avec le Garde des Sceaux un projet de loi qui sera présenté avant la fin de l'année :
- Il permettra d'optimiser l'organisation et les moyens des acteurs concernés en confortant le rôle des préfets, des sous-préfets territoriaux et des maires ;
- Il apportera une réponse rapide et systématisée dès la première infraction, en développant le rôle des tribunaux de police, des juges de proximité et des délégués du procureur ;
- Il implique un traitement plus ferme de la réitération et de la récidive qui concernent plus de 50% des infractions commises par les mineurs et plus du tiers des infractions imputables aux personnes majeures.
Ceci exigera notamment une meilleure connaissance par l'autorité judiciaire des parcours délinquants et la surveillance renforcée des personnes à risque.
Le fichier des empreintes génétiques et celui des délinquants sexuels constitueront des instruments précieux.

Troisième pilier de notre stratégie pour éradiquer durablement la criminalité et la délinquance : les six chantiers que j'ai lancés en juin dernier, pour apporter une réponse plus efficace à des menaces nouvelles et à des problèmes que les réponses traditionnelles n'ont pas permis de résoudre:
· Premier chantier : la lutte contre le terrorisme, qui menace durablement les Etats européens, comme nous l'ont prouvé les attentats de Madrid. Je compte sur la Gendarmerie qui contribue d'ores et déjà à ce combat, notamment contre le terrorisme d'inspiration régionale.
· Second chantier : la lutte contre les trafics de stupéfiants.
- Elle constitue un double enjeu :
Un enjeu de santé publique, alors que la consommation de cannabis ne cesse d'augmenter auprès des jeunes ;
Un enjeu de sécurité, puisque ces trafics alimentent en grande partie l'économie souterraine qui déstabilise certains quartiers.
- Le trafic de drogue peut également financer le terrorisme : rappelons que les explosifs utilisés dans l'attentat du 11 mars ont été acquis avec l'argent de la drogue.
· Troisième chantier : la sécurité des mineurs qui sont souvent les premières victimes de la criminalité et de la délinquance.
· Quatrième chantier : la lutte contre la cybercriminalité, qui doit assurer une meilleure protection dans l'espace Internet contre les atteintes aux personnes ou aux biens, mais aussi contre les valeurs humaines que nous défendons.
· Cinquième chantier : la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, qui s'expriment notamment par les discriminations, les violences sur les personnes, les attentats ciblés ou les profanations. Nous ne pouvons tolérer de tels agissements contraires aux valeurs de notre République.
· Le dernier chantier porte sur l'égalité des chances.
- Je souhaite promouvoir l'accès des jeunes qui le méritent aux carrières de la police et de la gendarmerie afin que vos forces soient le reflet de la diversité de la Nation.
- Je souhaite également que vous soyez plus présents aux côtés des jeunes les plus fragiles, grâce à l'action des « centres de loisirs jeunes » et aux brigades de prévention de la délinquance juvénile.

- Le chantier sur la cybercriminalité que j'ai confié à la Gendarmerie a considérablement  avancé.
· J'ai pu le constater le 7 septembre dernier, à Paris puis à Rosny-sous-Bois, aux côtés de Thierry Breton, à qui j'ai confié la responsabilité du chantier.
· J'entends doubler nos capacités d'investigation d'ici à la fin 2007 :
- En augmentant de 70 à 160 le nombre d'enquêteurs spécialisés dans les sections de recherche et les brigades départementales de renseignements et d'investigations judiciaires ;
- En augmentant également les effectifs et les moyens du service technique de recherche judiciaire et de documentation, ainsi que ceux de l'institut de recherche criminelle qui forment un pôle hautement spécialisé.
· Cette adaptation de nos moyens nous permettra de mieux traiter une délinquance qui s'appuie sur l'espace virtuel, mais dont les conséquences sont bien concrètes pour beaucoup de nos concitoyens et de nos entreprises.

II. Dans cette nouvelle étape de la lutte contre la délinquance et la criminalité, la gendarmerie tient une place essentielle.

- Vous avez vocation à participer à la stratégie locale de l'Etat en matière de sécurité :
· Vous êtes la force de police en charge de l'espace, puisque vous couvrez près de 95% de la surface du territoire où vit la moitié de la population.
· Vous êtes placés auprès du préfet de département pour l'exécution des missions de sécurité publique : il représente l'ensemble des ministres sur le terrain.
· C'est pourquoi je souhaite que vous soyez les conseillers des préfets en matière de sécurité, notamment en ce qui concerne l'ordre public, les grands rassemblements, la conception et l'exécution des mesures de police administratives.

- Au-delà de cette mission, la gendarmerie doit incarner une véritable culture de la performance.
· Il ne s'agit pas de se soustraire au jugement apporté par les chiffres.
- Ils nous engagent collectivement, donnent des tendances et servent d'indicateurs d'activité.
- Mais ils ne suffisent pas à mesurer la pertinence des choix opérés ou à définir l'emploi le plus judicieux des moyens.
· Nous avons besoin d'une approche qualitative, qui implique un questionnement permanent sur l'objectif poursuivi.
-  Vous êtes les premiers à reconnaître qu'une "heure-gendarme" peut être très productive pour la sécurité, comme elle peut être inopérante.
- La différence tient souvent au choix des heures, des lieux, à la précision de la mission donnée, à sa cohérence au regard de la stratégie d'ensemble.
· Je souhaite que chacune des patrouilles qui sillonnent les routes de France, de jour comme de nuit, sachent ce qu'elles protègent, ce qu'elles surveillent, ce qu'elles recherchent.
-  J'ai pu constater, lors des grands rassemblements ou des manifestations d'ampleur, à quel point l'action de la gendarmerie répondait à des objectifs stratégiques et à des choix opérationnels clairs.
- L'augmentation des effectifs n'aura que des effets limités si nous ne réfléchissons pas à des actions plus ciblées.
- Cette réflexion sur la planification et la conduite des opérations doit être le propre de tout chef, quel que soit son niveau.
· La culture de la performance c'est aussi l'utilisation optimale des moyens juridiques et matériels.
- Des dispositions législatives nouvelles seront applicables à partir du 1er octobre, avec l'entrée en vigueur de la loi PERBEN II. Elles offrent aux enquêteurs des capacités d'investigation plus importantes dans la lutte contre la criminalité organisée. Je souhaite que vous les utilisiez pleinement.
- S'agissant des moyens matériels, il est indispensable de recourir à la police technique et scientifique, chaque fois que des indices ou des traces permettent d'identifier les auteurs.
La police technique et scientifique n'est pas réservée aux affaires les plus retentissantes, ni aux unités spécialisées. Elle doit être mise en œuvre par tous, notamment par les gendarmes des brigades appelés à faire de nombreuses constatations.
La montée en puissance du fichier national des empreintes génétiques est une véritable révolution, comparable à celle des empreintes digitales au XIXe siècle. Elle doit être pleinement intégrée dans votre pratique quotidienne.
· J'attends de vous que vous incarniez cette culture de la performance pour la partager et la diffuser auprès de tous vos collaborateurs.

III. Pour être plus efficaces nous devons sans cesse adapter nos armes et nos réponses. L'année qui vient sera décisive pour la modernisation de la Gendarmerie nationale.

-  D'abord, elle s'apprête à connaître une profonde réforme dans laquelle vous devez jouer tout  votre rôle.
· J'ai voulu, dès mon arrivée au Ministère de l'Intérieur, que la réforme des corps et carrières de la Police Nationale se double d'un « plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées » pour la Gendarmerie : il s'agissait d'un principe d'équité.
- Il n'était pas pensable que deux corps appelés à travailler ensemble ne connaissent pas les mêmes avantages. 
- Le Premier ministre a donné son accord pour mener à bien une réforme de la Gendarmerie nationale corresponde à ses besoins, notamment en termes d'encadrement.
· C'est tout le sens du repyramidage qui prévoit en particulier de créer de l'ordre de 5.000 emplois d'officiers d'ici à 2012 : il permettra notamment de prendre en compte la réalité nouvelle des responsabilités confiées aux commandants des communautés de brigades.
· Le plan d'adaptation des grades concerne l'ensemble des gradés : c'est une transformation en profondeur qui aura des incidences sur le recrutement, la formation et donc sur la conception même du métier à tous les échelons de la hiérarchie.

- Ensuite, l'année 2005 verra s'achever une réorganisation des structures qui est, je le crois, sans précédent :
· La direction générale s'est réorganisée autour de sous-directions fonctionnelles, je pense en particulier à la sous-direction de la sécurité publique et de la sécurité routière et à la sous-direction de la police judiciaire. Cette évolution traduit bien la volonté de la Gendarmerie de développer le professionnalisme et l'expertise ; 
· Les échelons zonaux et régionaux de la gendarmerie vont être réorganisés en profondeur.
- Le nouveau dispositif va renforcer l'échelon régional :
C'est la région administrative qui a été retenue pour la compétence territoriale des GIR.
C'est également à cet échelon que devrait s'effectuer la coordination des moyens de la police nationale.
L'échelon régional est enfin décisif pour l'évaluation de nos résultats : j'ai demandé aux préfets de région de procéder eux-mêmes, trois fois par an à une évaluation de la délinquance pour mieux prendre en compte les phénomènes trans-départementaux.
- Le cadre départemental sera complété par la création des plate-formes de police judiciaire au sein des brigades départementales de renseignement et d'investigations judiciaires.
· Forts de cette réorganisation, il vous appartient de recherche une meilleure utilisation et une plus grande mutualisation des moyens humains et matériels.
- La création des 1062 communautés de brigades permettra  de faciliter cette recherche.
Les premiers enseignements sont positifs avec, en particulier, une augmentation de la présence sur le terrain, de jour comme de nuit.
Je souhaite qu'au sein des communautés de brigades la conception du service soit plus novatrice, tant en ce qui concerne l'accueil, que l'intervention ou la prévention.
L'engagement et l'imagination des chefs et des personnels doit permettre de dégager des marges de progrès.
- Là encore, j'entends procéder à des évaluations régulières :
La Direction Générale de la Gendarmerie Nationale procèdera à une évaluation au début de l'année prochaine pour recueillir les bonnes pratiques et les faire partager. 
J'irai prochainement sur le terrain pour mesurer la valeur ajoutée de cette nouvelle organisation au profit des zones rurales.

- Je souhaite que cette réforme s'accompagne d'une approche territoriale rénovée :
· L'espace confié à la gendarmerie était autrefois homogène et rural. Il s'est profondément transformé :
-  avec la désertification rurale ;
- avec l'essor des communes périurbaines.
· C'est pourquoi une nouvelle réflexion s'imposait : les redéploiements engagés avec succès dans 65 départements, vont clarifier les zones de compétence :
- En donnant plus de cohérence aux circonscriptions urbaines ;
- En confiant à la gendarmerie la responsabilité de 40 villes de moins de 20.000 habitants.
· Après 2005 nous devrons poursuivre cet effort d'adaptation, sur l'initiative des préfets.
- Dans cet esprit, j'ai demandé à l'inspection générale de la police nationale et à l'inspection de la gendarmerie de conduire une analyse prospective.
- Il ne s'agit pas d'ouvrir une nouvelle vague de redéploiements mais de procéder, au cas par cas, chaque fois que cela est souhaitable et possible, à des ajustements ou transferts dans les départements qui n'ont pas fait l'objet de redéploiements.
- Les éventuelles modifications opérées respecteront la même procédure de concertation et de dialogue avec les élus et les personnels concernés.

- Nous devons aller plus loin, afin d'adapter nos modes d'action à la réalité concrète de chaque territoire.
· Même après redéploiement, l'espace confié à la gendarmerie restera marqué par sa diversité :
-  Or nous le savons, les défis ne sont pas les mêmes de Dunkerque à Carcassonne. 
- Dans un même département, dans un même arrondissement, des circonstances géographiques et humaines particulières justifient que telle communauté de brigade n'agisse pas exactement comme sa voisine.
- C'est pourquoi je souhaite que la spécificité des territoires modèle l'organisation et l'action de la gendarmerie, en déterminant le cadre de l'action partenariale.
· Une approche nouvelle des territoires est d'autant plus importante qu'ils sont de plus en plus structurés par des réseaux.
- La mise en œuvre des communautés de brigades doit prendre en compte ces réseaux, leur densité, leur évolution, et leur rayonnement.
- Pour cela il faudra certainement élaborer une méthode à laquelle je vous demande d'ores et déjà de réfléchir.
· Notre approche doit mieux tenir compte de la coopération avec les élus locaux, au premier rang desquels figurent les maires, qui se plaignent parfois de perdre le contact avec leurs gendarmes.

- Dans cette nouvelle approche territoriale nous devons nous attaquer aux îlots de résistance, qui constituent le "noyau dur" de la délinquance.
· J'ai demandé que, dans le cadre de la réorganisation régionale de la gendarmerie, les ajustements de moyens soient opérés au profit de la couronne périurbaine.
- La police a pour mission de reprendre possession de ses quartiers : il ne faudrait pas que dans le pourtour des agglomérations les gendarmes n'anticipent pas et subissent un déplacement de la délinquance.
- C'est là que vous devez porter votre effort avec les forces mobiles, avec les réservistes, mais aussi avec le renfort des unités voisines.
· Vous devez également mieux prendre en compte les axes de communication routiers ou fluviaux.
- Ce sont les vecteurs d'importants flux humains et matériels
- Ils ouvrent également des voies par lesquelles transitent la délinquance et l'immigration irrégulière, au-delà des frontières administratives : une nouvelle autoroute peut décloisonner une région hier encore préservée de la délinquance violents.
- Je vous demande donc de conduire une réflexion approfondie sur la sécurité des grands axes, car si vous n'y êtes pas présents et efficaces, personne ne le sera à votre place. Je suis d'ailleurs tout à fait favorable à ce que des escadrons de gendarmerie mobile en sécurisation contribuent à cet objectif. 

- Nous devons nous adapter aussi aux nouveaux enjeux de l'ordre public:
· J'attends beaucoup des forces mobiles qui représentent dans les situations les plus sensibles l'autorité de la loi et les valeurs républicaines.
- Je me rendrai dans les semaines à venir au centre d'entraînement des forces de Saint-Astier.
- Je voudrais affirmer ici aux commandants de légion de gendarmerie mobile, ainsi qu'à leurs hommes mon estime et ma confiance.
· Face aux violences urbaines, à certaines actions destructrices commises par des individus qui se disent non-violents, face à des rassemblements comme les TEKNIVAL pendant lesquels l'ordre public est toujours instable vous devez sans cesse enrichir votre savoir-faire, l'adapter aux nouvelles menaces, aux nouvelles formes de violences.

- Enfin je souhaite que la Gendarmerie prenne toute sa place dans la gestion des crises.
· Vous le savez, dès ma prise de fonction, j'ai voulu faire du Ministère de l'Intérieur le ministère de la gestion des crises affectant la sécurité à l'intérieur de nos frontières.
· Vous avez, dans ce domaine, une culture professionnelle déjà très enracinée, de par votre statut et votre formation militaire.
· Cette culture s'enrichit de l'expérience que vous avez acquis à  l'étranger, lors d'opérations souvent difficiles et périlleuses :
- Au Ministère des affaires étrangères, j'ai pu apprécier votre engagement au profit de la diplomatie française, sur des théâtres extérieurs, en Côte d'Ivoire ou en Haïti.
- Au sein de la Force de gendarmerie européenne vous mettez votre savoir-faire et votre engagement au service de la sécurité de tous les citoyens européens.
· Je souhaite que la Gendarmerie développe plus encore son expertise en matière de « renseignement », afin d'être en mesure de faire face aux troubles à l'ordre public.
- Le renseignement est indissociable de la gestion des crises. Il permet parfois de les éviter ou d'éclairer la décision des responsables lorsque la crise éclate.
- Face à la menace terroriste la qualité de notre renseignement est vitale. Nous devons toujours mieux connaître notre adversaire pour anticiper ses actions, les contrarier et démanteler ses réseaux.
- C'est pourquoi j'ai voulu donner une nouvelle impulsion à la coordination du renseignement en créant un Comité du renseignement intérieur que j'ai déjà réuni à plusieurs reprises.
· Votre maillage territorial, votre présence sur les grands axes vous confèrent une place importante dans ce dispositif.
-  Le renseignement n'est pas le monopole des services spécialisés.
- Il est aussi le fruit d'une collecte méthodique en provenance de milliers de capteurs.

M. Le Directeur général,
MM. Les officiers généraux,
MM. Les officiers,

- Nous sommes dans une période de profonde mutation.
· Les enjeux contemporains de la sécurité intérieure nous obligent à repenser sans cesse notre action et notre organisation.
· La satisfaction de nos objectifs prioritaires n'autorise aucune pause.

- C'est pourquoi il nous faut aujourd'hui « changer de braquet » :  les 6 chantiers que j'ai énumérés viendront enrichir la doctrine et seront pour vous source de nouveaux modes d'action.
· Je sais que l'exercice n'est pas aisé, car les moyens humains et budgétaires sont contraints.
· Je connais vos difficultés : sachez que je veillerai attentivement à ce que tous les moyens soient donnés à la Gendarmerie pour qu'elles puisse être à la hauteur de nos concitoyens.

- Il existe à tous les échelons une marge de progrès grâce au développement de l'initiative et au partage des bonnes pratiques après retour d'expérience.
·  Je compte sur vous pour être les concepteurs ou les porteurs d'idées nouvelles.
· J'aurai l'occasion de vous revoir en novembre, à Montluçon. Je souhaite que cette rencontre nous permette d'échanger sur différents thèmes comme la lutte contre les trafics de stupéfiants lors des grands rassemblements, la sécurité des transports nucléaires, la mise en oeuvre des communautés de brigades, les contrôles de la conduite sous l'empire de stupéfiants ou les premiers enseignements de l'expérimentation de pelotons de gendarmerie mobile de deuxième génération.

- La Gendarmerie est riche d'une histoire, d'une tradition et d'un héritage que vous portez, je le sais, avec fierté. Dans cette richesse et dans ces principes nous pouvons ancrer une action d‘avenir.

En  attendant, je vous cède la parole.