16.04.2004 - Déjeuner de travail des Ministres du G5 et du groupe de Salzbourg

16 avril 2004

Intervention de Monsieur Dominique de VILLEPIN à la conférence de presse à l'issue du déjeuner de travail des Ministres du G5 (Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni et France) et du groupe de Salzbourg (Autriche, Hongrie, Pologne, Slovaquie, Slovénie et République Tchèque).


Merci Ernst,

Je crois qu'il n'a échappé à personne que la réunion d'aujourd'hui était une réunion importante, importante au plan du symbole, importante au plan de la décision, pour le meilleur service de nos compatriotes européens.

En effet, voilà les pays du G5 et c'est notre conviction commune, je le dis ici avec mon ami Giuseppe Pisanu, c'est notre conviction commune, les pays du G5, celle de nos amis britanniques, celle de nos amis espagnols, celle de nos amis allemands, c'est un devoir et une responsabilité que nous avons d'approcher avec une même ambition les problèmes du terrorisme, de l'immigration clandestine, du crime organisé, une approche commune avec tous nos autres collègues européens. Et cette réunion du G5 et du groupe de Salzbourg, de ce point de vue, marque notre volonté de travailler ensemble.

Il n'y a pas d'un côté des pays qui voudraient s'ériger en directoire et de l'autre, le reste de l'Europe. Non, il y a une volonté commune de travailler ensemble avec le souci de l'action, avec le souci de la responsabilité. Et cette réunion d'aujourd'hui a marqué clairement de notre part à tous le souhait, la volonté, d'avancer à travers des actions concrètes. Des actions concrètes pour le partage des données qui peuvent exister entre nous, des actions concrètes pour la revitalisation d'outils, d'organismes qui existent. C'est le cas d'Europol, c'est le cas d'Eurojust. Volonté d'agir concrètement pour prévenir. Et c'est là où l'action de protection de nos frontières est une nécessité absolue.

Le premier mai, c'est la date de l'élargissement, il nous faut alors prendre l'ensemble de nos responsabilités vis-à-vis de ceux qui ont vocation à entrer dans l'Europe, par quelque frontière que ce soit. La date de libre circulation aura lieu évidemment plus tard, dès lors que cette garantie de protection des frontières aura pu intervenir, mais nous avons pour responsabilité commune d'ores et déjà, de prévoir la mise en place de cette libre circulation, ce qui veut dire que c'est dans un esprit de partenariat que nous avons travaillé aujourd'hui. Le souci de définir ensemble les modalités qui nous permettront d'être plus efficaces, plus responsables vis-à-vis de nos citoyens, c'est une attente très profonde, on le voit dans chacun de nos pays, et je pense que de ce point de vue, et je tiens à en remercier la présidence autrichienne, ce qui a été défini, décidé aujourd'hui, est un pas important parce qu'il y a là une volonté qui fera date d'aller de l'avant, et aller de l'avant tous ensemble. Merci Ernst.

Réponse à la question d'un journaliste sur le message d'Oussama Ben Laden :

Merci Ernst, je souscris évidemment à ce que vient de dire Ernst Strasser concernant le message, l'interrogation qui est la vôtre sur le message, l'interprétation du message de Ben Laden. Mais je crois que la réponse, la réponse qui est la nôtre, collective, nous l'exprimons aujourd'hui fortement. Le jeu des terroristes, l'action des terroristes, c'est de diviser nos pays. Notre réponse, c'est d'affirmer notre unité, notre volonté d'agir ensemble, notre volonté affirmée de ne pas transiger, d'aucune façon avec le terrorisme. Alors bien évidemment, de notre part, cela veut dire deux choses : la première, c'est de prendre en compte l'exigence d'une réponse politique, c'est la vocation de nos Chefs d'Etat et de Gouvernement, c'est la vocation de nos Ministres des Affaires étrangères, de ne pas laisser de crise qui ne soit pas traitée. Je parle du Proche-Orient, je parle de l'Irak, je parle de l'ensemble des crises, sur la scène internationale, parce que c'est autant de moyens pour les terroristes d'exploiter les difficultés de la planète, pour tirer avantage, à travers leurs menaces et leurs actions.

La deuxième réponse, c'est l'action au niveau des Ministres de l'Intérieur, au niveau de la sécurité, c'est la mobilisation et nous avons beaucoup discuté aujourd'hui entre nous de cette question essentielle, celle de la gestion de nos frontières extérieures. Nous savons tous que cette question est au cœur des préoccupations de nos compatriotes, de nos citoyens européens. L'immigration irrégulière, nous le savons, a des conséquences directes sur la vie de l'ensemble des pays européens. Elle a un lien, que nous ne pouvons pas sous-estimer, avec les filières du terrorisme. Elle a un lien avec les filières du crime organisé. Elle a un lien avec la délinquance de passage, itinérante, celle-là même que nous constatons en France, dans telle et telle région de notre pays, où il faut faire face à des migrants, venus souvent, d'ailleurs, des pays d'Europe de l'Est, et qui se situent de façon irrégulière dans notre pays.

Alors face à cela, nous n'avons qu'une obligation, c'est celle d'agir ensemble. C'est tout le sens de notre réunion. C'est une mobilisation collective qui est indispensable. Celle des pays du G5, nous avons fait des propositions et je le redis, le G5 n'a pas de vocation de directoire, il a vocation à faire des propositions, nous l'avons fait, évidemment pour ce qui concerne l'entrée dans l'Union européenne, et nous voulons marquer la nécessité d'exigences  dissuasives, notamment en fixant des conditions de ressources, pour entrer sur le territoire européen, en exigeant le compostage des passeports, qui est une deuxième exigence qui permet de limiter l'entrée sur le territoire européen. Nous devons également prendre en compte un certain nombre de points faibles. Et là, sans vouloir stigmatiser, parce que je parle de pays amis, je pense en particulier à un pays comme la Roumanie, ou comme la Bulgarie, où il y a encore beaucoup à faire, si nous voulons éviter l'entrée par ces pays d'un certain nombre d'immigrants illégaux, nous devons faire en sorte de les aider et là nous avons un devoir de solidarité, de préparation. Nous devons les aider à mettre en place des plates-formes, c'est ce que la France fait par exemple avec la Roumanie, des plates-formes en liaison avec des organisations non-gouvernementales, parce que la fermeté ne veut pas dire que nous ne faisons pas preuve d'humanité.

Nous devons donc le faire avec tous les partenaires pour que ceci se passe dans de bonnes conditions. Il faut d'ores et déjà préfigurer ce que sera au début 2005 l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres. Nous devons faire en sorte que dès maintenant, les dispositifs efficaces nécessaires se mettent en place. Il y a d'importantes coopérations bilatérales qui doivent être définies. Et puisque je suis ici à Vienne aux côtés de mon ami Ernst Strasser, je veux dire que de ce point de vue, nous avons une volonté commune, et cela sert d'exemple, d'agir dans le contexte européen, définir par exemple des équipes de contrôle commun aux postes frontières, c'est ce que nous voulons faire à Nickelsdorf. Faire en sorte que des actions de formation privilégiée puissent être mises en place pour les personnels de contrôle des frontières, c'est ce que nous allons faire à Traiskirchen. Faire en sorte que ceux qui viennent sur le territoire, puissent repartir rapidement si cela est nécessaire. C'est la définition de vols groupés communs.

Nous ne devons pas témoigner vis-à-vis de nos ressortissants d'une quelconque impuissance. Nous devons montrer que nous sommes capables d'agir, d'actions communes, et c'est tout le sens de notre réunion. D'un côté, les pays du groupe de Salzbourg, d'un côté, les pays du G5, avec une volonté d'agir ensemble concrètement. Rien ne serait pire face au terrorisme, face à l'immigration clandestine, que le sentiment d'impuissance, d'inaction de notre part. Ce n'est pas l'esprit dans lequel nous sommes réunis. Nous voulons faire preuve de notre détermination. Nous voulons marquer notre volonté d'obtenir des résultats. Nous serons plus efficaces. Nous serons plus mobiles que ceux qui veulent contourner nos systèmes. Je pense aux terroristes, je pense aux filières mafieuses, je pense aux filières de l'immigration clandestine, nous ne céderons pas un pouce de terrain face à ces organisations.