15.10.2004 - Lutte contre la drogue (Discours de cloture)

15 octobre 2004

Discours de M. Dominique de VILLEPIN lors d’une conférence de presse, au siège de l’office central pour la répression
du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS)


Monsieur le Député,
Mesdames, Messieurs,

Avec le trafic de drogue, nous sommes confrontés à une menace d'ampleur nouvelle :
- Nouvelle parce que la drogue touche de plus en plus de personnes, et notamment de mineurs : nous ne pouvons pas
laisser notre jeunesse aux mains de réseaux criminels qui instrumentalisent les plus faibles et les plus démunis. Je
salue à cet égard la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie qui va lancer la première
grande campagne de sensibilisation sur ce sujet.
- Nouvelle parce que l'économie mafieuse générée par la drogue menace la cohésion nationale : les filières disposent
de moyens de plus en plus importants au sein de chaque ville, de chaque région, de chaque département. Comment
accepter de voir certains quartiers parmi les plus pauvres vivre sous la coupe de trafiquants se prétendant au-dessus
des lois ?
- Nouvelle enfin parce que la drogue est de plus en plus liée aux grands réseaux du crime international, du trafic
d'armes au terrorisme.
· Avec un point commun : le recours au blanchiment d'argent et à l'économie souterraine.
· Tous ces trafics doivent donc être combattus ensemble, par tous les moyens et sur tous les fronts.
· C'est pourquoi la lutte contre les stupéfiants constitue une priorité absolue pour la sécurité en France.
Face à cette menace nouvelle, nous devons mettre en place des moyens nouveaux.
- De nombreuses pistes ont été explorées par Jean-Luc Warsmann.
- Mes services étudieront en détail l'ensemble de ces propositions pour établir un plan d'ensemble.
- Mais j'ai d'ores et déjà décidé de mettre en oeuvre une partie d'entre elles, avec trois grands axes d'action :
· Lutter davantage en amont des trafics,
· Renforcer la coopération européenne
· Accroître la coordination nationale de la lutte contre les réseaux de trafiquants

1. D'abord nous devons lutter en amont des routes de la drogue.

- Les trafiquants se jouent des frontières.
· Ils sont organisés en réseaux transnationaux, avec des centres de production, des cellules de distribution locales et
des passeurs qui assurent le transit et protègent les centres nerveux des organisations mafieuses.
· Les routes empruntées sont ramifiées et complexes : à la fois aériennes, terrestres et maritimes, elles varient sans
cesse pour déjouer la vigilance des forces de l'ordre.
· Nous ne pouvons donc pas nous contenter d'une lutte défensive, qui consisterait à n'arrêter la drogue qu'une fois
seulement qu'elle est dans les mains des passeurs et sur notre territoire.
- C'est pourquoi nous devons lutter contre toute la chaîne de la drogue, et pour cela travailler avec les pays producteurs.
· Dans ces pays, je souhaite recentrer sur le trafic de drogue les missions du Service de coopération technique
international de la police, et rationaliser les effectifs en conséquence.
· Je souhaite également renforcer notre dispositif de coopérations bilatérales. Mon récent voyage au Maroc en a été une
occasion privilégiée, avec des mesures concrètes à la clé, notamment la création d'un pôle franco-marocain de lutte
contre le trafic de drogue et d'une plate-forme de renseignement commune.
· J'entends poursuivre cette politique, sans tabou et avec un seul objectif : l'efficacité. Pour cela, nous devons aussi être
capables d'aider les pays tiers à renforcer leur propre dispositif. Mieux vaut arrêter la drogue au départ d'un aéroport
étranger plutôt qu'ici, en France, à l'arrivée. Je souhaite donc lancer un plan d'aide au contrôle aérien pour les
principaux aéroports de départ, avec mise à disposition de moyens matériels et humains.
· La coordination de ce plan reviendra à l'Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants, dont je tiens à
saluer le travail quotidien et le rôle décisif dans la lutte contre les trafics.

2. Ensuite, nous devons mutualiser nos moyens au niveau européen, à travers une double approche :

- Une approche par zone :
· Une plate-forme commune de lutte contre le trafic dans la Caraïbe vient d'être mise en place à Fort-de-France.
· De la même façon, je souhaite la mise en place d'un centre d'analyse du renseignement maritime pour la façade
Atlantique. J'en ai fait la proposition à l'Espagne et à la Grande-Bretagne il y a quelques semaines et j'espère que nous
pourrons avancer rapidement dans cette voie.
· Dans chaque pays de départ, nous devons mutualiser nos moyens. En Amérique du Sud et en Afrique, nous mettons
actuellement en place des officiers de liaison anti-drogues communs. Dans d'autres régions du monde, au Moyen-
Orient ou en Asie, je souhaite la création de nombreuses cellules de renseignement communes.
- Les moyens européens doivent également être mutualisés à travers une approche par filière.
· En développant la pratique d'équipes communes d'enquête, comme nous le faisons actuellement avec l'Espagne, et
comme nous le proposons notamment aux Pays-Bas et à la Grande-Bretagne.
· En renforçant notre coopération avec Europol : la France y augmentera le nombre de ses agents dans les prochaines
semaines. Elle fournira désormais systématiquement à cet organisme les renseignements sur les enquêtes en cours en
matière de stupéfiant et de blanchiment dès lors que ces affaires concerneront un autre pays européen.
- Afin de mettre en cohérence nos politiques de démantèlement des filières au niveau européen, j'en ferai en liaison
avec mes partenaires une priorité des travaux du G5.

3. Enfin, je veux renforcer la coordination nationale de lutte contre les trafics.

- Avec un objectif clair : le démantèlement des réseaux. J'accorderai dorénavant une importance particulière à deux
indicateurs nouveaux :
· L'accessibilité des stupéfiants, traduite par leur prix de vente dans la rue. C'est un bon indicateur de l'efficacité même
de notre lutte, car plus nous barrerons la route des trafiquants, moins la drogue sera facile d'accès.
· Les saisies de patrimoine, immeubles, voitures, liquidités, qui portent au coeur même des systèmes mafieux. Pour nous
donner pleinement les moyens de cette politique, je retiens dès aujourd'hui l'idée de créer une Cellule d'Identification
des Patrimoines, afin de pouvoir repérer avant même les interpellations l'ensemble des biens des trafiquants, aussi bien
en France qu'à l'étranger, et faciliter ainsi les saisies. Je proposerai cette mesure à mes collègues dans les prochains
jours.
- Avec une méthode claire : le partage d'information entre tous les service et tout le long de la chaîne, depuis les
quartiers où se déroule le trafic jusqu'aux centres financiers où l'argent est réinvesti dans des activités légales.
- Avec par conséquent une coordination interministérielle renforcée, dans le même esprit que pour la création des GIR.
· La lutte contre les trafiquants doit être menée sur le terrain avec l'ensemble des partenaires compétents : la police, la
gendarmerie, les douanes, les Impôts, la Marine Nationale, la Justice, les Affaires Etrangères.
· C'est pourquoi je souhaite proposer qu'un Comité Opérationnel de Lutte contre les Trafics puisse se réunir à dates
régulières pour mettre en place des stratégies communes, échanger les informations nécessaires et profiter des moyens
propres dont dispose chaque administration.
Mesdames, Messieurs,
Le temps de la réflexion et de la proposition a été fructueux, grâce au travail percutant et novateur de Jean Luc
Warsmann. Vient maintenant celui de l'expertise et de l'action pour le Ministère de l'Intérieur : nous arrêterons au cours
des prochaines semaines l’ensemble des mesures qui auront été retenues, en liaison avec les autres ministères
concernés. Je souhaite qu’elles puissent être mises en oeuvre avant la fin 2005.
L'Etat doit aujourd'hui se mettre en ordre de bataille contre des organisations criminelles qui ne connaissent ni frontières
ni limites, qu'elles soient morales ou technologiques.
Ce chantier est un point de départ vers une évolution qui doit permettre une lutte acharnée et efficace contre ceux qui se
nourrissent de la faiblesse et de la dépendance des autres. Il y va de l'avenir de notre pays et de la cohésion de notre
société. Je suis donc déterminé à conduire ce combat essentiel.