Allocution de Dominique de Villepin lors de l'installation de la Conférence Nationale des Services d'Incendie et de Secours
Monsieur le Président
Mesdames, Messieurs,
Je me réjouis de me trouver aujourd'hui parmi vous. L'installation de la Conférence Nationale des Services d'Incendie et de Secours constitue une avancée majeure pour la sécurité civile dans notre pays, pour deux raisons.
• D'abord, parce qu'elle concrétise l'un des points essentiels de la loi de modernisation de la sécurité civile : son entrée en vigueur, à peine quatre mois après le vote de la loi, témoigne de la volonté du gouvernement.
• Ensuite, parce qu'elle est le fruit d'un dialogue renouvelé entre l'Etat, les élus et tous les acteurs de la sécurité civile, au premier rang desquels les sapeurs-pompiers.
Dès aujourd'hui, vous allez travailler ensemble sous la direction du nouveau Président, M. François Lonchambon, et du vice-président M. Etienne Chauffour.
• Il vous revient désormais, Monsieur le Président, d'animer et d'orienter le travail de cette nouvelle instance. Vous pouvez compter pour cette mission, sur le soutien et la collaboration des services de mon ministère, en particulier celui de la direction de la défense et de la sécurité civiles qui assure le secrétariat de cette conférence.
Je veux saluer l'ensemble des élus qui siègent ici et qui représentent tous les Français. En tant qu'élus, conseillers généraux, maires ou comme législateurs, vous connaissez l'ampleur des enjeux qui seront discutés ici, leurs conséquences sur les collectivités locales, mais aussi sur la collectivité nationale tout entière.
Je veux aussi saluer très chaleureusement les sapeurs-pompiers qui, au travers des six syndicats représentatifs et de la Fédération nationale des Sapeurs-pompiers de France, représentent la grande famille des 230 000 sapeurs-pompiers civils, professionnels et volontaires. Votre présence ici garantit que les avis qui seront pris par la conférence auront été évalués par ceux qui sont les plus directement concernés.
La loi du 13 août a instauré une nouvelle relation entre l'Etat, les élus et tous les acteurs de la sécurité civile, en créant l'instance qui nous réunit.
• Elle traduit notre volonté de nous doter d'un pilotage concerté du système national d'incendie et de secours. Vous tous ici, vous êtes les membres du conseil d'administration du « SDIS de France ».
• Cette volonté repose sur trois piliers.
Premier pilier : le dialogue politique. Nous avons vu par le passé combien les malentendus ou le manque d'explication et de pédagogie pouvaient atténuer l'efficacité de notre dispositif.
• C'est pourquoi j'ai voulu lancer avec vous le pari du dialogue et de la transparence, afin que l'Etat soit davantage à l'écoute des élus ; afin aussi que les sapeurs-pompiers soient mieux associés à toutes les décisions concernant leurs conditions de travail, leur formation ou leur sécurité.
• C'est pourquoi je me suis engagé devant la représentation nationale à respecter les avis de la Conférence.
Deuxième pilier : la clarté institutionnelle. Je veux rassurer tout de suite ceux d'entre vous qui s'interrogent : le pilotage national ne se substituera pas à la liberté d'organisation des SDIS au plan local.
• La loi de modernisation de la sécurité civile a fait le choix de renforcer l'établissement public, au détriment de deux autres possibilités : l'étatisation ou la dissolution de l'établissement public au sein du Conseil général.
• La règle du jeu des conseils d'administration a été clarifiée : il appartient désormais aux Conseils généraux, à travers leur président ou leur représentant d'assumer la pleine responsabilité de la gestion des SDIS. Cette conférence leur permettra de rectifier tout ce qui dans les décisions nationales peut heurter, compliquer ou entraver la gestion des SDIS.
• La conférence nationale n'est donc en aucune manière un organisme de contrôle des décisions locales, mais une instance de cohérence entre la décision nationale et sa traduction sur le terrain.
Troisième pilier, la solidarité financière entre l'Etat et les collectivités locales. Les engagements pris lors du débat au Parlement sur la loi en juin et en juillet sont inscrits dans la loi de finance 2005.
• D'abord, avec le transfert de 900 millions d'euros dès 2005 au titre de la taxe sur les conventions d'assurance : les départements disposeront désormais d'une ressource plus dynamique et mieux adaptée à l'évolution de la dépense de secours. Elle leur permettra de faire face à une dépense qui, si elle doit être mieux maîtrisée, ne diminuera pas dans les prochaines années.
• L'État s'engage également pour la fidélisation et la reconnaissance des sapeurs-pompiers : il contribuera à hauteur de 20 millions d'euros en 2005, et de 30 en 2006, à la constitution du nouvel avantage retraite. Cette contribution sera répartie en fonction du nombre de volontaires intégrés aux SDIS.
• Enfin, j'ai souhaité que l'Etat accompagne l'effort d'investissement des SDIS : nous avons donné un nouvel élan au Fonds d'aide à l'investissement, avec 65 millions d'euros de crédits de paiements pour 2005. Ce montant constitue non seulement le rattrapage des annulations passées, mais également un progrès substantiel sur le rythme normal de croissance des investissements des SDIS.
Ensemble, nous devons accélérer la mise en œuvre de la loi de modernisation de la sécurité civile.
• Les projets de décrets concernant les SDIS vous seront rapidement soumis. L'objectif est de terminer l'examen de cette quinzaine de textes avant 6 mois.
• Il vous faut également veiller à l'application de ces décrets. Je pense notamment à la fin de carrière des sapeurs-pompiers professionnels, à la nouvelle prestation de fidélisation des volontaires, mais aussi à la création du nouveau statut des élèves-officiers ou au passage aux systèmes de transmission inter-opérables. Sur chacun de ces thèmes, vous serez bien davantage qu'un simple organisme consultatif, vous participerez à la décision.
J'attends aussi de la conférence nationale une réflexion approfondie sur des sujets qui engagent l'avenir de nos services de secours.
C'est le complément indispensable de la reconnaissance de la dangerosité des missions qu'ils accomplissent. Sur ce sujet nous avons progressé, mais le nombre encore trop élevé d'accidents, de blessés et de morts parmi les sapeurs-pompiers nous incite à poursuivre et à accélérer nos efforts. Vous entendrez dès cet après-midi une présentation du rapport Pourny et le travail de la Direction de la Défense et de la Sécurité civiles sur ce sujet vous sera communiqué régulièrement.
Nous avons à revoir les modalités de versement du fonds d'aide à l'investissement. Vous savez comme moi que l'augmentation des crédits aura peu d'impact si les fonds ne sont pas également plus faciles à mobiliser par tous les gestionnaires des SDIS.
Je vous proposerai dans les semaines qui viennent des orientations pour réformer ce fonds. Mais d'ores et déjà, je suggère que nous répondions à deux questions:
• d'une part, la possibilité de pratiquer une péréquation en faveur des SDIS les moins favorisés, au regard de la richesse fiscale des départements.
• d'autre part, le financement éventuel par ce fonds des futurs établissements publics interdépartementaux d'incendie et de secours, les EPIDIS.
Après le grand chantier de l'avantage retraite, c'est un enjeu majeur. Je sais que la loi de modernisation n'a pas répondu à toutes les interrogations. C'est pourquoi, dans les jours qui viennent, j'engagerai deux démarches:
• En ce qui concerne les grands employeurs publics nationaux d'abord : je souhaite qu'ils puissenty être exemplaires dans le nouvel élan que nous devons donner au volontariat dans notre pays. Je vais donc confier une mission à un préfet pour mobiliser les volontés dans ce sens ;
• Ensuite, je vais demander une expertise conjointe à l'inspection générale de l'administration et l'inspection générale des finances, pour évaluer les blocages et les freins à l'emploi des volontaires, dans le monde de l'entreprise privée et identifier les outils pour les lever.
Ces deux missions alimenteront la réflexion d'un groupe de travail auquel participeront l'État, les élus, les représentants des sapeurs-pompiers volontaires et les entreprises. Il devra me soumettre des propositions avant l'été. Le Président de la Conférence a toute sa place dans ce groupe de travail, dont les conclusions seront soumises à votre étude.
Aujourd'hui les sapeurs-pompiers sont de plus en plus sollicités pour des transports sanitaires en raison des carences des ambulanciers privés. J'ai conscience des dépenses que cela entraîne pour les SDIS. Mais je suis également attentif aux messages de certains sapeurs-pompiers sur le secours d'urgence. Pour ma part je veillerai à tout moment au rappel des rôles respectifs de chacun.
Ma conviction, c'est qu'il nous faut définir une doctrine sur ce sujet, afin d'éviter d'une part le risque d'une instrumentalisation des SDIS, et d'autre part la démobilisation de certains petits centres en milieu rural. L'évolution du statut des infirmiers sapeurs-pompiers sera l'un des éléments de cette réflexion.
Monsieur le Président,
Messieurs les membres de la Conférence Nationale des Services d'Incendie et de Secours,
Mesdames et Messieurs,
Nous savons tous ici combien la loi du 13 août 2004 a ouvert de nouvelles perspectives. Elle a aussi suscité des attentes, auxquelles nous devons répondre ensemble.
La Conférence constitue un atout qu'il nous appartient de faire vivre. Votre réflexion et votre travail orienteront véritablement l'action de l'État. Je sais pouvoir compter sur vous pour prendre pleinement la mesure des enjeux et apporter les réponses qu'attendent les Français.
Je vous remercie.