10.06.2004 - Khel

10 juin 2004

Intervention lors du déplacement à Khel de M. Dominique de VILLEPIN avec M. Otto SCHILY


Je voudrais exprimer ma gratitude à Otto Schily pour son accueil aujourd'hui, lui dire tout le plaisir que j'ai eu à vérifier sur le terrain la qualité de cette coopération policière et douanière, ici à Kehl. Il l'a dit avec force et avec émotion c'est vrai que quelques jours après le 60ème anniversaire du débarquement de Normandie la force de la relation franco-allemande aujourd'hui apparaît à tous. Les images, les mots qui ont été ceux  du président Chirac et de Gerhard Schröder ont frappé, je crois, très fortement partout dans le monde, en France et en Allemagne. Cela a été des moments de grande émotion et nous y voyons, nous qui y travaillons au quotidien au service du développement de nos relations entre nos deux pays, un encouragement par ce que nous faisons. C'est véritablement ouvrir un chemin pour nos deux pays, bien sûr, pour nos deux peuples, mais au-delà, la volonté de mettre notre ambition, notre volonté, au service des autres peuples européens.

La rencontre d'aujourd'hui est aussi pour moi un moment d'émotion et je tiens, au lendemain de l'attentat de Cologne, dire au peuple allemand, à la fois notre solidarité, notre sympathie vis-à-vis des victimes et de l'ensemble des familles. Cette rencontre part d'un constat simple, d'un côté l'engagement massif qui est le nôtre, fort dans la lutte contre l'insécurité, dans la lutte contre le terrorisme. Nous avons conscience de l'importance de ce combat pour nos propres libertés. Conscience aussi que face à des menaces globales qui existent en matière terroriste, en matière d'insécurité, en matière de trafic en tout genre les seules réponses adaptées sont des réponses globales et collectives. Nous avons donc besoin d'unir nos forces davantage encore et le sens premier de cette réunion avec Otto Schily c'est notre volonté de franchir une nouvelle étape dans la coopération franco-allemande dans tous les domaines concernant la sécurité.

Je voudrais insister sur certains points. Bien sûr le terrorisme, parce que c'est la priorité et la mobilisation principale aujourd'hui face aux risques. Il a souligné l'importance de lutter non seulement contre des individus mais contre des réseaux. La menace terroriste aujourd'hui doit prendre en compte ces organisations, ces groupes et nous devons évidemment avoir une étroite concertation sur ces sujets. De ce point de vue, je veux me réjouir de la décision que nous avons prise de créer un groupe de travail franco –allemand pour être plus efficace face aux islamistes radicaux étrangers dont la présence représente pour nous, pour nos pays une menace grave. Nous serons amenés ainsi à faire des propositions communes concernant les expulsions et la politique d'éloignement de ces étrangers.

Le deuxième grand axe est tout ce qui touche à la coopération policière et transfrontalière, l'adaptation, l'évolution de l'accord de Mondorf de 1997 pour améliorer l'échange de données entre nos deux pays, pour développer les interventions communes et également pour élargir les pouvoirs de poursuites transfrontalières sur nos deux pays. Nous sommes également favorable à ce qu'Europol ait un rôle de centralisation au niveau européen pour la lutte contre la falsification de l'Euro ce qui, pour nous, n'enlève rien au rôle des offices nationaux. Nous avons lancé bien sûr les patrouilles mixtes communes, c'est un élément très fort et un signal très fort pour la coopération dans le domaine des forces de sécurité. Nous voulons accroître la fréquence de ces patrouilles, nous voulons augmenter leur amplitude géographique puisque pour la France ce sont trois départements frontaliers qui vont être concernés et nous voulons également développer leurs objectifs opérationnels, qu'il s'agisse de la lutte contre l'immigration irrégulière ou encore de la lutte contre la criminalité transfrontalière. Sur toutes ces questions, la détermination de la France, de nos pays, est entière. Je souligne qu'en mai 2004, le nombre d'étranger en situation irrégulière que nous avons éloignés de notre pays est d'un peu plus de 1 200 soit une augmentation de 54 % par rapport au mois de mai 2003.

Le dernier domaine, c'est le contrôle des frontières extérieures et là je crois aussi que notre volonté d'agir apporte un nouvel élan et un nouveau sens à la coopération. Nous voulons organiser dans le cadre des centres des frontières terrestres de Berlin et en accord bien sûr avec les pays concernés des opérations communes de contrôle, renforcer le partenariat avec certains Etats et tout particulièrement la Roumanie grâce au détachement d'experts, grâce à des coopérations également étendues à d'autres pays concernés par l'immigration roumaine. Nous voulons enfin travailler ensemble sur nos projets pilotes d'utilisation des données biométriques dans les documents de voyage pour que ces documents soient plus sûrs. Bien sûr notre coopération n'est pas une coopération égoïste, je l'ai dit tout à l'heure, c'est une coopération qui a vocation à s'ouvrir à d'autres partenaires et c'est bien dans cet esprit que nous voulons travailler au sein de notre Europe.

Question en allemand : où en est l'accord de Mondorf ?

Cet accord a été signé en 1997, il doit donc être adapté à la nouvelle réalité de la menace aujourd'hui. Notre souci c'est de pouvoir prendre en compte l'ensemble des paramètres techniques, juridiques, institutionnels, sociaux qui limitent aujourd'hui les échanges en particulier les échanges de données entre nos deux pays. Nous mesurons tous les jours à quel point cette menace qui touche l'Europe est une menace importante qui doit nous mobiliser et qui doit nous permettre d'avoir l'ensemble des outils, consultations de fichiers, échanges de renseignements, en temps réel. Nous avons en particulier en France, dans notre dispositif juridique et institutionnel un certain nombre de limite. Alors, bien sûr, respectueux de l'Etat de droit, respectueux de la sécurité des personnes, il ne s'agit pas de contourner ces grands principes, il ne s'agit pas d'ériger en aucune façon un état d'exception mais il s'agit d'être plus efficace et d'avoir véritablement dans la main les outils indispensables. C'est ce que nous faisons dans le domaine des expulsions d'étrangers puisque nous allons être amenés à adapter notre dispositif par exemple pour faire face à l'appel aux violences contre les femmes, par exemple pour essayer d'harmoniser la jurisprudence dans le domaine administratif de l'expulsion d'urgence absolue. Il y a un certain nombre de verrous qui existent. Nous devons étudier attentivement, avec conscience, le meilleur moyen d'adapter nos dispositifs, nos législations à l'exigence. Ce que nous soulignons ensemble aujourd'hui, c'est la coopération , la rapidité dans cette coopération et la possibilité d'étendre l'échange d'information dans l'ensemble de ces domaines très sensibles qui touchent à l'insécurité et au terrorisme.