09.07.2004 - Assemblée de Corse

9 juillet 2004

Discours de Monsieur Dominique de Villepin devant l'Assemblée de Corse


Monsieur le président de l'Assemblée de  Corse
Monsieur le président du Conseil exécutif
Mesdames et Messieurs les conseillers territoriaux

- Je veux vous dire tout le plaisir que j'ai à être parmi vous cet après-midi.
· C'est la première fois que je m'exprime devant les élus de l'Assemblée de Corse.
· C'est aussi ma première prise de parole, en tant que ministre de l'Intérieur, devant une assemblée territoriale issue des élections du mois de mars dernier. Tout comme j'avais souhaité effectuer en Corse une de mes premières visites, j'ai tenu à m'adresser en priorité à l'Assemblée de Corse
· C'est enfin en qualité d'ami de la Corse que je m'adresse à vous et en qualité d'admirateur du plus illustre des insulaires, qui, par delà l'épopée et les épreuves de la chute, reste le fondateur de la plupart des institutions de notre pays.

- Je salue l'ensemble des élus du suffrage universel que vous êtes. Je me réjouis de voir dans votre assemblée, autant de femmes grâce au principe de la parité. Je souhaite, en Corse comme ailleurs, que les femmes prennent toute la place qui leur revient dans la vie politique.

- Je suis venu vers vous dans un esprit d'échange et d'écoute. Tel est le sens de la rencontre que je viens d'avoir avec le conseil exécutif d'une part et avec les groupes politiques de votre assemblée d'autre part.
· Ces entretiens ont été extrêmement utiles.
· Ils me permettent de mieux comprendre une situation politique qui certes n'est pas simple, mais qui s'est beaucoup clarifiée.

- Je veux rendre hommage au président SANTINI et au président de ROCCA-SERRA. Ils ont, à travers leur expérience de maire, toutes les qualités de gestionnaire et de chef dont la Corse a besoin.
· Je connais leur sens de l'intérêt public et la haute idée qu'ils ont de leur engagement au service de la Corse.
· Je veux dire à chacun mon amitié et mon soutien.
· Je mesure la lourde tâche qui est aujourd'hui la leur.
Soyez assuré que je serai à vos côtés cher Camille de Rocca-Serra et cher Ange Santini pour vous accompagner dans votre mission.

- La responsabilité qui pèse sur vos épaules, mesdames et messieurs les conseillers territoriaux, est très importante.
· Vous représentez la Corse dans sa diversité et sa richesse politique, géographique, sociale et culturelle : la Corse de la montagne, de la côte, de l'en-deça et de l'au-delà des monts, de la châtaigneraie, de la vallée, du village sont autant de visages de la Corse. 
· Mais au-delà de la diversité, ce qui vous réunit, c'est le mandat que vous exercez et la fonction de représentation de la Corse dans sa totalité et dans son unité.

- Je suis venu il y a trois mois, pour une prise de contact avec les nouveaux exécutifs élus, les parlementaires de l'île et les Présidents d'associations des maires :
· Mon souci était de témoigner de la continuité de l'Etat, et de la politique du gouvernement.
· J'avais alors indiqué que je reviendrai avant le 14 juillet, pour aller à la rencontre de la société corse et pour mieux saisir la spécificité insulaire.
· Depuis hier j'ai pu voir sur le terrain le travail des élus, des chefs d'entreprises, des fonctionnaires.
- Tous ces échanges m'ont permis de prendre la mesure de la situation actuelle, ainsi que des attentes des Corses.
· C'est un point de départ essentiel pour fixer les perspectives de travail des années à venir.
· Cette nouvelle étape nous devons l'aborder ensemble dans un triple esprit :
o un esprit de sérénité d'abord, indispensable pour renforcer le dialogue qui nous permettra d'avancer ;
o un esprit de mouvement ensuite pour surmonter les blocages et les incompréhensions ;
o un esprit de volonté enfin, volonté de l'État mais aussi volonté de tous les Corses pour construire l'avenir.

 I. Pour moi, en Corse, il y a une nouvelle donne : aujourd'hui une nouvelle page s'ouvre, une nouvelle chance s'offre à nous pour faire avancer l'île vers le développement et la paix.

1. La nouvelle donne en Corse c'est d'abord le changement administratif et politique.

- Aujourd'hui nos aspirations se rejoignent :
· aspiration légitime des Corses à voir leur spécificité enfin reconnue ;
· aspiration de la République décentralisée à mieux prendre en compte la diversité des régions dans un souci de compréhension et de dialogue.

- C'est un choix clair, votre choix d'une organisation territoriale de l'île à travers la consultation du 6 juillet 2003.
· Premier événement de ce genre, elle a représenté un grand progrès de la démocratie et ouvert la voie à d'autres territoires. Les Corses ont eu la possibilité de choisir et ils l'ont fait en leur âme et conscience.
· La consultation a transcendé les clivages traditionnels de la vie politique corse dans toutes les familles de pensée. Certains peuvent aujourd'hui exprimer des regrets.
· Mais le message est clair, c'est au peuple qu'est revenu le dernier mot. Les Corses ont dit qu'ils ne souhaitaient pas aller au-delà des profondes réformes institutionnelles qui se sont succédées en 1982, 1991 et 2002. Chacun doit désormais respecter les résultats des urnes et s'y conformer : c'est le sens de la démocratie.

- Les élections territoriales et cantonales du mois de mars dernier ont également permis de dégager des majorités de gouvernement dans les deux conseils généraux et à l'assemblée.
· Il appartient maintenant aux assemblées locales et aux exécutifs qui en sont issus de travailler.
o Vous avez Mesdames et Messieurs les conseillers territoriaux, six ans devant vous et nous avons trois années avant les élections nationales.
o Ministres, élus et fonctionnaires, nous sommes tous comptables devant les Corses des résultats que nous obtiendrons.

- La Collectivité territoriale de Corse dispose aujourd'hui des moyens et des compétences d'une collectivité territoriale autonome.
· Je me suis fait communiquer les quatorze décrets d'application de la loi du 22 janvier 2002, qui en fait la collectivité la plus décentralisée de France. Ces textes permettent de mesurer le chemin accompli dans tous les domaines, les infrastructures portuaires, aéroportuaires, les monuments historiques, les forêts, les sites inscrits et les réserves de chasse, les conditions de sortie dégressive de la zone franche. Vous disposez des compétences et désormais aussi des moyens que l'Etat consacrait à l'exercice de ces compétences.
· 9 conventions de transfert de personnels concernant onze ministères, ont été signées ainsi que 4 conventions de mise à disposition de services. Les conventions relatives au transfert des biens, notamment les ports, les aéroports, les monuments, ont également été signées. L'arrêté relatif au transfert des ressources de l'Etat vers la Collectivité territoriale de Corse, conséquence du transfert de charges, vient aussi d'être signé récemment.
· La loi de 2002 a donné lieu à la signature de textes contractuels importants entre l'Etat et la Collectivité Territoriale de Corse : la convention sur le développement de la langue corse et la convention-cadre relative au Programme Exceptionnel d'Investissement.
· Enfin l'Etat, la Collectivité Territoriale de Corse et l'Université de Corte ont passé ensemble un accord important qui régit l'avenir de l'université pour ce qui concerne son fonctionnement, ses bâtiments et ses emplois. Dans tous les domaines relevant du développement et de l'aménagement du territoire, la Collectivité Territoriale de Corse dispose aujourd'hui d'un champ de compétence considérable : il importe maintenant que ces compétences soient pleinement exercées.

Nous disposons aujourd'hui des outils juridiques et économiques qui doivent nous permettre d'aller plus loin.

2. Mais la nouvelle donne en Corse c'est aussi la mobilisation contre la violence : les aspirations des Corses sont claires, comme l'est la détermination de l'Etat.

- Déjà il y a des améliorations :  si l'on compare les six premiers mois de 2003 à ceux de 2004, la délinquance est en baisse de 8% et les attentats de 25%
· L'Etat est là au cœur de sa responsabilité, quand il procède, sous l'autorité de la justice, à des interpellations pour démanteler des réseaux dont on voit bien qu'ils s'adonnent aussi à des trafics de drogue et à des opérations mafieuses.
· Soyez-en convaincus, les services de la police et de la gendarmerie apporteront en Corse comme ailleurs sur le territoire national une collaboration complète à la justice pour identifier les malfaiteurs et les déférer aux juridictions.
· La loi doit s'imposer à tous de la même manière : c'est pourquoi les détenus originaires de l'île, lorsqu'ils ont été jugés et condamnés, doivent bénéficier des mêmes règles, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves, que les détenus du continent. Je vous confirme à cet égard la décision de construction d'une nouvelle prison en Corse du Sud. Des rapprochements sont en cours et se poursuivront pendant l'été comme je l'ai annoncé tout à l'heure à chacun des groupes de votre Assemblée.

- Mais nous ne pouvons nous contenter de ces résultats. Depuis trop longtemps, les Corses sont confrontés à l'instabilité, à un climat délétère, à une violence qui fragilise la vie politique, économique et sociale de l'île.

- Aujourd'hui aucun d'entre nous ne veut accepter cette fatalité. Personne ne peut se résoudre, dans une démocratie moderne, à ce que la violence de quelques-uns défie la volonté du plus grand nombre. C'est le rôle de l'Etat d'affirmer ici comme ailleurs, toute son autorité non pas pour imposer des choix qui, pour l'essentiel, relèvent désormais des élus, mais tout simplement pour faire respecter la loi et assurer le respect des libertés.

- Tous ensemble nous avons besoin de courage, d'ardeur mais aussi de vérité. Oui, regardons en face la vérité des choses, une vérité simple, qui est que la violence en Corse est d'abord la conséquence du banditisme et des dérives mafieuses.
·  Dès lors la réalité apparaît au grand jour : rien ne peut justifier le racket et les intimidations ; rien ne peut justifier la fuite en avant et  les règlements de compte.
· Les enquêtes témoignent à quel point derrière la violence s'abrite le banditisme, quelles que soient les déclarations, quels que soient les mots, que soient ses masques.
·  Chacun connaît désormais son vrai visage : la très grande majorité des actions criminelles qui ont lieu aujourd'hui sont liées à des extorsions de fonds ou a des conflits mafieux que l'on continue de travestir en violence politique : dynamitage de résidences secondaires, atteintes inacceptables aux biens des personnes d'origine immigrée, plasticage des gendarmeries, des bâtiments administratifs de l'Etat et des collectivités territoriales.

- Derrière toutes ces actions, qu'elles soient revendiquées ou non, il y a, Mesdames et Messieurs, une volonté de mainmise sur la société corse, une volonté d'instrumentaliser la peur et de prendre en otage la vie quotidienne des habitants. Les premières victimes de cette violence, ce sont les Corses eux-mêmes!
· Le mitraillage de la gendarmerie de Pietrosella et le tir de roquette contre celle de Cauro, où je me suis rendu tout à l'heure, en témoignent. Aucune cause ne peut justifier de s'en prendre à des femmes et à des enfants ni de mettre en péril la vie de ceux dont la seule vocation est de servir les autres et de les protéger. Il n'y a là qu'aveuglement et mépris de la vie humaine.
· Aujourd'hui, nous le voyons bien, il n'est que d'arpenter les rues de Bastia ou d'Ajaccio, que de rencontrer les hommes et les femmes de cette île pour voir que chacun dit la même chose : assez d'inconscience, assez de violence, assez de douleur.
· Les Corses veulent construire l'avenir, un avenir riche de toutes les promesses de cette terre. Et cette volonté rejoint aujourd'hui celle de chacun dans notre pays, celle de la France, fière d'une si belle île, fière d'une si grande île et qui a toute sa place dans notre République. Elle rejoint également la volonté de l'Etat de tirer toutes les leçons du passé, de refuser ambiguïtés et compromis, dans un même destin.
· C'est bien cette volonté commune qui constitue notre chance. C'est bien cette ambition qui dessine le chemin.

3. Seule la fin de la violence permettra à l'activité économique qui progresse, de prendre toute son ampleur.

Au-delà de ce fléau, la plupart des facteurs qui fragilisent l'économie de la Corse ont été identifiés : les handicaps naturels, qu'il s'agisse de l'insularité ou du relief montagneux, la stagnation démographique, le désordre des titres de propriété et les effets de l'indivision, l'absence de marché intérieur, l'enclavement ou le fort caractère saisonnier de l'activité.

· Depuis deux ans beaucoup a été fait en faveur des entreprises :
o La sortie progressive de la zone franche sur cinq ans pour les entreprises ayant bénéficié de l'exonération totale de l'impôt sur les sociétés ou sur les revenus ;
o La création d'un taux unique de crédit d'impôt de 20% pouvant être cumulé avec le régime des aides "de minimis",
o Un assouplissement du plafond des aides aux entreprises
o Enfin, une réflexion partenariale est engagée sur les outils du financement de l'économie.

· De nombreux points de blocages sont en voie de résolution :
o Le dossier relatif à la question du tabac a fait l'objet d'un accord avec Bruxelles,
o Un plan de désendettement et un plan de relance de l'agriculture ont été amorcés. J'aurai l'occasion d'y revenir.

- Enfin le Gouvernement a engagé un programme exceptionnel d'investissement (PEI): il représente un effort considérable et incarne l'esprit de solidarité nationale.
· Pour faciliter la gestion et la mise en place rapide des crédits, le Gouvernement a crée pour la première fois une ligne fongible unique sur le budget du ministère de l'Intérieur, à laquelle contribuent neuf ministères.
· Initié en 2003 il a d'ores et déjà permis de programmer des opérations pour  140 millions €,  d'engager  des opérations telles que l'acquisition d'autorails, la rénovation des voies ferrées, la construction de l'abattoir de Ponte-Leccia, le collège de Biguglia, des opérations de requalification urbaine et d'assainissement.

-  aujourd'hui, nous voyons des signes réellement  encourageants : la croissance en Corse se maintient, le taux de chômage est en baisse et se rapproche de la moyenne nationale : le différentiel qui était de 4 points en 1998 n'était plus que de 0,6 points en 2003. C'est une très bonne nouvelle, d'autant plus que cette diminution profite en priorité aux moins de 25 ans et aux chômeurs de longue durée.
· Le nombre de créations d'entreprises est de deux points supérieur à la moyenne nationale, grâce à une évolution favorable du marché du crédit aux entreprises et aux particuliers.

- La Corse a su mettre en valeur ses nombreux atouts. En dépit de certaines fragilités, des tendances favorables se dessinent :
· Le BTP, qui est en partie lié au démarrage du Programme Exceptionnel  d'Investissement, est en pleine expansion. La construction est ainsi devenue l'un des principaux moteurs de la croissance de l'économie insulaire.
·  Votre formidable potentiel touristique a permis de dynamiser l'emploi dans les secteurs des transports et du commerce. Vous avez su préserver votre patrimoine ainsi que votre environnement : aujourd'hui ils peuvent être  davantage mis en valeur.
· Vous avez su également tirer profit de la richesse, de l'originalité et de la densité de votre paysage audiovisuel. Dans ce contexte, le lancement de la chaîne de télévision numérique France 3 corse Méditerranée, avec le soutien financier de l'Etat, constitue une initiative forte tant par sa contribution directe au développement que par la modernisation qu'elle entraînera pour l'ensemble du paysage. Elle ne pourra aboutir qu'avec l'implication de votre collectivité territoriale.
· La Corse est aux avant-postes dans les équipements en  technologies de l'information et de la communication.
o La consommation dans ce domaine y est bien plus élevée que sur le continent :  27% des foyers insulaires sont connectés à Internet alors qu'au plan national ce chiffre n'est que de 23,5% ; 34% des ménages bénéficient du moyen débit alors que seuls 17% en disposent sur le continent.
o Ce constat renforce l'opportunité des projets en matière de Technologies de l'Information et de la Communication, avec la perspective de développer un réseau à haut débit permettant un maillage complet du territoire, mais aussi avec l'achèvement de la couverture en téléphonie mobile.
o L'Etat est décidé à contribuer massivement au financement de ces projets d'avenir.

II. Mais je ne me satisfais pas de tout cela. Avec vous, avec les Corses je veux aller beaucoup plus loin, inscrire nos efforts dans la durée et montrer le chemin de la confiance dans l'avenir de l'île.

- Car vous connaissez mes exigences. Car vous savez que je place la Corse très haut dans mes priorités. C'est pourquoi je suis venu vous proposer un nouveau partenariat pour la Corse : l'État républicain est avec vous pour accompagner la Corse vers l'avenir, à travers l'action de tous ceux qui servent la Corse avec détermination, portés par la mémoire et le sacrifice de hautes figures, comme celle  de Fred Scamaroni et de Claude Erignac.

1. Tout d'abord la Corse doit affirmer son vrai visage, au sein de la France et de la République.

 - Je n'oublie pas, en cette période de commémoration de la libération de notre pays il y a soixante ans, que la Corse fut le premier département français à retrouver sa liberté, par l'action conjuguée des résistants et des soldats français. Il faut rappeler ces combats difficiles et acharnés, entre le 9 septembre et le 4 octobre 1943, des combats qui ont ouvert la voie au reste de la Patrie.
· Avant cela déjà, en 1870 comme en 1914, les Corses ont payé un lourd tribut à la défense de la patrie. Jamais nous n'oublierons leur sacrifice.

- Oui, nous devons rendre justice à la Corse et couper court à la tentation de l'assimiler aux dérives de quelques individus qui veulent extorquer de l'argent et imposer leurs lois mafieuses. Rien dans leur comportement ne correspond aux valeurs traditionnelles de la Corse, fondées sur la  vraie fraternité, l'hospitalité ouverte à tous et la générosité.

- L'Etat est à vos côtés pour refuser toute fatalité d'une violence qui trahit l'esprit profond de cette île et de ses habitants : Je sais que la première attente des Corses c'est la paix, la sécurité et la stabilité.
· Et je vous le dis solennellement : l'Etat ne cédera pas au chantage ou à la menace.
· Les délinquants, les terroristes et les criminels seront poursuivis sans faiblesse, quelle que soit leur origine ou leur appartenance. Les enquêtes et les procédures seront menées à leur terme. La justice fera son travail.

- Vous pouvez compter sur moi, vous pouvez compter sur mon attachement à votre terre si singulière et en même temps si nécessaire à l'unité nationale.

2. A l'écoute des Corses, l'Etat veut également apporter tout son soutien aux institutions en place.

- Nous devons renforcer l'équilibre des pouvoirs et permettre aux collectivités locales d'exercer pleinement leurs fonctions, au service de l'intérêt général.
· L'Etat aidera les collectivités locales dans l'exercice de leurs compétences.
o Certes les transferts de personnel, de biens, de services et de ressources au profit de la Collectivité Territoriale de Corse ont eu lieu : ils se sont déroulés sur la base d'échanges d'une grande intensité et d'une grande franchise entre l'Etat et la collectivité.
o Toutefois, l'Etat a en Corse une responsabilité supplémentaire.
o Il s'agit d'aider la Collectivité Territoriale, qui vient de recevoir massivement et subitement des compétences nouvelles, à faire face à la charge exceptionnelle que représente notamment la maîtrise d'ouvrage d'opérations financées par le Programme Exceptionnel d'Investissement.
· Dans cet objectif, l'Etat propose de poursuivre une démarche ambitieuse avec la Collectivité Territoriale de Corse en lui apportant son appui au moyen d'une convention globale  :
o pour établir une cohérence entre toutes les actions engagées ensemble, notamment depuis deux ans
o pour répondre à la demande d'appui en ingénierie formulée par le président du Conseil exécutif, dans le respect du principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales. L'objectif est de lui apporter une aide momentanée pour lancer ceux des chantiers du Programme Exceptionnel d'Investissement dont elle est responsable. Je propose qu'une mission interministérielle permette de déterminer rapidement avec la Collectivité Territoriale de Corse les moyens exacts dont elle a besoin.

- L'Etat a également le devoir de veiller à la collaboration entre les collectivités locales.
· C'est une attente forte des Corses qui ne comprennent pas pourquoi un dossier, sur un sujet identique, est instruit de manière différente en Corse du Sud ou en Haute Corse.
o  Je salue à cet égard l'initiative du président du Conseil exécutif de poursuivre l'action menée par Jean BAGGIONI à l'issue du référendum, et de réunir la conférence de coordination des exécutifs des collectivités.
o Elle sera un préalable utile à la concertation que l'Etat doit avoir avec les collectivités territoriales de l'Ile sur les sujets d'intérêt commun.
· Vous le savez, le renforcement des institutions de la Corse s'inscrit dans un mouvement plus vaste :
o L'Etat est en cours de réorganisation, puisque ses services régionaux vont se regrouper en pôles.
o C'est pourquoi j'ai demandé aux services départementaux de l'Etat de Corse du Sud et de Haute Corse de travailler plus étroitement ensemble.
· Face aux faiblesses de l'intercommunalité nous avons une responsabilité partagée.
o D'une part l'Etat, la Collectivité Territoriale de Corse et les départements doivent aider les petites communes et favoriser leur coopération. Seules, ces communes ne peuvent faire face aux investissements en infrastructures pourtant indispensables à la population, qu'elle soit permanente ou saisonnière. Malgré une situation financière comparable et même parfois plus favorable que celles des communes du continent, elles souffrent souvent d'un problème de taille critique au regard de projets d'ampleur dépassant leurs capacités individuelles.
o D'autre part l'Etat doit aider les communes à regrouper leurs moyens et leurs compétences pour faire face à ces défis : je suis heureux de vous annoncer que vient d'être publié au Journal Officiel le décret permettant d'augmenter jusqu'à 90% le plafond des subventions publiques aux établissements publics de coopération intercommunales (EPCI) à fiscalité propre ou aux communes de Corse membres d'un EPCI, pour le financement d'actions dans les secteurs de l'assainissement, de l'eau potable, de l'élimination des déchets et de la protection contre les incendies.

 3. L'identité historique, linguistique et culturelle de la Corse doit être mieux prise en compte.

- L'histoire de la Corse, c'est d'abord l'histoire de la terre à laquelle sont viscéralement attachés les Corses de l'Ile ou du continent. Ce sentiment d'appartenance est plus fort que partout ailleurs : c'est un atout précieux que nous devons préserver.
· Mais la protection de la terre ne doit pas signifier l'exclusion de ceux qui ne sont pas natifs de l'Ile.
· Elle ne doit pas conduire non plus à renoncer au développement économique.

- Pour protéger la terre il faut organiser la destination des sols et la répartition des activités.
· C'est le rôle du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC). Mais il appartient aux communes d'établir les documents d'urbanisme dont l'absence freine le développement des activités et nuit à la préservation des espaces
· L'Etat est prêt à leur apporter son soutien : établir un plan local d'urbanisme (PLU) n'est en rien contradictoire avec la protection du sol ; c'est au contraire une condition absolue.
· Il faut également sortir de l'indivision en accélérant la reconstitution des titres de propriété. Une mission vient d'être engagée sur ce point.

 
- Le développement de l'agriculture est au cœur de tous les enjeux économiques et écologiques.

· Il nous faut enfin achever le plan de désendettement de l'agriculture en application du protocole du mois de janvier dernier. La mission tant attendue sur la mutualité sociale agricole commencera ses travaux en Corse la semaine prochaine et je m'en félicite.

· Nous devons également appliquer le plan de relance de l'agriculture.
o Pour cela il nous faut favoriser le développement d'une agriculture identitaire de qualité, fondée sur des filières porteuses, telles que la filière caprine, et sur la promotion de nouvelles appellations d'origine contrôlée. 
o Le ministère de l'agriculture, comme il s'y était engagé, a déposé auprès de la Commission européenne un dossier de reconnaissance des handicaps naturels spécifiques que rencontrent les agriculteurs dans 26 communes corses qui ne sont pas classées en zone de montagne.

§ Des échanges techniques étroits ont eu lieu entre l'administration communautaire et le ministère afin que le dossier puisse être examiné au comité STAR le 23 juillet prochain. Je vous confirme que mon collègue Hervé Gaymard rencontrera, avant la fin du mois, des organisations professionnelles agricoles à Paris.

- Enfin, il est essentiel de protéger la forêt et le maquis qui façonnent les paysages et qui font partie de l'âme Corse. Cette forêt et ce maquis trop souvent victimes de mains criminelles. L'Etat a la responsabilité de se doter de moyens de prévention et de lutte contre les incendies. J'ai pu constater à Bastia hier que notre dispositif était plus opérationnel que celui de l'année précédente.

· Nous avons augmenté nos moyens en termes d'hommes et de forces aériennes d'intervention, avec un hélicoptère bombardier d'eau et un hélicoptère léger de surveillance et de commandement supplémentaires.
· La chaîne de commandement a été renforcée puisque le préfet de Corse a désormais la responsabilité de la coordination de l'ensemble des moyens de l'Ile.
· De même je souhaite que soient menés à bien les travaux d'élaboration d'un plan territorial de prévention des incendies. Ce sera la première initiative de ce type dans notre pays. Vous en aviez adopté le principe l'an passé.

- L'identité de la Corse c'est aussi sa langue et sa culture.
· Ce sont des enjeux essentiels, porteurs de dynamisme collectif, y compris dans le domaine économique.
· La revalorisation de la langue et de la culture répondent à une attente forte des Corses.
· Alors que nous défendons la diversité culturelle dans les enceintes internationales, comment comprendre que nous ne la défendions pas sur notre propre territoire ?

- La langue corse doit être protégée et développée, car elle constitue une véritable richesse pour notre pays. Sur une question aussi essentielle je veux vous dire clairement mes convictions.
· Le développement d'une langue, son enseignement, son utilisation sont à mes yeux des signes d'ouverture au monde et non de repli sur soi. Ne faisons pas de la langue un enjeu politique :
o Pouvoir parler une langue, qu'elle soit régionale ou étrangère, c'est créer du lien et non de l'exclusion.
o Parler corse, comme parler breton, basque ou béarnais, c'est exprimer une appartenance, ce n'est pas créer une barrière pour les autres. 
· Les langues régionales bénéficient d'une reconnaissance légale et l'accès aux langues régionales est un droit pour ceux qui le souhaitent.
· L'Etat conduit depuis plusieurs années une politique volontariste de développement de cet enseignement. La signature l'an dernier de la convention entre l'Etat et la Collectivité Territoriale de Corse sur la langue corse en est le témoignage.
o Elle prévoit un enseignement bilingue de trois heures dans les maternelles, les écoles primaires et les collèges dans le cadre de l'horaire normal.
o Elle prévoit également la possibilité pour les lycéens de choisir de continuer à suivre l'enseignement du corse.
o Enfin, elle a pour objectif le développement de l'enseignement bilingue en ouvrant de nouveaux sites et en assurant le recrutement et la formation d'enseignants. Je puis vous assurer qu'elle sera intégralement et scrupuleusement mise en œuvre. L'enseignement du Corse est en voie de généralisation dans le primaire, il est en progression dans les collèges et dans les lycées. Aujourd'hui, tous cycles confondus, ce sont cent enseignants qui assurent ce cours de langue et de culture corse à 40% des élèves.

4. Ensemble nous devons relever le défi de la prospérité et de l'égalité des chances pour la Corse.

- Le Gouvernement, depuis deux ans, veut retrouver l'esprit de mouvement et d'ambition qui seul, au cours de notre histoire, a permis à la Corse d'avancer. Il veut renouer avec la grande ambition des fondateurs de l'aménagement du territoire, en faisant de l'ouverture et du développement de la Corse l'objectif prioritaire de son action.

· La mise en œuvre opérationnelle du Programme Exceptionnel d'Investissement répond bien à cet objectif : donner à l'île les infrastructures qui permettront d'accélérer le développement.
· Les initiatives en cours progressent. Certains n'y trouvent pas toutes les opérations qu'ils défendent. Mais une programmation, c'est un choix. Ce choix doit d'abord être fait dans l'intérêt général de la Corse.

- L'Etat souhaite améliorer la mise en œuvre du Programme Exceptionnel d'Investissement dans trois directions:
· D'une part en exonérant du gel les crédits du PEI ;
· D'autre part en rendant disponibles au plus vite les crédits, afin qu'ils puissent être délégués rapidement au préfet de Corse.
o Dans cet objectif, j'ai obtenu l'accord du Premier ministre pour que la détermination du montant des crédits inscrits sur la ligne unique soit faite dès l'élaboration de la loi de Finances, avant son vote et non par un transfert des crédits des ministères sur le budget de l'Intérieur, une fois la loi votée.
o Cette amélioration, qui permettra également de renforcer le contrôle du Parlement sur les crédits du plan sera mise en oeuvre dès la loi de finances pour 2005.
· Enfin en renforçant la dimension stratégique du PEI.
o  Les collectivités, notamment la Collectivité Territoriale de Corse, doivent faire preuve d'une plus grande sélectivité dans le choix des opérations proposées à l'Etat, afin que soient réalisées en priorité les infrastructures dont la Corse a besoin.
o Nous avons évoqué cette question avec le président SANTINI et j'ai demandé au préfet de Corse de revoir, avec les maîtres d'ouvrage, la programmation des opérations dans cet objectif.

- C'est bien la marque de l'engagement de l'Etat. Chacun doit aujourd'hui en avoir conscience :
· L'effort financier du PEI est assuré à 70% par l'Etat ;
· Cumulé aux crédits du contrat de plan et sans compter les crédits européens, il représente un taux d'investissement très supérieur à celui des autres régions.
· Je puis vous assurer que l'Etat tiendra les engagements qu'il a pris. 

- La prospérité retrouvée par la Corse doit être la prospérité pour tous. En renforçant l'égalité des chances sur l'île :
· Nous rendrons la possibilité pour ceux qui le souhaitent de pouvoir vivre et travailler en Corse, dans le respect de leur identité
· Nous rendrons la possibilité pour la jeunesse qui le souhaite de rester en Corse, de s'y établir et d'y construire son avenir professionnel, mais aussi de s'ouvrir sur l'Europe et sur nos voisins de Méditerranée.
· Pour cela nous devons avancer dans trois directions :

- D'abord, en prenant davantage en compte la première spécificité de la Corse : son positionnement géographique et son relief. La Corse doit être mieux intégrée dans les politiques européennes.
· Le projet de constitution européenne exige qu'une attention particulière soit accordée aux régions de montagne et aux régions insulaires, en particulier dans le domaine de la cohésion économique, sociale et territoriale.
· Alors que la nouvelle Commission européenne s'apprête à définir sa politique européenne, je puis vous assurer de la détermination du Président de la République et du Gouvernement afin que ces dispositions puissent trouver une application concrète pour la Corse.

- Ensuite en relevant ensemble le défi de l'aménagement du territoire de la Corse. J'invite la Collectivité Territoritale de Corse, les autres collectivités territoriales et les acteurs socio-économiques à travailler dès la rentrée à l'élaboration d'un projet de loi d'aménagement et de développement de la Corse. Mettons en œuvre de manière concrète et pratique les nouvelles dispositions de la Constitution et de la loi de 2002.
· Ce texte pourra s'appuyer notamment sur le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) en cours d'élaboration.
· Il pourrait proposer des mesures permettant de lever tous les obstacles juridiques et techniques au développement, dans tous les secteurs où de tels blocages subsistent, qu'il s'agisse de l'agriculture, de l'aide aux communes, de l'urbanisme et de l'aménagement de l'espace.
o Les collectivités pourraient alors proposer au Gouvernement des adaptations législatives par la voie de l'expérimentation désormais rendue possible par la révision de la Constitution.
o Des groupes de travail réfléchissent à l'ensemble de ces questions, certains depuis deux ans.
· Je propose que l'Etat et la collectivité territoriale engagent l'élaboration de ce texte, que l'Assemblée de Corse et les conseils généraux s'en saisissent afin d'aboutir à un projet sur lequel le Conseil des ministres se prononcerait fin 2005.

- Enfin, nous devons avancer sur  deux questions qui sont au cœur de l'égalité des chances en Corse : l'organisation de la formation et des services publics.
· Concernant l'éducation et la formation, il est essentiel que les jeunes Corses aient la possibilité de suivre des cursus variés dans l'île.
o C'est dans cet objectif que la convention entre l'Etat, l'université de Corte et la Collectivité Territoriale de Corse a été signée. Elle sera appliquée et les postes d'enseignants chercheurs annoncés seront financés.
o De la même manière l'Etat prendra à sa charge la construction du bâtiment définitif de la bibliothèque de l'Université. 
· Concernant les services publics, cette question est essentielle en Corse au regard de sa  géographie mais aussi de sa répartition démographique.
o Quatre départements font aujourd'hui l'objet d'une expérimentation conjointe de l'Etat, des collectivités locales et des grands opérateurs.
o La méthode est empirique : elle laisse une  grande marge de manœuvre aux acteurs locaux pour mieux identifier les besoins, adapter les réponses, et tester toutes les possibilités pour assurer un meilleur maillage des services publics, sans remettre en cause leur modernisation.
o Cette expérimentation dont les résultats sont globalement positifs sera étendue à la rentrée à une dizaine de départements supplémentaires dont ceux de la Corse du Sud et de la Haute Corse.

Mesdames, Messieurs

Oui, quelque chose a changé en Corse : aujourd'hui nous avons un rendez-vous à ne pas manquer. Et je veux vous dire mon espoir.

Ici, sur cette terre de Corse, vibre avec une force sans égale notre histoire commune, notre histoire de France. Forts de cet héritage qui nous guide, nous allons construire ensemble l'avenir de la Corse.

Longtemps vous avez pu avoir le sentiment de n'être pas entendus, pas écoutés. Il y a eu des incompréhensions, des malentendus, des échecs. Nous en avons tiré les leçons, pour être à la hauteur de ce qui est au cœur même de notre République, à la hauteur de nos valeurs, de nos principes, de nos idéaux communs.

Aujourd'hui une chance unique s'offre à nous, à portée de main. Une chance pour la Corse d'accomplir son destin, d'avancer vers la modernité. C'est bien cette chance, cette confiance, cette modernité que nous devons partager dans la République.

Hier à Bastia, ce matin à Ajaccio, j'ai croisé le regard de la Corse, de Françaises et de Français fiers de leur terre, fiers de la France. Ici comme sur le continent, ici il y a un rêve français, un rêve vivant, un désir de France qui me touche profondément. Cette France généreuse, solidaire, fraternelle, ouverte et respectueuse de la diversité de tous ses enfants, est pour nous tous un devoir de chaque jour.

Aussi, permettez-moi de vous dire du fond du cœur :  la France attend beaucoup de vos efforts, la France attend beaucoup de votre mobilisation. La France a besoin de vous, de chacun de vous, pour rester la France, pour être la France. Tous ensemble.

Je vous remercie.