07.03.2005 - Présentation de la base de données sur le terrorisme avec François Heisbourg

7 mars 2005

Allocution de Dominique de Villepin, Ministre de l'Intérieur, de la Sécurité Intérieure et des Libertés Locales


Je veux d'abord remercier François Heisbourg qui vient de nous présenter sa base de données sur les actes terroristes.

Face à cette menace, je veux réaffirmer ma conviction : la démocratie constitue notre meilleure arme, notre meilleur atout. L'objectif des groupes terroristes c'est précisément de nous pousser à renoncer à nos principes.  Or le jour où nous renierons ces principes, nous aurons commencé à perdre la bataille.

Défendre nos principes c'est avant tout renforcer notre pacte national : car la lutte contre le terrorisme est l'affaire de tous.  Le travail des gouvernements et des services spécialisés est bien sûr indispensable. Mais ils doivent pouvoir s'appuyer sur la vigilance et la détermination de tous nos concitoyens.

La base de données sur les actes terroristes vise justement à mieux associer l'ensemble de nos concitoyens, à travers un double souci de transparence et de protection :

  •  Elle fournira des informations précises et fiables sur la réalité de la menace.
  •  Elle constituera une référence solide, face à un fléau qui suscite l'inquiétude des Français.

1. C'est d'autant plus nécessaire qu'aujourd'hui le terrorisme reste une menace réelle.

  •  Il s'appuie sur une chaîne opérationnelle :

· Avec un courant idéologique radical, notamment autour de la mouvance salafiste, qui entretient la haine et appelle au djihad ;
· Avec des camps d'entraînement dans certains pays en proie au désordre par le passé, en Bosnie, en Afghanistan, comme en Irak actuellement ;
· Avec enfin des filières de recrutement pour embrigader des personnes souvent jeunes et les conduire dans ces camps d'entraînement. De telles filières existent en France, comme l'a prouvé le démantèlement par la Direction de la Sûreté du Territoire il y a quelques semaines de l'une d'entre elles, liée à une mosquée du XIXème arrondissement de Paris.
· A partir de cette chaîne s'organise une véritable répartition des tâches entre les prédicateurs, les organisateurs et les poseurs de bombes.

  •  La menace est d'autant plus préoccupante que le terrorisme a considérablement changé.

· Dans son organisation d'abord : organisé en petits groupes autonomes reliés entre eux par des ramifications mouvantes, le terrorisme est d'autant plus difficile à appréhender. Il y a sur le territoire européen des cellules composées d'individus bien intégrés dans nos pays, connaissant notre langue, notre culture. Elles restent souvent en veille pendant des mois avant de passer à l'action : c'est l'exemple des attentats du 11 mars en Espagne.
· Dans ses méthodes ensuite : les groupes terroristes ont prouvé leur intention d'accéder à des armes de destruction massive, notamment chimiques et biologiques, afin d'accroître l'effet masse de leur capacité de destruction ;

  •  L'objectif des terroristes est d'avoir toujours un temps d'avance sur nous : c'est pourquoi il est si important d'adapter en permanence nos armes. J'ai donc pris des décisions majeures depuis mon arrivée au Ministère de l'Intérieur pour renforcer l'exigence de la coordination :

Au plan national :
· J'ai réactivé le Comité de Lutte Anti-terroriste pour la première fois depuis 2001 ;
· J'ai créé le Comité du Renseignement Intérieur, qui réunit chaque mois, sous mon autorité, les directeurs des services de renseignement : ce conseil a d'ores et déjà permis d'améliorer leur coopération et de fixer les grandes orientations stratégiques. Nos services sont donc aujourd'hui plus réactifs devant l'évolution des menaces ;
Au plan régional :
· J'ai créé des pôles régionaux de lutte contre l'islamisme radical, afin que les services de renseignement coordonnent mieux leur action sur l'ensemble du territoire. Après le pôle d'Ile-de-France créé en avril dernier, les différents pôles se mettent en place, comme à Marseille très récemment, sur la base de la circulaire que j'ai fait parvenir aux préfets en janvier.
En ce qui concerne les moyens :
· J'ai créé le centre des technologies de la sécurité intérieure afin de doter l'ensemble des services des outils technologiques les plus performants.

2. La base de donnée qui vient de vous être présentée sera un atout essentiel.

- Elle répond à un impératif d'information de chaque citoyen, un impératif d'autant plus important que dans des périodes de tensions le manque d'information constitue un risque. Cette base de données constitue donc une protection face à toute tentative de manipulation.

- J'ai confié son élaboration à un organisme indépendant, la Fondation pour la recherche stratégique. Sa mise en place a été pilotée par François Heisbourg, dont l'expertise dans ce domaine est connue de tous. Je veux rendre hommage à la qualité de son travail.

- Ce site n'a pas vocation à constituer un instrument d'évaluation de la menace :
· La définition du niveau de la menace reste de la seule compétence du Président de la République et du Premier Ministre, sur proposition du Ministre de l'Intérieur ;
· Elle est définie notamment par le niveau d'alerte du plan Vigipirate et les différents dispositifs de surveillance et de protection qui sont associés.

3. La menace terroriste s'inscrit dans la durée : nous devons donc poursuivre patiemment et constamment notre effort d'adaptation.

  •  A Lyon, j'ai fait des propositions pour accentuer la lutte contre le bio-terrorisme :

· D'abord, la constitution d'une base de données européenne et internationale : elle permettra d'établir une cartographie des laboratoires sensibles, mais aussi un réseau d'alerte pour les vols, les disparitions et les transactions suspectes de produits sensibles, ainsi que les groupes ou d'individus qui doivent faire l'objet d'une vigilance accrue, parce qu'ils ont tenté de s'approprier des agents sensibles.
· Ensuite, la mise en place d'un centre de veille et d'alerte placé sous l'autorité de l'ONU : il serait saisi pour toute commande de produit suspecte et travaillerait en étroite liaison avec l'OMS pour signaler tout risque de contamination.
· Enfin, nous devons mieux articuler les scénarios de réaction entre les pays de l'Union européenne, afin de coordonner notre riposte et pouvoir appuyer un pays frappé par une attaque de type biologique par exemple.

  •  Nous allons élaborer, sur la demande du Président de la République et du Premier Ministre, un Livre blanc sur la sécurité intérieure face au risque terroriste.

· Ce travail devra s'étendre sur toute une année, sous ma responsabilité ;
· Il permettra de définir une doctrine globale en matière de sécurité intérieure face à la menace terroriste, en intégrant tous les aspects : la lutte anti-terroriste, les capacités de protection des populations ainsi que les capacités de secours et de réponse sanitaire. Il devra également associer l'ensemble des acteurs et des ministères concernés.
· Cette doctrine pourrait ensuite servir de contribution à l'élaboration d'une véritable doctrine européenne de réponse au terrorisme, dans le prolongement des décisions du Conseil européen de mars 2004.

  •  Enfin je souhaite créer un Conseil Scientifique du Ministère de l'Intérieur :

· Il pourrait réunir les représentants de l'Etat, des collectivités locales, des Instituts de Recherche et des personnalités qualifiées ;
· Il aurait pour mission de conseiller et d'orienter les choix du Ministère en matière de recherche et de développement dans la lutte antiterroriste.

Mesdames, Messieurs,

Le terrorisme met à l'épreuve davantage que notre sécurité : notre détermination à défendre nos valeurs, notre confiance dans un projet politique commun. 

C'est pourquoi la réponse au terrorisme ne peut se limiter à la mobilisation de nos services de renseignement. Elle exige une mobilisation de tous à partir d'une prise de conscience collective :  c'est tout le sens de cette base de données.

Notre sécurité dépend avant tout de notre capacité à nous unir, en France, comme en Europe et dans le monde. Une fois encore, j'en suis convaincu, la démocratie est notre meilleur atout.

Je vous remercie.