02.11.2004 - Présentation du budget 2005

2 novembre 2004

Allocution de Dominique de VILLEPIN


Mesdames, Messieurs

Je suis heureux d'être parmi vous afin de vous présenter le budget du Ministère de l'Intérieur pour 2005. Vous le savez, nous sommes à un tournant dans la politique de sécurité de notre pays.

I. Je veux renforcer l'autorité de l'Etat:

C'est une attente forte de nos concitoyens. Même si des progrès considérables ont été réalisés dans le domaine de la sécurité depuis plus de deux ans, nous devons rester mobilisés. Trop souvent encore nos valeurs fondamentales sont bafouées par des gestes, des paroles ou des comportements qui mettent en danger notre cohésion nationale.
A l'école, dans les quartiers difficiles, face au communautarisme l'Etat doit affirmer et défendre nos principes : l'égalité, la laïcité, la tolérance et le refus de toutes les discriminations.

1. J'entends amplifier la lutte contre l'insécurité:

Depuis le début de l'année la délinquance générale a baissé de plus de 4% ; la délinquance de voie publique a reculé de plus de 8% : ce sont 130.000 victimes de moins qu'en 2003.

Nous avons également obtenu des résultats significatifs dans la lutte contre des violences particulièrement graves et difficiles à traiter. Les violences aux personnes d'abord, que nous avons réussi à stabiliser depuis deux mois. Ensuite les violences racistes et antisémites : notre mobilisation  commence à porter ses fruits, puisque depuis trois mois nous avons enrayé la hausse constatée depuis le début de l'année 2004.

2. Je veux maintenant m'attaquer aux poches de résistance de la violence, avec trois priorités :

Ma première priorité sera d'ancrer ces résultats dans la durée : pour cela je veux agir en amont afin de détecter ces comportements le plus tôt possible et d'empêcher les dérives, à travers une politique plus efficace envers les primodélinquants et les réitérants : ce sera l'objet du projet de loi sur la prévention de la délinquance que je prépare avec le Garde des Sceaux.

Deuxième priorité : lutter plus efficacement contre la criminalité organisée. Dans ce combat, nous devons changer d'échelle. C'est pourquoi j'ai voulu renforcer notre réponse dans deux directions : tout d'abord, contre des organisations qui exploitent tous les modes d'actions nous devons agir avec une plus grande synergie de tous les services compétents. C'est ce que j'ai demandé aux GIR en septembre dernier. C'est aussi ce que nous allons mettre en place au sein d'un Comité Opérationnel de Lutte contre les Trafics. Ensuite nous devons mieux exploiter l'arme financière pour asphyxier les réseaux mafieux : dans le cadre du chantier de la Lutte contre la drogue j'ai retenu la proposition de Jean-Luc Warsmann de créer une Cellule d'Identification des Patrimoines qui nous permettra de multiplier les saisies en France mais aussi à l'étranger.

Ma troisième priorité c'est de mieux protéger les Français face aux nouvelles menaces. Nous ne pouvons pas continuer de lutter contre le terrorisme avec des méthodes d'avant le 11 septembre. C'est pourquoi j'ai ouvert un chantier sur ce sujet.  L'étape de  la réflexion est désormais terminée et les nouveaux outils ont été mis en œuvre. J'ai décidé la création du Comité du Renseignement intérieur et la modernisation des instruments technologiques : nous avons débloqué 12 millions d'euros pour cet objectif.

3. Je veux enfin faire de l'Europe un axe fort de ma politique.

Ma conviction c'est que l'Europe constitue une formidable chance pour renforcer la sécurité des Français. C'est pourquoi j'ai fait au cours des derniers G5 un certain nombre de propositions dont la plupart ont été acceptées.

Dans la lutte contre les trafics de stupéfiants nous allons mutualiser nos moyens pour couper les routes de la drogue. Des officiers de liaison européens seront envoyés dans les pays producteurs d'Amérique latine, du Moyen-Orient et d'Asie pour aider les forces de sécurité locales. Nous allons installer des plate-formes communes sur la façade Atlantique et dans les Balkans afin de renforcer les contrôles aux portes de l'Europe.

Dans la lutte contre le  terrorisme la création d'un poste de coordonnateur pour le contre-terrorisme constitue une première étape. Au G5 de Sheffield, nous sommes convenus à mon initiative d'échanger systématiquement nos listes d'islamistes radicaux ayant fréquenté des camps d'entraînement.

Dans la lutte contre l'immigration irrégulière nous allons renforcer les contrôles aux frontières et au sein de l'espace Schengen. Nous voulons également mutualiser nos moyens en matière de reconduites des étrangers en situation irrégulière. L'Europe doit enfin développer une politique de coopération beaucoup plus ambitieuse avec les pays d'origine.

Bien entendu cela implique que chaque pays, à son échelle, se donne les moyens de lutter activement contre l'immigration illégale. C'est ce que nous faisons, avec une augmentation de 60% des reconduites aux frontières depuis le début de l'année. Nous avons également fait de l'augmentation des places en centres de rétention une priorité dans notre budget : 1 million d'euros y avaient été consacrés l'année dernière, cette année ce seront 33 millions.

II. Le budget de mon Ministère témoigne de la volonté du gouvernement de poursuivre la mobilisation en faveur de la sécurité.

Le budget total du Ministère de l'intérieur sera, en 2005, de 13 milliards 498 millions d'euros et progressera de 3,2 % par rapport au PLF 2004. Hors collectivités locales et hors crédits consacrés aux élections, il s'élèvera à 10 milliards 657 millions d'euros, soit une augmentation de 4,14 %.

1. Ce budget me permettra d'abord de mobiliser les hommes et les femmes qui s'engagent au quotidien pour la sécurité des Français.

Nous avons besoin de fonctionnaires plus responsabilisés : c'est pourquoi j'ai engagé la réforme des corps et carrières au sein de la Police Nationale qui va profondément transformer le visage et l'action de cette institution. L'encadrement sera restructuré à tous les niveaux ; les niveaux généraux de qualification seront relevés ; une gestion plus rigoureuse du temps de travail nous permettra de progresser sur le plan opérationnel. Le coût de la réforme s'élèvera à plus de 71 M€ l'année prochaine, dont 49,83 M€ au seul titre de la tranche 2005.
 
Je veux ensuite des fonctionnaires plus nombreux dans les secteurs prioritaires comme la police aux frontières, le renseignement, la police technique et scientifique : 1000 emplois seront créés l'an prochain, répartis en 500 emplois de policiers actifs et 500 emplois de personnels administratifs, scientifiques et techniques. Afin d'éviter la dispersion des moyens, je veillerai à une répartition objective et transparente des effectifs sur le territoire, en la fondant sur des critères affichés et incontestables.
 
Dans la lutte contre l'insécurité, je compte m'appuyer aussi sur des fonctionnaires plus motivés : nous allons doubler le montant accordé à la prime de résultat qui atteindra 10M€ en 2005. Par ailleurs la réforme des corps et carrières a permis d'ouvrir pour les gardiens de la paix, de nouvelles possibilités de promotion.
 
Enfin, je ferai en sorte que les fonctionnaires de police soient mieux considérés : c'est pourquoi j'ai favorisé le développement de l'action sociale, notamment à travers une progression de 37% des crédits destinés au logement des fonctionnaires.

2. Pour aller plus loin, je veux doter la police nationale des moyens opérationnels nécessaires à ses missions.

Nous allons mettre en œuvre la troisième tranche de la LOPSI : à la fin de l'année 2005, 68% des crédits prévus sur la période 2003-2007 auront ainsi été ouverts. Ces crédits seront d'abord consacrés à mieux équiper nos services, avec notamment 31 000 pistolets SIG SAUER, 10 000 gilets pare-balles, 25 000 uniformes et 1 300 tenues NRBC. Ensuite, la passation du nouveau marché permettra d'accélérer le programme ACROPOL qui sera achevé fin 2006. Enfin, pour mettre un terme aux difficultés que j'ai pu constater à l'occasion de mes déplacements sur le terrain, les crédits immobiliers progresseront de plus de 9% : nous atteindrons l'année prochaine les 100 000 m2 de mises en chantier.
 
L'attribution de ces moyens nouveaux ne nous empêchera pas, bien au contraire, de faire des économies de moyens. D'abord, j'ai souhaité amplifier l'externalisation des fonctions de réparation et d'entretien des véhicules. Nous nous situerons à 30% à la fin de cette année. Ensuite nous allons rationaliser notre organisation territoriale. J'ai confié pour cela une mission de réflexion à l'Inspection Générale de l'Administration (IGA) et à l'Inspection Générale de la Police Nationale (IGPN) : j'attends les conclusions pour la fin de cette année. Enfin nous allons réaliser des économies d'échelle grâce à la passation de marchés communs avec la gendarmerie, comme nous l'avons fait pour le marché des menottes ou du nouveau pistolet SIG SAUER. 

III. Ce budget doit également nous permettre de poursuivre nos efforts en matière de réforme et de modernisation de l'action publique.

1. L'administration territoriale doit aujourd'hui s'adapter aux exigences de nos concitoyens en tirant profit des progrès technologiques.

Ma stratégie de réforme est claire : elle s'appuie sur l'outil informatique et, plus précisément, sur la mise en œuvre de deux projets de simplification et de sécurisation. Premier projet :  l'identité nationale électronique sécurisée (INES), qui va  refondre complètement nos documents d'identité et de nationalité.  Je présenterai un projet de loi au conseil des ministres avant la fin de cette année. Second projet, le système d'immatriculation des véhicules (SIV), dont le cahier des charges devra être achevé au cours du premier trimestre 2005.

2. Au-delà de ces objectifs j'entends entreprendre une véritable stratégie ministérielle de réforme dans tous les domaines d'action de mon Ministère :

Cette stratégie concerne d'abord les préfectures et les sous-préfectures, qui seront amenées à effectuer de moins en moins de tâches de guichet : nous allons donc progressivement supprimer des emplois d'exécution, en commençant dès l'année prochaine avec la suppression de 116 emplois dans les préfectures et de 30 emplois en administration centrale. Les préfectures et les sous-préfectures pourront ainsi se concentrer sur des missions à plus forte valeur ajoutée : animation interministérielle au plan local, conseil, contrôle. Nous adapterons en conséquence le niveau des postes et des qualifications.

Ensuite l'action du corps préfectoral à la tête de l'administration déconcentrée de l'État devra profondément évoluer, à l'échelon régional et départemental. J'ai d'ores et déjà confié de nouvelles prérogatives au préfet de région pour en faire un véritable animateur de l'action des représentants de l'État au niveau régional. En regroupant autour de son autorité les services de chacun des huit pôles régionaux nous parviendrons à une plus grande mutualisation de nos moyens et à une meilleure visibilité de l'action de l'Etat. Sur le plan départemental, je soumettrai au Premier Ministre un plan de réorganisation à partir des propositions qui m'ont été transmises par l'ensemble des préfets. Cette réorganisation pourrait intervenir au tout début de l'année 2005. Nous devrons sans doute réviser la carte territoriale des arrondissements afin de mieux l'adapter aux nouveaux modes d'administration du territoire.

Enfin, une évolution de notre patrimoine immobilier s'impose. Cela implique, entre autres, que toutes les préfectures soient dotées, comme je l'ai demandé, de salles opérationnelles.

3. Pour adapter l'action de l'Etat aux attentes de nos concitoyens, je souhaite professionnaliser la gestion des crises.

 C'est pourquoi, en 2005, le budget de la sécurité civile progressera de 20 %. 47 emplois supplémentaires seront créés en faveur du groupement des moyens aériens et des états majors des zones de défense. Il y a très longtemps que de telles créations d'emplois en faveur de la sécurité civile n'avaient pas eu lieu. J'ai veillé à ce qu'elles soient compensées par des suppressions d'emplois dans d'autres domaines d'intervention de mon département ministériel.

J'ai voulu, par ailleurs, réaliser un important effort d'investissement pour moderniser nos moyens d'intervention. Nous ferons donc l'acquisition, en 2005, de deux avions gros porteurs DASH 8Q400, grâce à une mesure nouvelle de 38,4 M€.
 
Au-delà du renforcement de son propre dispositif, l'État aidera aussi les collectivités locales. Le fonds d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours (FAI) progressera de 42,7% en crédits de paiement. Par ailleurs l'Etat fera un effort particulier en direction du volontariat, qu'il faut consolider et fidéliser : il financera donc à hauteur de 20 M€ une part des cotisations de leur avantage retraite.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,

Le projet de budget que je vous ai présenté nous permet de répondre à une double exigence : le respect scrupuleux des engagements pris devant nos concitoyens et la poursuite d'une modernisation en profondeur de l'État. A travers les importants moyens nouveaux qui me sont donnés, il traduit la volonté claire du gouvernement d'amplifier sa politique en faveur de la sécurité des français.

Mais ce budget nous oblige aussi : forts de ce soutien, il nous appartiendra à chaque instant de veiller à une utilisation optimale des crédits qui nous sont alloués et d'agir comme un acteur exemplaire de la réforme de l'État.
Je vous remercie.