Mardi 25 mai 2010, Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, est intervenu à trois reprises à l'occasion de la séance de questions d'actualité au gouvernement à l'Assemblée nationale.
Il a répondu aux députés Perben et Fabius, sur la réforme des collectivités territoriales, et au député Benisti, au sujet de la fusillade survenue à Villiers-sur-Marne, le jeudi 20 mai.
Dominique Perben, UMP - Rhône
Merci, Monsieur le Président. Monsieur le ministre de l'Intérieur nous allons débuter en fin d'après-midi, le débat sur la réforme des Collectivités territoriales et je voudrais d'abord souligner le fait que cette réforme a été préparée pendant plusieurs années de réflexions, de débats et de concertations. J'y ai pour ma part largement participé, en particulier dans le cadre du comité présidé par Monsieur Edouard Balladur. Je voudrais aussi rappeler les travaux menés à l'unanimité, les conclusions avaient été adoptées à l'unanimité, par la Commission des Lois de l'Assemblée Nationale préparées par Jean-Luc Warsmann. Tout cela été étudié, les réflexions ont été menées, elles étaient très largement consensuelles. Et je regrette personnellement qu'après un constat largement partagé, au moment où les décisions doivent être prises, il y ait effectivement d'un côté l'immobilisme et de l'autre le mouvement. Je voudrais rappeler que cette réforme apporte d'abord un plus démocratie dont nos structures intercommunales ont besoin, car on ne peut pas lever l'impôt sans une élection au suffrage universel. Plus de démocratie. Une organisation intercommunale plus efficace, de façon à ce que nos 36.000 communes, l'ensemble des Français savent bien quelles sont trop nombreuses, eh bien puissent être au travail d'une manière collégiale et d'une façon plus efficace. Ensuite, nous devons mettre en place mes chers collègues, une gouvernance urbaine de qualité, adaptée au 21ème siècle. C'est un enjeu international de dimension très importante. Et enfin, je pense indispensable que nous ayons enfin une cohérence entre régions et départements pour faire des économies. Pour faire en sorte que la Dépense publique dans ce pays puisse baisser. Parce que nous devons faire des efforts au niveau de l'Etat, au niveau de nos structures sociales et aussi au niveau des collectivités locales.
Brice Hortefeux, Ministre de l'Intérieur
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le Ministre Dominique Perben. Vous avez raison, Monsieur le Ministre, la réforme des collectivités territoriales est un rendez-vous toujours très important pour notre pays. Nous allons en débattre au terme d'un travail de préparation très approfondi, vous l'avez dit vous-même, de concertations qui ont été très poussées et d'une réflexion se fondant sur les travaux du Comité d'Edouard Balladur auquel vous avez participé très activement et je voudrais en profiter pour remercier aussi le président de la Commission des Lois Jean-Luc Warsmann pour le travail qui a été réalisé dans le cadre de ces travaux. Cette réforme a l'ambition de répondre à un triple défi. D'abord le premier défi, c'est celui de la simplification. Nous voulons en fini avec la fragmentation du paysage institutionnel, nous voulons que notre organisation territoriale soit plus lisible, plus facile, plus accessible à nos concitoyens. Le deuxième défi, c'est celui de la performance des territoires. Nous avons besoin d'une organisation plus efficace, c'est l'enjeu de l'émergence à laquelle vous êtes très attentif, des grandes métropoles. C'est aussi l'enjeu du renforcement de l'intercommunalité et du nouveau couple région / département, grâce à l'instauration des conseillers territoriaux. Enfin, le troisième défi, c'est celui d'une plus grande maîtrise de la dépense locale. Les collectivités locales doivent prendre leur part dans l'effort collectif de redressement de nos finances publiques. Donc vous le voyez, nous proposons de manière apaisée, pragmatique et concrète, une réforme qui nous permettra de rénover la décentralisation en modernisant notre pays.
Laurent Fabius, Député SRC (Seine-Maritime)
Monsieur le Premier ministre, Monsieur Alain Rousset, député et président de l'Association des régions de France, a posé il y a quelques instants une question sur la réforme territoriale et ce n'est pas faire injure au talent de monsieur le secrétaire d'Etat que de dire qu'il est passé largement à côté du problème. Le problème quel est-il ? C'est que nous avons en France à la fois un énorme surendettement et un énorme sous-investissement. Et dans les deux cas, surendettement et sous-investissement, c'est l'Etat qui en est le seul responsable, les collectivités locales ne portent aucune responsabilité. (Applaudissements sur les bancs de l'opposition). En matière d'endettement, nous savons tous sur ces bancs que les collectivités locales ne peuvent pas être en déficit de fonctionnement. En matière d'investissement, nous savons tous sur ces bancs que les collectivités locales assurent 75% de l'investissement. Et qu'est-ce que vous décidez ? C'est de rendre beaucoup plus difficile le financement des collectivités locales. C'était vrai avec les mesures prises les années précédentes, c'est vrai dans les dispositions de la réforme territoriale où il s'agit essentiellement d'une opération électorale, d'une centralisation et d'une difficulté financière plus grande. Et c'est vrai avec la décision que vous avez annoncée d'amputer au cours des trois qui viennent les dotations. La conséquence, nous le savons tous, c'est qu'il y aura moins d'investissements, plus de faillites des entreprises de travaux publics, plus de difficultés pour les services publics locaux, plus de difficultés fiscales. Mesdames et Messieurs les Députés, le pays a suffisamment de difficultés - surendettement, sous-investissement - pour qu'on n'y ajoute pas en plus une erreur de politique en taxant durement les collectivités locales. C'est la raison pour laquelle, Monsieur le Premier ministre, je vous demande de renoncer à cette erreur et même à cette faute contre l'avenir.
Brice Hortefeux, ministre de l'Intérieur
Monsieur le Premier ministre, Laurent Fabius, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le Président. J'ai écouté votre question, attentif à l'expérience qui est la vôtre. Vous êtes devenu Premier ministre, voici 26 ans, en succédant à Pierre Mauroy qui avait fait voter les premières lois de décentralisation. Et je vous le redis avec beaucoup de solennité, les principes de la décentralisation ne sont évidemment pas remis en cause par le gouvernement et la majorité, c'est désormais le socle de l'organisation territoriale et c'est d'ailleurs prévu par la Constitution. Personne, je vous le dis, Monsieur le Premier ministre, ne songe à remettre en cause, à engager je ne sais quel mouvement de recentralisation. Personne ne propose de rétablir la tutelle, personne n'envisage de retirer aux élus locaux des pouvoirs d'action et d'intervention. Mais qui peut sérieusement croire qu'en 25 ans, qu'en un quart de siècle, rien n'aurait changé ? Ne faites pas semblant de croire que l'enchevêtrement des compétences, la confusion des responsabilités, l'empilement des structures sert l'intérêt national et l'intérêt des Français. Vous ne pouvez pas, vous évoquiez les dépenses, vous ne pouvez pas faire ignorer non plus que les dépenses des collectivités locales bien au-delà de ce que la décentralisation imposait dépassent très largement ce qui était nécessaire. Elles étaient à 7,3% du PIB en 1980, elles sont à 11,9 du PIB aujourd'hui. Alors, oui, je vous le dis, c'est l'honneur et le courage du gouvernement que d'engager un mouvement de clarification et de simplification en traitant de l'allégement effectivement, en encadrant les cofinancements qui sont coûteux. En vérité, votre position est très simple, ce n'est rien faire, ne rien changer, ne rien bouger, ne rien imaginer, ne rien s'adapter ! Et la vérité c'est qu'au-delà des mots vous êtes l'expression du conservatisme tandis que nous nous sommes l'expression du mouvement et de la réforme !
Jacques-Alain Bénisti, député-maire UMP de Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne)
Merci, Monsieur le président. Ma question s'adresse à Brice Hortefeux, ministre de l'Intérieur. J'associe Jean-François Copé à celle-ci. Monsieur le ministre, jeudi dernier vers 09h30, Aurélie Fouquet et Thierry Moreau, policiers municipaux dans ma ville de Villiers-sur-Marne, effectuaient leur patrouille de surveillance quand ils interviennent sur ce qu'ils pensent n'être qu'un simple accrochage sur la voie publique. Surgit alors d'une camionnette trois individus cagoulés, armés de Kalachnikov qui offrent, qui ouvrent le feu dans leur direction, criblant leur véhicule d'une trentaine de balles. Thierry Moreau est blessé à l'épaule et découvre sa jeune collègue, Aurélie Fouquet, atteinte de quatre balles dont une en pleine tête. Il parvient à l'extirper de la voiture, prend son arme et réussit à toucher un des malfrats qui décide alors de prendre la fuite. Monsieur le ministre, si je rappelle ces faits, c'est pour vous dire que si Thierry Moreau n'avait pas été armé, il ne serait, lui non plus, plus de ce monde. Aujourd'hui, la question n'est pas de savoir s'il faut armer ou non les policiers municipaux. Leur rôle et leur complémentarité avec la police nationale ne sont plus à démontrer, surtout lorsqu'ils croisent des monstres munis d'armes de guerre sans scrupule et qui n'hésitent pas à tirer pour tuer dans un déferlement de violence inouïe. Monsieur le ministre, malheureusement, le fils d'Aurélie Fouquet, Alexis, âgé de quatorze mois, n'aura pas la chance de grandir auprès de sa maman. Mais une chose est sûre, c'est qu'il pourra en être fier comme moi et bon nombre de maires qui considèrent que toutes ces femmes et ces hommes policiers municipaux font un travail remarquable pour protéger nos concitoyens avec beaucoup de professionnalisme et souvent avec un courage exemplaire. Aussi, Monsieur le ministre, ma question est double : d'abord, pouvez-vous nous dire où en sont vos investigations pour retrouver ces ignobles assassins et quelles mesures pensez-vous prendre pour permettre aux maires de mieux protéger leur police municipale face à de tels individus ? ...
Brice Hortefeux, ministre de l'Intérieur
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le député Jacques-Alain Bénisti, quelques minutes après ce drame, nous nous sommes retrouvés sur place et nous avons pu mesurer ensemble la violence de ces fusillades qui ont abouti, malheureusement, comme vous venez de l'évoquer avec beaucoup d'émotion, au décès d'une jeune femme policière municipale, Aurélie Fouquet, mère effectivement d'un enfant de quatorze mois. Elle était membre de la police municipale de votre commune, son conjoint était membre, est membre de la municipale de Meaux et j'ai pu ainsi, après avoir pu discuter et rencontrer grâce à vous les autres membres de l'équipe municipale, mesurer et partager l'émotion de ces fonctionnaires qui, avec leurs quelque dix-huit mille collègues dans toute la France, eh bien ont manifesté à la fois leurs attentes et leurs interrogations. Et je vous précise que je recevrai les représentants syndicaux des policiers municipaux jeudi matin afin, encore une fois, de faire le point, de préciser les attentes en matière d'armement et aussi de leur situation administrative. Concernant l'enquête, grâce aux images vidéo, grâce aux empreintes digitales, grâce aux traces génétiques, nous avons su quasi immédiatement qu'il s'agissait d'un groupe de six à sept individus très bien organisés et qui préparaient un braquage de très grande ampleur, sans doute l'attaque d'un fourgon blindé ou d'un établissement bancaire. Le soir même de cette fusillade, un suspect bien connu des services et malheureusement déjà condamné a été interpellé puis ensuite mis en examen et depuis hier soir écroué. Deux autres individus ont d'ores et déjà été identifiés. Ce meurtre, naturellement inacceptable, permet de rappeler simultanément que le nombre de violences ayant abouti à des homicides a diminué de près de 40 % depuis huit ans et que désormais, dans 93 % des cas, ces meurtres sont élucidés. Cela signifie une chose simple, Monsieur le député, c'est que dans notre pays, il n'y a pas d'avenir pour les délinquants et il n'y a pas de pardon pour les criminels.