Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, a répondu à une question de la députée du Rhône, Pascale Crozon, sur le principe de laïcité en France, lors de la séance de questions d'actualité au gouvernement à l'Assemblée nationale du mardi 19 octobre 2010.
Pascale Crozon, députée SRC Rhône
Ma question s'adresse à Monsieur le Premier ministre. La France est une République laïque, c'est l'article 1er de la Constitution. Elle garantit l'égalité de tous, indépendamment des convictions religieuses ou philosophiques. Elle suppose la neutralité des agents de l'État qui ne peuvent manifester d'appartenance religieuse dans l'exercice de leurs fonctions. Le président de la République ne saurait échapper à cette règle fondatrice de notre vivre-ensemble. Que le président de la République rencontre le Pape, c'est sa responsabilité de chef d'État. Que Nicolas Sarkozy pratique en privé la religion catholique, c'est sa liberté de conscience. Mais lorsqu'une visite officielle revient à faire pénitence, prévoit un moment de prière et que le chef de l'Etat se signe devant les caméras de télévision, nous sommes alors face à un dangereux mélange des genres. Cette visite n'a d'autre objectif qu'un symbole à visée électorale. Il est particulièrement choquant de se représenter la Nation comme une juxtaposition d'électorats communautaristes. Comme il est particulièrement choquant de croire qu'il suffit d'instrumentaliser une fois pour recueillir des suffrages. Mais ce qui est en cause, Monsieur le Premier ministre, ce ne sont pas seulement les démonstrations de foi. Ce qui choque les Français et pas seulement d'ailleurs les catholiques, c'est la morale, c'est le climat des affaires, la collusion avec les milieux d'argent et, parallèlement, le sort réservé aux plus fragiles et, surtout, surtout, la suspicion qui pèse sur les étrangers ou le traitement réservé aux Roms. Alors, Monsieur le ministre, ma question est simple : Comment comptez-vous faire respecter le principe constitutionnel de laïcité ?
Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés. Madame le député Pascale Crozon. Vous vous référez à juste titre à l'article 1er de notre Constitution, mais la laïcité, ce n'est pas le rejet, ce n'est pas le refus, ce n'est pas la négation des autres religions. Le principe de séparation des pouvoirs ne signifie pas que la République ignore les cultes et les religions. Garantir une laïcité apaisée, c'est tout simplement respecter et faire respecter ceux qui croient au Ciel comme ceux qui n'y croient pas. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, comme ministre des cultes, j'entretiens un dialogue permanent, constant et régulier avec les différentes autorités religieuses et qu'il était donc normal que le président de la République réponde à l'invitation du Pape Benoit XVI, à se rendre, le 8 octobre, au Vatican. Cela s'inscrit dans une tradition des chefs d'Etat de la 5ème République, souvenez-vous que c'était le cas du général de Gaulle, qui s'était rendu lui-même, en 1959, pour une visite d'Etat au Vatican et qu'il s'était agenouillé devant le Pape Jean XXIII. D'ailleurs, tradition qui a été poursuivie par les présidents Giscard d'Estaing, Mitterrand et Chirac. Alors, qu'y a-t-il, ils s'étaient tous rendus au Vatican pour s'entretenir avec le Pape Jean-Paul II, alors qu'y a-t-il de choquant à ce que le président de la République se soit rendu au Vatican ? Est-ce parce qu'il a effectué un signe de croix ? Mais lorsqu'un président, un ministre, un député ou un maire se rend dans une synagogue, est-ce qu'il ne porte pas une kippa ? Est-ce que, lorsqu'un élu se rend dans une mosquée, il ne prend pas la précaution d'enlever ses chaussures ? La réalité, c'est qu'il faut éviter les polémiques d'un autre âge, offrant le visage d'une intolérance que la France d'aujourd'hui ne peut pas accepter.