Mercredi 2 juin 2010, Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, est intervenu à deux reprises lors de la séance de questions d’actualité au gouvernement à l'Assemblée nationale.
Il a ainsi répondu à la députée Delaunay, sur le principe de laïcité, et au député Laffineur, sur les finances publiques locales.
Michèle Delaunay, SRC - Gironde
Monsieur le ministre de l'intérieur, alors que vous nous présentiez un débat sur le voile intégral, les Bordelais étaient sous le choc d'agissements racistes et antisémites, issus d'un groupe activiste et d'une école privée, tous deux dans la mouvance de l'église Saint-Eloi de Bordeaux. La dévolution de cette église, des catholiques intégristes, a été déclarée illégale par trois décisions de justice, la dernière issue du Conseil d'Etat. L'application de ces décisions n'a été demandée ni par le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, ni par le préfet, son actuel directeur de cabinet, ni par le maire de Bordeaux, Alain Juppé. Depuis lors, rien n'a été fait pour empêcher ces dérives. La laïcité, Monsieur le ministre, ne combat aucune religion, elle les protège. Elle n'interdit aucune croyance, elle les respecte. Mais elle condamne tous les intégrismes d'où qu'ils viennent, parce qu'ils se nourrissent les uns et les autres et qu'ils sont générateurs de haines. Qui sème Saint-Eloi récolte ma burqa. Qui stigmatise une religion par des lois excessives, la radicalise. Ma question est lourde, Monsieur le Ministre, mais elle n'a jamais été aussi nécessaire. Quand ce gouvernement mettra-t-il fin à cette collusion du pouvoir avec les extrémismes et quand arrêtera-t-il de les agiter pour masquer ses échecs ?
Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, Madame la députée Michèle Delaunay. Vous évoquez en réalité deux sujets dans votre intervention. Au-delà de la question naturellement de la laïcité de la République, vous avez parfaitement raison, une République laïque, c'est une République qui protège la liberté des cultes et qui condamne les extrêmes. Premier sujet, c'est la question de l'affection de l'église Saint-Eloi de Bordeaux. Vous le savez, cette question est désormais clarifiée, juridiquement clarifiée, puisque cette église est affectée au diocèse de la Gironde ; ce qui signifie donc concrètement que pour sa gestion, cela relève du choix du cardinal-archevêque de Bordeaux, Monseigneur Ricard. Il y a un deuxième sujet qui est un sujet d'actualité. C'est le reportage qui a été diffusé sur France 2 il y a quelques jours. Vous le savez, vous avez été légitimement choquée par ce reportage, par cette émission, l'ensemble des élus - à commencer naturellement par le maire de Bordeaux Alain Juppé - ont été choqués par les propos racistes, xénophobes et antisémites qui ont été tenus. Je vous précise que sans attendre j'ai demandé au préfet de région, Dominique Schmitt, de saisir le Parquet de ces faits. Dès le 28 avril, le Parquet a ouvert, comme vous le savez, une enquête préliminaire. Et d'ailleurs l'enquête préliminaire, je vous le précise... le Parquet a précisé qu'il y avait...il a visé une possible participation à un groupe organisé pour lutter, au besoin par les armes, contre la démocratie. C'est dire la gravité des faits supposés. J'ajoute d'ailleurs parallèlement que le préfet a saisi le rectorat de Bordeaux afin qu'une mission d'inspection vérifie les conditions dans lesquelles l'enseignement est dispensé. La vérité c'est très simple, notre République ne peut accepter naturellement que la liberté d'expression ou d'enseignement soit détournée par des extrémistes. Ca signifie que nous devons combattre sans relâche les prêcheurs de haine. C'est un combat qui est juste, c'est un combat légitime. Et c'est un combat nécessaire.
Marc Laffineur, député UMP (Maine-et-Loire)
Merci, Monsieur le Président, ma question s'adresse à Monsieur le Premier ministre. Monsieur le Premier ministre, vous avez reçu hier les représentants de l'Assemblée des départements de France, et je crois comme nous tous ici, nous nous réjouissons du dialogue franc, sincère et apaisé qui est entretenu par vous et avec les élus locaux. Et d'ailleurs, malgré l'effondrement des recettes de l'Etat en 2009, votre gouvernement a alloué aux collectivités territoriales des allocations en augmentation de 1,2%, ce dont nous nous réjouissons, et on a même mis en place un fonds de péréquation pour les droits de mutation pour les départements. Mais certains départements sont en situation financière difficile. Cela est dû à plusieurs causes. Lorsque le RMI a été transféré aux départements en 2003 par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, cette nouvelle compétence a été compensée à l'euro près et même plus puisqu'il a créé le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion qui représente 500 millions d'euros supplémentaires. Néanmoins, la crise a entraîné une augmentation importante des dépenses pour le revenu de solidarité active pour les départements, cela est conjoncturel, on peut espérer une diminution dans les années à venir. Mais ce qui détériore fortement les finances des conseils généraux c'est le coût de l'allocation personnalisée d'autonomie qui, votée en 2001 par le gouvernement de Lionel Jospin n'est compensée qu'à hauteur d'un tiers de sa charge entraînant pour certains départements de très grandes difficultés financières, personne ne le conteste. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous faire part à la représentation nationale des dispositions que vous comptez prendre pour encourager la responsabilité et la bonne gestion des collectivités mais aussi pour aider les départements qui pourraient se trouver en difficulté financière.
Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le député Laffineur. Effectivement, à l'occasion de cette rencontre avec la commission de l'Association des départements de France, nous avons d'abord partagé un double constat. Premier constat, à l'évidence les départements ont été victimes d'un effet ciseau avec une hausse continue des dépenses d'action sociale d'un côté et de l'autre côté eu un moindre dynamisme des recettes. Premier constat. Deuxième constat, c'est aussi l'effort, l'effort constant de l'Etat qui a maintenu le niveau de ces contributions, de ces dotations aux collectivités malgré une baisse des recettes fiscales de l'ordre d'environ un peu plus de 20%. Face à ce constat, le gouvernement a décidé de prendre trois mesures. Première mesure, pour les départements qui sont effectivement durement touchés, nous allons mettre en place une mission d'appui à compter du mois de septembre qui ira jusqu'à prévoir des mesures de soutien financier. Deuxième mesure, avec l'Association des départements de France, nous allons exploiter les 40 propositions qui sont formulées dans le rapport Jamet, notamment concernant la question des normes puisqu'à côté du moratoire concernant les normes sans doute faut-il envisager la remise en cause de normes pourtant anciennes. Troisième série de mesures, le Premier ministre l'a d'ailleurs annoncé lui-même hier après-midi, le gouvernement engagera la réforme de la dépendance avant la fin de l'année, ce qui suppose donc une remise à plat du financement de l'allocation personnalisée d'autonomie. Vous le voyez, monsieur le député Laffineur, en parfaite cohérence avec la réforme des collectivités territoriales, le gouvernement entend préserver le rôle de solidarité et de proximité des départements.