Intervention de M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales - Hôtel de Beauvau.
- Seul le prononcé fait foi –
Mesdames et Messieurs,
En juin dernier, opérant depuis notre plateforme de Dakar en liaison avec nos partenaires britanniques, nous avons saisi sur une petite île au large de la Gambie plus de 2 tonnes de cocaïne entreposées dans une société de pêche appartenant à un Néerlandais et employant des Vénézuéliens.
Les choses sont claires : dans la mesure où les réseaux criminels font désormais leur profit de la mondialisation, notre sécurité commence très au-delà de nos frontières.
En effet, parmi les menaces qui guettent notre territoire, plusieurs comme le terrorisme, les trafics de drogue, la traite d’êtres humains ou la cybercriminalité, prennent naissance dans des pays très éloignés de la France. Pour les contrer, il n’existe qu’une solution : tabler sur une coopération accrue et une concertation renforcée des États. Concrètement, cela signifie consolider nos partenariats avec trois grands types de pays :
Vous l’avez compris, la dimension internationale doit être au cœur de l’activité quotidienne des services de police et de gendarmerie. Pour cela, nous disposons d’un atout de taille : notre réseau, unique au monde, d’attachés de sécurité intérieure, composé de 250 policiers et gendarmes déployés dans 93 ambassades et couvrant 156 pays.
Ce réseau, il faut non seulement le préserver mais aussi l’adapter pour le rendre toujours plus performant. Aussi suis-je particulièrement heureux, aujourd’hui, d’ouvrir les travaux de votre 20ème colloque à la veille d’une évolution clé pour la politique internationale du ministère de l’intérieur. En effet, à partir du 1er septembre, c’est-à-dire demain, que vous soyez policiers ou gendarmes, vous dépendrez tous pour la première fois d’une seule et même direction : la direction de la coopération internationale, la DCI.
Elle s’inscrit, d’abord, dans la logique de révision générale des politiques publiques voulue par le président de la République. Cette démarche permet de réduire les coûts et d’améliorer les performances en réunissant, dans une seule et même structure, les principaux acteurs de la coopération internationale du ministère de l’intérieur, au plan opérationnel.
La création de la DCI permet aussi et surtout de tirer toutes les conséquences du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur. Déjà, depuis un an, nombre des fonctions support et logistique ont été mutualisées. Non seulement nous avons réalisé ainsi de substantielles économies d’échelle, mais encore devrions-nous bientôt pouvoir libérer une partie des personnels jusque là affectés à ces missions pour les redéployer sur le terrain.
Concrètement, la direction de la coopération internationale naîtra demain de la fusion du service de coopération technique internationale de police et de la sous-direction de la coopération internationale de la gendarmerie. Elle sera dirigée par M. Émile Perez avec comme adjoint le Général Moulinié.
Placée sous l’autorité conjointe des directeurs généraux de la police et de la gendarmerie nationales, cette nouvelle direction aura pour mission de mettre en œuvre, en parfaite harmonie avec la délégation aux affaires internationales et européennes, la politique internationale de la France en matière de sécurité intérieure et d’animer les nombreuses actions de coopération menées par ces deux forces à l’étranger, à l'exception des questions relevant exclusivement des services de renseignement. Synonyme d’organisation unifiée et de coordination maximale des missions, la création de la DCI est ainsi, pour le ministère de l’intérieur, la garantie d’une plus grande efficacité dans son action de coopération technique internationale.
Je tiens, en outre, à saluer la qualité du travail de préparation de la mise en place de cette nouvelle direction effectuée sous l’égide du directeur général de la police nationale et du directeur général de la gendarmerie nationale. J’y vois, pour ma part, le meilleur gage de la puissance d’action de cette nouvelle direction.
Je crois que nous avons tout à gagner du processus en cours de mutualisation des actions de coopération au niveau européen .
Je pense, d’abord, à la possibilité de mobiliser des financements européens très importants afin de démultiplier nos actions et d’amplifier leur portée.
En 2009, le SCTIP avait ainsi obtenu 11 millions d’euros de crédits européens, 3 millions de plus qu’en 2008. Il va sans dire que cette progression devra être poursuivie et amplifiée par la DCI.
Je pense, aussi, qu’une action commune et coordonnée de l’Europe est nécessairement plus efficace que les initiatives isolées et dispersées de chacun de ses membres. L’enjeu est clair : mieux couvrir les pays sources de trafics ou les pays de transit, multiplier et fluidifier les échanges d’information et éviter les doublons en matière de formation des forces de sécurité locale.
Avec nos partenaires allemands, nous testons, par exemple, la possibilité de nommer, dans certains pays, des ASI communs à nos deux pays. En ce moment, nous les représentons au Sénégal où nous sommes particulièrement bien implantés tandis qu’ils nous représentent au Kenya où nous n’avons pas d’ASI. En fonction des résultats de cette expérience, nous envisagerons d’étendre ce dispositif à d’autres pays.
Avec nos partenaires britanniques, nous sommes à l’origine de la création de plateformes européennes de coopération antidrogue. Implantées au Ghana et au Sénégal ; elles sont désormais pleinement opérationnelles et commencent à obtenir des résultats dont celui que j’ai mentionné au début de cette intervention.
Enfin, j’ai proposé à l’ensemble de nos partenaires européens un pacte commun contre la drogue. Adopté le 3 juin dernier, ce texte pose les fondements d’une véritable stratégie européenne de lutte contre les trafics de stupéfiants concentrée, pour l’instant, sur le démantèlement des routes de la cocaïne en Afrique de l’ouest et de celles de l’héroïne dans les Balkans ainsi que sur la lutte contre l’argent de la drogue. Chacun de ces engagements, je le précise, comporte une série d’objectifs opérationnels ciblés assortis d’un échéancier. Il ne s’agit là que d’un premier acte et je souhaite, à terme, étendre ce pacte à la lutte contre le cannabis et les drogues de synthèse.
J’ajoute, en outre, que ce pacte trouvera bientôt son prolongement dans le cadre du G8 dont la France assurera l’année prochaine la présidence. En effet, sensible à la dégradation de la situation politique et sécuritaire de certaines régions du monde induite par les trafics de drogue et le terrorisme, le Président de la République a proposé qu’une réunion des ministres du G8 élargi aux pays concernés se tienne sur ce thème en 2011. Par l’intermédiaire de la DCI, vous serez bien évidemment au cœur des réflexions que nous mènerons pour donner corps à l’initiative présidentielle. C’est pourquoi j’ai demandé à Michel DUCLOS, mon conseiller diplomatique et l’un des principaux artisans du pacte européen contre la drogue, de tenir ce soir avec vous une réunion de travail sur ce sujet.
Cela se fait déjà en matière d’immigration irrégulière sous l’égide de l’agence européenne FRONTEX. À nous de faire de même en matière de lutte contre le crime organisé en renforçant, par exemple, le rôle d’EUROPOL. Je vois, d’ores et déjà, deux évolutions possibles : accroître l’implication de cette agence dans la conduite des enquêtes et des opérations à caractère transnational et lui confier la tâche de coordonner le travail des officiers de liaison des différents États membres sur le modèle de ce que font déjà, de manière informelle, les officiers de liaison immigration.
L’année dernière, en France et à l’étranger, vous avez réalisé plus de 2 000 actions de coopération au profit de services de police et de gendarmerie partenaires. Ces actions contribuent fortement à l’influence et au rayonnement de notre pays à l’étranger : il est essentiel que vous continuiez à les programmer et à les mettre en œuvre en ciblant toujours vos efforts sur les pays qui constituent des relais de la criminalité à destination de notre pays et de l’espace SCHENGEN.
C’est, d’abord, une question de solidarité avec les pays émergents qui ont besoin de notre expertise pour les aider à lutter contre leur propre criminalité.
Mais c’est, aussi, une question d’efficacité car il est plus facile de coopérer et d’échanger des renseignements avec des services de sécurité dont les standards professionnels et éthiques sont inspirés des nôtres.
Pour l’année à venir, je veux que vous soyez particulièrement actifs dans deux régions où nous sommes déjà largement présents :
Je vous le dis : c’est un volet fondamental de votre action. Vous constituez des relais très actifs et très efficaces dans la lutte contre toutes les formes de criminalité qui peuvent affecter, depuis l’étranger, notre territoire.
En matière de lutte contre l’immigration irrégulière, par exemple, vous vous êtes opposés l’an passé à l’embarquement de plus de 11 000 personnes présentant un risque migratoire élevé et avez empêché la circulation de 4.500 faux documents. Je vous demande de continuer et d’amplifier ces contrôles dans tous les aéroports étrangers disposant de liaisons directes avec la France.
En matière de lutte contre la criminalité, vous êtes intervenus, l’année dernière, pour faciliter l’exécution de près de 600 commissions rogatoires internationales et pour répondre à plus de 21 000 requêtes de toute nature provenant de services de police et de gendarmerie. Dans le même temps, 203 individus inscrits au fichier des personnes recherchées ont été localisés grâce à vos signalements. Certains d’entre eux ont pu être interpellés avec votre concours.
Les choses sont claires : dès qu’une enquête revêt une dimension internationale, nos succès opérationnels sont en grande partie le résultat de vos efforts, de vos contacts et des relations étroites que vous nouez sur place avec nos partenaires. Je n’aurai donc qu’une consigne : continuez !
J’ai voulu, en effet, en premier lieu, que la DCI développe de nouveaux pans de coopération internationale en matière de prévention et de gestion des crises extérieures mais aussi de négociation des accords de sécurité intérieure et de préparation des rencontres de haut niveau.
Je souhaite également, et cela vous concerne tout particulièrement, que la DCI tire le meilleur parti possible des éléments que vous lui ferez remonter du terrain et ce, de deux manières distinctes :
Mesdames et Messieurs,
En poste à l’extérieur de nos frontières, vous êtes véritablement à l’avant-garde de notre politique de sécurité.
Je connais et je salue votre engagement dans des lieux où la vie quotidienne est souvent difficile voire dangereuse. Je pense, en particulier, au travail très remarquable effectué par les attachés affectés en Afghanistan où je me suis rendu en mai dernier, mais aussi au Pakistan, en Haïti ou au Niger.
À vous comme à tous vos collègues policiers et gendarmes déployés sur le territoire national, incombe la grande et lourde tâche de protéger les Français.
C’est une noble mission, dont vous devez être dignes et dont vous pouvez être fiers.
Je suis certain, en tout cas, que le colloque qui vous réunit aujourd’hui sera pour vous l’occasion d’avancer dans sa réalisation avec les nouveaux moyens d’action que vous donnera désormais votre nouvelle direction, la direction de la coopération internationale. Je vous remercie.