30.08.2010 - Dîner d'Iftar de la Grande mosquée de Paris

31 août 2010

Intervention de M. Brice HORTEFEUX, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales - Paris


- Seul le prononcé fait foi -

Monsieur le recteur, cher docteur BOUBAKEUR,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,

Tout au long du mois de Ramadan, l’iftar, la rupture quotidienne du jeûne est pour les musulmans une occasion de fête et de partage. Comme ministre des cultes, je suis tout particulièrement bien placé pour témoigner de cette tradition d’ouverture et d’hospitalité : d’ici à la fin du ramadan 2010, en effet, je participerai à pas moins de trois dîners d’iftar.

Ces moments ne sont pas uniquement, pour moi, l’occasion de retrouver des représentants de l’État et des dignitaires religieux. Ils sont, bien au-delà, l’incarnation de ce qu’est la France : un lieu de respect et d’échanges.

I. Deuxième religion de notre pays par le nombre de fidèles, l’islam a toute sa place en France.

(1) La relation qui lie l’islam à la France est historique.

Ici, au sein de cette somptueuse grande mosquée de Paris, c’est toute la force de ce lien séculaire qui se rappelle à nous. Impossible d’oublier, en effet, qu’elle fut construite par l’État au sortir de la première guerre mondiale pour matérialiser l’hommage de la France aux 100 000 soldats musulmans tombés pour elle au champ d’honneur.

Mais, cher Dalil BOUBAKEUR, comme vous le rappelez dans la charte du culte musulman que vous avez remis en 1994 à l’un de mes prédécesseurs place Beauvau, les choses ne s’arrêtent pas là : « hier par leur sang versé à Verdun ou Monte Cassino, aujourd’hui par leur labeur, leur intelligence et leur créativité, les musulmans de France contribuent à la défense et à la gloire de la Nation comme à sa prospérité et à son rayonnement dans le monde ».

(2) Aujourd’hui, de plus en plus, les musulmans de France s’épanouissent dans leur religion comme dans la Cité.

À l’occasion de ce Ramadan 2010, cher Dalil BOUBAKEUR, vous vous êtes, par exemple, réjouis que « les nombreux produits alimentaires halals présents dans les rayons des hypermarchés [soient le signe] que la religion musulmane est un fait reconnu et largement pratiqué en France, pays qui offre un modèle d’acceptation et d’insertion de toutes ses composantes ethniques et religieuses pour former une société cohérente et solidaire ».

J’observe que d’après une étude récente, en 20 ans, le nombre de musulmans français déclarant observer le jeûne du ramadan est passé de 60% à 70%. J’observe aussi, par exemple, que pour la première fois dans notre pays, une ONG musulmane a mené, mi-août, une campagne publicitaire dans le métro de Paris, signe que l’Islam peut participer à la vie de la Cité. Ces faits sont bien la preuve que les musulmans de France constituent une communauté dynamique et intégrée.

II. Mais ces bonnes relations entre l’islam de France et la République ne sont pas le fruit du hasard. Elles sont l’incarnation des valeurs qui fondent notre vivre-ensemble.

(1) Je pense bien sûr, en premier lieu, aux libertés de conscience et de culte dont l’exercice est garantie par notre modèle de laïcité à la française.

-> Comme le président de la République a eu l’occasion de le préciser à de nombreuses reprises et, cette année encore, à la nécropole nationale de Notre-Dame de Lorette, la laïcité n’est pas la négation des religions mais bien « la reconnaissance par l’État de l’égale dignité des religions ».

Chaque fois qu’un homme ou une femme est attaqué pour le culte qu’il pratique ou la croyance qu’il confesse, c’est ainsi la République elle-même qui est agressée. Et c’est toute la puissance publique qui se mobilise pour retrouver et châtier les coupables.

Cela a été le cas, cette année, lorsque la mosquée d’Istres a été la cible de tirs, lorsque le carré musulman du cimetière de Tarascon a été profané, lorsque des tags antisémites sont venus souiller le mémorial de la déportation de Marmande ou lorsque le cimetière municipal d’Hénin-Beaumont et sa chapelle ont été vandalisés.

Dans chaque cas, j’ai donné les consignes les plus strictes aux forces de l’ordre pour qu’aucune dégradation, aucune profanation et aucune agression ne restent impunies.

-> Dans cette lutte permanente et déterminée contre les obscurantismes de toute sorte, nous manquions d’un outil fiable de recensement des violences spécifiquement dirigées contre nos compatriotes musulmans.

C’est pourquoi j’ai signé avec le Conseil français du culte musulman (CFCM), le 17 juin dernier, une convention-cadre pour la mise en œuvre d’un suivi statistique et opérationnel des actes hostiles aux musulmans de France.

Grâce à cette convention que le président MOUSSAOUI a qualifiée d’« historique », des réunions trimestrielles vont désormais rassembler une délégation du CFCM et les services compétents du ministère de l’intérieur pour parvenir à une cartographie précise et partagée des actes antimusulmans commis dans notre pays.

Je vous le dis : ce travail de recensement n’est qu’une première étape. En fonction des conclusions que nous pourrons en tirer, nous recentrerons et adapterons notre lutte contre ces manifestations hostiles et indignes pour la rendre encore plus efficace.

(2) Vous l’avez compris, nous ne transigeons pas avec les valeurs de la République. Ainsi, je mettrai toujours la même énergie à protéger nos différentes communautés qu’à lutter contre tous ceux qui prennent prétexte de la religion pour véhiculer leurs messages de haine ou promouvoir l’asservissement de la femme.

Certains beaux esprits, plus préoccupés de discréditer l’action du Gouvernement que de protéger les libertés publiques, ont récemment cherché à détourner les mesures que nous défendions. Ceux-là servent uniquement leurs propres intérêts, ils ne servent pas l’islam de France.

Il était ainsi de mon devoir de soutenir le projet de loi relatif à l’interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public que la majorité a défendu au début de l’été.

Il était de mon devoir de dénoncer à la justice le cas de Liès HEBBADJ, suspecté d’être un escroc sans scrupule n’hésitant pas à réduire sa propre famille au rang de simple source de revenus.

En agissant ainsi, nous ne divisons pas ; bien au contraire, nous contribuons à ce que l’immense majorité paisible des musulmans de France ne pâtisse plus des agissements de quelques extrémistes.

Chers amis,

Loin des emballements médiatiques ou des errements de quelques fanatiques, la communauté musulmane de France apporte chaque jour la preuve de sa vitalité, de son dynamisme et de son ouverture.

Sachez que sur ce chemin de paix et de respect mutuel, vous trouverez toujours le soutien indéfectible de la République.

Que cette période du Ramadan soit propice à la joie et au recueillement.

« Ramadan karim ».