26.06.2010 - Obsèques du lieutenant de police Christophe MOSER

26 juin 2010

Intervention de M. Brice HORTEFEUX, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales - Montauban


- Seul le prononcé fait foi -

    Mesdames et Messieurs,
    Madame Marinette MOSER,
    Madame,
    J’ai tenu à me rendre parmi vous, ce matin, avec le directeur général de la police nationale, pour rendre un dernier hommage au lieutenant de police, Christophe MOSER.
    Nous sommes aujourd’hui réunis autour de vous, Madame MOSER, de votre famille, de la compagne de votre fils, Vanessa, dans la tristesse d’avoir perdu soudainement un fils, un compagnon, un proche.
Au-delà de votre famille, c’est toute la police nationale qui se trouve endeuillée, et tout particulièrement l’unité des compagnies républicaines de sécurité de haute montagne de la CRS 29 de Lannemezan.
    C’est aussi la France, pour laquelle il a fait le sacrifice de sa vie, qui perd, aujourd’hui, l’un des siens.
    Que s’est-il passé, mercredi dernier, sur le pic du Taillon, à proximité de Gavarnie ?
    Dans le cadre d’un entraînement, le lieutenant Christophe MOSER effectuait l’ascension de la face ouest de ce pic lorsqu’il a dévissé, entraîné dans une chute de plus de 300 mètres.
    Nous le savons, les hommes et les femmes qui composent les unités d’élite de haute montagne suivent un entraînement exigeant et risqué. C’est à cette seule condition qu’ils sont en mesure, à chaque instant, de porter secours à nos concitoyens dans un milieu grandiose mais souvent hostile. Christophe MOSER est ainsi mort à l’entraînement. Il est mort en service commandé, au service de la France.
    Le jour de son décès, il était accompagné par son ami et camarade, le gardien de la paix Sébastien LEPAUL. A celui-ci, je voudrais dire tout mon soutien, mais aussi tout mon respect, car, au-delà de la peine et du traumatisme qu’il éprouve, je sais qu’il saura trouver le courage nécessaire pour repartir vers la montagne et ses dangers, au service de la sécurité des Français.

I. La mort tragique du lieutenant de police Christophe MOSER nous rappelle, tout d’abord, la force de l’engagement des policiers et des gendarmes en montagne.

  (1) Nous le savons, la France a fait du secours en montagne l’un de ses domaines d’excellence.
    En montagne, sécurité civile, gendarmerie et police nationales sont toutes unies face au danger pour sauver des vies.
    Parmi elles, les compagnies républicaines de sécurité ont joué un rôle pionnier. Elles assurent des missions en montagne dès leur création en 1944, et sont à l’origine de la toute première école de sauvetage en montagne du monde, le centre national d’entraînement à l’alpinisme et au ski de Chamonix, créé en 1955. Elles disposent ainsi d’une expertise ancienne et reconnue qu’elles n’hésitent pas à mettre au service d’autres unités de la police nationale ou d’autres administrations lors de sessions de formation.
  (2) Intervenant dans des conditions souvent extrêmes, les membres de ces unités assurent leurs missions au péril de leur vie.
    Depuis leur création en 1957, les sections « montagne » des compagnies républicaines de sécurité ont perdu 36 des leurs. Dans ce triste bilan, la section de Lannemezan, à laquelle appartenait Christophe MOSER, a payé un tribut particulièrement lourd, avec 4 décès au cours des 7 dernières années.
    Je pense aussi, à une autre unité d’élite, le Groupe d’Intervention de la Gendarmerie nationale touché, il y a seulement quelques jours, par la disparition du maréchal des logis chef Ludovic RIONDET, également lors d’une séance d’entraînement en haute montagne.

II. Christophe MOSER incarnait au plus haut point cet extraordinaire sens de l’engagement.

    (1) Pour lui, la montagne était, en effet, d’abord une passion.
    Avant même d’entrer dans la police, il avait effectué son service militaire chez les chasseurs alpins.
    Dans ses loisirs, il enchaînait les grandes courses d’altitude, parmi lesquelles le couloir du linceul aux Grandes Jorasses ou la voie Rabado Navara, en Espagne. Infatigable amoureux de la montagne, il avait pour objectif de réaliser les fameuses « 100 plus belles courses des Pyrénées ».
    (2) Cette passion, il en avait fait une vocation au service de la sécurité de ses concitoyens.
    Entré dans la police à 22 ans, il a d’abord suivi les cours de l’école nationale de police de Marseille. Il a, ensuite, effectué la première partie de sa carrière en Île-de-France, à la préfecture de police de Paris, comme stagiaire à la direction de la sécurité publique, puis au commissariat du XVIème arrondissement, enfin, à la CRS n°2 de Vaucresson, dans les Hauts-de-Seine.
    Le 1er septembre 2001, il est affecté à la section montagne de la CRS n°29 de Lannemezan, dans les Hautes-Pyrénées. Là, depuis presque 10 ans, il donnait toute la mesure de son courage et de son dévouement.
    Chef de cordée, sauveteur-skieur, sauveteur-canyon, sauveteur-spéléo, sauveteur en montagne, il avait enchaîné toutes les qualifications techniques jusqu’à obtenir, en 2007, sa promotion au grade de brigadier. Son tragique accident ne lui aura pas laissé le temps d’accéder à ces nouvelles fonctions. Tous, néanmoins, ses chefs comme ses pairs, s’accordent à dire que sa conscience professionnelle et sa grande humanité auraient fait de lui un excellent chef de poste de secours.
    (3) Avec près de 300 sauvetages à son actif, les secours, en tout cas, n’avaient plus de secret pour lui.
    Il y avait, chez le lieutenant de police Christophe MOSER, plus qu’un travail sérieux, plus qu’un engagement sans faille ; il y avait une véritable bravoure.
    En 2002, par exemple, au cours d’un entraînement sur une cascade de glace du massif du Luchonnais, son collègue, le brigadier-chef Didier NOGUE, fait une chute de plusieurs mètres au terme de laquelle il finit inconscient dans une vasque. Aussitôt, Christophe MOSER plonge, récupère le brigadier-chef NOGUE polytraumatisé, l’enveloppe dans ses vêtements qu’il avait pris la précaution de laisser au sec et descend donner l’alerte, leur radio ayant été mise hors service par son contact avec l’eau. Pour cet acte exceptionnel, il a reçu la médaille de bronze pour acte de courage et de dévouement.
    Il la recevra une deuxième fois en 2009, ainsi que la médaille du secours en montagne pour son intervention sur l’avalanche qui devait coûter la vie à son collègue, le brigadier-chef Éric FAUVET.
   
    A ce grand professionnel, à ce camarade dévoué, à cet homme qui n’hésitait jamais à mettre sa propre vie en danger pour porter secours à autrui, ses chefs comme ses compagnons rendent aujourd’hui un  solennel et vibrant hommage.

III. Face à un tel dévouement, à un tel sens du service, c’est la Nation toute entière qui s’incline respectueusement devant l’exemple de Christophe MOSER.

    Les insignes de chevalier dans l’Ordre national du mérite, la médaille d’honneur de la police nationale ainsi que la médaille d’or pour acte de courage et de dévouement, que je viens de décerner à Christophe MOSER, sont la marque de cette reconnaissance.
    J’ai tenu, en outre, à ce que Christophe MOSER soit promu au grade de lieutenant de police.
    Par ces gestes, la République distingue l’un de ses meilleurs serviteurs. Que son exemple demeure vivace dans les mémoires de ses camarades.
    Madame MOSER, vous avez perdu un fils dont vous pouviez être légitimement fière. Soyez assuré, dans cette épreuve, de tout mon soutien et de mon affection.
    Madame, vous perdez le compagnon de votre vie. Pompier volontaire, vous partagiez avec lui la passion du service de nos concitoyens. Soyez assuré de mon respect et de ma compassion.
    Lieutenant Christophe MOSER, reposez en paix.