25.05.2010 - Présentation à l'Assemblée nationale du projet de loi relatif à la réforme des collectivités territoriales

25 mai 2010

Intervention de M. Brice HORTEFEUX, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales - Assemblée nationale


- Seul le prononcé fait foi -

Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Monsieur le Président de la commission des lois,
Messieurs les Présidents des commissions saisies pour avis,
Monsieur le Rapporteur,
Messieurs les Rapporteurs pour avis,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Voici près de trente ans, la France faisait le choix de la décentralisation. Rompant avec sa longue tradition centralisatrice, elle écrivait alors une page décisive de son histoire institutionnelle.
Notre pays jetait les bases d'une construction singulière à l'échelle européenne, celle d'une République unitaire, indivisible et décentralisée, consacrée par la révision constitutionnelle de mars 2003.
Aujourd'hui, chacun peut mesurer combien la France a tiré bénéfice de ce choix fondateur et sans cesse approfondi depuis. La décentralisation a renforcé la vitalité démocratique du pays, libéré les énergies locales, consacré une nouvelle forme de gestion publique, plus proche des citoyens. Des élus locaux s'engagent au quotidien avec passion et conviction au service de leurs territoires. 
La décentralisation est devenue notre patrimoine commun. Et personne aujourd'hui ne songe à revenir sur cet acquis fondamental.
Mais pour autant personne ne peut non plus ignorer les faiblesses de notre organisation territoriale. Depuis quelques années,  nombreux sont les travaux qui ont alerté les décideurs publics et souligné la trop grande complexité de nos institutions locales. 
Le temps est venu de réformer en profondeur notre administration locale, trois décennies après les premières lois de décentralisation. Le Gouvernement a d'abord engagé, dès 2007, la révision générale des politiques publiques, qui a conduit à une  réorganisation d'ampleur des services déconcentrés de l'Etat, effective depuis le 1er janvier 2010. Il aborde à présent la réforme des collectivités territoriales.
Il le fait avec une conviction simple : c'est en réformant notre organisation territoriale que nous conforterons la décentralisation et les libertés locales. C'est en ne faisant rien que nous les affaiblirons.
Le moment est venu d'agir. Le Président de la République en est convaincu. Le Gouvernement vous y invite. Le Sénat, qui « assure la représentation des collectivités territoriales de la République » selon les termes mêmes de notre Constitution, a approuvé cette démarche. Et il vous revient à présent d'en débattre.

I –  Notre organisation territoriale doit aujourd'hui relever trois grands défis.

-> Tout d'abord, le défi de la simplification.
Le diagnostic est connu, tant il a été maintes et maintes fois décrit ces dernières années.
Dois-je en effet rappeler dans cet hémicycle l'impressionnante liste des rapports publics sur le sujet ? Outre le rapport du comité pour la réforme des collectivités locales présidé par l'ancien Premier ministre Edouard BALLADUR, je pense aux rapports MAUROY, PEBEREAU, RICHARD, FOUQUET, VALLETOUX, LAMBERT, ATTALI, WARSMANN, BELOT, sans oublier les publications régulières de la Cour des Comptes.
Certes, tous n'ont pas proposé exactement les mêmes solutions mais tous ont convergé de manière saisissante sur le diagnostic.
Tous en particulier ont pointé du doigt la fragmentation excessive de notre paysage institutionnel, l'enchevêtrement des compétences et les excès de la pratique des financements croisés.
La décentralisation a jusqu'à présent essentiellement consisté à transférer des compétences de l'Etat vers les collectivités territoriales, sans modifier les structures sauf pour les empiler les unes aux autres sans jamais véritablement chercher à retrancher, clarifier ou réorganiser. On a, en quelque sorte, plaqué des transferts de compétences sur une réalité institutionnelle uniforme et relativement figée.
Le défi, trente ans après le lancement de la décentralisation, c'est de chercher à diminuer le nombre d'acteurs publics locaux, de réfléchir à la cohérence des périmètres des structures, d'encourager les coopérations, les mutualisations et les délégations de compétences dans un triple souci d'économies pour le contribuable, de lisibilité pour le citoyen, de simplification et d'efficacité pour l'usager.
Cette modernisation de notre organisation territoriale ne doit pas s'effectuer depuis Paris, contre les élus locaux mais, au contraire, en s'appuyant sur eux, en faisant le pari de leur désir de changement. Le législateur national doit y prendre toute sa part mais il faut également inventer de nouveaux mécanismes qui fassent des élus locaux les premiers acteurs de la simplification et de la clarification du paysage administratif local.  
-> Le deuxième grand défi, c'est celui de la performance de nos territoires.
C'est tout d'abord l'enjeu de faire émerger quelques grandes métropoles compétitives à l'échelle européenne, voire internationale.
Depuis une quinzaine d'années, notre pays vit à l'heure de la mondialisation, qui accélère la recomposition géographique de la création des richesses.
On considère ainsi que les trente-huit métropoles principales de l'Union européenne s'étendent sur moins de 1% de son territoire mais accueillent plus du quart de ses emplois et produisent près du tiers de son PIB.
Près de 80% des 64 millions de Français vivaient en ville en 2008 contre un sur deux en 1936. Pourtant, les métropoles françaises restent étonnamment modestes à l'échelle européenne. Les interactions entre les métropoles et leurs régions ne sont pas suffisamment développées. Notre politique d'aménagement des territoires demeure trop teintée de méfiance vis-à-vis du « fait métropolitain ». Le scénario repoussoir de « Paris et le désert français » continue à marquer certains esprits longtemps après avoir perdu sa pertinence.
La décentralisation, depuis trente ans, n'a pas spontanément favorisé l'émergence des métropoles car leur affirmation bouleverse les logiques institutionnelles établies. Le Gouvernement souhaite donc donner une impulsion pour que la France puisse combler son retard en la matière dans l'intérêt de la compétitivité et de l'attractivité de notre pays.
 
Mais il ne faut pas bien sûr que les métropoles se bâtissent contre les régions et les départements. Ce serait l'assurance de l'échec. Il faut donc instaurer les mécanismes d'un dialogue institutionnel fructueux.
La performance de nos territoires réclament également d'assurer une meilleure articulation entre les interventions des départements et des régions, de tirer le meilleur parti de la logique de proximité des premiers et de la vocation stratégique des secondes car toute politique publique doit comporter ces deux dimensions.
Nos régions doivent éviter la dispersion et centrer leur action sur leurs missions stratégiques et de préparation de l'avenir. Les départements, eux, sont d'abord les garants des solidarités, au plus près des territoires.
Notre République n'empruntera jamais la voie du fédéralisme. Ce n'est pas notre histoire, ce n'est pas notre modèle. Une région française ne sera jamais un Land allemand ou une « communauté autonome » espagnole.  Pour autant, le niveau régional doit continuer à s'affirmer comme l'échelon de la définition des politiques structurantes, en particulier dans le domaine de la formation, du développement économique, de la planification et de l'aménagement du territoire. C'est d'ailleurs l'option qu'a poursuivie le Gouvernement depuis 2007 en confortant la région comme échelon des choix stratégiques : je pense, entre autres, à la réorganisation de l'Etat territorial via la RGPP et le nouveau rôle des Préfets de région, je pense à la mise en place des Autorités Régionales de Santé (ARS) ou bien encore à la réforme du réseau consulaire en cours d'examen au Parlement, pour ne citer que quelques exemples.
Nos régions pourront d'autant mieux se recentrer sur le cœur de leurs missions qu'elles pourront s'appuyer sur des départements qui les feront bénéficier de leurs actions de proximité. A nous d'inventer les mécanismes qui favorisent la complémentarité des interventions de ces deux collectivités, au service des territoires.
 
-> Le troisième et dernier défi, c'est celui d'une plus grande maîtrise de la dépense locale.
Je sais que le sujet est propice à toutes les controverses et toutes les polémiques.
Pour autant, je le dis avec une certaine solennité : aucun gouvernement, aucune majorité, ne peut et ne pourra à l'avenir s'exonérer d'agir en ce domaine, en partenariat avec les collectivités territoriales.
Voici quelques années déjà, des travaux de grande qualité posaient un diagnostic dépassionné et préconisaient des solutions équilibrées. Je pense au rapport PEBEREAU ou au rapport RICHARD. La semaine dernière, dans le cadre de la seconde conférence des déficits, le rapport de Gilles CARREZ et de Michel THENAULT a actualisé ce diagnostic dans un esprit consensuel et renouvelé les mêmes préconisations.
Alors, j'entends déjà les remarques bien connues : les collectivités territoriales ne peuvent pas voter leur budget en déficit ; leur dette représente 11% de l'endettement public français.
Mais s'arrêter à ces constats serait oublier que l'Etat contribue de manière décisive au respect de la « règle d'or » qui s'impose aux collectivités territoriales. Cette année encore, l'Etat versera 97,5 milliards d'euros aux collectivités territoriales. Ce serait oublier aussi l'action de l'Etat dans le cadre du plan de relance, avec le sauvetage de Dexia. Ce serait encore oublier les 3,8 milliards d'euros de versement anticipé de FCTVA, permettant aux collectivités de réduire leur besoin de financement l'an dernier, alors même que l'Etat subissait une baisse de 20% de ses recettes fiscales.
Mesdames et messieurs les Députés, comprenez-moi bien. Il ne s'agit évidemment pas d'instruire de faux procès.
Il s'agit, avec responsabilité et mesure, de demander aux collectivités territoriales de prendre leur part dans l'effort collectif de redressement de nos finances publiques, aux côtés de l'Etat et des administrations de sécurité sociale.
Le projet de loi soumis à votre examen participe de cette ambition.
   
Depuis les premières années de la décentralisation, nous avons multiplié les structures et les acteurs. La préoccupation centrale de chacun d'entre eux a été de s'affirmer, de développer ses services, de multiplier les interventions, sans toujours penser à articuler au mieux son action avec les autres acteurs publics locaux. Mais la décentralisation est désormais parvenue à maturité et nous devons nous atteler au chantier de la réduction des structures, de la mutualisation des services administratifs, techniques et financiers, de la clarification et de la meilleure articulation des interventions publiques.
C'est un enjeu fondamental pour notre pays. Je fais confiance aux élus locaux pour être au rendez-vous.
Alors, bien sûr, il ne faut pas se contenter d'agir sur la dépense mais poursuivre également le chantier de la réforme de notre fiscalité locale. Nous avons franchi une première étape avec la suppression de la taxe professionnelle. Avec cette réforme, la France s'est rapprochée de la situation de la très grande majorité des pays européens. En effet, avant la réforme, la France occupait une position très singulière en Europe, la fiscalité propre des collectivités territoriales représentant près de 50% de leurs ressources totales contre 27% en moyenne dans l'Union européenne et seulement 25% en Espagne ou 15% en Allemagne et au Royaume-Uni.
Le Gouvernement a substitué à la taxe professionnelle de nouvelles recettes, essentiellement fiscales – et non des dotations d'Etat comme on l'entend parfois de manière erronée – aux bases plus dynamiques, et qui garantissent l'autonomie financière de chacune des catégories de collectivités territoriales, comme l'a reconnu le Conseil constitutionnel. Le rapport que le Gouvernement remettra dans quelques jours au Parlement confirmera ces engagements.
Mais il faut poursuivre cette réforme, et notamment introduire des mécanismes de péréquation plus juste et plus efficace entre collectivités territoriales. Des travaux sont en cours qui permettront de faire avancer ce chantier dans le cadre de l'examen de la loi de finances pour 2011.
Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement s'est engagé avec courage et détermination dans une refonte globale et progressive de nos finances locales qui sera un chantier de longue haleine.

II – Relever le triple défi de la simplification, du renforcement de la performance de nos territoires et de la maîtrise de la dépense locale, c'est donc l'ambition de la réforme territoriale voulue par le Président de la République et le Gouvernement.

Comment ?
Nous proposons que, demain, notre organisation territoriale s'articule autour de deux pôles complémentaires : un pôle départements-région et un pôle communes-intercommunalité, comme l'avaient d'ailleurs proposé le comité pour la réforme des collectivités territoriales présidé par M. Edouard BALLADUR et la Cour des Comptes par la voix de son ancien président, M. Philippe SEGUIN.
-> Le premier pilier de la réforme, c'est donc l'émergence d'un pôle départements-région.
C'est une innovation majeure.
Le Gouvernement propose une réforme simple, pragmatique et ambitieuse à travers l'institution d'un nouvel élu local, le conseiller territorial, qui siégera demain à la fois au sein du conseil régional et au sein du conseil général de son département d'élection.
Voici de nombreuses années que notre pays s'enferme dans un débat sans fin : faut-il privilégier la région ou le département ? La nécessaire montée en puissance de la première signe-t-elle la mort inexorable du second ?
Le Gouvernement refuse ce débat binaire, prétexte commode à l'inaction, et apporte sa réponse : l'enjeu, ce n'est pas la suppression de l'une ou l'autre de ces deux collectivités territoriales qui ont toutes deux leur légitimité et leur efficacité ; l'enjeu c'est de les faire fonctionner sur le mode de la complémentarité et non sur  celui de la concurrence.
L'ambition de cette réforme, c'est de faire confiance à un nouvel élu, le conseiller territorial, porteur d'une double vision, à la fois départementale et régionale, pour engager, au plus près de la réalité des territoires, le chantier de clarification, de simplification et de mutualisation des moyens entre les deux collectivités territoriales.
Cet effort de clarification rend nécessaire la suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions, qui doit être remplacée par une organisation de la répartition des compétences plus claire.
Les compétences attribuées par le législateur à la région ou au département doivent l'être à titre exclusif : lorsque la loi attribue à une catégorie de collectivités territoriales une compétence exclusive, les collectivités territoriales relevant d'une autre catégorie ne peuvent, en principe, intervenir dans aucun des domaines relevant de cette compétence.
Ce n'est qu'à titre exceptionnel qu'une compétence peut être partagée entre plusieurs catégories de collectivités territoriales. En raison de leur spécificité, ce sera le cas des compétences dans les domaines du sport et de la culture.
A l'intérieur de ce cadre fixé par le législateur national, il est tout à fait normal et souhaitable que les départements et les régions se voient attribuer une capacité d'initiative qui leur permette, par ybe délibération spécialement motivée, de se saisir de tout sujet d'intérêt départemental ou régional pour lequel la loi n'a, jusqu'alors, donné compétence à aucune autre personne publique.
C'est dans ce nouveau cadre de compétences que les conseillers territoriaux pourront jouer tout leur rôle : ils seront invités à établir un schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services entre la région et les départements qui la composent. Ce sera un élément de souplesse et d'adaptation aux réalités locales. Il n'y a en effet aucune raison à ce que la répartition détaillée des interventions respectives des départements et de la région soit strictement identique d'une région à une autre.
Chacun voit bien combien une meilleure articulation entre l'action des départements et des régions peut servir la performance de nos territoires. N'est-il pas légitime, en effet, d'envisager qu'un même élu local s'intéresse à la fois à l'implantation et à la gestion des collèges et des lycées ? N'est-il pas pertinent qu'il réfléchisse à la formation continue tout au long de la vie pour le plus grand nombre sans ignorer la spécificité des actions à mener en faveur des publics les plus éloignés du marché de l'emploi (je pense au RSA) ? N'est-il pas souhaitable qu'en matière de transports, la réflexion embrasse tout à la fois le transport scolaire, interurbain, ferroviaire ? N'est-il pas utile qu'en matière économique, on cherche, pour le plus grand bénéfice des entreprises, à développer des guichets uniques et harmoniser les régimes d'aides et d'interventions économiques ? Et la liste serait longue si l'on voulait la poursuivre ! Il y a là un formidable potentiel pour mieux servir nos concitoyens.
Mesdames et messieurs les Députés, avec l'institution du conseiller territorial, nous proposons une rationalisation qui ne vient pas d'en haut, mais qui  provient du terrain et du bon sens d'élus locaux, moins nombreux certes mais beaucoup plus puissants.
Comme l'écrivait Georges POMPIDOU : « les institutions sont ce que les hommes les font ». C'est aux élus locaux qu'il appartiendra, demain, de redonner du souffle à la décentralisation.
Créer le conseiller territorial, c'est faire le pari de l'intelligence des territoires. Les régions comme les départements, les communes et les intercommunalités y gagneront.
Oui, la région peut y trouver un surcroît de légitimité. Je suis en désaccord, mesdames et messieurs les Députés, avec ceux qui présentent la création de ce nouvel élu comme un facteur d'affaiblissement de l'intérêt régional. Je ne pense pas, en particulier, que le conseiller territorial, élu local ancré territorialement, ne serait pas apte à développer une vision régionale.  Il en sera du conseiller territorial, demain, comme il en est du député ou du sénateur aujourd'hui, qui est élu lors d'un scrutin territorial mais qui a une vision allant au-delà du local.
Je pense précisément que le niveau régional souffre aujourd'hui auprès de nos concitoyens d'un manque de visibilité et de légitimité. On connaît son maire, son conseiller général (en tout cas en milieu rural) mais rarement son conseiller régional. Et ce n'est faire insulte à personne que de le dire. Avec le conseiller territorial, la région trouvera un relais de proximité auprès de nos concitoyens.
Le département, quant à lui, pourra trouver matière à élargir son horizon.
Demain, mesdames et messieurs les Députés, le conseiller territorial sera l'interlocuteur unique des différents acteurs territoriaux, au premier rang desquels les maires et les présidents d'intercommunalités, ce qui contribuera à la réactivité, à la cohérence dans le choix des financements alloués et permettra d'accélérer le montage des projets.
Vous le voyez, la création du conseiller territorial constituera un puissant levier de simplification, de cohérence et de renouvellement de l'action publique locale.
C'est véritablement la clef-de-voûte de la réforme.
-> Le deuxième pilier de la réforme vise à renforcer le pôle communes-intercommunalités.
Nous voulons conforter la commune, qui sera le seul échelon local à continuer à disposer de la clause de compétence générale.
Et pour conforter la commune, nous sommes convaincus de la nécessité d'encourager l'intercommunalité. Dix ans après la loi « Chevènement » de 1999, le Gouvernement a la conviction qu'il faut désormais franchir une nouvelle étape en se fixant quatre objectifs :
   
•    la démocratisation de nos intercommunalités ;
•    l'achèvement de la couverture intercommunale intégrale du pays ;
•    la recherche d'une meilleure cohérence des périmètres dans un souci de simplification, d'efficacité et de meilleure solidarité ;
•    enfin, le renforcement des compétences exercées par les intercommunalités et de la mutualisation de leurs moyens avec les communes.
Le premier enjeu de l'intercommunalité, c'est donc sa démocratisation.
C'est devenu une véritable nécessité compte tenu du poids budgétaire et de la nature des compétences exercées par les structures intercommunales, qui touchent très directement à la vie quotidienne des habitants. Ainsi, en 2008, les dépenses des groupements à fiscalité propre se sont élevées à 24,9 milliards d'euros, soit quasiment le même montant que celui de l'ensemble des régions.
Comment ? En organisant une élection dans le cadre des élections municipales par le système du « fléchage ». Le Gouvernement a fait ce choix car il ne souhaitait pas porter atteinte à la légitimité du maire qui aurait été concurrencée si l'on avait retenu la désignation des conseillers communautaires par un scrutin autonome. Cette solution, c'était d'ailleurs celle du rapport MAUROY, dans sa proposition n°7, voici déjà 10 ans.
Avec cette élection, les citoyens vont s'approprier les débats communautaires. L'intercommunalité ne sera plus une structure éloignée pour l'électeur.
Le deuxième enjeu de l'intercommunalité, c'est l'achèvement de la couverture intercommunale intégrale du pays. Moins de 10% du territoire national reste encore à l'écart : sur plus de 36 000 communes, environ 2 500 demeurent isolées. Ce sont souvent les cas les plus compliqués, qui renvoient à des postures de principe.
L'objectif de couverture intégrale doit aller de pair avec le troisième enjeu de l'intercommunalité qui vise la recherche d'une meilleure cohérence des périmètres et des structures.
C'est bien sûr l'enjeu majeur de la réforme. Il nous faut, département par département, chercher à simplifier l'empilement des structures qui se sont souvent ajoutées les unes aux autres au fil du temps, au gré des accords locaux ou des réforme successives mais sans véritable cohérence d'ensemble. Or, nous savons que la définition des périmètres des intercommunalités joue un rôle majeur en matière de solidarité territoriale et de péréquation financière.
Il faut donc, sans a priori, s'interroger au cas par cas, sur la pertinence du maintien des différentes structures, dans un souci d'allégement de notre organisation territoriale, sans qu'il y ait en la matière une vérité unique pour l'ensemble du territoire national.
Je pense aux pays qui ont souvent joué un rôle utile de préfiguration et d'apprentissage du travail en commun pour les élus locaux mais qui doivent désormais, chaque fois bien sûr que c'est pertinent et nécessaire, se rapprocher des intercommunalités à fiscalité propre dont les périmètres seront élargis.
Je pense également aux innombrables syndicats intercommunaux. Aujourd'hui, 61% des communes adhérent à quatre syndicats intercommunaux ou plus. Bien souvent, les compétences exercées par ces syndicats et leur périmètre chevauchent ceux des intercommunalités à fiscalité propre. Ils constituent même parfois de véritables « coquilles vides ». L'enjeu financier n'est pas mince puisqu'il y a plus de 16 000 syndicats intercommunaux, dont les dépenses s'élèvent à 16 milliards d'euros dont la moitié en dépenses de fonctionnement. 
Bien évidemment, ce chantier doit être mené dans la concertation, au plus près du terrain, en respectant les communes. Mais il faut se fixer une méthode, un calendrier et des objectifs raisonnables pour donner une véritable impulsion.
Ainsi, les préfets devront élaborer, en concertation avec les élus locaux, d'ici la fin de l'année 2011, des schémas départementaux de coopération intercommunale. De nouveaux pouvoirs seront confiés aux commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI), dont la composition sera renouvelée, afin qu'elles puissent imposer des amendements aux schémas. Ils seront donc le résultat d'un véritable travail conjoint entre le préfet et la CDCI et seront ensuite déclinés en 2012 et 2013. Votre commission des lois a par ailleurs souhaité que l'ensemble de la démarche de rationalisation de l'intercommunalité soit achevée pour le 1er juillet 2013 et non pas pour le 1er janvier 2014, afin que ce chantier ne vienne pas perturber les élections municipales de 2014. Je partage cette préoccupation. Et je pense que votre rapporteur a trouvé le bon équilibre. J'attire cependant votre attention sur un point : raccourcir encore le calendrier reviendrait à réduire les délais nécessaires à la concertation locale qui est indispensable au succès de l'entreprise.
Je tiens à insister sur ce point. L'économie du texte qui vous est soumis est très éloignée de certaines caricatures qu'on peut entendre ici ou là sur les pouvoirs exceptionnels des préfets. Le texte institue en réalité un système de pouvoirs et de contre-pouvoirs entre le Préfet et une CDCI renforcée afin que le succès de l'entreprise provienne nécessairement de leur collaboration. C'est la profonde originalité de ce texte qui me semble très innovant.
Enfin, et c'est le quatrième enjeu de l'intercommunalité, il faut encourager les mutualisations de services au sein des intercommunalités. C'est là un enjeu fondamental en termes de maîtrise de la dépense locale. Le constat est connu et de nombreux rapports publics l'ont pointé : depuis dix ans, les deux tiers de la hausse des dépenses locales à champ constant (c'est-à-dire hors décentralisation) relèvent du bloc communal. Et l'essentiel de la hausse des dépenses locales depuis 1980 est dû aux dépenses de fonctionnement dont le bloc communal concentre la plus grande part de l'augmentation (50 milliards en euros constants entre 1980 et 2008). L'une des grandes explications de cet accroissement des dépenses dans le bloc communal vient des faibles mutualisations entre communes et EPCI. Il nous faut donc accélérer l'intégration de nos intercommunalités et ce projet de loi cherche à la faciliter. 
Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, le chantier du renforcement de l'intercommunalité est un chantier essentiel de la simplification de notre organisation territoriale. Pour réussir, il doit éviter l'écueil d'opposer les communes aux intercommunalités. C'est le couple qu'ils constituent qui les renforce mutuellement.
Doit-on considérer pour autant que l'intercommunalité est le seul horizon des communes ? Je ne suis pas de cet avis. Je suis même convaincu que certains élus considèrent aujourd'hui, rassurés par leur expérience d'une intercommunalité réussie, qu'ils peuvent aller plus loin dans l'intégration et se transformer en « commune nouvelle ». De même, certaines petites communes, en particulier en milieu rural, peuvent trouver avantage à une fusion. Au nom de quoi le leur refuser ? Le dispositif des « communes nouvelles » souhaite répondre à ces enjeux en offrant aux élus locaux qui souhaiteront s'en saisir un outil mieux adapté que l'ancien dispositif Marcellin.
-> Le troisième pilier de la réforme vise à favoriser l'émergence d'un réseau de métropoles.
Le Gouvernement a souhaité prendre acte du « fait métropolitain » et l'organiser au mieux, au bénéfice de l'ensemble du territoire national.
Il vous propose donc deux statuts : les métropoles et les pôles métropolitains.
Devait-on dresser la liste limitative des métropoles dans loi, à l'instar de ce qui fut fait pour les premières communautés urbaines en 1966 ?  Je ne le crois pas, car je suis convaincu que la dynamique doit venir des territoires eux-mêmes. Des métropoles imposées par l'Etat, depuis Paris, c'est l'assurance de polémiques inutiles et c'est la certitude de l'échec.
Fixons un cap, ambitieux mais réaliste, qui soit la première étape de l'émergence institutionnelle des métropoles dans notre pays. Inspirons-nous, toutes proportions gardées, du succès de la démarche de l'intercommunalité. Et faisons confiance aux élus pour se saisir de ce nouvel outil et le faire évoluer dans le bons sens.
C'est ce qui a poussé le Gouvernement à finalement retenir le statut d'EPCI pour la métropole et non celui de collectivité territoriale à part entière.
Plusieurs statuts étaient en effet possibles. Pour faire simple, le choix était entre une métropole-département, collectivité territoriale à statut particulier qui intégrait automatiquement l'ensemble des compétences des départements, notamment toutes les compétences sociales, sur son périmètre (c'était le choix du rapport BALLADUR) ou bien celui d'une métropole-EPCI qui assurait une transition plus progressive.
Le Gouvernement a voulu s'inspirer du succès de l'intercommunalité en proposant un nouveau statut intercommunal pour les agglomérations de plus de 450 000 habitants avec des compétences renforcées, entre autres, dans le domaine économique, de l'urbanisme, des transports ou du logement.
Les métropoles ne doivent pas se construire en opposition aux départements et aux régions mais bien dans une logique de complémentarité.
C'est pourquoi, au-delà d'un socle obligatoire de compétences renforcées (dans le domaine économique, l'urbanisme, les transports ou le logement), il faut que les départements, les régions et les métropoles puissent déterminer, par voie conventionnelle, la meilleure répartition possible des compétences en tenant compte des spécificités de chaque territoire. Le projet de loi cherche à amorcer, à provoquer ce dialogue institutionnel plus qu'à imposer une solution toute faite venue d'en haut.
Parallèlement, le projet de loi propose une formule plus souple que la métropole stricto sensu, celle du pôle métropolitain, afin de permettre à plusieurs agglomérations de porter un projet de métropole en développant des coopérations renforcées dans des domaines jugés stratégiques et d'intérêt commun.
Ces deux formules reposent sur le volontariat.
Ce sont des outils au service des projets des élus.

III – Nous nous apprêtons donc, mesdames et messieurs les Députés, à entamer nos débats sur la base du texte issu des travaux de votre commission des lois.

Je souhaite tout d'abord rendre hommage à l'excellent travail réalisé par votre rapporteur, Dominique PERBEN, ainsi qu'aux travaux réalisés par votre commission sous la présidence du président Jean-Luc WARSMANN.
Il est vrai que tous deux s'étaient fortement impliqués dans la préparation de cette réforme territoriale. Dominique PERBEN était membre du comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par l'ancien Premier ministre Edouard BALLADUR. Il a également fortement contribué à l'idée de renforcer nos métropoles. Je pense en particulier à son rapport « Imaginer les métropoles d'avenir ».
Chacun sait par ailleurs combien les deux récents rapports que votre commission des lois a consacrés à la réforme territoriale doivent au président WARSMANN: je pense au rapport sur la clarification de l'organisation et des compétences des collectivités territoriales et au rapport sur l'optimisation de la dépense publique.
Si la réforme est possible aujourd'hui, c'est grâce à ces travaux dont elle s'est fortement inspirée.
Je ne reprendrai pas ici l'ensemble des modifications que vous avez introduites dans le texte issu des travaux du Sénat. Votre rapporteur le fera de manière détaillée dans quelques instants.
Je souhaiterais simplement me féliciter de l'économie du texte issu des travaux de la commission. En particulier, vous avez assoupli les conditions de création des communes nouvelles. En effet, le Sénat avait, sur la base de craintes qui me semblaient largement exagérées, compliqué le dispositif au point de le rendre quasiment impraticable. Il me semble que vous trouvez un bon point d'équilibre.
Je suis également heureux que, tant sur les compétences que sur le régime budgétaire et financier de la métropole, le texte ait retrouvé plus d'ambition.
Enfin, en ce qui concerne les compétences et les cofinancements, je voudrais saluer l'initiative prise par votre rapporteur, en bonne intelligence avec le gouvernement, consistant à transformer l'article 35 du projet de loi en articles juridiquement contraignants, plus opérationnels. C'est une avancée très positive.

*   

Mesdames et messieurs les Députés, 
Au moment de conclure mon propos, et si je n'avais qu'un vœu à formuler à l'entame de nos travaux, c'est que nos débats évitent les  fausses querelles et que, sur tous les bancs, nous sachions saisir l'occasion qui nous est offerte de débattre sereinement sur l'organisation territoriale de la France.
La décentralisation n'est la propriété d'aucun camp politique. C'est le bien commun de la République.
Tenter d'en corriger les faiblesses, ce n'est pas faire son procès ; c'est au contraire, lui donner un nouveau souffle.
En préparant cette réforme, le Gouvernement a cherché à tracer, de manière pragmatique et concrète, une nouvelle ambition territoriale pour notre pays.
Il l'a fait en faisant le pari que les élus locaux eux-mêmes seront les premiers acteurs du changement.
Il n'y a rien dans cette réforme qui ne serve l'effort, l'équilibre et l'unité du pays.
Le Gouvernement n'a qu'un but : rénover la décentralisation pour moderniser et renforcer la France.