Intervention de M. Brice HORTEFEUX, Ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales - Hôtel de Beauvau
- Seul le prononcé fait foi -
Monsieur le préfet de police,
Messieurs les directeurs généraux de la police nationale et de la gendarmerie nationale,
Mesdames et Messieurs les directeurs et chefs de service,
Messieurs les généraux et colonels,
Mesdames et Messieurs,
Le 2 septembre dernier, soit quelques semaines seulement après ma prise de fonctions, j’avais tenu à vous rencontrer, ici même, pour vous donner de nouvelles directives. Au terme de cette réunion, le Président de la République s’était joint à nous pour vous manifester tout son soutien, toute son estime et pour vous indiquer ce qu’il attendait de vous.
Six mois plus tard, je tiens à vous dire que les policiers et les gendarmes que vous commandez sont à la hauteur des attentes. Je sais que vous vous êtes mobilisés et que vous avez tout mis en œuvre pour obtenir des résultats.
Je veux donc d’abord, aujourd’hui, vous remercier pour l’action quotidienne que vous menez au service de la protection de nos concitoyens.
Je connais la difficulté de votre mission et de celle des hommes et des femmes qui sont sous votre autorité. Je sais les exigences qu’elle requiert, le travail qu’elle réclame et les sacrifices qu’elle impose.
Mais je mesure aussi toute la beauté de cette vocation : protéger, défendre et soutenir nos concitoyens face aux aléas de la vie.
Alors, vous le savez mais je vous le dis à nouveau, je suis là pour vous protéger. Tout récemment encore, dans ce débat sur la réforme de la garde à vue, j’ai clairement expliqué que si je n’étais naturellement pas opposé à une réforme, je n’accepterais pas, en revanche, qu’elle puisse être interprétée et vécue comme une victoire des magistrats ou des avocats sur les policiers et les gendarmes. Je n’accepterais pas non plus qu’elle remette en cause l’efficacité opérationnelle du travail des enquêteurs au service des victimes.
Je sais trop les difficultés dans lesquelles vous travaillez parfois, je connais trop l’utilité de vos missions pour la société pour laisser dire et faire des choses qui iraient contre vous. Je sais toute l’importance que revêt une garde à vue pour l’efficacité d’une procédure judiciaire. Je sais aussi que nombre des difficultés liées à la garde à vue sont les conséquences d’exigences législatives ou parfois aussi de décisions des magistrats. Dans cette réforme comme dans tout autre domaine, je serai donc le garant de vos missions comme vous êtes les garants de la sécurité de nos concitoyens. Nous n’avons, tous ensemble, qu’une seule obsession: combattre l’insécurité et protéger les victimes réelles ou potentielles.
Depuis quelques semaines, pas moins de quatre circulaires ont été adressées aux préfets. Elles fixent les objectifs prioritaires de la politique de sécurité pour 2010.
Vous en connaissez les contenus, je ne reviendrai donc pas aujourd’hui sur chacune d’elles en détails. Je veux, en revanche, faire le point avec vous de vos objectifs, de vos moyens d’action et de la nécessité de travailler ensemble.
I. Nous devons amplifier, en 2010, les résultats déjà obtenus dans plusieurs domaines d’action.
Après une légère hausse de la délinquance au printemps et à l’été dernier, nous avons très vite renoué avec la baisse de la délinquance. Mais il ne suffit pas de renouer avec les bons résultats, il faut les pérenniser, les amplifier et les obtenir pour chaque forme de délinquance et sur chaque territoire.
Pour y parvenir, nous avons choisi la bonne méthode : pour chacune des formes de délinquance, se fixer des objectifs, adopter une stratégie ciblée, mettre en place des modes d’action innovants, évaluer les résultats et adapter, le cas échéant, nos actions. De nombreux domaines de notre action enregistrent de beaux progrès. Je voudrais, plus particulièrement, revenir sur trois de ces objectifs qui doivent être au cœur de notre action en 2010.
(1) Nous devons, tout d’abord, poursuivre notre combat acharné contre les cambriolages.
-> Vous avez déjà effectué un travail remarquable dans ce domaine.
Souvenons-nous qu’en septembre 2009, sur les 12 mois glissants, le nombre des cambriolages des résidences principales avait quand même augmenté de + 13,82 %, et ce après une baisse historique entre 2002 et 2008 de - 31%. Cette situation n’était pas acceptable, tant vous savez combien ce délit constitue un traumatisme pour ceux qui en sont victimes. Il fallait donc, de toute urgence, inverser cette tendance. C’est ce que vous avez fait.
Dès le mois d’octobre, vous avez amorcé une rupture avec cette tendance à la hausse. Cette réactivité nous a permis de conforter l’évolution favorable sur le long terme, puisque, grâce à vos efforts, les cambriolages auront reculé de - 28 % sur la période de 2002 à fin 2009, soit 642 000 appartements, maisons d’habitation ou locaux industriels et commerciaux épargnés.
-> Nous avons adopté une méthode qui a porté ses fruits : celle de la réponse ciblée.
Notre stratégie est simple : nous sommes confrontés à un problème précis, nous le traitons de manière tout aussi précise. Grâce à une analyse fine du phénomène au plan local, grâce à un recours désormais systématique à la police technique et scientifique et grâce aux nouvelles cellules anti-cambriolages que nous avons créées et qui quadrillent le territoire, nous avons pu recouper des informations, lancer des opérations conjointes et développer des équipes d’enquête mixtes.
J’en veux pour preuve, encore, le démantèlement, au début de ce mois, d’une équipe de 14 malfaiteurs impliqués dans pas moins de 130 vols avec effraction, réalisé par les services de sécurité publique et le groupement de gendarmerie du Nord, en collaboration avec les services de police du Pas-de-Calais. Nous avons, enfin, étendu le plan « Tranquillité-Vacances » à l’ensemble des périodes de congés scolaires, comme en ce moment-même.
(2) Parallèlement à la lutte contre les cambriolages, nous devons poursuivre et amplifier encore davantage notre lutte contre les deals de proximité.
-> Je tiens beaucoup à ce combat contre la drogue au quotidien.
La lutte contre la drogue est une priorité absolue de notre politique de sécurité. Je le dis souvent et je le répète devant vous, dans ce domaine, il ne doit pas y avoir d’un côté le combat noble et gratifiant contre les grands trafiquants et les « beaux voyous », comme l’on dit en jargon policier, et de l’autre, un travail, qui serait moins honorable, de lutte contre le deal de proximité. Ce n’est pas à vous que je vais apprendre que les ravages de la drogue commencent par le petit trafic de rue. Le deal de proximité, c’est celui qui empoisonne la vie quotidienne de nos concitoyens. Le deal de proximité, c’est celui que l’on trouve aux portes des écoles de nos enfants. Le deal de proximité, c’est celui qui se passe dans les cages d’escaliers de personnes aussi découragées que terrifiées.
Alors, je vous le dis, le deal de proximité, j’attends de vous que vous le combattiez avec la même vigueur que les grands trafiquants. Il ne doit y avoir aucune tolérance pour ces petits revendeurs qui prennent l’espace public pour leur gagne-pain.
-> Je vous demande, par conséquent, à nouveau la plus grande vigilance et la plus grande fermeté avec les dealers, et tout particulièrement en ce qui concerne les abords des écoles.
Il faut en chasser les éventuels dealers. Quand je dis qu’il faut les en chasser, ce n’est pas pour les renvoyer sur le quartier voisin. Il faut les neutraliser, les empêcher de nuire, les mettre en situation d’insécurité, les interpeller et les déférer. Mettez des coups de pied dans les fourmilières ! Les fourmis s’échappent, mais, à force de coups de pied, elles deviennent surtout moins nombreuses ! En 2009, le volume de produits stupéfiants saisis a atteint 60 tonnes pour le cannabis, 5 tonnes pour la cocaïne et 900 kg pour l’héroïne. Ce sont des résultats importants, mais il reste encore tellement à faire ! J’agis aussi, pour ma part, au plan international. J’étais, par exemple, la semaine dernière au Sénégal afin de soutenir les pays africains qui tentent d’arrêter les trafics de cocaïne pour lesquels ils sont devenus une zone de transit entre l’Amérique du Sud et l’Europe. J’ai aussi proposé à mes homologues européens un « pacte européen contre la drogue » afin de conjuguer nos forces et de passer à la vitesse supérieure.
J’ai souhaité nommer un préfet, le préfet Jean-Paul BONNETAIN, pour assurer une bonne coordination de l’action au plan interministériel voulue par le Président de la République. Mon directeur de cabinet réunit, désormais, chaque mois un comité de pilotage pour veiller à la mise en œuvre du plan anti-drogue avec tous les ministères concernés.
Pour votre part, vous devez, sur le terrain, organiser votre action autour d’une cartographie précise des territoires où s’exercent les trafics. Elle suppose l’organisation d’opérations « coup de poing » dans les quartiers les plus touchés par le phénomène, et notamment aux abords des établissements scolaires. Toutes instructions utiles ont été données par la circulaire du 11 février dernier.
(3) Un autre objectif prioritaire est, bien entendu, celui de la lutte contre les violences aux personnes.
-> Nous le savons, c’est sans doute ce que nous avons le plus de difficultés à combattre tant la société est violente et les délinquants imaginatifs.
Je pense à la violence des jeunes, commise individuellement ou en bandes, et notamment à celle des filles ; je pense aux violences intrafamiliales ou à celles infligées à des personnes vulnérables, comme les personnes âgées.
Malgré les efforts déployés en fin d’année et l’inversion de la tendance lors des trois derniers mois, le constat global reste insuffisant : ces violences aux personnes ont encore augmenté de +2,76 % en 2009 par rapport à 2008.
-> Je sais que cette lutte est délicate à mener, du moins à l’égard de certaines composantes de la population.
Ainsi, malgré des progrès indéniables en termes d’accueil et d’accompagnement des victimes, les services de police ou de gendarmerie ont, par exemple, une influence encore trop faible sur les violences intrafamiliales, dès lors qu’elles se déroulent dans l’intimité du foyer et qu’elles ne font pas l’objet d’un signalement. Mais vous devez persévérer et améliorer encore la prise en compte de celles et de ceux qui ont le courage de briser la loi du silence. Les brigades de protection de la famille ont précisément été mises en place, à l’automne dernier, pour mieux faire face à ces situations difficiles qui touchent des publics particulièrement vulnérables, comme les femmes battues, les mineurs victimes de violences et les personnes âgées maltraitées.
-> Les violences physiques sont aussi, souvent, le fait de bandes plus ou moins organisées qui terrorisent un quartier, un immeuble ou les transports publics. Nous allons nous y attaquer encore davantage.
Ces bandes sont de plus en plus jeunes, de plus en plus féminisées et de plus en plus violentes. Tous les jours, des faits divers nous rappellent à cette réalité : le 9 février dernier, encore, trois jeunes filles de 14 à 17 ans ont infligé à un quinquagénaire un véritable supplice. On ne peut qu’être révulsé par de tels actes monstrueux !
Bien entendu, les situations s’entremêlent : ce phénomène de bandes est souvent lié à celui de la drogue et de l’économie souterraine et souvent à l’origine de violences scolaires. C’est pourquoi je vous ai demandé de mettre en place, dès le mois d’octobre dernier, des groupes spéciaux d’investigation sur les bandes dans les départements les plus touchés par le phénomène. Par ailleurs, la création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à la prévention des atteintes à la sécurité publique doit vous permettre de gagner en efficacité dans la prévention des phénomènes de violence.
-> Les violences aux personnes se produisent aussi, nous le savons, à l’occasion de rassemblements sportifs, en particulier lors des matchs de football.
Pour mieux lutter contre ces débordements, j’ai créé la division nationale de lutte contre le hooliganisme afin que toute violence, dégradation, propos raciste ou incident pendant un match ou à l’occasion d’un match soit systématiquement sanctionné par une interdiction administrative de stade, dans l’attente de la sanction judiciaire. Ces gens-là n’aiment pas le sport, ils sont là uniquement pour être violents. Notre réponse doit donc être sans appel.
Pour ceux d’entre vous qui ont un club de ligue 1 ou 2 dans leur département, mes instructions sont claires : aujourd’hui, seules 311 interdictions administratives et judiciaires de stade sont en cours d’application ; je veux que l’on atteigne l’objectif de 500 interdictions. Pour ce faire, il faut donc assurer l’ordre public, mais il faut aussi interpeller les fauteurs de troubles.
A cet effet, en complément des unités de sécurité publique et des forces mobiles, j’ai demandé que soient constituées des sections d’intervention rapide en tenue sportive, constituées de policiers volontaires, spécialement formés et chargés d’intervenir dans les stades lors des matchs à risques.
-> Permettez-moi, enfin, d’en venir à ceux qui méritent tous nos égards et toute notre attention : les personnes les plus fragiles et vulnérables, au premier rang desquelles les personnes âgées.
C’est une bonne nouvelle : nous vivons de plus en plus âgés. Aujourd’hui, 1,5 million de nos concitoyens ont plus de 85 ans. Ils seront 2 millions en 2015. 5 millions en 2050. Cette augmentation de l’espérance de vie crée, cependant, de nouvelles vulnérabilités et pose de nouveaux enjeux en termes de sécurité. Nos aînés constituent des proies faciles pour certains délinquants. L’assassinat de ce couple de retraités à Sainte-Maxence, dans l’Oise, nous le rappelle durement en Seine-Maritime.
Alors, vous le savez, j’ai missionné un parlementaire, le député Edouard COURTIAL, qui, à la mi-mars, me présentera une série de propositions nouvelles et concrètes pour aider les personnes âgées, notamment seules, à vivre autrement que dans la crainte.
Sans attendre, j’ai voulu que le projet de loi LOPPSI nous permette de renforcer les sanctions encourues par ceux qui auront commis un vol au préjudice d’une personne âgée ou vulnérable. Nous ajoutons aussi une nouvelle aggravation de la sanction s’ils ont agi avec violence. Ces mesures visent à envoyer un signal fort à la fois aux victimes et à ceux qui seraient tentés de commettre ces délits d’une lâcheté révoltante. Sans attendre, vous devez vous mobiliser pour sensibiliser les personnes âgées à ces risques et renforcer les dispositifs les concernant.
II. Pour mener à bien ces objectifs sur le terrain, vous disposez désormais ou allez disposer de nouveaux outils juridiques, opérationnels et de pilotage.
(1) Vous disposez de nouveaux outils juridiques et opérationnels, tout d’abord.
-> Je pense à la toute prochaine loi sur les bandes, dont l’examen par le Parlement vient de s’achever, et que nous allons enrichir d’un véritable plan anti-bandes.
Celle-ci prévoit, notamment, l’incrimination d’appartenance à une bande violente. Je donnerai, le moment venu, des instructions aux préfets pour que cette loi soit appliquée avec la fermeté requise.
Mais nous allons aller plus loin. Je vous annonce donc qu’un plan de lutte contre les bandes est en cours de finalisation. Il vous sera très prochainement communiqué. Nous allons mener la guerre à ces groupuscules qui sont néfastes à notre société et qui n’hésitent pas à s’attaquer gratuitement aux plus fragiles. Démanteler une bande ne recouvre pas nécessairement la même réalité, selon la nature du groupe ciblé, sa composition et son niveau d’organisation. Concrètement :
Les bandes violentes sont un phénomène que vous pouvez endiguer. Ne vous laissez pas déstabiliser. Ne reculez jamais. Car reculer, ce serait abdiquer. Abdiquer, ce serait considérer que des personnes, sous prétexte qu’elles agissent en bandes, auraient droit à l’impunité. Abdiquer, ce serait admettre qu’il existe des zones de non-droit sur le territoire de la République Française. Je vous le dis clairement : les quartiers difficiles, là où les bandes imposent leur loi à une population accablée et découragée, je veux que vous les reconquériez.
-> Je pense aussi au projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure qui a été débattue et votée à l’Assemblée nationale et le sera prochainement au Sénat.
Avec la LOPPSI, concrètement que faisons-nous ?
Vous qui êtes dans la réalité quotidienne du terrain, vous le savez : la première des préventions reste la certitude de la sanction. C’est pourquoi j’ai tenu à ce que nous renforcions les sanctions, certes pour les vols commis au préjudice d’une personne vulnérable, mais aussi pour l’usurpation d’identité sur internet ou pour la distribution d’argent sur la voie publique. Autant de sujets sur lesquels vous étiez, souvent, démunis faute de législation !
Nous avons, aussi, réaffirmé l’utilité de la vidéo-protection et renforcé le cadre juridique de son emploi. L’objectif est clair : permettre le triplement du nombre de caméras sur la voie publique d’ici fin 2011.
De la même manière, nous avons pris les mesures nécessaires pour que vous puissiez, en lien direct avec la justice, « frapper les délinquants au portefeuille ». C’est un fait : jusqu’à présent, les véhicules de luxe des délinquants, de type Porsche Cayenne ou Audi A8, saisies par les autorités judiciaires croupissaient en fourrière jusqu’à l’issue de la procédure judiciaire. Quel gâchis ! Désormais, grâce à cette loi, vous disposerez des mêmes armes que les délinquants. Une partie des voitures confisquées pourront désormais être immédiatement affectées aux policiers et gendarmes chargés de pourchasser les convois «go fast». Les autres voitures saisies seront aussi mises aux enchères dès l’interpellation des délinquants, sauf bien sûr si les magistrats s’y opposent.
Nous renforçons également notre lutte contre l’insécurité routière, avec, en particulier, l’immobilisation des véhicules pour les délits les plus graves.
Enfin, avec la LOPPSI, nous allons consolider nos moyens d’action pour mieux protéger les mineurs de moins de 13 ans et pour responsabiliser leurs parents.
Est-il normal qu'un mineur de 10, 11 ou 12 ans qui a déjà eu affaire à la justice puisse se promener tout seul, à la nuit tombée, sans être accompagné de la personne qui exerce l’autorité parentale ?
Non, bien entendu. Mais ce type de situation, certains d’entre vous le rencontrent malheureusement couramment. Je trouve cela inacceptable. La société se doit de réagir face à cet abandon qui a un impact direct sur le climat d’incivilité et de délinquance dans nos quartiers. Nos concitoyens n’en peuvent plus des abribus saccagés, des feux de poubelles, des halls d’immeubles dégradés. Notre projet est donc très concret et très simple : sur une période et un secteur bien définis, le préfet pourra décider que tout mineur de moins de 13 ans surpris à déambuler en ville, passé 23 heures et jusqu’à 6 heures du matin, soit raccompagné chez lui, soit emmené au commissariat, où ceux qui ont autorité sur lui seront fermement invités à venir le chercher.
Vous le voyez, ce texte est, en tous points, conforme à notre volonté de protection, d’autorité et de justice. J’ajoute qu’à chaque problème, il faut trouver une solution, et si celle-ci appelle le vote d’une loi, et bien, je vous le dis, nous soumettrons au Parlement autant de lois que nécessaire.
(2) En plus de ces nouveaux outils juridiques et opérationnels, j’ai voulu mettre à votre disposition un nouvel outil de pilotage.
En présentant à la presse, le 14 janvier dernier, les résultats de la politique de sécurité en 2009, j’avais indiqué, en présence d’Alain BAUER, président de l’observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, mon intention de mettre en place un nouveau tableau de bord de la sécurité, à la fois pour aider à la décision et mieux évaluer les résultats. C’est chose faite depuis le 1er janvier, même si la nouvelle architecture ne sera véritablement complète qu’au 1er mai.
Si l’état 4001 a le mérite d’exister depuis 1972, il avait, cependant, deux lacunes majeures : il ne distinguait pas les faits constatés de l’activité des services, et relevait les crimes et délits selon le lieu du dépôt de plainte plutôt que de la commission des faits. Personne ne peut nier, non plus, que cet outil s’avère souvent imprécis et rend insuffisamment compte de l’efficacité et de la performance des services de police et des unités de gendarmerie dans la lutte contre la délinquance. Il ne permet pas de distinguer les plaintes pour violences commises sur la voie publique des plaintes pour violences intrafamiliales. Il ne permet pas de connaître les plaintes pour des infractions perpétrées avec internet, la cybercriminalité n’étant pas comptabilisée en tant que telle. Les délits routiers ne sont pas, non plus, enregistrés. Les exemples sont nombreux et mettent au jour un constat clair et sans appel : les nouvelles formes de criminalité, les nouveaux modes opératoires ou, encore, les délinquances émergentes n’étaient jusqu’ici pas véritablement identifiables. Tout cela devait être corrigé. Tout cela a été corrigé.
Avec ce nouveau tableau de bord de la sécurité, nous passerons enfin d’un outil passif à un instrument actif de pilotage qui s’inscrit bien dans la culture du résultat que nous promouvons.
Subsidiairement, la mise en place de ce nouveau tableau de bord permettra de mettre un terme à certaines polémiques stériles autour de ce que d’aucuns appellent la « culture du chiffre », et en l’occurrence, du chiffre unique. Je n’ai jamais été dans cette logique du chiffre. En revanche, j’ai défendu et je défends la culture du résultat, c'est-à-dire celle de l’efficacité, de l’efficience, de la recherche de la qualité et du nécessaire compte-rendu de nos activités. Vous disposez désormais de toutes les informations utiles et nécessaires sur ce nouvel outil quantitatif et qualitatif que je vous demande de vous approprier comme un véritable instrument de pilotage.
III. Vous avez donc des objectifs clairs et des outils pour les remplir. Mais nous devons aussi vous aider à mieux travailler ensemble.
-> Bien sûr, nous devons compter avec une contrainte : la révision générale des politiques publiques.
Notre pays fait face à un déficit public encore bien trop important. Le désendettement constitue l’une des priorités absolues du Gouvernement. Nous avons eu le courage, en effet, de renoncer à la solution facile mais suicidaire de l’augmentation des effectifs au sein de chaque administration. Cela n’empêche pas certains opposants de faire preuve d’irresponsabilité dans leurs propos en condamnant notre politique, sous prétexte qu’elle nécessiterait toujours plus d’effectifs. On voit bien que ceux-là ont perdu le sens des réalités depuis bien longtemps !
Bien entendu, nous sommes confrontés à une certaine forme de paradoxe dans la mesure où la demande de sécurité est en hausse constante alors qu’il nous faut y faire face avec des moyens de plus en plus contraints.
Mais alors, plutôt que de subir cette contrainte budgétaire, nous avons tout intérêt à sortir de nos schémas de pensée traditionnels en mutualisant nos moyens d’action, en trouvant des synergies nouvelles et en recherchant le « toujours mieux » plutôt que le « toujours plus ». Je vous rappelle, aussi, que la RGGP doit s’appliquer d’abord aux fonctions supports plus qu’aux fonctions opérationnelles.
-> Mieux travailler ensemble, c’est naturellement tirer tout le parti du rapprochement police - gendarmerie.
Ce rapprochement historique, je veux qu’il s’inscrive dans une démarche de complémentarité optimale et d’efficacité opérationnelle maximale. J’ai bien dit complémentarité et efficacité, et non pas concurrence ou discordance. Cela, j’y serai, je vous le dis, très attentif.
Il est donc totalement irresponsable, voire dangereux, que certains spécialistes de l’alarmisme colportent, ici ou là, les rumeurs et les polémiques les plus fantaisistes sur l’avenir de la gendarmerie ou sur la fermeture de telle ou telle circonscription de sécurité publique.
Je compte sur chacun des responsables départementaux que vous êtes pour expliquer les réformes en cours et mettre un terme à la propagation de rumeurs infondées. Cela, c’est votre responsabilité et je veillerai personnellement à ce que vous l’exerciez.
Ces polémiques sont d’autant plus stériles et regrettables que vous faites, chaque jour, sur le terrain, la preuve de votre capacité à travailler ensemble. Des résultats concrets ont, ainsi, pu être obtenus grâce à la mutualisation d’un certain nombre de fonctions supports : vous en avez le détail dans la note qui vous a été adressée sur l’état d’avancement de ces travaux de mutualisation à la date du 1er février. Les avancées enregistrées couvrent un large champ, qu’il s’agisse des systèmes d’information et de communication, des réseaux, des bases de données, de la police technique et scientifique de la logistique, de l’immobilier ou de la gestion des ressources humaines.
Concernant la coopération dans le domaine opérationnel, un travail de réflexion a été engagé, avec les deux directeurs généraux, pour établir des mesures d’application immédiate. Leur teneur vous en est précisée dans la note que vous avez reçue avec celle concernant les mutualisations. Il ne s’agit pas d’un travail exhaustif, la réflexion se poursuit et de nouvelles décisions viendront enrichir les mesures déjà arrêtées. Sur chacun de ces domaines, pour mettre en œuvre les protocoles de complémentarité opérationnelle co-signés par les deux directeurs généraux, des instructions vous sont et vont vous être adressées. S’agissant de la mission d’information générale, une instruction, qui a l’accord des deux directeurs généraux et que je viens de signer, va vous être remise aujourd’hui et régler ainsi un certain nombre de difficultés. Je demande à chacun d’entre vous de l’appliquer loyalement. Croyez bien que j’y serai attentif personnellement.
->Mieux travailler ensemble, cela demande aussi d’adapter l’action des forces de police et de gendarmerie aux différents territoires.
C’est tout l’enjeu de la police d’agglomération et de son corollaire, la police des territoires. Il s’agit, en effet, d’aborder les problématiques de sécurité dans le cadre redéfini des bassins de délinquance et des bassins de vie. Des instructions précises vous seront adressées en la matière en avril prochain.
->Mieux travailler ensemble, cela passe, aussi, par la mobilisation de tous les acteurs.
Nous devons avoir une approche globale des problématiques de sécurité et travailler avec tous nos partenaires. C’est l’état d’esprit, par exemple, des états-majors départementaux de sécurité. Co-animés par les préfets et les procureurs de la République, chargés d’impulser les politiques de sécurité dans chaque département, ils répondent bien à ce besoin de stratégie globale.
Dans ce même esprit, j’ai engagé plusieurs procédures d’action interministérielle.
Je pense aux circulaires du 23 septembre et du 15 février, prises avec le ministre de l’éducation nationale, Luc CHATEL, pour renforcer la sécurisation des établissements scolaires. L’actualité nous rappelle que nous n’avons pas encore gagné cette bataille. Du bon travail a été réalisé, il faut le poursuivre. Nous le devons aux enfants qui bâtissent leur avenir dans ces établissements.
Je pense, également, à ce protocole du 23 septembre dernier avec le ministre du budget, Eric WOERTH, qui a mis à la disposition des services de police et de gendarmerie 50 agents du fisc pour lutter plus efficacement contre l’économie souterraine. Chargé au sein de ces groupes spécialisés de la géo-localisation et de la télédétection, ils facilitent l’identification et la saisie des avoirs criminels par la levée réciproque du secret professionnel.
Ce travail partenarial, j’attends de vous que vous l’étendiez et que vous l’intensifiiez. Dans cette perspective, le plan national de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes, voulu par le Premier ministre, a pour objectif d’exploiter toutes les possibilités offertes par la loi du 5 mars 2007 et de mieux coordonner l’action des acteurs locaux de la prévention, en plaçant le maire au cœur du dispositif. Sa mise en œuvre vous concerne directement, notamment pour la prévention situationnelle, l’accueil et l’accompagnement des victimes ainsi que la prévention des violences intrafamiliales.
C’est dans le même esprit que doit être systématisée et développée la complémentarité avec les polices municipales, dans le cadre, notamment, de conventions fixant les modalités de leur coopération avec les services de police et les unités de gendarmerie.
-> Mieux travailler ensemble, c’est aussi mieux travailler avec tous ceux qui peuvent concourir à la sécurité.
Afin de définir, de façon concertée, le champ du partenariat à développer entre le ministère de l’intérieur et ces acteurs privés, et de répondre aux attentes de professions exposées du fait de leurs activités tels que les bijouteries, débits de tabac, stations services, galeries et centres commerciaux à encore améliorer leurs dispositifs de sécurité, j’ai décidé de désigner « un Monsieur sécurité des commerces et établissements industriels et commerciaux ». Ce haut fonctionnaire du ministère de l’intérieur sera chargé de le représenter auprès de ces différentes professions. Concrètement, il servira d’intermédiaire entre le milieu du commerce et de l’industrie, les organisations patronales, les instances consulaires, les assureurs, et les services de sécurité intérieure. Il assurera la promotion des bonnes pratiques et renforcera le développement de la prévention situationnelle.
Déjà, un groupe de travail, constitué à la fin de l’année 2009 et rassemblant des professionnels des métiers de la distribution, des policiers et des gendarmes, a pu élaborer une liste de recommandations opérationnelles en vue d’améliorer durablement la sécurité des centres commerciaux et des moyennes et grandes surfaces.
C’est ce type de démarche que j’entends promouvoir et développer. Ce sera la mission du « Monsieur Sécurité des commerces et des établissements industriels et commerciaux ».
Voici ce que je tenais à vous dire aujourd’hui.
En 2009, une fois de plus, la délinquance a reculé en France grâce à votre forte mobilisation, grâce à une nouvelle organisation et grâce à de nouvelles méthodes.
En 2010, je veux que vous poursuiviez cet effort et que nous franchissions ensemble une nouvelle étape. Parce que j’attends de vous des résultats, il est naturel que vous ayez les moyens de les atteindre. Les avancées juridiques et statistiques ainsi que la complémentarité opérationnelle police-gendarmerie vous permettront d’être mieux armés dans la lutte contre la délinquance, mais aussi de réorienter votre action au plus près des réalités locales chaque fois que nécessaire.
Les défis sont encore nombreux. Mais les responsabilités qui vous incombent sont à la hauteur de vos compétences. Je viens régulièrement sur le terrain pour vous rencontrer, échanger avec vous et connaître vos difficultés, et je continuerai à le faire.
La sécurité partout et pour tous, voici notre mission.
La sécurité partout et pour tous, ce n’est pas une formule, ce n’est pas un slogan, c’est tout simplement notre feuille de route. C’est ce qui doit guider votre action, au quotidien.
Pour cela, je sais pouvoir compter sur vous. Sachez, aussi, que vous pourrez toujours compter sur moi.