Intervention de M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales à Clermont-Ferrand, mardi 22 septembre 2009.
Monsieur le Président de l'Assemblée des Départements de France,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Président du Conseil général du Puy-de-Dôme,
Monsieur le Maire de Clermont-Ferrand,
Mesdames et Messieurs les Présidents de Conseils généraux,
Mesdames, Messieurs,
En prenant la parole ce matin devant vous, et je remercie l'ADF de m'en donner l'opportunité, je mesure parfaitement que ce congrès 2009 n'est pas un congrès ordinaire. Bien sûr, chaque congrès annuel est un moment singulier et important. Mais celui-ci prendra nécessairement un relief particulier. Tout y contribue, les hasards du calendrier comme ceux de la géographie.
Le calendrier tout d'abord. Votre congrès se tient alors que le Gouvernement s'apprête à engager, dans les semaines à venir, deux réformes majeures pour les collectivités territoriales en général et les départements en particulier. Ces deux réformes, vous les avez rappelées Monsieur le Président, ce sont la réforme de la taxe professionnelle et celle de l'organisation territoriale de la France.
La géographie ensuite. Puisque un heureux concours de circonstances fait que votre congrès se tient cette année dans ce beau département du Puy-de-Dôme qui, je dois le reconnaître, ne m'est pas tout à fait étranger !
Ce matin, ce ne sera donc pas seulement le ministre de l'intérieur et des collectivités territoriales qui s'adressera à vous mais ce sera aussi, et peut-être d'ailleurs davantage, l'élu local qui, en tant que conseiller régional d'Auvergne depuis 1992, inlassablement, défend ce territoire avec constance et conviction.
Tout au long de ma vie publique, cette expérience locale m'aura été irremplaçable. Je m'y suis toujours consacré, quelles que soient mes responsabilités par ailleurs. C'est cette fidélité à un territoire et un mandat local de proximité qui, aujourd'hui encore, me ramène chaque semaine en Auvergne. Je suis sûr que chacun ici partage cet attachement singulier à un territoire et une population.
C'est tout cela, je crois, qui peut m'autoriser ce matin, à vous exposer très directement les grandes orientations d'une réforme qui mérite beaucoup mieux que les caricatures ou les procès d'intention.
I - Cette réforme part d'un constat : l'organisation territoriale de la France doit évoluer. Le statu quo n'est plus possible.
Ce constat, je voudrais dire qu'il n'est ni original ni provocateur.
(1) Ce constat n'est pas original.
A vrai dire, ce qui me frappe aujourd'hui, c'est qu'il est presque devenu banal.
Les rapports s'empilent qui le décrivent à satiété avec une saisissante convergence de diagnostic. On peut citer parmi les plus récents dans une impressionnante littérature : les rapports Pebereau, Richard, Valletoux, Lambert, Balladur, Belot ou Saint-Etienne sans oublier les publications régulières de la Cour des Comptes sur le sujet.
Ce constat, à vrai dire, il n'est ni de droite ni de gauche, ni du centre. L'immense majorité des élus locaux le partagent, eux qui vivent quotidiennement la complexité de notre système administratif. La plus belle des énergies ne peut que s'abîmer devant l'éclatement des structures, l'enchevêtrement des compétences, l'embrouillamini des financements croisés !
Mais surtout, et c'est peut-être le plus essentiel pour nous, les politiques, les Français souhaitent le changement. Je rappelle que 83% des Français estiment notre organisation administrative trop compliquée, que 75% estiment la répartition des responsabilités plutôt confuse, que 71%d'entre eux estiment qu'une réforme du mode d'organisation des différentes collectivités locales est nécessaire, et que près de 60% considèrent qu'il y a trop d'échelons de décision.
Et comment leur donner tort ? Nous rivalisons de métaphores culinaires (millefeuille, lasagne) pour décrire cet empilement de structures administratives qui s'est installé au fil du temps dans notre pays : communes, intercommunalités à fiscalité propre, syndicats intercommunaux à vocation unique ou multiple, syndicats mixtes (ouverts ou fermés), pays, départements, régions, Etat et Europe !
(2) Mais ce constat, ce n'est pas une provocation.
D'abord, ce n'est évidemment pas une mise en accusation de telle ou telle majorité politique, nationale ou locale. Nous devons, nous les hommes et les femmes politiques, avoir l'humilité de reconnaître que nous portons, toutes majorités successives confondues, une part de responsabilité collective. Nous avons beaucoup créé de structures mais jamais eu le courage d'en supprimer.
Ce constat, ce n'est pas non plus une critique adressée par l'Etat aux collectivités territoriales. Au nom de quoi ? Les Gouvernements comme le législateur portent une certaine responsabilité dans la complexité du système. Je n'ai pas de difficulté à le dire. L'Etat doit se réformer et montrer l'exemple avant de demander des efforts aux autres ! J'y reviendrai.
Ce constat enfin, ce n'est pas le procès de tel ou tel niveau de collectivité locale : région, département ou commune. Ce serait totalement stérile d'opposer les structures les unes ou autres. Il n'y a pas d'un côté les bonnes collectivités locales et de l'autre les mauvaises. Il n'y a pas les collectivités modernes et les collectivités archaïques. Ce genre de discours manichéen et simpliste, ce n'est pas la démarche du Gouvernement. La vérité, c'est qu'elles ont toutes leurs histoires et entretiennent une relation singulière aux Français et à l'imaginaire républicain.
Ce constat, c'est simplement la description d'une réalité objective qui doit nous pousser à agir avec résolution.
Pour reprendre le titre du rapport remis au Président de la République en mars dernier par le comité pour la réforme des collectivités locales présidé par l'ancien Premier ministre, M. Edouard Balladur : « il est temps de décider » !
Le Président de la République et le Gouvernement n'entendent pas échapper à cette nécessité.
II - En vérité, la principale faiblesse de la décentralisation, c'est qu'elle ne s'est pas accompagnée, pour l'Etat comme pour les collectivités locales, d'un effort de remodelage de notre organisation territoriale.
La décentralisation, engagée voilà désormais près de 30 ans avec l'impulsion décisive des lois Deferre, était absolument nécessaire. Elle a contribué à la vitalité démocratique de notre pays, renforcé les libertés locales, libéré les énergies et consacré une nouvelle forme de gestion publique, plus proche des citoyens. Pour autant, elle s'est essentiellement focalisée sur les transferts de compétences sans jamais toucher aux structures sauf pour les empiler les unes aux autres sans jamais retrancher ou réorganiser. C'est là sa principale limite. C'est là notre principal défi.
Aussi, l'ambition du Gouvernement est claire. Cette réforme, ce n'est pas l'acte III de la décentralisation mais bien l'acte I de la simplification et de la clarification de notre organisation territoriale. Nous voulons conforter la décentralisation, l'ancrer définitivement en engageant résolument l'exercice de rationalisation et de réorganisation des structures.
En demandant au Gouvernement d'engager cette réforme de l'administration locale du pays, le Président de la République souhaite poursuivre et amplifier la réforme de l'Etat territorial amorcé aux lendemains de son élection. En effet, dès 2007, avec la révision générale des politiques publiques, le Président de la République a lancé un vaste mouvement de réforme de l'Etat et, en particulier, la réorganisation des services déconcentrés de l'Etat.
Car l'Etat, pas plus que les collectivités locales, n'échappe à la critique. Depuis 1982, son organisation territoriale n'avait que très peu évolué : une préfecture de département ou de région et une multitude de services déconcentrés d'inégale importance organisés de manière très verticale avec leurs ministères, en « tuyaux d'orgue » comme disent les spécialistes, sans avoir véritablement tiré les conséquences des transferts de compétences. Plusieurs réformes avaient cherché à la faire évoluer en insufflant plus de transversalité et donc de travail interministériel entre les services sous l'impulsion des préfets. Mais la limite de l'exercice tenait au fait qu'on ne touchait pas aux structures.
Avec la RGPP, le Gouvernement a donc souhaité aller beaucoup plus loin. Non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, concentration des services en 8 directions interministérielles au niveau régional et en 2 ou 3 directions interministérielles au niveau départemental, mutualisation de toutes les fonctions support, pouvoir hiérarchique des préfets de région sur les préfets de départements hors compétence d'ordre public, réorganisation du réseau et des missions des sous-préfectures : vous pouvez aisément mesurer l'ampleur des ajustements qui sont en cours !
Vous le voyez, l'Etat est en train de réaliser une réforme historique de son organisation territoriale. Avec la RGPP, l'État tirera enfin toutes les conséquences de la décentralisation.
Ce point est fondamental à mes yeux. L'effort que le Gouvernement s'apprête à demander aux collectivités territoriales, il a commencé par se l'appliquer à lui-même. Avant de demander aux autres de se réformer, on se doit de montrer l'exemple !
La seconde étape, qui s'ouvre à présent, c'est donc la réforme des collectivités territoriales.
III - Pour conduire cette réforme, la feuille de route du Gouvernement est très claire : simplifier notre paysage institutionnel et l'adapter aux défis de notre temps.
C'est dans cet esprit que le Gouvernement proposera quatre grands axes de réforme :
1. Réorganiser les collectivités autour de deux pôles, un pôle région-département et un pôle communes-intercommunalité;
2. Simplifier le paysage en achevant la couverture intercommunale du territoire national, en élargissant le cadre des intercommunalités et en supprimant les niveaux devenus superflus - je pense aux pays et à de nombreux syndicats divers et variés ;
3. Créer des métropoles afin de permettre à nos grandes agglomérations de soutenir la compétition avec leurs concurrentes européennes et internationales en leur offrant un nouveau cadre institutionnel plus adapté ;
4. Clarifier les compétences des différents niveaux de collectivités et encadrer la pratique des cofinancements.
(1) L'émergence d'un pôle région-département est un formidable chantier.
J'ai bien conscience en vous écoutant, Monsieur le Président, qu'il peut susciter des interrogations, des inquiétudes voire, pour certains, de l'hostilité. C'est normal, tant il bouleverse les repères, les habitudes, les situations acquises. C'est pourtant un défi exaltant.
Quelle est la démarche du Gouvernement ?
- D'abord, il y a ce que nous ne voulons pas.
Ce que nous ne voulons pas, ce sont les solutions simplistes, à l'emporte-pièce, qui font fi des réalités historiques et de l'attachement de nos concitoyens à leurs institutions locales. Aussi, je vous le dis très directement, je n'ai jamais été partisan ni de la suppression des départements ni de la fusion des régions et des départements.
Je me suis entretenu plusieurs fois avec Jacques Attali de sa proposition de supprimer les départements. Elle n'est pas opérationnelle en pratique, les compétences transférées aux départements n'ayant pas cessé de s'accroître années après années, en particulier avec l'acte II de la décentralisation. Aujourd'hui même, le projet de loi sur les parcs de l'équipement est discuté à l'Assemblée Nationale. Par ailleurs cette suppression ne fait l'objet d'aucun consensus politique ou populaire. Cela n'a jamais été l'option du Gouvernement. Ce n'est pas ce que nous proposons. Les choses doivent être bien claires.
- Alors, faut-il pour autant ne rien faire ? Faut-il se contenter de l'existant ? Tout va-t-il parfaitement bien dans le meilleur des mondes ?
J'ai bien entendu, Monsieur le Président, les arguments de l'ADF sur l' « erreur de diagnostic » du Gouvernement, sur le fait qu'il n'y aucun problème d'articulation des interventions des régions et des départements, le tout à grand renfort d'études réalisées par de prestigieux et coûteux cabinets d'audits privés. Il faudra bien, le jour venu, que ces derniers précisent la méthodologie suivie et les hypothèses retenues pour arriver à des conclusions aussi tranchées. Je remarque d'ailleurs qu'elles sont toutes basées sur l'hypothèse d'une fusion des départements et des régions alors que, je viens de le rappeler, ce n'est pas la proposition du Gouvernement !
Pour ma part, les chiffres qui m'ont été fournis par la Direction Générale des Collectivités Locales diffèrent des vôtres. Je n'en citerai que deux : la rationalisation des dépenses entre départements et régions porte potentiellement sur 20 milliards d'euros par an ; la création de 3 000 conseillers territoriaux en remplacement des conseillers généraux et régionaux se traduira non pas par une hausse des indemnités des élus comme vous l'affirmez mais bien par une baisse de l'ordre de 70 millions d'euros par an.
- Car que propose le Gouvernement ?
Une réforme simple et pragmatique, loin des querelles stériles et sans fin entre les pro-départements et les pro-régions. Cette réforme, c'est la création de 3 000 conseillers territoriaux qui remplaceront les 6 000 conseillers généraux et régionaux actuels. Ces conseillers territoriaux siègeront à la fois dans les conseils généraux et les conseils régionaux. Un même élu pour deux collectivités locales. Ce nouvel élu sera porteur d'une double vision, à la fois territoriale et régionale. Sa connaissance du mode de fonctionnement des structures des deux collectivités, de leurs compétences respectives et de leurs modalités d'interventions techniques et financières lui permettra tout naturellement de favoriser la complémentarité de leurs interventions respectives. Il évitera les actions concurrentes ou redondantes sur un même territoire. Car qui peut soutenir honnêtement qu'il n'y en a pas ? Tous les élus locaux de bonne foi le savent bien, eux qui vivent quotidiennement la réalité de notre système.
Finalement, quelle est la stratégie du Gouvernement ? Elle est très simple : faire confiance à un élu local, le conseiller territorial, pour clarifier, de manière pragmatique, au plus près des réalités du terrain, les compétences et les interventions des départements et des régions. Une rationalisation qui ne vient pas d'en haut, technocratique et indifférenciée mais qui provient du terrain et du bon sens d'élus locaux, deux fois moins nombreux mais deux fois plus influents. Comment peut- on sérieusement accuser le Gouvernement de trahir la décentralisation ? L'ambition de cette réforme, c'est tout l'inverse : on fait confiance à un élu local pour engager le chantier de clarification que nous n'avons pas su faire aboutir depuis près de 30 ans !
Alors, j'entends bien les objections. Elles sont d'ailleurs très contradictoires. Mettez-vous à ma place un instant ! Le lundi, je reçois M. Rousset, le président de l'ARF, et il m'annonce la mort des régions, le retour à l'établissement public régional, la fin de toute politique régionale ambitieuse du fait, je le cite, de la "cantonalisation de la région", de la "cannibalisation de l'intérêt régional par des petites préoccupations départementales" (dixit). Le mardi, je vous reçois Claudy Lebreton et vous m'annoncez la mort du département et dénoncez une tactique cynique du Gouvernement qui avancerait masqué vers la collectivité unique régionale !
La réalité, quelle est-elle, mesdames et messieurs les présidents de conseils généraux ? La vérité, c'est que cette réforme, ce n'est ni la mort des régions ni celle des départements mais l'émergence d'un pôle région-département à travers un élu commun. Ce couple fonctionnera sur ses deux jambes, la région et le département, les deux agissant de concert au service de l'intérêt de leur territoire et de nos concitoyens. L'avenir de ce tandem appartiendra aux hommes qui l'animeront. Il n'y a pas de schéma préétabli, de plan machiavélique dans les tiroirs, de tactique cynique et cachée ! Il y a simplement une nouvelle ambition territoriale assumée pour notre pays.
J'entends ou je lis que le Gouvernement et la majorité qui le soutient chercheraient à casser les départements et les régions parce qu'ils sont majoritairement aujourd'hui dans l'opposition. Est-ce qu'on est véritablement sérieux ? Est-ce qu'on souhaite réduire un débat aux enjeux si fondamentaux pour notre pays et sa compétitivité à de tels débats politiciens ? Qui peut dire qui seront demain les vainqueurs des prochaines élections locales ? On n'engage pas une réforme d'une telle ampleur avec des vues aussi courtes.
Cette idée du conseiller territorial, ce n'est d'ailleurs pas une idée de la seule majorité présidentielle. Je rappelle qu'elle figurait par exemple dans le programme du candidat François Bayrou lors de la dernière élection présidentielle. Je veux aussi saluer ceux qui, à gauche, ont eu le courage de dépasser les petits combats politiciens et de prendre de la hauteur sur cette question. Je pense entre autres à Arnaud Montebourg qui, dès le 7 février 2009, soit bien avant le rapport Balladur, a fait adopter une motion par la majorité du Conseil général de Saône-et-Loire intitulée "Pour une rénovation de l'organisation territoriale de la République" qui préconisait, je cite, que "es élus départementaux puissent également devenir sur la base d'un même scrutin des élus régionaux" et qui fondait l'espoir que ce nouvel élu puisse clarifier dès le début de chaque mandat les compétences des départements et de la région. Chacun mesure bien qu'avec un peu d'effort, on peut sortir des logiques partisanes.
- J'en terminerai sur le conseiller territorial en évoquant, bien sûr, son mode d'élection et en particulier le mode de scrutin.
Le Gouvernement s'est fixé deux objectifs : conserver le lien entre un homme et un territoire d'une part, favoriser la représentation de la diversité des sensibilités politiques dans les assemblées locales d'autre part.
Nous proposerons donc, après avoir consulté tous les responsables des partis politiques, un scrutin mixte, à la fois majoritaire uninominal dans des cantons redessinés et élargis et proportionnel à partir de listes départementales dont la recevabilité obéiront à des critères régionaux. Ce scrutin sera à un tour et toutes les voix seront utiles. Y-a-t-il système plus démocratique ? L'adoption de ce mode de scrutin conduira le Gouvernement à engager un exercice de redécoupage des limites des cantons, qui est, nous le savons tous, une nécessité dans ce pays. C'était d'ailleurs je crois l'une des propositions de l'ADF. En effet, savez-vous qu'aujourd'hui, le rapport entre les cantons les moins peuplés et les plus peuplés va de 1 à 45 ? Cette situation, je crois que nous pouvons tous en convenir, n'est plus tenable.
Alors, ici aussi, j'entends les cris d'orfraie de ceux qui dénoncent promptement la manœuvre politicienne comme j'ai pu le lire. La réponse du Gouvernement est simple. Il reprendra la suggestion du rapport Balladur qui, précisément souhaitait que la question du mode de scrutin du conseiller territorial ne soit pas l'enjeu de procès d'intention politiciens. Ainsi, la première élection du conseiller territorial n'interviendra pas durant ce mandat présidentiel mais en 2014. Qui peut dire à cette date ce que seront les équilibres politiques du moment ?
Ce choix nous conduira donc à proposer de réduire les mandats des conseillers régionaux élus en mars 2010 de 6 à 4 ans et ceux des conseillers généraux qui seront élus en 2011 de 6 à 3 ans. En mars 2014, les citoyens exprimeront, le même jour, de manière claire et cohérente, deux votes : celui pour désigner des majorités communales et donc intercommunales (avec le système du fléchage) et celui qui désignera les conseillers territoriaux qui siègeront à la fois au sein des conseils généraux et régionaux. Pour l'électeur, les choses seront simples, cohérentes et transparentes.
(2) Le deuxième axe de la réforme, c'est de conforter le pôle communes/intercommunalités.
Je ne m'y attarderai pas longtemps ce matin car je crois qu'il y a un relatif consensus sur cet aspect de la réforme.
Nous proposerons donc :
o l'élection au suffrage universel direct des délégués communautaires par fléchage et l'abaissement en conséquence du scrutin de listes aux communes de plus de 500 habitants ;
o l'achèvement de la couverture intercommunale du territoire national fin 2013 ;
o un exercice de rationalisation du périmètre des structures (EPCI et syndicats) pour la fin 2013 et la suppression des pays qui devront se rapprocher des structures intercommunales existantes.
(3) Le troisième axe de la réforme, c'est la liberté de créer des métropoles.
- Tout le monde s'accorde à reconnaître l'importance croissante du « fait métropolitain ». Désormais, les grandes agglomérations, en Europe comme dans le reste du monde, sont en compétition les unes avec les autres. Le développement des grands ensembles urbains, du fait de la concentration des populations et des habitats, réclame des politiques globales de plus en plus intégrées.
Or, notre organisation territoriale n'est pas véritablement adaptée à ce nouveau défi. Bien sûr, les communautés urbaines ont constitué une véritable avancée mais le constat est désormais partagé qu'il faut aller plus loin. C'est ce que le Gouvernement proposera avec un nouveau statut de métropoles.
- Pour ma part, je suis intimement convaincu que la dynamique doit venir des territoires eux-mêmes. Des métropoles imposées par l'Etat, depuis Paris, c'est l'assurance de l'échec et de polémiques inutiles. Faisons confiance aux territoires. Fixons un cap, ambitieux mais réaliste qui soit la première étape de l'émergence institutionnelle des métropoles dans notre pays. Faisons confiance aux élus pour se saisir de ce nouvel outil, le faire évoluer dans le bons sens. Inspirons-nous de la réussite de l'intercommunalité. Et ne nous enfermons pas dans des luttes stériles entre communes, départements et régions qui ne sont pas le sujet.
Aussi, je pense que le statut de ces futures métropoles doit être celui d'un EPCI. Je n'ai jamais été convaincu par l'hypothèse de la métropole-département que j'ai trouvé à mon arrivée place Beauvau et dont je sais qu'elle figure dans le document de travail diffusé aux associations d'élus courant juillet. Je crois que les métropoles ne doivent pas se construire en opposition aux départements et aux régions mais bien dans une logique de complémentarité. Je n'adhère pas, en particulier, à l'idée de transférer automatiquement l'ensemble des compétences sociales des départements aux métropoles. Cela ne m'apparaît ni réaliste ni pertinent.
Le seuil démographique des métropoles pourrait être fixé à 450 000 habitants. Bien sûr, les compétences devraient être plus larges que celles des actuelles communautés urbaines car notre ambition n'est pas de bâtir de simples communautés urbaines ravalées. Il faudra prévoir des transferts de compétences des départements et des régions vers les métropoles afin que ces dernières puissent porter un véritable projet d'aménagement et de développement économique, écologique, éducatif et culturel sur leurs territoires.
(4) Le dernier axe de la réforme, ce sera la clarification des compétences et l'encadrement des cofinancements.
Sur ce point, je vous le dis très directement, je ne souhaite pas un débat théologique sur la clause de compétence générale. Ma démarche est pragmatique. Je suis convaincu que nous pouvons, les uns et les autres, nous accorder sur des principes clairs et simples qui sont en réalité des principes de bon sens :
o la loi doit confier aux collectivités des compétences qui sont en principe des compétences exclusives;
o lorsque le législateur attribue une compétence à une collectivité, les autres collectivités ne peuvent l'exercer à sa place ;
o si une compétence est partagée, le législateur désigne ou laisse aux collectivités le choix de désigner par convention une collectivité chef de file qui encadre l'exercice de cette compétence ;
o La pratique des financements croisés entre les collectivités territoriales doit être limitée aux projets dont l'envergure le justifie ou répondre à des motifs de solidarité ou d'aménagement du territoire. Le maître d'ouvrage doit assurer une part significative du financement.
Sur ce volet complexe de la clarification des compétences et des cofinancements, il faut nous laisser du temps pour engager un véritable travail conjoint, Etat et associations nationales d'élus. Le projet de loi prévoira donc que ce chantier devra aboutir dans un délai de deux ans après le vote de la réforme des collectivités territoriales. Nous aurons donc deux temps dans cette réforme, un premier volet institutionnel et un second sur les compétences et les cofinancements.
IV. Je terminerai en évoquant avec vous la réforme de la taxe professionnelle.
Je souhaiterais, aujourd'hui, vous faire passer trois messages.
- Le premier message est une évidence. Je vous prie de m'en excuser par avance, mais les évidences sont parfois perdues de vue dans notre pays dès qu'on souhaite réformer. Il faut donc le rappeler : ce Gouvernement s'apprête, dans le PLF 2010, à supprimer la taxe professionnelle. Nous devrions tous nous en réjouir. Cet impôt tant décrié, par toutes les majorités depuis 30 ans, cet « impôt imbécile » pour reprendre les mots de François Mitterrand en son temps, nous allons le supprimer. Le Président de la République s'y était engagé. Cet engagement va être tenu. Même si cette réforme est difficile. Si elle était facile, d'ailleurs, cela ferait longtemps qu'elle aurait été faite. Mais c'est une formidable nouvelle pour notre pays et la compétitivité de ses entreprises. Je crois que sur ce point, nous pouvons tous nous rejoindre.
- Le deuxième message est un engagement pris par le Président de la République et le Premier ministre : nous respecterons le principe d'une compensation globale et individuelle des collectivités locales.
Cet engagement, je le réitère devant vous ce matin.
C'est au Parlement qu'il revient désormais de fixer, lors des débats budgétaires, les modalités de cette compensation, pour chaque niveau de collectivité territoriale.
- J'en viens au troisième message : le Gouvernement a écouté, le Gouvernement a entendu, le Gouvernement a compris les attentes des élus et en particulier les inquiétudes des départements sur les ressources de substitution.
Le Gouvernement n'est donc pas figé.
Je peux d'ores et déjà vous confirmer que l'hypothèse technique qui vous a été présentée cet été par les services de Bercy (direction de la législation fiscale) n'est précisément qu'une hypothèse technique : ce n'est pas un choix politique.
C'est le point d'entrée des débats. Ce n'est assurément pas le point de sortie.
Plus précisément, je ferai deux remarques.
1 - Je vous confirme, d'abord, que la suppression de la TP se fera en deux temps. En 2010, les entreprises basculeront dans le nouveau régime. Mais nous devons, me semble-t-il, faire en sorte que cette année 2010 soit, pour les collectivités territoriales, une « année neutre ». Concrètement, nous proposons que les départements bénéficient en 2010 d'une « compensation relais » qui sera égale soit au produit de TP qu'ils auront perçu en 2009, soit au produit des bases de TP de 2010, multipliées par le taux de 2008. On prendrait alors, naturellement, le plus élevé de ces deux montants.
Il me paraît tout à fait essentiel que 2010 soit bien une « année neutre » pour les départements au titre de la TP, car c'est une garantie de stabilité d'une part importante de vos recettes.
Je n'ignore pas la situation financière très tendue à court terme de nombreux départements, qui sont confrontés cette année à un "effet de ciseaux" : augmentation des dépenses de transferts sociaux de l'ordre de 6 à 7%, et diminution des recettes fiscales, marquée en particulier par une chute des droits de mutation, revenant à un niveau proche de celui de 2004.
2 - C'est dans un second temps, en 2011, que la suppression de la TP prendra effet pour les départements, qui bénéficieront alors de nouvelles ressources de compensation.
Lesquelles?
C'est au débat parlementaire de le préciser.
Je le répète : rien n'est figé.
Je crois que chacun s'accorde pour qu'une part substantielle de la nouvelle cotisation assise sur la valeur ajoutée, dite "cotisation complémentaire", soit affectée aux départements.
Cela présente deux avantages. D'abord, c'est une ressource propre potentiellement dynamique, qui maintient un lien entre le département et le tissu économique local. Ensuite, bien que la valeur ajoutée soit nécessairement calculée au niveau de chaque entreprise et non de chaque établissement, c'est une recette qui pourra être répartie en fonction de critères tenant compte de la situation locale. Cela signifie que la répartition sera péréquatrice, et non pas seulement compensée au profit des territoires qui accueillent les entreprises dégageant une forte valeur ajoutée.
Mais je sais aussi que, pour les départements, cette recette présente un inconvénient que je ne sous-estime pas : le taux serait fixé au plan national.
C'est pourquoi, sans remettre en cause les principes de la réforme, nous devons réfléchir à des ajustements.
Pour redonner un pouvoir de taux aux départements, faut-il conserver plus d'impôts ménages à leur niveau ?
Faut-il, en parallèle, accorder une part de « cotisation complémentaire » aux intercommunalités ?
Faut-il s'engager sur d'autres pistes financières, plus innovantes ?
Avec Christine Lagarde et Eric Woerth, je pose ces questions, que nous devons aborder sereinement au Parlement. J'ai chargé Alain Marleix d'être votre interlocuteur privilégié sur ce sujet essentiel et de relayer auprès de moi vos attentes.
Nous serons donc attentifs aux conclusions de la table ronde que vous organisez demain sur ce thème, mais aussi à ce que nous diront l'Association des Régions de France et les associations représentant le secteur communal.
Et c'est au Parlement qu'il revient de décider.
Je fais confiance aux sénateurs et aux députés pour trouver le chemin d'une réforme réussie, réussie pour la création de richesses et d'emplois, réussie pour les collectivités locales, réussie pour notre pays.
***
Voilà, mesdames et messieurs les présidents de conseils généraux, les messages que je souhaitais vous adresser ce matin. J'ai voulu vous parler très directement. J'ai entendu vos attentes et noté les difficultés et les préoccupations qui sont les vôtres. Le Gouvernement s'attachera à y répondre dans les semaines à venir qui verront notre pays aborder un nouveau grand rendez-vous de son histoire institutionnelle.
Je vous remercie de votre attention.