Intervention de M. Brice HORTEFEUX, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales - Saint-Cyr-au-Mont-d'Or
- Seul le prononcé fait foi -
Madame et Messieurs les ministres,
Monsieur le préfet de police,
Messieurs les préfets,
Messieurs les élus,
Monsieur le directeur général de la police nationale,
Monsieur le directeur de l'école nationale supérieure de la police,
Mesdames et Messieurs les commissaires de police,
Mesdames, messieurs.
C'est évidemment à la 60ème promotion de commissaires de police formés, ici, à Saint Cyr au Mont d'Or, au sein de l'école nationale supérieure de la police, que je m'adresse tout particulièrement. Vous êtes désormais munis des insignes de vos fonctions. Je conçois la joie et l'émotion que vous procure le fait de porter ces symboles de l'autorité de l'État et je comprends votre fierté, ainsi que celle de vos familles. Ce sont là des sentiments légitimes.
Dans la vie de chacun, il y a des moments importants, des moments forts qui nous marquent à jamais, par leur charge émotionnelle et par leur solennité. Je suis donc particulièrement heureux, aujourd'hui, de pouvoir partager avec vous un tel moment, celui où le choix que vous avez fait de devenir commissaires de police, d'être au cœur de l'action et de la réflexion, d'agir au service de l'intérêt général, a définitivement pris corps.
I. Devenir policier, ce n'est certainement pas un choix anodin. Cette décision que vous avez prise d'embrasser la carrière de commissaire de police vous honore, bien sûr, mais surtout, elle vous oblige.
(1) Parce que devenir commissaire de police, ce n'est pas faire un choix professionnel comme un autre.
C'est s'engager dans la voie de l'exigence, de l'exemplarité, de la volonté en permanence tendue vers un seul et même objectif : servir nos concitoyens en défendant la première des libertés, la sécurité.
Ce n'est certainement pas la voie de la facilité que vous avez décidé d'emprunter, mais c'est une tâche exaltante que vous avez choisie d'assumer. Elle consiste à répondre, sans faillir, à une triple attente de la population : une attente de protection, une attente d'autorité et une attente de justice.
(2) D'ailleurs, lorsque l'on évoque les fonctions de commissaire de police, peut-on vraiment parler de métier, en tant qu'activité dont on tire ses moyens d'existence ?
Ne doit-on pas plutôt considérer que lorsqu'on est commissaire de police, on fait, à chaque instant, profession d'être pleinement, totalement, entièrement dévoué à sa mission, celle de mettre le droit et la loi au service des autres.
Le préfet Maurice GRIMAUD, que vous avez choisi comme éponyme de votre promotion, le disait lui-même : « être policier n'est pas un métier comme les autres ; quand on l'a choisi, on en accepte les dures exigences, mais aussi la grandeur ».
D'ailleurs, en décidant d'attribuer le nom de Maurice GRIMAUD à votre promotion, vous avez précisément marqué votre attachement aux valeurs et aux principes républicains qui ont guidé son action.
II. Le choix d'un éponyme, pour une promotion, est un acte tout à fait essentiel, car il permet, tout au long d'une carrière, de se remémorer les termes de son engagement, en référence à une personnalité qui touche les esprits au-delà des générations et imprime sa marque dans l'histoire.
(1) Qui était Maurice GRIMAUD ?
- Celui qui s'est éteint le 16 juillet de l'année dernière faisait partie de ces grands serviteurs de l'Etat qui ont consacré toute leur vie au bien public et à l'intérêt général.
Après avoir occupé plusieurs postes de préfet, il fut nommé directeur général de la sûreté nationale en 1963, puis, à 54 ans, préfet de police le 27 décembre 1966, fonctions qu'il occupa jusqu'en avril 1971. C'est surtout dans ce poste qu'il illustre, aux yeux de beaucoup, mais surtout aux yeux des policiers, le haut commis de l'Etat, fidèle aux valeurs républicaines et garant de la continuité de l'Etat dans les périodes de trouble et d'incertitude.
- En matière de gestion de l'ordre public, Maurice GRIMAUD fait figure de visionnaire.
Il a su défendre et protéger les institutions pendant les évènements exceptionnellement difficiles de mai 68, en faisant preuve d'un professionnalisme rigoureux, d'une intelligence aigüe de la situation et d'un sang froid remarquable. Profondément humaniste, admirablement tolérant, adepte d'une autorité mêlant fermeté et ouverture, discernement et pragmatisme, il plaçait l'exemplarité au cœur de l'action policière.
(2) Au nom de la République et de ses enfants, Marianne et Antoine, ici présents, je vous remercie et je vous félicite d'avoir choisi Maurice GRIMAUD pour parrain de votre promotion.
Sous l'influence de son autorité morale, je vous demande d'exercer votre métier avec fierté, tout au long de votre carrière :
o Fierté, d'abord, d'appartenir aux rangs de ceux qui s'engagent au service de la collectivité et qui sont prêts à donner beaucoup d'eux-mêmes en refusant la voie de la facilité ;
o Fierté, ensuite, d'affronter avec courage des situations difficiles, de ne pas reculer devant le danger et de soulager la détresse ;
o Fierté, enfin, de travailler au service d'un même objectif : garantir la sécurité pour tous nos concitoyens, partout sur le territoire.
III. Avant d'affronter les réalités du terrain, vous aurez reçu, ici, une formation rigoureuse, performante et ouverte au monde. Cette formation est indispensable si nous voulons disposer d'une police efficace, proche des citoyens et capable d'anticiper les nouvelles formes de délinquance.
(1) Votre promotion a précisément inauguré un nouveau parcours de formation professionnelle initiale.
Ce cycle comprend un socle en alternance sur 18 mois, individualisé en fonction des acquis, et une période personnalisée d'adaptation à l'emploi, grâce, notamment, à un stage accompagné sur le poste choisi, avant de débuter réellement. Le choix du poste, anticipé au mois de mars, permet ainsi de se familiariser avec le contexte de son futur emploi et de gagner en professionnalisation, ce que facilite l'accompagnement que vous apportent vos collègues titulaires.
(2) L'ENSP est l'école professionnelle des futurs chefs de service de la police nationale.
Elle vous offre tout ce qui est nécessaire à l'apprentissage ou à la consolidation de la connaissance des techniques fondamentales nécessaires à l'exercice des compétences attendues sur le terrain des commissaires de police.
(3) Mais vous ne devez pas oublier la dimension profondément humaine de votre mission.
- D'abord, vous allez diriger des hommes et des femmes placés sous votre autorité.
Vous en serez responsables, c'est-à-dire qu'il vous faudra assumer les conséquences de leurs actes. Vous aurez la charge de veiller aux comportements professionnels de vos collaborateurs et donc au respect de la déontologie. Il vous appartiendra de rappeler sans cesse quelles sont les exigences éthiques de la fonction policière. Seule une police exemplaire, c'est-à-dire agissant dans le respect absolu des valeurs de la République, peut être réellement efficace. Je vous le dis : la déontologie est la condition d'un lien fort et confiant avec la population.
- Il ne faut jamais perdre de vue, aussi, que le citoyen est au cœur de votre action, qu'il soit victime, plaignant, simple usager, témoin ou même auteur.
La police est au service de tous ceux qui aspirent à vivre en paix et en sécurité, mais elle s'adresse, également, à ceux qui transgressent sciemment les règles qu'impose la vie en société, ainsi qu'à ceux qui, sans esprit nécessairement malveillant, commettent des imprudences dont les conséquences peuvent s'avérer dommageables pour autrui.
Il vous faudra faire la part des choses et toujours agir avec discernement. Le développement du sens du discernement est de votre responsabilité car diriger un service, c'est aussi faire preuve de pédagogie auprès de ses collaborateurs.
Celle-ci est d'autant plus nécessaire que c'est souvent à l'occasion des interventions les plus banales que se produisent les incidents les plus dramatiques. C'est bien pourquoi il vous faudra, en toutes circonstances, être exemplaire et veiller à ce qu'il soit fait usage de la parcelle d'autorité dont chaque policier est détenteur dans le respect de l'autre, qu'il soit usager, témoin, victime ou mis en cause.
IV. Dans quelques semaines, vous occuperez votre premier poste de commissaire de police. Quelle que soit votre affectation, vous allez avoir en charge la sécurité des Français. Vous aurez, en ce domaine, une obligation de résultat.
(1) Aujourd'hui, tout se mesure et s'évalue : pour savoir où l'on en est et pour rendre compte de ce que l'on fait.
Derrière les mots, il y a l'action que vous devrez développer au quotidien et cette action se traduit par des chiffres et alimente des indicateurs. La culture du résultat n'est pas qu'un concept ou une ardente obligation ; c'est une nécessité. C'est la recherche permanente de l'efficacité et de la qualité dans les prestations que vous assurez au bénéfice de nos concitoyens.
Grâce à une mobilisation exemplaire de tous les policiers et gendarmes, nous sommes parvenus à bloquer l'augmentation de la délinquance, puis à inverser une évolution qui n'était pas acceptable. Mais nous ne devons pas baisser la garde parce qu'on ne peut marquer de pause lorsqu'il s'agit de la sécurité des Français.
Il faut au contraire aller encore plus loin. Nos concitoyens ne nous demandent pas de remporter des victoires éphémères sur la délinquance ; ils nous demandent, à juste titre, que chaque recul de la violence soit un recul définitif.
(2) Je vous demande donc d'être audacieux et courageux.
Ne cédez jamais au découragement, ne craignez pas les critiques mais seulement l'inaction. Il n'y a pas de pire risque que de n'en jamais prendre. Si vous êtes injustement attaqués, je prendrai les mesures qui s'imposent pour vous défendre. Vous avez mon soutien le plus entier, mais, en contrepartie, j'attends de vous un engagement total et déterminé dans tous les aspects des missions qui vous sont confiées, qu'il s'agisse de garantir la sécurité et la tranquillité quotidienne des Français, de combattre toutes les formes de violence ou encore de lutter contre le terrorisme.
Vous aurez à gérer bien des paradoxes, car nous sommes dans une société qui demande à la fois plus de sécurité et plus de liberté. Aussi, vous devrez, sans relâche, expliquer, renseigner, informer et communiquer sur l'action que vous menez et les résultats que vous obtenez, car le savoir-faire, souvent, n'est reconnu que s'il s'accompagne du faire-savoir.
(3) Je vous demande, tout particulièrement, de veiller à ce que les victimes soient toujours bien accueillies et informées de l'état des affaires qui les concernent.
Vous ne devez jamais perdre de vue votre objectif : mieux protéger. La victime est au centre de notre action. Chaque procédure, chaque dispositif n'a qu'un but : garantir à toutes et à tous le droit à la sécurité. Je vous demande de garder en mémoire que, derrière la froideur des statistiques, derrières les données chiffrées et les techniques policières, il y a des victimes. Faire baisser la délinquance, c'est éviter des traumatismes, c'est épargner des vies, c'est renforcer le tissu de notre société.
X
Mesdames et Messieurs,
Vous le savez, la fonction de commissaire de police est très exigeante et porteuse de nombreuses responsabilités. Pour les assumer, il vous faudra certes de la vitalité, mais, également, le goût de la rigueur et le goût des autres. Votre vigilance devra s'exercer à tout moment et votre attention rester en éveil permanent.
L'ENSP vous a muni d'un solide viatique. Je veux en remercier l'ensemble de l'encadrement de l'école et notamment son directeur qui l'a portée au rang de l'excellence et qui, en cette qualité, participe, aujourd'hui, à sa dernière cérémonie de baptême d'une promotion de commissaires de police.
Le professionnalisme que vous avez acquis au cours de ces deux années de formation, vous l'enrichirez de votre expérience, mais je vous demande de veiller à ce qu'il reste constamment adossé aux principes qui fondent notre République et aux valeurs qu'elle porte. Vous obtiendrez le respect et la reconnaissance par votre sens de l'autorité, votre compétence, votre force de conviction, votre écoute et votre exemplarité.
Mesdames et Messieurs les commissaires, votre carrière s'ouvre sur de hautes responsabilités que vous assumerez au service de la Nation. Elle s'ouvre aussi vers d'autres pratiques, d'autres cultures professionnelles, d'autres partenariats, d'autres pays, avec lesquels nous entretenons des échanges fertiles et dont je salue les auditeurs étrangers.
Vous avez reçu l'écharpe tricolore qui distingue vos fonctions. Sachez-vous montrer dignes des pouvoirs qu'elle vous confère.